Les indications de la curiethérapie de prostate par implantation permanente

Les indications de la curiethérapie de prostate par implantation permanente

Cancer/Radiother 2002 ; 6 : 154-8 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1278321802001634/SSU Les indications...

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Cancer/Radiother 2002 ; 6 : 154-8 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1278321802001634/SSU

Les indications de la curiethérapie de prostate par implantation permanente L. Chauveinc1*, T. Flam2, S. Solignac1, J.C. Rosenwald1, N. Thiounn2, F. Firmin1, J.M. Cosset1 1

Départements de radiothérapie, institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75005 Paris, France ; 2clinique urologique, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

RE´SUME´ Dans les dix dernières années, la curiethérapie prostatique par implantation permanente s’est imposée comme une réelle alternative thérapeutique dans le traitement des cancers localisés de la prostate. La publication récente de résultats à 10-12 ans montre des résultats équivalents, pour une population sélectionnée, à ceux de la chirurgie et de la radiothérapie conformationnelle, avec un faible taux de complications. Les critères de sélection ont bien été définis par les sociétés savantes : tumeur classée T1 ou T2, concentration sérique de PSA < 10 ng/mL, score de Gleason < 7. D’autres facteurs peuvent influencer le choix du traitement : Le nombre de biopsies positives et l’IRM endorectale, qui évaluent le risque de rupture de la capsule, sont à l’étude ; un volume prostatique de plus de 60 mL et/ou une mobilité réduite des hanches rendent l’application plus difficile ; d’importants troubles obstructifs pré-thérapeutiques exposent à une rétention aiguë d’urine ; les antécédents de résection endoscopiques exposent à une incontinence résiduelle. La curiethérapie prostatique est donc un traitement efficace du cancer localisé de la prostate, mais pour une population sélectionnée. La qualité des résultats débute par la qualité de cette sélection. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cancer de la prostate / curiethérapie / iode 125 / prostatectomie totale / radiothérapie

ABSTRACT Indication of brachytherapy of prostate with permanent implants. In the last decade, brachytherapy emerged as a particularly appealing new way ot treating localized prostate cancer. Recently published 10-12 years biochemical control results appear to be superimposable to the best percentages

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (L. Chauveinc).

achieved by surgery or conformal radiotherapy, with a small percentage of complications. This applied to severely patients. Only patients with T1/T2, PSA < 10 ng/mL, and Gleason score < 7 should be proposed such a treatment. The potential benefit of exploring patients with a endorectal coil MRI is being evaluated. The number of positive biopsies is also a parameter which should probably be considered in the therapeutic choice. Moreover, a prostate volume > 60 g, hip mobility limitations, a urinary obstructive syndrome and previous transuretral resection lead to difficulties in technical implantation and therefore must be taken into account when discussing brachytherapy. In conclusion, for adequately selected patients, brachytherapy offers a particularly applied alternative to surgery and external radiotherapy, with satisfactory long term biochemical control rates and limited complications. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS prostate cancer / brachytherapy / iodine 125 / radical prostatectomy / radiothérapy

Avant l’apparition de la curiethérapie, le traitement du cancer de prostate cliniquement localisé reposait sur la prostatectomie totale ou la radiothérapie. La chirurgie était considérée comme le traitement de référence pour les cancers localisés chez les patients ayant une espérance de vie supérieure à dix ans. À partir de 1995, le nombre de prostatectomies réalisées aux États-Unis a fortement diminué devant l’apparition d’autres techniques, radiothérapie conformationnelle et curiethérapie, principalement à cause de ses complications. On estimait, en 1996, qu’à partir de 2005, le pourcentage de patients ayant un cancer de prostate cliniquement localisé traité par prostatectomie totale passerait de 85 à 33 %, alors que le nombre de patients traités par implants radioactifs augmenterait de 4 à 36 % et de ceux traités par irradiation de 10 à 30 % [1]. En réalité, le nombre de curiethérapies aurait dépassé celui des prostatectomies dès l’année 2000, ce qui n’est pas sans poser quelques questions [10].

