Les interventions préventives en santé mentale du jeune enfant vues par leurs bénéficiaires : l’exemple du projet CAPEDP

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ScienceDirect Pratiques psychologiques 19 (2013) 203–220

Psychologie clinique

Les interventions préventives en santé mentale du jeune enfant vues par leurs bénéficiaires : l’exemple du projet CAPEDP Participants’ perception of a perinatal home visiting program conducted by psychologists: The CAPEDP project T. Saïas a,∗,b,k , C. Delawarde c , É. Pintaux d , S. Favriel e , C. Ménier a , I. Matos a , R. Dugravier f , F. Tubach g,h,i , A. Guédeney i,j,k , T. Greacen e a

Laboratoire de psychopathologie et processus de santé, université Paris-Descartes, 71, avenue Edouard-Vaillant, 92774 Boulogne-Billancourt cedex, France b Département de psychologie, université du Québec à Montréal, H3C 3P8 QC Montréal, Canada c CERMES3, CNRS UMR 8211, EHESS, université Paris Descartes, Sorbonne Paris-Cité, Inserm U988, 75270 Paris cedex 06, France d Conseil Général de Seine-et-Marne, 77100 Meaux, France e Laboratoire de recherche de l’EPS Maison-Blanche, 75020 Paris, France f Institut de puériculture, 75014 Paris, France g Département d’épidémiologie et recherche clinique, hôpital Bichat, AP–HP, 75018 Paris, France h Inserm, CIE801, 75018 Paris, France i Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, 75013 Paris, France j Hôpital Bichat, AP–HP, 75018 Paris, France k Inserm U669, PSIGIAM, Maison-de-Solenn, 75014 Paris, France Rec¸u le 19 septembre 2013 ; accepté le 17 octobre 2013

Résumé Dans le champ de la santé mentale, les interventions à domicile se développent depuis 40 ans. L’étude actuelle décrit le point de vue d’un échantillon de participantes au premier projet expérimental d’intervention de promotion de la santé mentale à domicile en France. Des entretiens qualitatifs ont eu lieu avec 16 participantes. L’analyse montre que leur expérience de la recherche était positive. Elles ont souligné la souplesse du dispositif, la qualité de l’intervention en termes de guidance, de soutien psychologique et la qualité de la relation avec les intervenantes. Les critiques concernaient l’inexpérience



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Saïas).

1269-1763/$ – see front matter © 2013 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2013.10.003

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des intervenantes, l’absence de contacts avec d’autres parents, les difficultés liées à l’arrêt de la recherche et la place insuffisante laissée aux pères. La discussion porte sur les enseignements à tirer de l’expérience des bénéficiaires de cette intervention pour le développement d’actions préventives. © 2013 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Étude qualitative ; Prévention ; Parentalité ; Programme ; Santé mentale

Abstract Objective. – Home-visiting programs have become one of the most popular early childhood interventions, though their impact on parents and children remain uncertain. Outcomes measures often rely on experimental quantitative design and little space is offered for the voices of those served by these interventions. This paper presents the results of a qualitative protocol performed by the research team with participants in the CAPEDP project which took place in France from 2005 to 2011. Method. – All 184 women who had accepted at least one home visit in the CAPEDP programme were contacted and invited to participate. Individual and group interviews were conducted with the first 16 who accepted to participate. The semi-structured interview schedule addressed their overall appreciation of the project, their initial concerns, the quality of their relationship with their home visiting psychologist, positive and negative aspects of the intervention and any recommendations they might have for future interventions. Interviews were recorded, transcribed and anonymised. An inductive categorical thematic analysis was performed by the research team. Results. – Participants expressed overall satisfaction with the CAPEDP intervention, underlining the quality of the relationships with the home visitors, usefulness of parental guidance, the fact that the intervention could be adapted to suit their own personal agenda, routine and needs, the importance of learning how to accept help and give help to others. Less positive aspects included the fact that the home visitors were not mothers themselves and that they lacked technical experience, the difficulty ending the relationship at the end of the 27-month project, insufficient integration of fathers, the difficult and time-consuming evaluation protocol and the lack of interaction with other parents during the intervention. Conclusion. – Although mothers who accepted to participate in the qualitative interview schedule may have had a more positive overall experience of the CAPEDP project than those who declined to participate, participants’ points of view provide potentially useful indications for adapting future home-visiting programs to the French context. © 2013 Société franc¸aise de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Qualitative analysis; Mental Health Promotion; Parentality; Home-visiting program.

1. Introduction Dans le champ de la santé des jeunes enfants, les interventions préventives à domicile centrées sur la promotion de la santé mentale se développent dans différents contextes internationaux depuis les années 1970 (Kahn & Moore, 2010) et de manière plus récente en France (Dugravier, Guédeney, Saïas, Greacen, & Tubach, 2009), au travers de la mise en place de projets expérimentaux (Tubach et al., 2012). Considérant que les environnements socioéconomiques nocifs à la santé affectent la santé des familles et des enfants (Kovess, 2009 ; Marmot, 2006 ; Segre, Losch, & O’Hara, 2006 ; Von Rueden, Gosch, Rajmil, Bisegger, & Ravens-Sierberer, 2006) et qu’ils contrecarrent la possibilité pour les familles vulnérables d’accéder aux services de droit commun, les praticiens et chercheurs engagés dans le développement d’actions préventives ont cherché à développer des interventions proactives ciblées. Ces interventions prennent place au domicile

