Les études biologiques actuelles doivent-elles influencer nos choix thérapeutiques ?

Les études biologiques actuelles doivent-elles influencer nos choix thérapeutiques ?

ÎCommunication 2007. Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés - Rev Pneumol Clin 2007; 63 : 42-48 Les études biologiques actuelles doivent-elles inf...

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ÎCommunication 2007. Elsevier-Masson SAS. Tous droits réservés - Rev Pneumol Clin 2007; 63 : 42-48

Les études biologiques actuelles doivent-elles influencer nos choix thérapeutiques ? D’après la communication de G. Zalcman Service de Pneumologie, Centre Hospitalier Universitaire, Avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex 5, France.

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L

e cas des inhibiteurs de l’EGFR dont les résultats sont spectaculaires dans certains sous-groupes de population, l’effet thérapeutique des anti-VEGF, l’amélioration des connaissances sur la chimiosensibilité, la prédiction pangénomique sont des avancées qui devraient nous faire entrer dans une nouvelle ère pour la prise en charge des cancers du poumon. Cependant, rien n’est simple et si l’avancée des études biologiques va probablement guider nos choix thérapeutiques, tout n’est pas encore réglé à ce jour.

Tableau I. - Taux de réponse en fonction de certaines caractéristiques des patients.

Non-fumeur Survie (mois) Femme Taux réponse Survie (mois) Asiatique Taux réponse Survie (mois) ADC Taux réponse Survie (mois)

IDEAL 1 ?

IDEAL II ?

ISEL 18 vs 5 % 8,9 vs 6,1

BR21 25 vs 4 % HR = 0,4

OR = 2,65 NA

19 vs 3 % NA

15 vs 5 % NS

14 vs 6 % NS

OR = 1,64 NA

?

12 vs 7 % 9,5 vs 5,5

19 vs 8 % HR = 0,6

OR = 3,45 NA

13 vs 4 % NA

12 vs 5 % NS

14 vs 4 % HR = 0,7

Les inhibiteurs de l’EGFR Les inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR sont des inhibiteurs compétitifs de l’ATP, spécifiques de l’activité tyrosine kinase de ce récepteur. Les molécules ayant fait l’objet du plus grande nombre d’études dans le cancer du poumon sont l’erlotinib (Tarcéva®) et le géfitinib (Iressa®). L’étude de phase III BR21 [1] avait comparé chez des patients atteints de cancer du poumon métastatique, l’erlotinib à un placebo après une première ligne de chimiothérapie à base sel de platine. La survie sans progression était meilleure dans le bras erlotinib, le taux de survie à 1 an étant de 31 % dans le bras erlotinib contre 22 % dans le bras placebo (p ⬍ 0,0001). L’analyse de sous-groupes des études IDEAL 1 et 2, ISEL et BR21 avait mis en évidence des taux de réponse au traitement très différents en fonction de certaines caractéristiques cliniques des patients et de certaines caractéristiques histologiques des tumeurs de ces patients (tableau I). Ainsi, a-t-on pu observer que 10 à 15 % des patients étaient répondeurs majeurs aux TKI et que,

parmi ces patients, il y avait davantage de femmes, de non-fumeurs, d’ex-fumeurs ou petits fumeurs ⬍ 10 PA, de patients d’origine asiatique, de tumeurs de type adénocarcinome, plutôt papillaires que mucineux, avec plus fréquemment une composante bronchiolo-alvéolaire (adénocarcinomes mixtes de la classification histologique OMS). Enfin, il avait été observé que la présence d’un rash cutané était un facteur prédictif de réponse. À partir de ces résultats, des études prospectives de traitement de première ligne par TKI n’ont inclus que des patients sélectionnés sur ces caractères prédictifs de réponse. Ainsi, dans une étude coréenne de phase II, 37 patients, non-fumeurs, ont reçu du géfitinib en première ligne. Les taux de réponse était spectaculaires (69 %), la survie médiane sans progression était de 8 mois, la survie médiane globale n’était pas encore atteinte au moment de la présentation des résultats et le taux de survie à 1 an était de 73 %, ce qui se comparait très favorablement aux essais de chimiothérapie en première ligne. La sélection

