ENFANT ET SOCII~TI~
les families d'enfants handicapes de la detresse & la reconnaissance. de I'hSpital psychiatrique I'etablissement specialise. de I'education precoce a I'integration H. H A M E L , A . - M . D R O U E T - P I ~ R I L L O U X , O. D I A L L O , S. I V A I N E R
L'arrivee dans une famille d'un enfant porteur d'un handicap mental est un traumatisme. La particularite du handicap mental tient a ce qu'il concerne ce qui specifie I'homme dans son essentiel, c'est4-dire son intelligence et tout le fonctionnement du processus identificatoire. La ddtresse des parents se manifeste de fa~ons vari~es et dans des champs differents aussi bien psychologique que social.
Cet article a ete redig~ par H. HAMEL avec I'aide des docteurs : A.- M. DROUET-PERILLOUX : psychiatre au SESAD d'Alen(~on. S. IVAINER : p~diatre, centre hospitalier d'Alen(~on. O. DIALLO : p~do-psychiatre, praticien au CHS d'Angers. H. HAMEL, Psychologue clinicien, Directeur du SESAD de I'Orne, 2, rue du Temple, 61000 Alen~on. 40
notion d'identite
NGOISSE, agressivit~, culpabilitS, manif e s t a t i o n s d d p r e s s i v e s s o n t a u t a n t de manifestations que l'on peut constater dans ces situations. En fair, cette dStresse dolt &re rep~rSe dans u n : e n s e m b l e plus large qui renvoie ~i l'identitS. Cette notion d'identit8 ne renvole pas pour moi ~i u n e d~finition prdcise, mais au rappel de l'existence d'un vaste ensemble de processus interactifs. Ces processus s'exercent, d'une part entre un i n d i v i d u et son e n v i r o n n e m e n t , d'autre part ~i l ' i n t & i e u r de chaque individu ~ u n niveau donn8 mais aussi entre des niveaux tr~s diff&ents comme par exemple le niveau neurobiologique et le niveau identificatoire.
A
U n d y s f o n c t i o n n e m e n t dans l ' u n des niveaux entraTne une vacillation de <, identitY.
Comit~de lecture Article regu le 15/10/92. Accept~ le 3/11/92. Journal de PE~DIATRIE et de PUERICULTURE n ~ %1993
ENFANT ET SOClI~TI~ Une r ~ q u i l i b r a t i o n de l'identitd peut &re acquise par une action au niveau qui est en dysfonctionnem e n t mais cette r4~quilibration p e u t , du fait des processus interactifs, r 4 s u h e r d ' u n e action ~i des niveaux tr~s diff&ents de ceux qui sont en dysfonctionnement. Si route naissance entra~ne p o u r les parents une vacillation d'identit~, cette vacillation est de fagon habituelle corrig~e sans intervention sp4cifique. La r~quil'ibration de l'identitd des parents d ' u n enfant handicap4, qui est essentielle et p o u r les parents et pour l'enfant, p e u t passer par diff&entes modalit~s mais elle ne passe pas par la disparition du handicap de l'enfant. Ce d~sdquilibre de l'identit~ p o u r les parents se fonde dans un a c h o p p e m e n t du processus de reconnaissance qui c o m m e n c e au niveau de l ' e n f a n t et qui se r~p~te sons des formes vari&s. C'est une v6ritable faille qui s'ouvre entre l'enfant imaginaire et cet enfant avec son h a n d i c a p m e n t a l tel q u ' i l est rep&6 ou suspectd et projet~ dans l'avenir. Les difficult& ~ reconna~tre cet enfant entrent en vibrations avec tout ce qui est en jeu dans le processus d'identification personnelle et de reconnaissance p o u r chacun des p a r e n t s d a n s l e u r r e n c o n t r e avec e u x m~mes, c o m m e avec les autres. Ils vont d&ormais se voir et &re vus c o m m e parents d ' u n enfant handicap6 avec le s e n t i m e n t d ' u n regard jet~ sur eux par la soci&d, le mddecin, la famille et au sein du couple entre eux. Tout enfant est ~i sa connaissance reconnu ~t la fois c o m m e different et c o m m e reliC, m a i s en ce qui concerne l'enfant handicapd mental, la diff4rence est repdrde essentiellement en termes de manque, dans ce qui est essentiel pour l ' h o m m e . L'enfant risque donc de dispara~tre en tant que personne derriere le handicap qui le repr~sente. Dans une ~<~volution spontan~e >,, deux modalit~s extremes r aux parents c o m m e s u p p o r t pour r ~ q u i l i b r e r leur identit6 : soit le rejet de l ' e n f a n t : la difference est lfi reconnue mais dans sa dimension d'insoutenable ; - soit la confusion pour chacun des parents de sa propre identit~ avec celle de l'enfant, annulant ainsi l ' i n s o u t e n a b l e de la d i f f & e n c e mais r i s q u a n t d u m~me coup de faire dispara~tre l'enfant en tant que personne. -