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de familles identifiées comme étant vulnérables et volontaires pour recevoir des interventions précoces (débutant le plus souvent en période prénatale), intensives (ces programmes prévoient environ une visite toutes les deux semaines) et prolongées (d’une durée de 2 à 5 ans) (Gomby, 2005, 2007). Les stratégies utilisées relèvent de l’éducation pour la santé et de la promotion de la santé mentale. Les résultats de ces programmes sont encourageants mais restent hautement dépendants de leur contexte d’implantation. Seule la moitié des programmes publiés montre un impact sur les enfants concernés (Kahn & Moore, 2010). Les questions de l’évaluation (Kahn & Moore, 2010), de l’implantation (Durlak & DuPre, 2008), de la fidélité à l’intervention (Saïas et al., 2012) et de la capacité de ces programmes à retenir les familles (Gomby, 2007) sont régulièrement mises en avant pour expliquer leurs réussites comme leurs échecs. Les familles participant à ces interventions restent relativement peu associées à l’évaluation de l’implantation ou des résultats des programmes, la logique évaluative reposant sur des paradigmes évaluatifs issus des modèles de santé publique, généralisés dans ces modèles d’intervention. Les programmes de ce type doivent en effet, pour être diffusés, pouvoir faire l’objet d’une évaluation réplicable standardisée (Delawarde, Briffault, & Saïas, 2013). De nombreux auteurs ont ainsi appelé au développement d’études d’implantation et qualitatives destinées à investiguer les processus sous-tendant la réussite des programmes d’intervention, en portant une attention particulière aux acteurs de ces interventions. Cependant, les études portant sur les professionnels ont dans ce champ pris le pas sur les études qualitatives centrées sur les bénéficiaires (Hebbeler & Gerlach-Downie, 2002 ; Krysik, LeCroy, & Ashford, 2008 ; Lecroy & Whitaker, 2005). L’étude actuelle décrit le point de vue de mères ayant participé au premier programme expérimental d’intervention préventive à domicile mené en France et destiné à des familles en situation de vulnérabilité psychosociale : le projet Compétences parentales et attachement dans la petite enfance : diminution des risques liés aux troubles de santé mentale et promotion de la résilience (CAPEDP) (Saïas et al., 2013). 2. Méthodologie 2.1. Le projet CAPEDP Le projet CAPEDP consistait en une implantation et une évaluation d’un programme de visites à domiciles mené auprès de jeunes mères volontaires, recrutées sur la base de facteurs de risque pour la santé mentale de l’enfant, identifiés dans la littérature scientifiques. Il s’agissait d’un essai randomisé contrôlé où les participants bénéficiant de l’intervention CAPEDP étaient comparés à un groupe témoin recevant les soins habituellement dispensés en France pour les jeunes mères. Les jeunes mères rencontrées au sein de dix maternités franciliennes devaient, pour participer à la recherche : • être primipares; • être âgées de moins de 26 ans et ; • présenter au moins l’un des trois critères suivants : ◦ avoir un niveau d’éducation inférieur à 12 années (niveau bac), ◦ et/ou se déclarer socialement isolées ◦ et/ou bénéficier de la CMU ou de l’AME.

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Un total de 440 participantes ont été recrutées de 2006 à 2009 et 222 ont été randomisées vers le groupe « intervention CAPEDP ». Les visites CAPEDP, menées à domicile par des psychologues cliniciennes, commenc¸aient au septième mois de grossesse pour se poursuivre environ deux fois par mois jusqu’au deuxième anniversaire de l’enfant. Un manuel d’intervention proposant des contenus à aborder avec les familles était utilisé par les psychologues-intervenantes, qui négociaient les objectifs d’intervention avec les familles. Des outils spécifiques, par exemple la vidéoscopie (Guedeney & Tereno, 2012), étaient également proposés aux familles. Les intervenantes-psychologues étaient âgées de 23 à 34 ans au moment de leur recrutement. Toutes ont rec¸u une formation spécifique aux objectifs de la recherche avant leur première visite de terrain. Les objectifs principaux de cette intervention étaient (a) de réduire la psychopathologie des enfants de deux ans en agissant notamment sur (b) la dépression post-natale et (c) le développement de compétences parentales. Le protocole (Tubach et al., 2012) et l’intervention (Saïas et al., 2013) sont décrits ailleurs et les résultats de cette recherche sont publiés par ailleurs. Une étude de la fidélité à l’intervention CAPEDP (Saïas et al., 2012) a mis en évidence que les principales composantes de l’intervention étaient respectées lors des visites à domicile, mais que les conditions de vie précaires de la plupart des familles recrutées avaient un impact majeur sur la conduite de l’intervention. Les psychologues ont ainsi dû passer un temps important à soutenir ces familles dans leurs démarches, en leur apportant un soutien particulier au regard des stresses psychosociaux rencontrés. Certaines thématiques d’intervention, prévues dans le canevas d’intervention CAPEDP, ont en réalité été moins adressées qu’initialement prévues : l’éducation à la santé des familles, l’adaptation de l’environnement au développement de l’enfant, le projet de vie de la mère ou encore la logistique du quotidien, le support du père et le jeu avec l’enfant. 2.2. Protocole qualitatif Cet article porte sur les entretiens réalisés auprès des mères ayant participé à la recherche. La participation à des entretiens a été proposée par deux assistants de recherche, au téléphone ou par courrier postal, à l’ensemble des femmes ayant participé au programme. Seize mères ont répondu favorablement à l’invitation de l’équipe de recherche. Les entretiens, individuels ou en groupe avaient lieu au sein d’un Centre médicopsychologique ou dans les locaux de l’équipe de recherche. Les personnes y participant recevaient un chèque cadeau de 50 D . Les entretiens ont été menés par le chef de projet ou par le responsable méthodologique de la recherche. La grille d’entretien semi-directif a été inspirée de celle réalisée dans le projet Preparing for Life, projet d’intervention similaire à CAPEDP et réalisée par l’équipe de recherche du Dr. Orla Doyle du University College Dublin, avec autorisation. Cette grille questionnait : • • • • • •

le sentiment global par rapport au projet ; les attentes initiales des participantes ; la qualité des relations avec l’intervenante à domicile ; les bénéfices perc¸us de la participation à CAPEDP ; l’inscription du projet dans la vie quotidienne ; les problèmes rencontrés et les recommandations des participants pour le futur développement de ce type d’intervention.

La durée moyenne de ces entretiens était de 61 minutes (39 à 86 minutes) L’ensemble des entretiens ont été enregistrés après consentement éclairé, transcrits et anonymisés.