D’après la communication de G. Zalcman

clinique est donc « la biologie moléculaire du pauvre », mais est-elle suffisante ? Dans nos populations européennes, caucasiennes, de sujets fréquemment fumeurs, avec une prédominance encore masculine, comment prédire la réponse au traitement par TKI ? Une thérapeutique ciblée n’est active que si la cible est exprimée (figure 1). La « mesure » de l’expression de la cible EGFR peut porter sur le gène de l’EGF-R, son ARN ou la protéine.

Figure 1. - Expression nécessaire de la cible d’un traitement.

La technique FISH La méthode FISH permet de révéler, in situ, sur coupe histologique, l’augmentation du nombre de copies du gène de l’EGF-R, soit par amplification (multiplication) du gène sur le même chromosome, soit par multiplication du nombre de chromosomes 7p sur lequel le gène se situe. Une étude ayant porté sur 183 patients traités par géfitinib [2] a montré que les taux de réponse et la médiane de survie étaient meilleurs chez les patients FISH+ que chez les patients FISH–. Les mêmes résultats ont été observés dans l’étude ISEL et BR21 (figure 2). Malheureusement,

Groupe

TTP

Médiane

Survie 1 an

65 %

9

18

68 %

30 %

3

8

37 %

⬍ 0,001

⬍ 0,001

0,002

n

RO

RO + Stab

FISH+

59 (32 %)

33 %

FISH–

124 (68 %)

6% < 0,001

p 100

FISH+

%

80 60

FISH–

40

P-log-rank = 0,002

20 0 0

1

2 Ans après inclusion

3

183 patients traités par géfitinib

Figure 2. - Réponse et survie selon FISH chez des patients traités par TKI. D’après Capuzzo, WCLC 2005.

cette technique s’avère, dans les cancers bronchiques, particulièrement versatile, non reproductible d’un laboratoire à un autre, chère et longue, donc inadaptée à la routine de nos laboratoires hospitaliers d’anatomie pathologique, contrairement au FISH erbB2 dans le cancer du sein. Les résultats de Capuzzo n’ont pas toujours pu être reproduits par d’autres équipes. De plus, la même équipe rapporte désormais des résultats décevants avec cette technique. Ainsi, les résultats de l’analyse biologique en sous-groupes de l’étude TRIBUTE 1 (6 cycles de chimiothérapie associant carboplatine et paclitaxel versus cette même chimiothérapie + erlotinib ont été présentés à WCLC 2007. L’erlotinib était poursuivi jusqu’à progression. Trois cent quatrevingt-dix sept prélèvements ont été envoyés pour réaliser la technique FISH. Cent vingt-deux n’ont pu être exploités (30,7 %) (prélèvements cytologiques seuls ou échantillon biopsique trop petit). Sur les 275 échantillons restants, il y a eu un échec de la technique dans 30 cas (10,9 %), ce qui fait que seuls 245 prélèvements (61 %) sur 397 ont pu être finalement analysés. Parmi ces 245 prélèvements, la FISH était positive dans 100 cas (41 %) et négative dans 145 cas (59 %). La survie sans progression était meilleure dans le bras erlotinib lorsque la FISH était positive, mais pas la survie globale, résultat contradictoire avec les études initiales, et globalement décevant.

