Nutr. Clin. Metabol. 1989 ; 3 : 166-168
Les infections secondaires aux cath6t6rismes veineux Christian Brun-Buisson Service de reanimation m6dicale, H6pital Henri Mondor, Cr6teil.
cependant que l'intlammation du site d'insertion n'est pas un signe fiable d'infection et que les signes de phlebite ne t6moignent d'une infection que dans 20 % des cas. L'existence d'une suppuration au point d'insertion est 6videmment tr6s evocatrice d'infection. Les voies veineuses p6tipheriques doivent, en principe, 6tre changees toutes les 48 heures, ce qui limite les tisques de phl6bite et d'infection, et permet de conserver le capital veineux en laissant la veine perfus6e au repos pour un usage ulterieur. La suspicion d'infection entraine le retrait du cath6ter qui est alors mis en culture.
D6finitions - Physiopathologie
Les infections sont une complication frequente des techniques de perfusion intraveineuse. I1 faut cependant distinguer des infections veritables les phlbbites de perfusion qui, outre l'infection, reconnaissent de nombreuses autres causes (action toxique directe des medicaments, effet irritant m6canique du cath6ter, etc.). Une phl6bite peut survenir dans 20 30 % des cas de perfusions peripheriques, et est associ6e une lois sur cinq dune infection. Ceci situe l'incidence th6orique des infections secondaires a la voie veineuse/l 5-10 %. Neuf lois sur 10 cette infection est secondaire ~ila colonisation du cath6ter lul-m6me, une lois sur 10 a la contamination du matetiel de peffusion. L'infection du cath6ter est g6n6ralement secondaire/L la colonisation du trajet sous-cutane du catheter d partir de son orifice d'entree cutane jusqu'/l sa portion intravasculaire [ 1]. Les bacteries de la t o r e cutan6e normale (staphylocoque coagulase negatif notamment et staphylotoque dote) ou de la t o r e de substitution (ent6robact6ties, pyocyanique, ent6rocoques, levures) viennent coloniser le manchon fibtineux g6n6ralement forme autour du catheter dans sa portion intravasculaire, et de l~i peuvent essaimer dans la circulation. La colonisation du cath6ter peut 6galement se faire par voie endo-luminale, selon deux autres mecanismes, de fr6quence diversement appreci6e : soit par contamination exteme lors des manipulations des robinets ou du pavilion du cath6ter [ 2] (voie du <~hub ~ de Sitges-Serra), ou par colonisation interne directe de l'extr6mit6 intravasculaire du catheter lors de bact6riemie provenant d'un foyer septique ~t distance [ 3].
Le diagnostic clinique d'infection sur voie centrale est plus difficile en l'absence de signe patent de suppuration locale, du fait de l'impossibilit6 d'examiner la veine perfus6e. En pratique, le probl6me diagnostique est pos6 par un malade cath6t6ris6 qui devient febrile de fa~on mal expliqu6e par aiUeurs : l'infection secondaire au catheter est fortement suspect6e chez un malade qui n'a pas d'autre foyer septique potentiel, mais il est diflicile de trancher chez un malade presentant un ou plusieurs autres foyers septiques potentiels [3]. L'existence d'une bact6fi6mie, notamment h staphylocoque - surtout coagulase n 6 g a t i f - ou Candida all cours de la nutrition parent6rale prolong6e est un 616ment d'orientation non n6gligeable dans la mesure ofl ces germes ont peu vraisemblablement pour origine un autre foyer septique associ6. Si le malade est d6ja trait6 pour cette bacteriemie ou septic6mie, la persistance du syndrome infectieux malgr6 le traitement oriente 6galement vers la responsabilite du corps btranger ~il'origine du syndrome. La persistance d'hemocultures positives sous traitement indique g6neralement une thrombophl6bite suppur6e.