annonce du handicap L ' a n n o n c e d u h a n d i c a p r e p r d s e n t e un t e m p s essentiel dans la d y n a m i q u e de la situation. I1 est ndcessaire de ne pas r~duire dans ce t e m p s l'identit4 de l'enfant ~i son handicap. II est aussi ndcessaire de ne pas laisser d & a b l i r la confusion entre identit~ Journal de PI~DIATRIE et de pUI~RICULTURE n~ 1-1993
des parents et identit~ de l'enfant ou tout au moins de se donner les moyens de lever p r o g r e s s i v e m e n t cette confusion. I1 y a donc l~i ~i m e t t r e en place un processus de reconnaissance r&iproque entre les parents et Penrant, et entre les parents et celui ou ceux qui vont participer fi l'annonce. Ceci n&essite une ~valuation des capacit~s et des limites des parents p o u r pouvoir les soutenir et les accompagner dans Faccompagnem e n t q u ' e u x - m ~ m e s auront fi faire de cet enfant. Ceia d e m a n d e aussi d ' 6 v a l u e r et de s o u t e n i r les capacit& de l'enfant au lieu de ne m e t t r e en 4vidence que ce qui dysfonctionne ou risque de dysfonctionner chez lui. Au m o m e n t de l'annonce, il est impossible de faire P & o n o m i e du traumatisme. Plus tard, il y aura p o u r les p a r e n t s le risque de confondre le t r a u m a t i s m e lid au handicap et le traum a t i s m e li6 ~i l ' a n n o n c e de ce h a n d i c a p , c e t t e annonce f o n c t i o n n a n t 6 v e n t u e l l e m e n t c o m m e un souvenir ~cran. Le t e m p s de l'annonce ne doit pas ~tre consider6 c o m m e un t e m p s isol4 mais c o m m e le d4but d ' u n processus d ' a c c o m p a g n e m e n t , p e r m e t t a n t la m4tabolisation du t r a u m a s t i s m e et la rd~quilibration de l'identitd des parents en m ~ m e t e m p s que l'acc~s de l'enfant ~ sa propre identit~ dans un processus de diff4renciation. Ce processus de diff&enciation est d ' a u t a n t plus d~licat que certains de ces enfants ne p o u r r o n t &re soutenus par leurs parents queen &ant tr~s p r o c h e s d ' e u x alors q u e p o u r d ' a u t r e s c ' e s t l'~norme difficult6 ~i s'approcher qui primera. Ce processus d ' a c c o m p a g n e m e n t s'effectuera dans diffdrents champs. Le c h a m p mddico-dducatif va de l'annonce ~i l ' a c c o m p a g n e m e n t des parents (jusqu'~i une dventuelle psychoth~rapie) p e r m e t t a n t la diff4renciation des identit6s. D a n s le c h a m p social, on doit d i s t i n g u e r p l u sieurs niveaux. 9 A l'6chelon global de la socidt~ le c h a n g e m e n t d ' i m a g e de l'enfant handicap4 a profond~ment & o lud depuis 25 ans, et les parents peuvent ~tre reconnus ~ une tout autre place. Leurs difficult~s ~ventuelles li6es ~i la pr6sence de l ' e n f a n t p e u v e n t ne plus &re confondues avec le handicap de cet enfant. 9 C e p e n d a n t , ~i l ' & h e l o n i n d i v i d u e l l'arrivde d ' u n enfant handicapd est p o u r ses parents un traum a t i s m e toujours aussi fort. La reconnaissance de cet enfant c o m m e la reconnaissance de leur valeur pour chacun de ces parents dans leur rapport entre eux et dans leur rapport ~ autrui doit se donner les moyens de s'&ablir. Ces moyens ont sans doute dvolu~ du fait m ~ m e du c h a n g e m e n t de regard jet~ ~i l'6chelon de la soci&4 sur le handicap, mais chaque p a r e n t aura ~i trouver les m o y e n s d'~quilibrer son identitd sur un c o n c e p t d y n a m i q u e et o u v e r t de 41
ENFANT ET SOCII~TI~ ['integration et le refus d u rejet et de l'exclusion porteurs de pulsions de mort.