Curiethérapie de prostate par implantation permanente

Plusieurs techniques de curiethérapie prostatique existent. Les indications de chacune sont différentes. Il peut s’agir d’une implantation temporaire après une radiothérapie externe, soit de bas débit de dose, avec une expérience française importante [15], soit de haut débit de dose ou d’une implantation permanente, exclusive, ou en complément d’une radiothérapie externe. Nous ne parlerons ici que des indications des curiethérapies permanentes exclusives. La principale série américaine est celle de Seattle, qui a débuté il y a plus de 13 ans [22], mais d’autres ont suivi rapidement. Le nombre de patients traités est donc élevé. Les indications initiales étaient très larges et, au cours de temps, les bonnes indications ont pu être démontrées. Aujourd’hui, les critères de sélection pour une curiethérapie exclusive sont bien définis par les sociétés savantes [4, 8, 17]. La sélection des patients est donc l’étape importante dans le choix thérapeutique. La curiethérapie exclusive doit être réservée, comme la chirurgie, à des patients atteints d’une tumeur localisée à la prostate, strictement intraprostatique. Elle ne traite que le tissu tumoral intraprostatique ou, dans certains cas, immédiatement extracapsulaire [26]. Le problème est de déterminer exactement le caractère strictement intraprostatique de la lésion tumorale. Il est déterminé a contrario par l’absence de signes d’extension extraprostatique. D’après Partin et al. [18], le bilan repose sur l’examen clinique par le toucher rectal, la concentration sérique de PSA, le grade histologique de la tumeur (Gleason). Il semble nécessaire d’y ajouter les caractéristiques des biopsies faites sous contrôle échographique [23], la scintigraphie osseuse, la scanographie pelvienne, et l’IRM avec antenne endorectale. Nous verrons aussi les contre-indications au traitement. BILAN DE LA MALADIE

Évolution régionale et générale Les gestes à visée curative ne sont réservés qu’aux cancers localisés. Dans un premier temps, après le diagnostic de cancer, il est nécessaire de proposer un bilan d’extension. Il doit comporter une scanographie abdominopelvienne à la recherche de ganglions métastatiques et une scintigraphie osseuse à la recherche de métastases osseuses. Pour les patients atteints de cancer de pronostic favorable (T1/T2, PSA ≤ 10 ng/mL et score de Gleason < 7), la sensibilité la scanographie est discutée [18]. En effet, elle ne donne que des renseignements sur la taille des ganglions et des curages systématiques ne retrouvent que 4 % d’atteintes ganglionnaires chez ces patients. Elle n’est pas discutée chez les autres patients.

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Ces remarques sont aussi valables pour la scintigraphie osseuse. Le taux de positivité est faible chez les patients candidats à la curiethérapie.

Évolution locale Le stade clinique Le toucher rectal reste un examen important dans le choix thérapeutique. Il permet, d’emblée et à moindres frais, d’éliminer les tumeurs de stade T3. La curiethérapie est en principe réservée aux tumeurs classées T1 ou T2a. Les indications pour les tumeurs de stade T2b doivent donc être posées avec précautions. L’apport des autres critères peut s’avérer important. La concentration sérique du PSA Elle est en général lié à l’importance de la maladie. Si le stade T1c et le score de Gleason 6, le cancer est intraprostatique dans 78 % des cas pour un PSA < 4ng/mL, de 67 % pour un PSA entre 4 et 10 ng/mL, de 55 % pour un PSA entre 10 et 20 ng/mL, et de 35 % pour un PSA > 20 ng/mL. Si les stade est T1c et le score de Gleason de 7, ces taux sont respectivement de 78, 49, 35 et 18 % [19]. Pour la curiethérapie, les résultats sont équivalents. Le taux de récidive biochimique est de 0 % pour un PSA ≤ 4 ng/mL, 14 % pour un PSA de 4,1 à 10 ng/mL, 21 % pour un PSA de 10,1 à 20 ng/mL et 58 % pour un PSA > 20 ng/mL [25]. Pour Blasko et al. [6], les patients ayant une concentration de PSA > 20 ng/mL avaient un taux de survie sans récidive de 80 % à cinq ans, contre 98, 90 et 89 % pour les patients ayant une concentration de PSA avant traitement respectivement de < 4 ng/mL, de 4 à 10 ng/mL et de 10 à 20 ng/mL. Mais dans cette série, un grand nombre de patients avait eu une association de radiothérapie et de curiethérapie, ce qui limite les différences entre les groupes. La concentration initiale de PSA a été un facteur pronostique important et le risque de récidive a été relié à la concentration de PSA avant traitement. L’ABS (American Brachytherapy Society) ne préconise la curiethérapie que pour les patients dont la concentration sérique de PSA est < 10 ng/mL [17]. Le score de Gleason Le score de Gleason est aussi un facteur limitant dans l’indication d’une curiethérapie exclusive. Indépendamment du risque d’envahissement extraprostatique, ce score évalue aussi la probabilité d’évolution de la maladie [3]. Ainsi, les probabilités de décès par cancer de la prostate sont de 10, 25, 50 et 80 % environ pour les patients atteints des tumeurs de scores de Gleason respectivement de 5, 6, 7 ou de plus de 7.