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2.3. Analyse des résultats Les entretiens transcrits ont fait l’objet d’une analyse thématique par codage, regroupement et catégorisation répétées jusqu’à saturation des thématiques présentes (Gray, 2009) suivant une approche d’analyse catégorielle de contenu (Strauss & Corbin, 1990). Les entretiens étaient analyses par trois assistants de recherche et le responsable méthodologique. D’une première étape, trois entretiens étaient analysés par tous les investigateurs et des catégories de réponse étaient identifiées pour chacune des trois principales questions de l’entretien semi-structuré (le vécu du projet par la mère, ses recommandations pour d’autres projets de ce type, sa situation actuelle). Ensuite, les catégories identifiées étaient utilisées pour catégoriser les autres entretiens. Le responsable méthodologique vérifiait la maîtrise de la méthode de catégorisation pour les deux premières analyses de chaque investigateur. Si un investigateur identifiait une nouvelle catégorie, il en faisait part au groupe, qui décidait de son inclusion ou non dans la grille de catégorisation. Dans l’étape finale de l’analyse, l’équipe a regroupé les catégories dans des thèmes conceptuels. À la suite de cette phase de catégorisation, l’ensemble des entretiens ont été repris et le vécu de chaque participante a été confronté par deux chercheurs à la grille des catégories obtenues, afin de faire émerger d’éventuelles données singulières signifiantes. 2.4. Profil des participantes Seize femmes ont répondu à l’invitation de l’équipe de recherche de relater leur expérience lors de quatre entretiens individuels et quatre entretiens de groupe. En tout, 14 des 16 participantes avaient rec¸u l’intégralité du programme CAPEDP : 32 visites en moyenne jusqu’au deuxième anniversaire de l’enfant. Les deux autres participantes avaient souhaité arrêter le projet avant son terme : une avait rec¸u trois visites jusqu’au 18e mois de son enfant et l’autre sept visites jusqu’au sixième mois de son enfant. 3. Résultats Le Tableau 1 récapitule l’ensemble des thématiques et catégories identifiées dans l’analyse des entretiens. 3.1. Les attentes initiales des participantes au projet Les participantes interrogées ont peu fait état d’attentes particulières par rapport au programme d’intervention, ou de motivation spécifique lors de leur recrutement en maternité. Certaines femmes ont évoqué une curiosité par rapport au projet de recherche : « J’ai compris qu’il y avait un projet et que je suis invitée et j’ai tout de suite dit “oui”, plutôt par curiosité, mais c’est très lentement après que je commenc¸ais à comprendre comment c¸a va se passer. », ou l’intérêt perc¸u d’une visite régulière d’une personne avec laquelle échanger : « Cela m’a été présenté de fac¸on gaie, légère, je n’étais pas obligé de faire ceci, cela, c’était simple, vous lisez bien le document, ce n’était pas trop compliqué. Une visite de temps en temps pour discuter. ».

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Tableau 1 Synthèse des résultats. Thème

Catégories

Attentes initiales des participantes

Curiosité Intérêt d’une visite régulière Intérêt pour la guidance parentale Méfiance

Apports de CAPEDP pour la famille

Satisfaction globale Guidance parentale Soutien psychologique Réassurance Lutte contre l’isolement Espace de parole Aborder son projet de vie Apprendre à demander de l’aide Apprendre à recevoir de l’aide

Relations avec les intervenantes

Grande proximité Compétence et motivation Disponibilité et adaptabilité Capacité de réassurance Intérêt d’une présence extérieure Intérêt d’une professionnelle rencontrant d’autres familles Relation de dépendance

Inscription de CAPEDP dans la routine quotidienne

Adaptation de l’intervention aux rythmes et aux besoins Rythme trop fréquent Possibilité d’arrêter à la demande

Limites et recommandations

Pas de bénéfice perc¸u Inexpérience des intervenantes Incompétence technique des intervenantes Longueur des visites Pas de rencontres avec d’autres participants Difficulté de l’arrêt à 2 ans Place insuffisante laissée aux pères

Autres thématiques

Les critères d’inclusion Relations avec les autres professionnels de santé Différences avec la PMI ou autres professionnels L’évaluation CAPEDP L’intérêt porté sur l’ensemble de la famille La culture des participantes La capacité à aider les autres

La motivation la plus fréquemment évoquée est celle de la guidance parentale, pour ces jeunes femmes primipares. « L’intérêt de la recherche, elle m’a expliqué que c’était pour moi aussi par rapport à mon enfant. Je me suis dit que peut-être comme c’est mon premier enfant je ne sais pas comment. . . comment prendre, je suis sans parents, je suis sans l’appartement et tout et tout. » Plusieurs participantes ont évoqué une certaine méfiance par rapport aux motivations de l’équipe de recherche :

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« Nous, avec mon ancien conjoint, on s’est méfiés au début. On n’avait pas compris ce que c’était. On croyait que c’était plus un truc d’assistant social qui venait surveiller les mères jeunes. » « Au début, je me disais que je voyais un psychologue, est-ce que je suis folle ? Pourquoi je dois voir un psy ? Au fur et à mesure, ce n’était pas du tout c¸a. » 3.2. Les apports de CAPEDP pour la famille Les participantes ont pointé les apports de l’intervention CAPEDP pour leur famille : le soutien apporté, l’espace de parole offert et l’opportunité d’apprendre à être aidée. «C ¸ a aide. » « C’était sympa. » «C ¸ a m’a énormément [apporté]. » « Ca va me manquer. » D’autres pointent davantage la guidance parentale : « Je ne savais pas encore distinguer les pleurs, j’avais peur de faire mal les choses. » « Quand elle joue avec [enfant], je vois vraiment qu’elle a eu quelque chose qu’aucune personne n’a concernant les enfants : des petits jeux, des chants. Les petits jeux que je découvre faire, c’est elle que je copie. » « J’avais tout le temps des questions qui me passaient par la tête. [. . .] Quand [intervenante] arrive, je lui pose des questions et elle m’apporte des papiers, tout ce qu’il y a à propos du développement de l’enfant. » « On aura plus d’assurance en tant que mère pour le prochain enfant. » Les participantes évoquent régulièrement les supports écrits fournis dans le cadre de la recherche (« Fiches Familles ») comme un aspect particulièrement intéressant, en termes de guidance parentale. « Pour moi, les fiches familles m’ont beaucoup aidé et m’aident beaucoup. » « En fait avoir un bout de papier en soi c’est intéressant, mais on peut lire une fois des choses qu’on va pas forcément percuter du premier coup. Bon on va poser le papier sur la table et dans trois semaines, le papier, on sait même plus où il est. Alors que là, ce qu’elle essaie de faire, c’est “je te donne le papier mais la semaine prochaine on en reparle de ce papier”. Comme c¸a c’est vraiment imprimé quoi, c¸a a vraiment servi à quelque chose. » D’autres participantes soulignent la préoccupation constante des intervenantes de fournir des réponses à leurs questions. « C’est vrai que même s’ils ne savent pas ils s’arrangent toujours pour avoir le renseignement. » « Quand elle ne savait pas, elle me disait qu’elle me donnerait la réponse la prochaine fois, qu’elle demanderait à ses collègues. »