Technique par immunohistochimie (IHC) La surexpression de l’EGF-R détectée par IHC varie selon le type histologique. Une méta-analyse réalisée sur 18 études (n = 2 972 patients) a montré que la surexpression de l’EGF-R était observée dans 58 % des carcinomes épidermoïde, 39 % des adénocarcinomes, 38 % des grandes cellules et 0 % des petites cellules [3]. Cette métaanalyse a également montré la grande variabilité des résultats entre les études (27-83 %) et l’absence de valeur pronostique clairement établie chez des patients de stades et de traitements très divers, ce qui tempère les conclusions de cette méta-analyse. Dans l’étude ISEL (Hirsch, ASCO 2007), il n’a pas été possible de démontrer un effet seuil selon le poucentage de cellules marquées par l’anticorps. Il n’y avait pas de supériorité de l’anticorps Dako par rapport à l’anticorps Zymed. Contrairement à ce qui avait été rapporté initialement par les mêmes auteurs [4], cette étude montre l’absence de valeur pronostique ou prédicitve de l’IHC et ce, quel que soit l’anticorps utilisé, le score de postitivité ultilisé, ou le seuil de positivité choisi [5].

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Mutation de l’EGF-R

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Un certain nombre d’équipes a montré que la présence de certaines mutations sur le domaine de liaison à l’ATP de l’EGF-R étaient associées à une meilleure réponse au géfitinib ou à l’erlotinib ainsi qu’à une survie prolongée [68]. Ces mutations de l’EGF-R ont-elles une valeur prédictive ou également pronostique ? Une équipe japonaise a été la première à montrer a montré que la survie était meilleure lorsque les patients traités par géfitinib étaient porteurs d’une mutation de l’EGF-R [9]. Récemment cependant, il a été rapporté que le statut EGF-R peut être discordant entre la tumeur primitive et la métastase. En effet, l’équipe de Park a présenté à l’ASCO 2007, les résultats du séquençage génomique direct réalisé sur 64 tumeurs primitives et 64 métastases de cette tumeur primitive: une mutation a été retrouvée dans 11 cas sur 65 ; dans 5 cas, une discordance entre le statut EGF-R de la tumeur primitive et celui de la métastase a été notée (tableau II). Cette observation, qui nécessite confirmation, complique l’évaluation des articles sur les mutations de l’EGFR, majoritairement réalisés sur des prélèvements sur la tumeur primitive et non les métastases qui pourraient ne pas avoir les mêmes caractéristiques, alors qu’elles font la gravité pronostique de la pathologie tumorale. L’étude TRIBUTE a cependant confirmé la probable valeur pronostique de la mutation de l’EGF-R : la survie était meilleure dans le groupe avec mutation, indépendamment du traitement reçu [10]. Tableau II. - Discordance du statut EGFR entre la tumeur primitive et la métastase (Park, ASCO 2007).

Métastases lymphonodales Mutation– Mutation+ Total

Tumeur primitive du poumon Mutation– Mutation+ n 53 4 57 1 6 7 54 10 64

Au total, peut-on sélectionner de façon fiable les patients bénéficiant d’un TKI de l’EGF-R ? La sélection des patients doit être une priorité, à la fois pour des considérations économiques et également pour des considérations d’efficience : les TKI de l’EGF-R peuvent améliorer les résultats de façon drastique, mais seulement chez un petit nombre de patients ; pour tous les autres, il faut probablement envisager une autre cible thérapeutique. La vraie question est : à quelle étape doit-on sélectionner les patients, en première, seconde ou énième ligne ? Si on s’aide des biomarqueurs de l’EGF-R, on observe une mutation dans 11 % des cas, la FISH est