Diagnostic microbiologique (tableau I). Quoi qu'il en soit des donn6es cliniques, le seul moyen d'affirmer avec certitude l'infection sur cath6ter est de le retirer et de le mettre en culture. Le diagnostic microbiologique a largement b6n6fici6 des techniques de culture quantitative. I1 est bien 6tabli que les methodes classiques de culture en milieu liquide manquent de sp6cificit6. En effet, la moindre bact6rie recueiUie lors du pr616vement du catheter - qu'elle soit pr6sente sur la peau ou darts le liquide de perfusion, ou
Diagnostic
Le diagnostic clinique d'infection sur vole veineuse pbriphbrique est g6n6ralement relativement ais6 du fair de la facilit6/l examiner quotidiennement le site d'insertion du cath6ter et les anomalies provoqu6es sur la veine perfus6e. Rappelons Correspondance: C. Brun-Buisson, service r6animation m6dicale, H6pital H. Mondor, 94010 Cr6teil.
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C. BRUN-BUISSON
Tableau I : Diagnostic des infections secondaires aux perfusions.
un examen direct par coloration de Gram soit du cath6ter lui-m6me [5], soit de son empreinte sur lame [6]. La presence d'un nombre significatif de bacteries par champ de microscope est bien corr61ee avec les r6sultats de la technique de culture semi-quantitative [5 ]. Cette technique est utile s'il n ' y a pas de suppuration au point d'entree du cath6ter.
a. Diagnostic pr~coce : coloration de Gram (catheter ou empreinte) b. Diagnostic par culture : - Infection par contamination du liquide de perfusion : culture du perfusat. - Infection par colonisation du catheter : culture du catheter - Technique semi-quantitative (Maki et coll., 1977) - Technique quantitative (Cleri et coll., 1981) (Brun-Buisson et coll., 1987).
Peut-on pr~dire l'infection des catheters ? Quelles que soient les techniques utilisees pour affirmer l'infection du catheter, il faut bien reconnaitre que plus d'un catheter sur deux sera enleve alors que l'infection suspectee cliniquement n'existe pas. Certains auteurs ont donc essay6 de developper des techniques visant d predire l'infection du cath6ter avant son ablation. Elles s'adressent soit fi la culture de portions accessibles du mat6riel, jug6es representer ou pr6c6der l'infection du catheter lui-m6me, telle la culture par ~couvillonnage du point d'entr~e du catheter [7] ou la culture de son pavillon [2], ou d'affirmer l'infection intravasculaire du catheter par les techniques d'h~mocultures comparatives entre le sang prelev6 par le cath6ter et par voie periph6rique [8]. Les cultures du point d'entree du catheter ont une bonne valeur pr6dictive (environ 70 %) et surtout negative. On manque d'informations suffisantes sur la valeur des cultures du pavilion ou raccord. Les techniques d'h6mocultures reclament une evaluation quantitative, ce qui n'est pas aise en pratique courante. De plus, les r6sultats publics en sont discordants et on ne peut indiquer le seuil de positivite. La combinaison des deux techniques (ecouvillonnage du point d'entree et h6mocultures quantitatives) pourrait 6tre utilisee dans certains cas particuliers off l'on souhaiterait conserver le cath6ter en place et ne pas l'enlever inutilement. A mi-chemin entre le diagnostic et la therapeutique se situe la technique qui consiste a ~changer le cathOter sur un guide mOtallique [9]. Ceci permet de conserver la voie veineuse, tout en permettant le diagnostic d'une eventuelle infection, voire m6me de l'61iminer. Cette technique n'a pas et6 testee suffisamment en reanimation polyvalente pour pouvoir 6tre recommandee en routine. Elle est probablement utilisable au cours de la nutrition parenterale [9] et dans certains cas particuliers (malades d'h6matologie notamment chez qui les risques li6s fi la pose d'un nouveau cath6ter seraient grands), mais ceci dans certains cas seulement, fonction du malade et des germes impliques. L'attitude pratique varie ensuite selon les resultats de la culture du catheter 6change: si celle-ci montre une concentration significative de germes, notamment de staphylocoque dore ou de candida, le 2 ~cath6ter dolt 6tre eniev6. Dans les autres cas, on peut se contenter d'une surveillance, voire d'un traitement <~catheter en place >>.
c. Diagnostic pr~dictif fl'infection avant l'ablation : - Prel~vement (ecouxdllon) du site d'insertion - Gram ~_ culture (quantitative) (Snydman et coll., 1982) - Hemocultures semi-quantitatives - par catheter ~__ p~ripheriques - Cultures du pavilion ou raccord (?)