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Elles soulignent l’intérêt du soutien émotionnel et la possibilité de verbaliser leurs problèmes : « Le point fort, c’est le point psychologique. C’est-à-dire le soutien moral, les paroles réconfortantes. » « Dans ma période noire, j’ai su qu’elle était là aussi. C’est comme si c’était un psy qui vraiment entrait dans nos vies. » « [Intervenante] m’a fait comprendre des choses sur moi, pas seulement centrées sur le bébé, sur la famille, quelque chose de profond en moi, qui ne voulait pas sortir et que j’avais mis de côté. » La réassurance est également évoquée comme un bénéfice perc¸u par certaines mères : « C’est par l’intermédiaire de la personne de CAPEDP que je peux me rassurer. » L’intérêt de CAPEDP pour lutter contre l’isolement et la dépression est pointé : « Elle a très vite compris comment je marchais, que je pouvais très vite me refermer sur moi-même [. . .] Pendant une période, je n’ai parlé à personne à part mon fils, et elle a continué à appeler toutes les semaines. Elle ne s’est pas dit “bon, elle est bizarre”, elle ne s’est pas fermée, bloquée là-dessus. » L’espace de parole offert dans le projet constitue pour les participantes un élément positif particulier. Cet espace de parole prenait la forme d’une opportunité de contacts réguliers : « Je lui ai parlé souvent de ma vie. » « Quand on savait qu’elle passait, je savais que pour moi, c’était le moment de faire une pause, soit avec la famille, soit avec les amis. Je voyais quelqu’un de l’extérieur qui savait pas forcément les choses de ma vie et qui me faisait du bien. » Comme une opportunité, pour certaines femmes, d’aborder son projet de vie avec l’intervenante : « Elle me donne des conseils pour tout ce dont j’ai besoin par rapport à ma vie, si c’est professionnel, si c’est social. » Pour certaines participantes, l’entretien qualitatif a été l’opportunité de souligner l’intérêt de CAPEDP pour développer leur capacité de demander de l’aide, d’apprendre à parler à quelqu’un : « J’ai trouvé que quand je disais – tout simplement de dire, ou de se laisser parler – déjà c’est une solution. » Comme le fait d’accepter de recevoir de l’aide : « Aujourd’hui, je suis capable d’accepter que les autres m’aident. »

3.3. Les relations avec les intervenantes La relation entre les familles et les psychologues intervenantes a été largement renseignée dans le cadre de ces entretiens qualitatifs. Les participantes ont fait état de la qualité de la relation avec les intervenantes, de leurs compétences, de leur disponibilité, de leur capacité à les réassurer, de l’intérêt perc¸u de bénéficier du soutien d’une personne extérieure à leur réseau social, et de l’intérêt de la visite d’une professionnelle rencontrant d’autres familles.

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La relation avec les intervenantes est fréquemment définie par le haut degré de proximité avec les familles, tout en restant dans un cadre professionnel. « Oui c’est quasiment une amie parce que maintenant que le projet s’est terminé, je ne l’invite pas pour une soirée, mais pour moi ce contact est très important. Je pense lui envoyer quelques photos par exemple de quelques phénomènes. Ou peut-être envoyer un e-mail qui dit que ma fille elle est comme ci ou comme c¸a, voilà. Donc c’est plus comme c¸a, c¸a dépasse le projet. Mais voilà je ne peux pas dire qu’on est devenues des vraies amies. » « Donc voilà ; même si c’est pas mon amie, j’ai bien conscience qu’on est pas des meilleures amies, c’est pas c¸a l’idée. C’est juste de savoir en tant qu’être humain, qu’il y a une personne. Même si c’est son job, qu’on sait que c’est son taf et pas autre chose. » « Mais l’approche CAPEDP, grand sourire, cela change des médecins, le discours médical, patient–rendez-vous. » Les intervenantes sont souvent décrites comme compétentes et motivées, par les participantes. « À chaque fois que l’on a parlé d’un sujet, elle connaissait des réponses. » « À travers elles, je trouve les réponses à mes questions. Et les satisfactions. » « Elle connaît bien son travail, elle est motivée par rapport à mon bébé. » La disponibilité et l’adaptabilité des intervenantes aux situations particulières font également partie des éléments positifs de la relation évoquées par les participantes « J’avais une écoute permanente, au téléphone, physique, Internet, dès que j’avais des soucis, je pouvais l’appeler, c’était bien. » « La voir venir dans ma chambre [de maternité] alors que je ne l’attendais pas du tout [. . .], j’ai trouvé que c’était gentil de sa part de passer, surtout que je m’y attendais pas. Je pensais que c¸a allait vraiment commencer quand je serai rentrée à la maison avec l’enfant et elle de la voir venir dans ma chambre je me dis “ah c¸a fait plaisir quand même”. » « C’est-à-dire qu’elle ne laisse pas tomber quoi. Si demain ma vie se bouleverse du jour au lendemain et que je me retrouve à la rue, bon elle va pas m’aider, m’héberger, c’est pas c¸a que je veux dire. . . mais c’est juste qu’on sait qu’il y a au moins une personne qui va pas nous oublier, qui va au moins nous appeler la semaine prochaine parce qu’on aura rendez-vous avec elle. » Parmi les compétences professionnelles des intervenantes, la capacité à réassurer les femmes participant au projet a été mentionnée comme une thématique particulière. « Quand [intervenante] venait me voir, elle me rassurait, elle me disait qu’il fallait faire comme-ci, comme-c¸a et c¸a m’a beaucoup aidé. Mon compagnon est là, mais il ne connaît rien aux enfants le pauvre et mes parents je ne leur parle plus, je n’ai pas d’amis. J’avais juste [intervenante] qui venait. » « On peut avoir par exemple des discussions avec des membres de la famille qui ne vont pas forcément comprendre ce que l’on veut dire, alors que la psychologue elle essaie de comprendre. Par exemple, j’aime bien avoir des câlins avec mon bébé et mes sœurs me disent que je suis trop câline avec mon bébé, elles disent que c’est n’importe quoi, alors que