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Pour la curiethérapie, il est aussi l’un des principaux facteurs pronostiques d’efficacité. Pour les patients atteints de cancer de risque évolutif intermédiaire (T2b, PSA entre 10 et 20 ng/mL ou Gleason 7), le taux de récidive biochimique est de près de 90 % à trois ans, ce qui est significativement plus bas qu’avec la radiothérapie et la prostatectomie radicale. Avec l’ajout d’une hormonothérapie néoadjuvante, les résultats deviennent équivalents, à stade égal, à ceux des autres traitements [11]. Un score supérieur à 7 n’est contre-indique la curiethérapie, sans hormonothérapie. Certains auteurs préconisent l’utilisation de Palladium. Ce radioélément à demi-vie courte serait plus efficace pour les tumeurs de score de Gleason élevé [20]. Aucune confirmation n’existe actuellement. Le nombre de biopsies positives Plusieurs auteurs [7, 24] ont suggéré d’inclure, en plus du score de Gleason calculé sur les biopsies, le pourcentage de biopsies positives, défini par le nombre de sextants envahis par la tumeur. Ce paramètre donne un reflet indirect du volume tumoral [2], étroitement lié au risque d’extension extraprostatique [16], indépendamment de la concentration sérique de PSA ou du score de Gleason [12]. Actuellement, aucune étude n’a été entreprise sur le rôle du nombre de biopsies positives et les résultats de la curiethérapie. L’IRM endoréctale Dans la découverte des ruptures de la capsule ou des envahissements des vésicules séminales, l’IRM est l’examen le plus fiable pour identifier un envahissement tumoral extra-prostatique. Sa spécificité est excellente, de 96 à 100 % [9]. Malheureusement, sa sensibilité est faible, de 40 à 50 % selon les études [9]. Elle détecte les envahissements importants, mais non les envahissements microscopiques. D’Amico et al. [13] ont montré, tout de même, que l’adjonction de l’IRM endorectale permettait une détection des cancers de stade pT3 de façon plus fiable que la concentration sérique de PSA et le score de Gleason, surtout pour les patients atteints de cancer de gravité intermédiaire (PSA de 10 à 20 ng/mL et score de Gleason de 5 à 7). Pour la curiethérapie, le problème est légèrement différent. Contrairement à la chirurgie, le traitement est délivré à quelques millimètres de la capsule. Si une rupture importante existe, la probabilité de couvrir la maladie dans sa totalité est faible. En revanche, en cas d’envahissement microscopique, la curiethérapie pourrait permettre une bonne couverture de la maladie. Cette hypothèse n’a, pour l’instant, pas été confirmée par la littérature, car l’IRM n’est pas un examen standard dans le bilan des patients traités aux États-Unis.

Le volume prostatique Le volume prostatique est une limite technique à la curiethérapie. Si la prostate est volumineuse (plus de 60 cm3), elle déborde fréquemment en avant et latéralement, de sorte que l’implantation des aiguilles est bloquée par l’arche pubienne. Cette interférence pubienne peut être prévue, en cas de doute, par l’analyse d’une scanographie préopératoire, montrant que la portion la plus large de la prostate se superpose à la portion la plus étroite de l’arche pubienne. Dans ce cas, un traitement hormonal de trois mois peut diminuer le volume de la prostate pour permettre l’implantation [14]. LE PATIENT

Bilan d’opérabilité La moyenne d’âge des patients atteints de cancer de la prostate est souvent élevée. De nombreuses maladies peuvent y être associées, principalement cardio-vasculaires. La curiethérapie nécessite une anesthésie générale ou, au minimum, une rachianesthésie. Avant toute décision thérapeutique, un avis des anesthésistes est obligatoire. Au moindre doute, une radiothérapie conformationnelle devra être proposée. En effet, si le plus faible taux de complications tardives justifie l’existence de la curiethérapie, les résultats à long terme sont équivalents à cinq et dix ans avec les trois thérapeutiques possibles [11]. Un risque anesthésique élimine donc la curiethérapie et la chirurgie.