positive dans 33 % des cas et l’IHC dans 75 % des cas. Dans 20 % des cas, les 3 marqueurs sont négatifs. La mutation de l’EGF-R est plus fréquente chez les femmes, les Asiatiques, les non-fumeurs et dans les adénocarcinomes. La FISH positive est observée dans tous les sous groupes. Ainsi, est-il possible que ces marqueurs apportent des informations différentes, la mutation étant associée à la réponse objective une survie très allongée, la FISH positive étant associée à la réponse, mais surtout à la stabilisation de la maladie [5], donnant lieu certes à un allongement significatif de la survie, mais sans doute moins spectaculaire qu’en cas de mutation, sinon moins relevant cliniquement. De fait, l’obtention d’une réponse chez 9 % des patients ne peut expliquer la totalité du bénéfice de survie dans l’essai BR21 ; il est probable que la stabilisation induite chez certains patients par l’erlotinib explique ce bénéfice global de survie. Pour sélectionner les patients de manière fiable, il faut que les techniques soient sensibles, spécifiques et reproductibles. Les artéfacts de la biologie moléculaire peuvent cependant conduire à des erreurs très grossières [11]. En effet, le séquençage génomique passe par une étape d’amplification PCR globale du gène EGF-R. Des déaminations induites par la fixation et l’inclusion en paraffine des biopsies entraînent de multiples altérations de l’ADN (transitions) pouvant être évitées par la congélation rapide et précoce, mais qui sont inévitables lors de la fixation en paraffine. Lorsqu’on travaille sur de fortes concentrations d’ADN, ces transitions artéfactuelles sont diluées dans l’ADN normal non lésé par la fixation, et le sequençage ne les détectent pas. Lorsque la quantité d’ADN extraite de la paraffine est faible, l’amplification PCR à partir d’un nombre limité de matrices ADN rend possible la détection de ces altérations artéfactuelles de certains brins d’ADN donnant lieu à des fausses mutations, ce qui de fait a été le cas dans l’étude BR21, et rend l’interprétation de l’analyse moléculaire effectuée dans cette étude totalement impossible, car totalement artéfactée. Pour éviter de tels artéfacts sur les biopsies en paraffine, il est donc nécessaire d’utiliser en routine des techniques de PCR spécifiques des allèles mutés (Wave -Surveyor, TaqMan, MASO-PCR...). La technique utilisée à Caen est la Multiplex ASO-PCR. Elle permet de détecter les 14 types d’évènements mutationnels rendant compte de 90 % des mutations décrites de l’EGF-R, celles associées au pronostic et à la réponse tumorale aux TKI. Le prix de la MASO-PCR (temps technicien compris) est estimé à 4 euros/échantillon contre 8 euros pour la DHPLC et 50 euros pour le séquençage. Il s’agit d’une technique coût-efficace. L’expérience du service de Caen montre que les mutations de l’EGFR diagnostiquées par MASOPCR sont associées à un meilleur pronostic sous erloti-

D’après la communication de G. Zalcman

nib, et que surtout des kits commerciaux seront rapidement commercialisés avec ce type de techniques, permettant la démocratisation du diagnostic moléculaire.

Problème de l’émergence de résistance aux EGFR-TKI Résistance primaire La résistance primaire (avant tout traitement) peut être liée au patient ou à la tumeur. Chez certains patients, il peut y avoir des problèmes d’absorption, de métabolisme (en cas de tabagisme par exemple, qui augmente le catabolisme hépatique des TKI) ou des problèmes d’interaction médicamenteuse (anti-H2 par exemple). Un polymorphisme de l’intron 1 du gène EGFR a été décrit, certains allèles étant associés à une moindre expression de l’EGFR et une moindre sensibilité aux TKI. Dans le cas d’une résistance primaire liée à la tumeur, la question est de savoir si la biologie peut les prédire. Une telle résistance primaire pourrait être observée en cas d’activation constitutive, dans la tumeur, de la voie de l’EGFR, en aval du récepteur, soit sur la voie Pi3K-Akt, par perte de fonction de PTEN par exemple, soit par l’existence d’une mutation de K-ras (30 % aux USA, 10 % au Japon), soit enfin par l’activation d’une voie de signalisation parallèle (c-met, IGF-R). Une mutation de K-Ras constitue de fait un puissant facteur prédictif de non-réponse aux TKI [12]. De plus, Marks et al. ont montré dans une série de 300 patients opérés pour un adénocarcinome qu’une mutation K-Ras au niveau de la tumeur constituait un facteur de mauvais pronostic, comparé à l’absence de mutation ou à la présence d’une mutation de l’EGFR, et ce, en dehors de tout traitement par TKI. Enfin, plus simplement, une résistance primaire est observée dans les adénocarcinomes bronchiolo-alvéolaires de sous-type mucineux (TTF1–), ou bien en l’absence d’expression de l’EGFR, lorsque l’IHC et la FISH sont négatives.