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quand j’en parle avec elle, elle me dit que c’est tout à fait normal, plein de petites choses comme c¸a. » Enfin, les participantes ont pointé à la fois l’intérêt pour elles de recevoir une personne professionnelle extérieure à leur réseau social « Ce que j’ai aimé, c’est qu’une intervenante de l’extérieur vienne chez moi et me demande comment c¸a se passe avec mon fils, l’évolution, le développement, “est-ce que des fois vous avez des conflits ?”, comment les résoudre. C’est bien pour les femmes qui ont un premier enfant. » « C’est bien d’avoir une personne extérieure à la famille. J’en ai parlé à mon époux, il m’a dit que cela pouvait être sympa, si tu as un souci, des choses que tu ne sais pas, des choses à apprendre, des questions à poser, la psychologue pourra t’aider, comprendre le pourquoi du comment. » Tout comme le fait de recevoir une professionnelle visitant d’autres familles « Elle nous dit : “si vous savez seulement combien de fois j’ai entendu ces histoires, mais vraiment les mêmes chaque fois”. Et c¸a m’a tellement soulagée parce que encore la veille je pensais que je suis la plus malheureuse au monde et que peut-être c’est de ma faute parce que c¸a s’est passé de la même fac¸on et que c’est très mauvais. » « Parfois aussi comme on sait qu’elles vont chez d’autres familles, on pose des questions et elles nous répondent que chez les autres familles c’est pareil, c’est le même cas. C’est bien de savoir que d’autres enfants font la même chose. » Par ailleurs, certaines participantes ont évoqué une relation proche relevant de la dépendance avec leur intervenante. « J’avais du mal à me comporter, peut-être avoir comme le baby-blues, comme c¸a le truc, donc j’avais besoin d’elle un peu plus à côté de moi, tout le temps quoi. » « Quand c¸a s’est arrêté, il y a eu un manque après. » 3.4. L’inscription de CAPEDP dans la routine des familles Les participantes interrogées ont fait état de la facilité d’inscription de CAPEDP dans leur routine quotidienne, notamment en raison de la capacité d’adaptation du rythme d’intervention à leurs contraintes comme à leurs besoins. « C’est bien dosé. Comme je ne travaille pas, j’étais à la maison et [Intervenante] venait toutes les deux semaines. Elle a voulu venir tous les 10 jours, mais je lui ai dit que deux semaines, c’était bien. Elle est venue comme c¸a jusqu’à ce que je reprenne une formation, et après elle est venue tous les mois. » « Quand il y avait un souci et que je ne pouvais pas être là, j’appelais et c¸a a toujours été reporté sans aucun problème. On arrivait toujours à s’arranger. » « Ce sont les mamans qui décident du rythme. » Le rythme, lorsqu’il était proposé de manière très régulière était perc¸u par certaines participantes comme trop important et justifiait une demande d’adaptation.

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Participante : « Au début une fois par semaine et après je travaillais, quand ma fille a eu 4, 5 mois. Elle m’appelait pour savoir si j’étais disponible. . . Je trouvais que c¸a faisait beaucoup de passer une fois par semaine et elle m’a dit que si c¸a me dérangeait je pouvais lui dire et que c¸a ne la dérangeait pas de ne passer qu’une fois toute les deux semaines. » Animateur : « C ¸ a faisait beaucoup par rapport à quoi ? » Participante : « Ben, après, on n’a plus rien à dire, quoi. » De même, la possibilité d’arrêter la participation au projet à n’importe quel moment faisait figure d’élément important pour plusieurs femmes. Animateur : « C’était important de savoir que vous pouviez arrêter à n’importe quel moment ? » ¸ a rassure. Parce que c’est s’engager, quand même. » Participante : « Oui, très. C 3.5. Limites et recommandations La grille d’entretien sollicitait systématiquement les personnes interrogées sur les limites perc¸ues du projet et sur leurs éventuelles recommandations pour l’améliorer. Trois éléments principaux ont été mis en évidence par l’analyse thématique : les limites liées aux intervenantes, l’absence de contacts sociaux au sein du projet, et la place insuffisante laissée aux pères. Plusieurs participantes ont évoqué d’emblée le fait que CAPEDP ne leur a pas apporté de bénéfices particuliers. « C’était sympa. En fait, comme je le disais à mon intervenante, quand elle m’a demandé le bilan de tout c¸a, je lui ai dit qu’il ne fallait pas qu’elle le prenne mal, mais moi personnellement, c¸a ne m’a rien apporté. » « Pour moi c’était très intéressant de participer dans ce projet. Je ne peux pas dire que c¸a m’a apporté beaucoup d’aide parce que je n’ai pas posé des questions qui étaient très précises ou que je cherchais quelque chose de particulier. » Certaines participantes ont ainsi évoqué les limites liées à l’inexpérience des intervenantes, ou au fait que celles-ci ne soient pas mères, tout en intervenant auprès d’elles en tant que nouvelles mères « La deuxième personne qui est venue, je trouvais qu’elle n’avait pas trop d’expérience. » « En fait j’ai eu un souci c’est que quand je parle et que je m’emporte un peu je dis “tu”, mais c’est juste une expression : “tu vois”. Et c¸a au début elle m’a souvent pas tapé sur les doigts mais presque en me disant : “je veux qu’on se vouvoie”, qu’elle veut garder le côté professionnel, et tout. . . » « Je ne pouvais pas faire confiance à l’intervenante [. . .] parce que pour moi, en fait, elle avait mon âge et elle n’avait pas d’enfant. » « J’avais un peu regretté de n’avoir pu moi-même être avec une intervenante qui avait été soit mère récemment, soit au moins dans sa vie. . . » Plusieurs participantes évoquent le défaut de compétences techniques des intervenantes « Au début avec [Intervenante] j’ai eu quelques petits soucis parce qu’en fait, elle répondait pas à mes questions. C’était un peu compliqué. En gros à la naissance on s’est vu vraiment toutes les semaines, ou en tout cas tous les 9–10 jours. Et moi j’attendais un peu d’elle qu’elle soit là pour répondre à toutes mes petites questions du style : pendant que moi je n’avais pas confiance de faire prendre le bain à mon fils. Je ne savais pas comment le tenir,