Antécédents de résection endoscopique L’étude de Ragde et al. [21] a montré l’augmentation du nombre d’incontinences chez un patient ayant eu une résection endoscopique. Une incontinence est observée chez 12,5 % des patients après une résection endoscopique, contre 0 % sans résection. Ce risque, non retrouvé par certaines équipes [27], ne doit faire poser l’indication chez ces patients qu’avec beaucoup de précautions.

Bilan urinaire Après curiethérapie, le score I-PSS (score international des symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate) peut doubler dans les trois mois suivant l’application [29]. Les risques de rétention et de troubles urinaires gênants (grades II et III) augmentent donc avec les signes obstructifs urinaires pré-thérapeutiques. Ainsi, pour l’équipe du Mount Sinaï Hospital de New-York, le taux de rétention aiguë est de 2 % si le score I-PSS est inférieur à 10, de 11 % si le score est situé entre 11 et 20, et de 29 % s’il est supérieur à 20 [29].

Curiethérapie de prostate par implantation permanente

En cas de rétention, la sonde peut rester en place pendant plusieurs mois [5] et déboucher sur une résection endoscopique, avec une possibilité d’incontinence urinaire [21]. Ce critère est donc important et doit être expliqué aux patients.

La mobilité des hanches La position du patient sur la table chirurgicale impose une bonne mobilité des hanches. En cas de mobilité limité, l’arche pubienne peut gêner, voire empêcher la mise en place des aiguilles supérieures. CONCLUSION La curiethérapie est un traitement à visée curative du cancer de la prostate localisé strictement intraprostatique. Dans une population sélectionnée, les résultats sont équivalents à ceux de la chirurgie et de la radiothérapie externe. La sélection des patients est donc l’une des étapes capitales du traitement. Les indications sont maintenant bien définies par les sociétés savantes [4, 8, 17]. Les indications indiscutées sont des tumeurs classées T1/T2a, lorsque la concentration sérique de PSA est < 10 ng/mL et le score de Gleason < 7, en tenant compte des contreindications que nous avons citées plus haut (patient opérable, pas d’antécédent de résection endoscopique, volume de la prostate inférieur à 60 cm3). Sous couvert d’une IRM et d’une hormonothérapie néo-adjuvante [11, 28], les indications pourraient s’élargir aux patients atteints de tumeur de score Gleason 7 et dont la concentration sérique de PSA est de 10 à 15 ng/mL. RE u FE u RENCES 1 Therapeutic options available for treating prostate cancer. 1996 : The BBI Newsletter ; vol 14. 2 Ackerman D, Barry J, Wicklund R, Olson N, Lowe B. Analysis of risk factors associated with prostate cancer extension to the surgical margin and pelvic node metastasis at radical prostatectomy. J Urol 1993 ; 150 : 1845-50. 3 Albertsen PC, Hanley JA, Gleason DF, Barry MJ. Competing risk analysis of men aged 55 to 74 years at diagnosis managed conservatively for clinically localized prostate cancer. JAMA 1998 ; 280 : 975-80. 4 Ash D, Flynn A, Battermann J, de Reijke T, Lavagnini P, Blank L. ESTRO/EAU/EORTC recommendations on permanent seed implantation for localized prostate cancer. Radiother Oncol 2000 ; 57 : 31521. 5 Blasko J, Fisher M, Grimm P, Sylvester J, Meier R, Cavanagh W. Urinary retention following guided brachytherapy for prostate cancer : incidence and risk factors. Annual brachytherapy meeting GECESTRO, 2001, Stressa. 6 Blasko JC, Wallner K, Grimm PD, Ragde H. Prostate specific antigen based disease control following ultrasound guided 125-iodine implantation for stage T1/T2 prostatic carcinoma. J Urol 1995 ; 154 : 1096-9. 7 Borirakchanyavat S, Bhargava V, Shinohara K, Toke A, Carroll PR, Presti JC. Systematic sextant biopsies in the prediction of extracapsular extension at radical prostatectomy. Urology 1997 ; 50 : 373-8.

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