Résistance secondaire La résistance acquise aux TKI est observée la plupart du temps chez des patients ayant répondu initialement au traitement. La progression clinique est souvent lente et variable selon les sites. Il existe une incidence élevée d’atteinte du système nerveux central et, dans plus de la moitié des cas, il s’agit de la mutation T790M de l’exon 20, avec une tumeur encore dépendante de la voie de l’EGFR. Dans 20 % des cas, cette résistance secondaire est liée à une amplification du gène c-met. Enfin, dans les 30 % de cas restants, le mécanisme de la résistance secondaire est encore inconnu [13].

Lorsque le mécanisme de résistance secondaire est lié à une mutation T790M, on observe souvent une aggravation rapide des symptômes à l’arrêt du TKI chez des patients qui avaient été initialement répondeurs ou stabilisés [14]. La tumeur étant encore « addictive » à la voie de l’EGFR, ce risque de progression tumorale à l’arrêt du TKI, justifie alors l’utilisation de TKI de seconde génération, dits « irréversibles », car capables d’interagir avec l’EFGR malgré la mutation T790M. À l’inverse, le mécanisme de résistance faisant intervenir c-met rend la tumeur indépendante de la voie de l’EGFR devant faire envisager un autre type de traitement (chimiothérapie, inhibiteurs de mTor, inhibiteurs de VEGFR...). Récemment, des auteurs ont montré qu’in vitro, sur cultures cellulaires, un traitement par erlotinib augmentait les taux d’hétérodimère IGF-1R/EGFR, et l’activation de la voie de mTor, constituant ainsi un autre potentiel mécanisme de résistance secondaire [15]. Un tel mécanisme de résistance pourrait alors être surmonté par l’utilisation d’un anticorps monoclonal dirigé contre l’IGF-1R dont les premiers résultats cliniques de phase 2 ont été présenté au WCLC 2007. Dans cette étude, l’association d’une chimiothérapie à l’anticorps anti-IGF-1R a été comparée à la chimiothérapie seule. Le taux de réponse était plus élevé dans le bras avec l’anticorps quelque soit le sousgroupe des patients, avec en particulier un taux de réponse de 71 % chez les patients atteints d’un carcinome (Karp, WCLC 2007). Particulièrement intéressant, puisqu’il s’agit de la première thérapeutique ciblée agissant sur les carcinomes épidermoïdes. S’il est probable qu’il faille sélectionner les patients devant recevoir un TKI, faut-il le faire en première ou seconde ligne ? L’essai prospectif espagnol TARGET a inclus 1 047 patients avec cancer bronchique: 127 présentaient une mutation de l’EGFR (15 %) ; chez 428 patients chimionaïfs, la mutation de l’EGFR a été retrouvée dans 18,7 des cas. Quarante-sept patients chimio-naïfs présentant la mutation de l’EGFR ont reçu en première ligne de traitement un TKI. Le taux de réponse au TKI était de 82 % (95 % si la mutation concernait l’exon 19 et 67 % s’il s’agissait de l’exon 21), et le taux de survie à 1 an était de 80 %, témoignant de la validité du concept de sélection biologique en première ligne de traitement. Kris a présenté à Séoul cette année, les résultats préliminaires d’un essai américain néoadjuvant par TKI chez des patients atteints d’un cancer bronchique de stade I ou II, avec une composante bronchiolo-alvéolaire et/ou ayant fumé moins de 15 paquets/année (enrichissement clinique). Une recherche de mutation des exons 18-24 était faite sur les biopsies bronchiques diagnostiques. Les patients recevaient 250 mg/j de géfitinib pendant 20 semaines,