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enfin j’avais vraiment une grosse frayeur de le faire glisser. C’était des petites questions comme c¸a ou elle, elle savait pas me répondre directement. Sur l’allaitement aussi. J’ai allaité et j’allaite encore. Pareil sur l’allaitement, comme c’était pas sa spécialisation, il fallait attendre la semaine d’après ou qu’elle m’appelle plus tard dans la semaine. Donc c¸a c’était un peu. . . Bon après je sais qu’elle sait pas tout, on peut pas tout savoir. Mais c¸a, c¸a m’a un peu dérangée au début car je me suis demandée à quoi c¸a servait qu’elle soit là en fait [. . .] Donc du coup il fallait absolument que j’attende d’avoir telle réponse à ma question, alors j’oubliais la question après. Je lui reposais deux semaines après elle aussi avait oublié la réponse. À ce niveau-là, c’était un peu le bordel au début donc pendant un moment je n’ai plus voulu la voir car je me suis dit que c¸a ne servait à rien. À part toutes ces questions, j’avais franchement rien à lui dire. » La longueur des interventions est parfois pointée comme une limite nécessitant une négociation avec l’intervenante : « Des fois c¸a peut être long quand on est fatiguée et qu’on a l’enfant qui pleure et qui veut dormir aussi c¸a peut être long [. . .] Je lui demandais de raccourcir un peu. » Plusieurs mères auraient souhaité rencontrer d’autres jeunes femmes dans la même situation : « Mon fils ne va pas à la crèche donc je ne connais aucun jeune parent. Même des parents je n’en connais pas, à part mes tantes mes oncles, mais c’est pas pareil quoi. Voilà donc sur ce côté-là une rencontre c¸a aurait pu. . . Je me dis que j’aurais rencontré des amis forcément. Je ne cherche pas des amis à tout prix parents. Mais c’est juste intéressant de pouvoir parler à des jeunes femmes comme nous qui ont eu un enfant comme nous. » Certaines participantes ont noté la difficulté liée à l’arrêt du projet aux deux ans de l’enfant. Cette difficulté pouvait concerner l’arrêt de la relation, comme le fait que le projet ne continue pas jusqu’à l’entrée en maternelle des enfants. « Trois ans c’est quand même court parce que après il n’y a pas de suivi. Du jour au lendemain se dire au revoir. . . C ¸ a y est c’est fini on ne verra plus la personne. . . » « C’est juste histoire de se quitter. . . Parce que du jour au lendemain moi c¸a me paraît complètement. . . j’y suis pas encore arrivée, j’appréhende beaucoup quoi. » Enfin, la place insuffisante prévue pour l’intervention auprès des pères a été mentionnée comme une limite par certaines participantes, concernées par l’inclusion de leur conjoint dans ce projet d’intervention : «C ¸ a m’aurait bien plu de poser certaines questions avec la présence de mon conjoint comme c¸a il aurait pu être au courant de choses qu’elle m’apprenait aussi. Même s’il va pas forcement le faire après, mais juste que l’information passe dans sa tête aussi, c¸a a manqué vachement quoi. Du coup lui il était mal à l’aise. Les premières fois, il restait, mais il était super mal à l’aise parce qu’il sentait bien qu’elle venait pour la mère et l’enfant. Du coup, il avait pas vraiment sa place et moi je savais pas trop comment faire non plus. » 3.6. Autres thématiques Les entretiens ont finalement permis de faire émerger des thématiques supplémentaires. Plusieurs femmes ont ainsi évoqué les critères d’inclusion dans la recherche perc¸us comme trop

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sélectifs : une question a été ajoutée dès le premier entretien à la grille d’entretien et concernait la perception des participantes des critères d’inclusion dans la recherche. Plusieurs participantes ont fait état de leur surprise initiale, tout en ayant compris l’intérêt de la recherche et de son aspect « sélectif » au cours de l’intervention. « C’est le fait qu’elle ait précisé le “moins de 25 ans”. Je me rappelle qu’avec mon conjoint on s’était vraiment dit c’est louche. Ils doivent nous prendre un peu peut être pour des. . . pas des débiles mais presque dans le sens où le fait qu’on soit jeune on nous met dans la case “cas soc”, jeunes qui ont déjà un enfant. Donc pour nous, on s’est dit “eux ils veulent nous surveiller. C’est bizarre comme étude” [. . .] En fait c¸a n’a rien à voir avec ce que je pensais. C’est juste qu’à moins de 25 ans, on est beaucoup moins au courant. » Les relations avec les autres professionnels de santé : « Je sais que je peux voir la psychiatre de la PMI. J’y allais au début que pour le petit, pesée, vaccin. Maintenant, j’y vais pour le petit et pour moi. » « C’est vrai que la personne qui est venue à la maison m’a ramené la fois d’après l’adresse d’un centre et le numéro de téléphone. J’ai appelé et j’ai trouvé un bon nutritionniste 100 % remboursé par la sécu. C’est des petits trucs comme c¸a. » Des différences avec les services de PMI ou le corps médical ont également été soulignées : « Quand j’ai des soucis comme c¸a je demande parfois des conseils à la PMI mais c’est bien d’avoir une psychologue qui vient à la maison, car c’est plus approfondi que quand on a un rendez-vous à la PMI. » « Alors parfois, je ne sais pas si c’est mieux de faire ce que la pédiatre dit ou de suivre les conseils d’autres mamans ou d’une personne comme celle qui venait à la maison. Honnêtement je préférerais écouter une personne comme celle qui vient à la maison que la pédiatre. J’en ai fait plusieurs, jamais ce n’était grave et quand je sortais de là-bas et que je rentrais à la maison, rien ne changeait. C’est vrai que quand votre collègue venait je lui posais des questions et puis elle me disait de faire ci ou c¸a, j’ai essayé et c’était bien. » La question de l’évaluation de l’intervention et de la présence de l’équipe d’évaluation a été évoquée : « Je vais toujours chercher un temps pour c¸a. Parce que moi j’ai besoin de c¸a, de dire, de m’évaluer de temps en temps. Enfin c¸a aide aussi, c¸a fait grandir mon enfant. » « C’était curieux de les voir faire des choses avec ma fille. Mais j’ai trouvé qu’elle m’a demandé certaines questions, comme par exemple, elle m’a demandé est-ce que ma fille tape les deux objets ensemble, quelque chose. C’est curieux, je disais non à la plupart des questions mais le jour même, ou le lendemain ou deux jours après je trouvais qu’elle le fait. Soit parce qu’elle le faisait avant et je n’ai pas vu soit je me disais peut-être elle a entendu le bruit. Mais c’était très souvent comme c¸a. » Certaines participantes soulevant par ailleurs la lourdeur de ce processus d’évaluation. « Je ne supportais pas le grand questionnaire. » « Moi ce qui m’avait pas dérangé, mais ce qui était plus fatigant c’était quand j’étais enceinte vers la fin quand elles étaient venues avec les questions. C¸a faisait pas mal de questions et