venue contaminer le pr616vement lors des manipulations ulterieures - donnera une abondante culture en 24 heures. Pour pallier cet inconvenient, Maki et coll. [1] ont d6veloppe une technique de culture semi-quantitative (consistant ~ fouler l'extremit6 du catheter sur une boite de gelose, incubee 24 h), permettant de compter le nombre de colonies ainsi recueillies a la surface du cath6ter. Cette technique offre une bonne approche du diagnostic, en eliminant une bonne partie des cath6ters qui sont settlement contamines. Selon ces auteurs, un chiffre de 15 unites formant colonies (UFC) permet d'atftrmer l'infection du catheter. En fait, si la sensibilite de cette technique est tr6s bonne, sa specificit6 est m6diocre, de l'ordre de 0,2 a 0,5 seulement ; dans la grande majorite des cas d'infection sur catheter avec bacteriemie, la culture de l'extr6mite du catheter est positive a plus de 10 3 UFC. La technique dite ~ de Maki >~ garde neanmoins une grande valeur 6pidemiologique, mais n'est pas tr6s utile pour le diagnostic d'un syndrome febrile chez un malade donn6. C'est pourquoi nous avons adapt6, pour la routine du laboratoire, une technique quantitative decrite par Cleri et coll. [4], dans laquelle le cath6ter est mis dans 1 ml d'eau sterile, vigoureusement agite (grgce / t u n vortex) pendant 1 min, puis 0,1 ml de la suspension est 6ta16 sur une g61ose et mis en culture. Dans ces conditions, la technique apptiquee aux cath6ters veineux centraux rnaintenus en place plus de 48 heures donne, avec un seuil de positivit6 de 103 UFC, une sensibilit6 et une sp6cificite toutes deux supedeures a 95 % pour le diagnostic d'infection, que celle-ci soit bact6riemique ou non [3]. Lorsqu'un diagnostic rapide et une orientation sur le germe en cause sont necessaires, il est possible de realiser
Traitement L'attitude th6rapeutique usuelle - et recommandee - en cas d'infection de cath6ter est l'ablation du materiel etranger (tableau II). Dans bien des cas, ceci suffit d la gu6rison du syndrome infectieux, notamment lorsqu'il s'agit d'infection a staphylocoque coagulase n6gatif, 167
LES I N F E C T I O N S S E C O N D A I R E S A U X C A T H E T E R I S M E S V E I N E U X site antibiotherapie et anticoagulants ; la ligature veineuse haute n'est qu'exceptionnellement justifiee. C h e z certains malades, il est possible de traiter l'infection en m a i n t e n a n t le catheter en place lorsque l ' o n n e desire pas echanger le catheter. Ceci se pratique en hematologie, essentiellement lors d'infections /t staphylocoque coagulase-negatif, mais l'experience m a n q u e p o u r les infections dues a d'autres germes. Cette attitude n ' e s t pas raisonnable p o u r les infections fi Staphylococcus aureus. La duree du traitement (infection n o n compliquee) est d'une dizaine de jours. Chez les malades aplasiques, le traitement est maintenu jusqu'a la fin de l'aplasie et/ou l'ablation du catheter.
Tableau H : Attitude pratique en cas de suspicion d'infection. • D a n s la majorite des cas : - - ,
Cas particuliers • -
-
ablation culture (Q ou SQ)
Risque de repose d ' u n KT estime 61eve Hematologic (thrombopenie) Certains cas de nutrition parent6rale
------------+ 1. Tentative de confirmation du risque d'infection : Culture du point d'insertion + bemocultures quantitatives par cath6ter
Bibliographie
.~ 2. Confirmation et traitement : Echange sur guide metallique + culture (Q ou SQ) du 1er catheter
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-
Positif
Negatif continuer la Autres germes
l
Ablation 2 ~ catheter
surveillance
Traitement < ?
Q = quantitative SQ = semiquantitative
d'enterobacteries o u d'enterocoques. U n e t h r o m b o p h l e bite suppuree superficielle necessite u n e anfibiothSrapie ; certaines thrombophl6bites, n o t a m m e n t dues ~t Staphylococcus aureus ou Candida, necessitent frequemment l'excision de la veine, surtout lorsque les hemocultures restent positives malgre l'ablation du materiel. Une thrombophlebite profonde (sous-claviere, jugulaire interne) neces-
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