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Tableau III. - Caractéristiques des patients (Kris, WCLC 2007). Age moyen Femmes Hommes Cancer stade IV Cancer stade IB Adénocarcinome, subtype mixte, BAC Adénocarcinome BAC pur NSCLC NOS ⱕ 15 paquets de cigarettes/an (12 jamais) ⱖ 15 paquets de cigarettes/an

66 (38-84) 30 (75 %) 10 22 18 19 (48 %) 18 1 2 32 8

CD34/VEGFR-2 flow cytometry Survival rate 1,0

EPC low 0,8

0,6

0,4

EPC high 0,2

p ⬍ 0,001 (log-rank test)

Time (weeks)

0 0

10

20

30

40

50

60

80

70

Figure 3. - Valeur pronostique des progéniteurs circulants des cellules endothéliales (Dome, CCR 2006).

(bevacizumab) Avastin® est un anticorps monoclonal humanisé obtenu par génie génétique, dirigé contre toutes les isoformes du VEGFqui a été testé en phase 2 dans le mésothéliome pleural malin, la tumeur solide exprimant le plus de VEGF. L’analyse finale de cet essai de phase II randomisant en double aveugle contre placebo le bevacizumab en association avec le doublet gemcitabine-cisplatine n’a pas montré de différence entre les deux bras en termes de survie (Kindler, WCLC 2007), ce qui était prévisible pour une étude non dimensionnée pour mettre en évidence des différences statistiquement significatives. En revanche, en analyse de sous-groupe, un taux plasmatique élévé de VEGF, s’est avéré constituer un facteur prédictif de la non-réponse au bevacizumab, mais également un facteur pronostique péjoratif, dans le groupe ne recevant pas de bevacizumab (figure 4).

Anti-angiogéniques

100 100

VEGF ⱕ taux médian

VEGF ⬍ médiane VEGF ⬎ médiane

75 75

Bevacizumab Placebo Survie %

La tumeur maligne induit localement la prolifération de cellules endothéliales et la formation de nouveaux vaisseaux sanguins ou lymphatiques et pour se développer, la métastase doit faire de même. Le VEGF est un facteur clé pro-angiogénique. Certaines études ont montré que la présence de VEGF dans le sang de patients atteint de cancer avait une valeur pronostique [16]. De même, dans les CBNPC, la présence de progéniteurs circulants des cellules endothéliales (CD34/ VEGFR-2), détectés par cytométrie de flux, ou immunohistochimie au sein du tissu tumoral, semble avoir une valeur pronostique (figure 3) [17]. Le RhuMab anti-VEGF

Survie %

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puis étaient opérés. La recherche de mutation de l’EGFR était répétée sur la pièce opératoire. Le géfitinib était poursuivi pendant 2 ans chez les patients répondeurs ou porteurs de la mutation sur l’exon 19 ou 21. Les résultats concernent pour le moment 40 patients dont les caractéristiques sont résumées dans le tableau III. La recherche de mutation sur les biopsies bronchiques a été possible dans 17/18 cas (94 %). Une mutation de l’EGFR a été observée dans 33 % des cas et une mutation de K-Ras dans 10 % des cas. Les résultats étaient parfaitement concordants entre les biopsies bronchiques et la pièce opératoire. Trente-neuf patients sur 40 (98 %) ont eu la totalité du traitement préopératoire par géfitinib. Le taux de réponse à 3 semaines était de 33 % (13/40). Le taux de réponse était de 77% en cas de mutation sur l’exon 19 ou 21 et de 11% en l’absence de mutation sur les exons 18-24. Il n’y a eu aucune complication postopératoire. Seize patients répondeurs et/ou porteurs d’une mutation de l’EGFR, et ont reçu géfitinib en postopératoire. Bien qu’il s’agisse de résultats préliminaires, les taux de survie à 1 et 3 ans sont impressionnants (respectivement de 100 % et 94 %), plaidant pour la sélection biologique des patients, pour un traitement de première ligne par TKI, en l’occurrence ici néoadjuvant.