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j’étais fatiguée. Les questions sont trop longues, quand on est enceinte on est fatiguée à la fin » L’intérêt porté par CAPEDP sur l’ensemble de la famille, ainsi que sur les participantes en tant que femme a été mis en valeur. « La PMI, c’est plus sur les enfants et CAPEDP il y a la maman et l’enfant. » « [L’intervention était centrée] sur ma personne au début, ensuite centrée sur la maman et ensuite que sur [enfant]. Mais jamais eu l’impression qu’on s’éloignait de moi quand on s’occupait de [enfant]. » La thématique de la culture survient de manière très régulière dans les entretiens, couvrant des champs différents relevant soit de l’attente par rapport au projet, soit d’un élément important dans la conduite des interventions. « [Les supports écrits d’information sur le développement de l’enfant] je les ai trouvé assez neutres, oui. Juste comme une sorte d’information. Moi je trouvais beaucoup de généralités. Donc pour moi c’était comme un tout petit peu déployé de la culture franc¸aise parce que c’est très différent des russes. » « Pour moi, une des raisons de participer comme je suis étrangère, je me suis dit que c¸a pourrait m’aider à mieux comprendre la culture franc¸aise. » « Elle demandait comment c¸a s’était passé au niveau des examens, au niveau de l’accouchement, sur ma culture aussi, car je suis sénégalaise. » Enfin, quelques participantes ont également mentionné le fait que CAPEDP leur avait permis de développer des compétences d’aide pour les autres mères. « Maintenant je peux parler de mes problèmes, j’ai la capacité par rapport aux autres d’aider même si j’ai toujours été entreprenante. » Animateur : « Est-ce qu’aujourd’hui, vous vous sentez capable d’aider d’autres femmes ? » Participante : « Oui, je me sens capable. Je le fais d’ailleurs. C’est comme un don, pour moi. J’aime aider et rendre service. Quand il y a des problèmes par rapport aux enfants, à mes proches j’essaie de leur expliquer. »

4. Discussion Cette recherche visait à mettre en évidence le vécu de participantes à une recherche évaluative d’un programme de visites à domicile. Les résultats ont mis en valeur que de nombreux bénéfices étaient perc¸us par les participantes (bénéfices de l’intervention : qualité de l’intervention en termes de guidance, de soutien psychologique, qualité de la relation avec les intervenantes, capacité à aider et être aidée et bénéfices par rapport au protocole : capacité à négocier le nombre de visites, souvent jugé trop lourd, possibilité de se rétracter), la relation proche et négociable avec une intervenante privilégiée étant au centre des entretiens. Par ailleurs, des critiques étaient formulées, concernant principalement le manque d’expérience des intervenantes en termes de puériculture, le fait que les intervenantes n’étaient pas mères elles-mêmes, les difficultés liées à l’arrêt de la recherche, et la lourdeur pour certaines du protocole d’évaluation de la recherche. En termes de recommandations, les participantes ont souligné la nécessité d’ouvrir ces interventions sur le

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groupe social et d’offrir des opportunités de contact avec d’autres parents, et de laisser davantage de place aux pères et conjoints des femmes concernées. L’interprétation des résultats doit être nuancée au regard : • des limites liées au recrutement des participantes ; • de la fonction des animateurs de groupe et ; • de la variabilité du mode de recueil de données (entretiens individuels et entretiens de groupe). Si l’ensemble des personnes incluses dans le groupe bénéficiant de l’intervention CAPEDP a été contacté, seules 16 personnes, dont 14 ayant participé aux 27 mois du projet ont été rencontrées lors des entretiens. Le mode d’organisation des entretiens et leur localisation (au centre de recherche) ont sans doute participé à ce biais de recrutement, favorisant les participantes particulièrement engagées dans CAPEDP. Ces mères avaient rec¸u 32 visites à leur domicile en moyenne contre 18 en moyenne pour l’ensemble des participantes au projet (incluant celles ayant cessé le projet avant son terme) et 31 pour les familles ayant suivi l’ensemble du projet. Par ailleurs, le taux d’attrition dans le groupe bénéficiant de l’intervention CAPEDP était de 56,6 % après 27 mois d’intervention, soulignant la particularité de l’échantillon ayant été rencontré dans le cadre de cette recherche qualitative en termes de fidélité au projet. Par ailleurs, les deux chercheurs ayant interrogé ces participantes lors des entretiens individuels ou de groupe étaient tous deux engagés dans le comité de pilotage de la recherche, en tant que chef de projet de la recherche et co-responsable méthodologique. Le statut de ces animateurs a sans doute été de nature à influencer la conduite des entretiens et la nature des réponses fournies. Cependant, les résultats obtenus après catégorisation des verbatims font écho à différentes recherches qualitatives portant sur des programmes similaires. Ainsi, dans une étude centrée sur le programme Healthy Families America (HFA), Krysik et al., 2008 ont identifié auprès des participantes, des représentations semblables à celles de CAPEDP. Ces similarités portent notamment sur la perception des intervenantes privilégiées comme des personnes compétentes et très proches (« une amie » ; « quelqu’un qui écoute » ; « quelqu’un qui m’aide avec mes enfants »), bien que les auteurs rapportent que près de la moitié des participantes aient exprimé des difficultés à entrer dans le programme (méfiance lors des premières visites notamment). Dans un programme irlandais similaire à CAPEDP, les auteurs de Preparing for Life ont identifié que des parents suivis lors du sixième mois de leur enfant témoignaient d’une relation avec leur intervenante de nature comparable à celle décrite dans CAPEDP ou HFA (qualité de la relation de soutien, capacité de support, de l’information fournie. . .), regrettant cependant l’absence de groupes de rencontres entre parents, à l’instar des éléments soulignés dans les résultats qualitatifs de CAPEDP (Doyle, 2012). Dans ces deux études, les auteurs identifient également des résultats différents de ceux obtenus auprès de l’échantillon CAPEDP, la plupart de ces résultats étant attribuables à la nature différente des projets et des objectifs poursuivis (notamment sur le projet de vie, ou encore l’aide au retour à l’emploi pour HFA). Nos résultats soulignent les aspects positifs de l’expérience CAPEDP par les participantes à cette étude qualitative, et témoignent de la possible implantation d’un programme de visites à domicile soutenu. Le sentiment global du projet est positif pour l’ensemble des participantes et le principe de la visite à domicile est bien accepté. Plusieurs participantes ont souhaité souligner le fait que le programme de visites était parfois trop régulier et lourd, celui-ci pouvant cependant être négocié avec l’intervenante. Le suivi prolongé a été pointé comme un atout par les participantes, en permettant aux psychologues d’assumer un rôle d’intervenantes privilégiées, suscitant un lien de confiance auprès de familles parfois vulnérables et, par leur présence régulière sur