r61e d e s a s s o c i a t i o n s Les associations de parents ont sans aucun doute jou~ un r61e essentiel dans l'~volution de la place offerte k l'enfant handicap6. Uaide que les associations peuvent amener k chaque parent n'est pas univoque et est fonction de Phistoire de chacun et de ses modalitds de reactions au niveau de son identit4. Ainsi, une proposition d'adh6sion ~t une association peut ~ u n m o m e n t d ~ v o l u t i o n &re vdcue par un p a r e n t c o m m e le r e j e t p o u r l u i - m ~ m e dans le monde des handicap~s, alors que cette proposition un autre m o m e n t d'dvolution pourra @tre entendue c o m m e u n signe de r e c o n n a i s s a n c e possible et comme venant affirmer une possibilitE de r4~quilibration de son identit6. Le r d i n v e s t i s s e m e n t de leur i d e n t i t 6 par les parents est un travail n6cessaire qui peut s'effectuer par des voies qui sont propres ~ chacun, mais ce travail ne dolt pas &re c o n f o n d u avec celui qui est n~cessaire k l'enfant pour acc4der ~t sa propre identit6. Dans ces situations, la notion de difference tend d i s p a r a ~ t r e d e r r i e r e c e l l e de m a n q u e et ~ se confondre avec elle. II est donc essentiel de perm e t t r e un r~investissement k tous les niveaux de cette notion de diffSrence dans la plSnitude de sa valeur. Ceci concerne le regard des parents sur Fenrant et leurs relations, mais concerne tout autant le regard de la soci&~ ou des mSdecins sur Penfant et sur les parents et leurs relations. La reconnaissance hier de l'~ducabilit8 de Fenfant handicap~ ~i partir des &ablissements sp~cialisSs a permis de faire dispara~tre le sentiment de d&resse, mais il faut aller plus loin dans la m~tabolisation des 8 m o t i o n s , dans la c o n s t r u c t i o n d ' u n e r~elle dignitY, p r e n a n t appui sur une nouvelle identit~ sociale plus humaine. Cette vole est celle de Pint& gration et Finsertion de FSducation spScialis&.
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La notion de respect en tant que valeur &hique reconnaissant la difference a u t r e m e n t qu'en terme de manque ou de pas ,, assez ~, permet de poser u n regard neuf et d~sali~nE sur le handicapS, U i n d i v i d u face au m a n q u e de Fautre est interpelld sur son p r o p r e m a n q u e . L ' a c c e p t a t i o n de l ' a u t r e passe d ' a b o r d par le degr4 d ' i n d u l g e n c e envers soi-m~me et on peut conclure en disant que ce qui nous est insupportable chez ou dans l'autre, dest d'abord ce qu~on ne supporte pas dans ou pour nous-m~mes. C'est le processus de liaison et son d~veloppem e n t par le c h a m p c o m m u n i c a t i o n n e l , la parole, qu'aux injustices indvitables de la vie on ne r@onde pus par des injustices sociales qu'on peut ~viter ou corriger. 9
Bibliographie 1. CYRULNIK.- La naissance des sens. Sous le signe du Lion. Ed. Hachette.
2. Annonce du handicap et prise en charge precoce. CTNRHI, mars-juin 1991. 3. DELLA-COURTIADE CL. - Elever un enfant handi-
cap& ESP, juin 1989. 4. GUTTON Ph. - Le b e b e du psychanalyste. Ed. Centurion. 5. LEBOVlCl M. - Guide des personnes handicap~es, de leurs parents et leurs amis. UNAPEI. 6. PIAGET. - La formation du symbole chez I'enfant. Ed. Delachaux-Niestl& 7. RANK O. - Le traumatisme de la naissance. Ed. Payot. 8. REIK Th. - Le m a s o c h i s m e . Ed. Payot. 9. REtKTh. - Mythe et culpabilite. Ed. PUF. 10. ROUSSEAU R. - Mon enfant, mort amour. Ed. Balland. 11. ROZAN ML. - Ondine, d6p6che-toi de marcher. Ed. AIbin Michel.
Journal
de PI~DIATRtE et de PUE~RICULTURE n ~ 1-1993