50

50 Taux médian de VEGF = 144 pg/ml 25

25

p = 0,014 p = 0,043 Mois

0 0

12

24

36

VEFG prédictif

48

Mois

0 0

12

24

36

48

VEGF pronostique

Figure 4. - Valeur prédictive et pronostique du VEGF circulant (Kindler, WCLC 2007).

D’après la communication de G. Zalcman

L’essai de phase 3 IFCT 07-01 « MAPS » comparera le triplet cisplatine-pemetrexed-bevacizumab à la chimiothérapie de réference du mésothéliome pelural malin inopérable, le doublet cisplatine-pemetrexed, et comportera des analyses sanguines, notamment de la concentration en VEGF, pour confirmer ce rôle prédictif éventuel de la réponse au bevacizumab du taux de VEGF qui permettrait de sélectionner les patients pouvant bénéficier de ce traitement.

CT adjuvante pemetrexed-CDDP pour tous

n = 60

2:1

R

Tt à la carte

n = 120

n = 180 Recherche mutation EGFR

Positive (10 %) n = 12 Erlotinib 1, 2 ans ?

Négative (90 %) : IHC ERCC1 n = 108

ERCC1 + (50 %) n = 54

ERCC1 - (50 %) n = 54 ou indéterminé

Abstention ?

Conclusion Les avancées biologiques nous permettent déjà une réflexion visant à adapter la stratégie thérapeutique des cancers du poumon, mais le chemin est encore long. Nous avons abordé la question des thérapeutiques ciblées, mais des progrès ont également été fait dans la compréhension des mécanismes de résistance à la chimiothérapie. L’étude biologique bio-IALT rapportée par J.-C. Soria avait porté sur l’étude de la protéine ERCC1 en IHC sur les pièces opératoires. Sept cent quatre-vingt-trois patients avaient été inclus dans l’essai clinique de chimiothérapie adjuvante de phase 3 IALT, et 461 ont pu être analysés pour ERCC1 : 335 patients (44 %) étaient positifs pour ERCC1. Il semble que l’expression de ERCC1 soit un facteur pronostique favorable (patients dans le groupe observation, p = 0,008) et qu’il n’y ait pas de bénéfice de la chimiothérapie adjuvante dans le groupe exprimant fortement ERCC1 (p = 0,4) [18], ce qui permettrait, si cela était vérifié par d’autres études, de sélectionner les patients pouvant bénéficier de la chimiothérapie adjuvante. De la même manière, l’expression de RRM1 semble être un facteur prédictif de non-réponse à une chimiothérapie associant gemcitabine et carboplatine. L’équipe de Zheng a montré que l’expression de RRM1 était un facteur de bon pronostic et que l’expression simultanée de RRM1 et de ERCC1 (30 % des patients) était encore plus favorable. Toutes ces données nous ont amené à mettre en place un groupe de travail dans le cadre de l’IFCT pour concevoir un essai de traitement adjuvant comparant un traitement à la carte, en fonction des caractéristiques biologique des tumeurs à un traitement standard non à la carte (figure 5). Ainsi, on le voit, si de nombreuses études de validation doivent encore être réalisées, la biologie a fait irruption dans notre quotidien et risque de profondément modifier nos indications thérapeutiques dans les prochaines années, nos choix thérapeutiques pouvant être déterminées par des facteurs biologiques prédictifs de réponse mis en évidence sur les tumeurs des patients, tant vis-àvis des thérapeutiques ciblées que vis-à-vis de la chimiothérapie classique.

CT CDDP-based CDDP-pemetrexed

Figure 5. - Projet IFCT d’un essai « à la carte ».

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