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27 mois, de soutenir les familles sur différents registres thématiques (guidance parentale, soutien psychologique, présence régulière et soutenante. . .). Cependant, l’arrêt aux deux ans de l’enfant est mentionné comme une limite, suggérant une possible dépendance des familles au programme de soutien et questionnant la pertinence de celui-ci en termes d’action préventive. Les éléments fondamentaux de l’intervention (soutien psychologique, guidance parentale) ont été retrouvés dans le discours des participantes, de manière cohérente avec ce qui a pu être identifié dans le contenu des visites à domicile effectivement réalisées par les intervenantes (Saïas et al., 2012). Les participantes soulignent ainsi la spécificité du soutien psychologique et moral dans CAPEDP, complétant le soutien rec¸u dans d’autres services de santé et notamment les services de Protection Maternelle et Infantile, davantage centrés pour les participantes sur la santé de l’enfant. Les manques pointés par les mères interrogées, concernant principalement les compétences techniques des intervenantes sur le champ de la santé périnatale (allaitement notamment) et de la puériculture, questionnent la pertinence du recours à une intervenante-psychologue privilégiée, sans que le protocole prévoie pourtant de recourir systématiquement aux compétences d’une équipe pluridisciplinaire (nutritionnistes, éducateurs, infirmiers. . .), comme cela peut être le cas dans d’autres programmes similaires (e.g., Institut national de santé publique du Québec, 2005). Ce constat questionne aussi l’intérêt d’un rapprochement entre des dispositifs semblables à CAPEDP et les services de PMI, dont les missions légales s’articulent notamment autour du recours à de nombreux types de professionnels. Au regard des résultats de cette étude, des recommandations pour le développement d’actions ultérieures émergent : renforcement des compétences pluridisciplinaires dans le cadre d’un travail institutionnel, développement d’opportunités de rencontres entre parents, recours à des intervenantes expérimentées. Enfin, plusieurs participantes s’étant exprimées sur la question des critères d’inclusion de la recherche ont suggéré la nécessité de les élargir. Celles-ci jugent en effet que certaines familles, identifiées comme éligibles pour ce type d’interventions peuvent ne pas en avoir un réel besoin tandis que des familles non éligibles (notamment sur le critère d’âge) pourraient bénéficier des services de cette nature. Ce constat fait écho à la démarche adoptée dans le cadre des Services Intégrés pour la Périnatalité et la Petite Enfance au Québec, services à domicile comparables à CAPEDP dans lesquels les critères d’inclusion ont été élargis suite aux études d’implantation, le critère d’âge (moins de 20 ans) ayant été supprimé des conditions d’éligibilité (Therrien et al., 2011). 5. Conclusion Les résultats de cette étude qualitative soulignent l’intérêt d’un programme soutenu de visites à domicile pour les participantes interrogées. Ils contribuent à mettre en évidence les éléments nécessaires à la réussite de telles interventions (qualité d’un lien privilégié avec une intervenante, souplesse des dispositifs proposés, guidance parentale, soutien psychologique. . .) et autorisent également à penser des modalités d’amélioration de ces dispositifs par l’analyse des critiques et recommandations des participantes. De futures recherches devront cependant investiguer la possibilité d’implanter de tels programmes avec une intensité ajustée aux moyens des dispositifs de droit commun. Un des résultats principaux de cette recherche est la satisfaction des participantes d’avoir bénéficié d’un programme de 32 visites en moyenne sur 27 mois. Il semble évident que de telles actions ne peuvent à ce jour être déployées auprès de l’ensemble des familles en situation de vulnérabilité en exprimant la demande. Il apparaît ainsi nécessaire de tester la faisabilité et l’efficacité de programmes d’actions courts reposant sur la qualité d’un lien et sur les compétences transversales d’intervenantes privilégiées.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Les auteurs remercient également les 440 familles ayant participé au projet, les intervenantes et évaluatrices à domicile CAPEDP : Joan Augier, Amel Bouchouchi, Sandrine Désir, Anna Dufour, Cécile Glaude, Audrey Hauchecorne, Gaëlle Hoisnard, Virginie Hok, Alexandra Jouve, Anne Legge, Céline Ménard, Marion Milliex, Elodie Simon-Vernier, Alice Tabareau ; Francine Messeguem et l’équipe du CMP Binet, l’équipe du Laboratoire de recherche de l’EPS MaisonBlanche, Véronique Laniesse et Alexandra Avonde pour leur gestion financière ; Estelle Marcault pour l’implantation et le monitoring de la recherche ; Cécile Jourdain, Pierre Arwidson, Béatrice Lamboy et Gérard Guillemot pour leur soutien et leur aide au développement de la recherche ; Nathalie Fontaine, George Tarabulsy et Michel Boivin pour leur aide au développement des outils de l’intervention et de la recherche ; Gérard Guillemot pour son aide dans l’élaboration des réseaux de terrain ; Laure Angladette, Drina Candilis, Judith Fine, Alain Haddad, Joana Matos, Anne-Sophie Mintz, Marie-Odile Pérouse de Montclos, Diane Purper-Ouakil, Franc¸oise Soupre, Susana Tereno, Bertrand Welniarz et Jaqueline Wendland pour leur supervision des intervenantes et évaluatrices. Financement et promotion CAPEDP est financé par le Ministère de la santé dans le cadre du Programme hospitalier de recherche clinique national (PHRC AOM 05056) et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Le promoteur de la recherche est la Direction de la recherche clinique et du développement de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris. CAPEDP a rec¸u l’autorisation du Comité de protection des personnes Île-de-France IV (2006/37) et de la CNIL (907255). Le numéro de déclaration Clinical Trial est NCT00392847. Références Delawarde, C., Briffault, X., & Saïas, T. (2013). L’enfant, sa famille et la santé publique : Une fable périlleuse ? L’aide à la parentalité dans une perspective préventive : Trois approches sur la question. Devenir [In Press] Doyle, O. (2012). Preparing for life early childhood intervention assessing the early impact of preparing for life at six months. Dublin: UCD Geary Institute. Dugravier, R., Guédeney, A., Saïas, T., Greacen, T., & Tubach, F. (2009). Compétences parentales et attachement dans la petite enfance : Diminution des risques liés aux troubles de la santé mentale et promotion de la résilience (CAPEDP) : Une étude longitudinale de prévention précoce des troubles de la relation mère-enfant. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 57, 482–486. Durlak, J. A., & DuPre, E. P. (2008). Implementation matters: A review of the research on the influence of implementation on program outcomes and factors affecting implementation. American Journal of Community Psychology, 41, 327–335. Gomby, D. S. (2005). Home visitation in 2005: Outcomes for children and parents. Washington D.C: Committee for Economic Development. Gomby, D. S. (2007). The promise and limitations of home visiting: Implementing effective programs. Child Abuse and Neglect, 31, 793–799. Gray, D. (2009). Doing research in the real world. London: Sage. Guedeney, A., & Tereno, S. (2012). La vidéo dans l’observation d’évaluation et d’intervention en santé mentale du jeune enfant : Un outil pour la transmission. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 60, 261–266. Hebbeler, K. M., & Gerlach-Downie, S. G. (2002). Inside the black box of home visiting: A qualitative analysis of why intended outcomes were not achieved. Early Childhood Research Quarterly, 17(1), 28–51.

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