Revue de Pneumologie clinique (2010) 66, 71—80
PATHOLOGIE DU MÉDIASTIN
Les médiastinites aiguës en dehors d’un contexte de chirurgie cardiaque Acute mediastinitis except in a context of cardiac surgery C. Doddoli a,∗, D. Trousse a, J.-P. Avaro b, X.-B. Djourno a, R. Giudicelli a, P. Fuentes a, P. Thomas a a
Service de chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage, hôpital Sainte-Marguerite, 270, boulevard de Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 9, France b Service de chirurgie thoracique, hôpital d’instruction des armées A.-Laveran, 13998 Marseille, France Disponible sur Internet le 24 f´ evrier 2010
MOTS CLÉS Médiastinite aiguë ; Médiastin ; Abcès ; Traitement chirurgical ; Drainage médiastinal
KEYWORDS Acute mediastinitis; Mediastinum; Abscess; Surgical treatment; Mediastinal drainage
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Résumé La médiastinite aiguë est une maladie infectieuse, engageant le pronostic vital dans un bon nombre de cas (20 à 40 % de mortalité), et ce par extension d’un processus infectieux à point de départ oropharyngé, cervical ou œsophagien. Un diagnostic précoce et une prise en charge thérapeutique optimale sont essentiels pour la survie des malades. Le scanner cervicothoracique est indispensable pour le diagnostic et le suivi. La thérapeutique est basée sur l’antibiothérapie à large spectre, la chirurgie et le drainage ainsi que le traitement des éventuelles défaillances viscérales. Il n’y a pas de conduite thérapeutique chirurgicale standardisée. Une attitude chirurgicale mini-invasive peut être recommandée lorsque le diagnostic est fait précocement et que le drainage thoracique est efficace. La surveillance clinique, biologique et tomodensitométrique indiquera éventuellement une thoracotomie. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Acute mediastinitis is a life-threatening complication (20 to 40 % of mortality) secondary to oropharyngeal abscesses, neck infections or oesophageal leak spreading into the mediastium. Early diagnosis and optimal therapeutic approach are crucial for patient survival. CT scanning of the cervical and thoracic area is a useful tool for diagnosis and follow-up. Treatment is based on broad-spectrum antibiotherapy, adequate surgery, mediastinal drainage, and treatment of possible organ failure. There is no surgical standardized attitude. Mini-invasive approach could be satisfactory when prompt diagnosis is established and the
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (C. Doddoli).
0761-8417/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pneumo.2009.12.013
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C. Doddoli et al. thoracic drainage is effective. Repeated postoperative CT scanning and close clinical and laboratory monitoring could make an additional thoracotomy a second-line procedure. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Les médiastinites infectieuses aiguës, en dehors du contexte d’une chirurgie cardiaque, sont des infections rares, très graves et dont la mortalité reste élevée. Les étiologies principales sont représentées par les perforations et les ruptures spontanées de l’œsophage, les foyers infectieux dentaires ou oropharyngés. Il s’agit le plus souvent de médiastinites postérieures. Lorsque le point de départ est ORL ou cervical, on parle de médiastinites descendantes nécrosantes aiguës (MDNA) ou encore cellulites cervicomédiastinales. Cette dissémination cervicomédiastinale est favorisée par la parfaite continuité anatomique qui existe entre ces deux régions. Il s’agit donc d’une médiastinite secondaire par contamination indirecte. Lorsqu’il s’agit d’un point de départ œsophagien, on parle de médiastinite secondaire par contamination directe. C’est une infection polymicrobienne, synergétique où prédominent bacilles à Gram négatif et germes anaérobies. Il s’agit d’une urgence absolue dont la prise en charge doit se faire en milieu chirurgical même si le traitement est multimodal. Le pronostic va dépendre principalement du terrain, de l’état clinique du malade au moment du diagnostic, du délai et du type de la prise en charge thérapeutique. Les causes de surmortalité sont représentées essentiellement par le retard au diagnostic et une prise en charge chirurgicale non optimale. Il n’y a pas de conduite thérapeutique chirurgicale standardisée.
rations de la paroi postérieure de l’œsophage cervical après intubation orotrachéale, on retrouve comme facteurs favorisants des conditions d’intubation difficiles (obésité, cou court), l’emploi d’un mandrin et le manque d’expérience de l’opérateur [5]. La fréquence du syndrome de Boerhaave est rapportée de fac ¸on variable [1]. Il s’agit d’une rupture spontanée de l’œsophage survenant généralement après un repas copieux et des efforts importants de vomissements [6,7]. On retrouve souvent dans les antécédents de ces patients un alcoolisme chronique, une obésité, mais aussi un œsophage déjà pathologique (œsophagite peptique, reflux gastro-œsophagien, ulcère, hernie hiatale) [8]. La mortalité propre du syndrome de Boerhaave est de l’ordre de 40 % [7].
Infections à point de départ ORL et dentaire
Étiologies
Les étiologies principales sont représentées par les foyers infectieux dentaires ou oropharyngés. D’autres causes d’origine cervicale ou ORL ont été rapportées [9,10]. Les infections de l’oropharynx (angine, abcès périamygdalien, abcès parapharyngé) et les abcès dentaires, souvent après abcès au niveau de la deuxième ou troisième molaire, sont responsables d’une forme particulière de médiastinite nécrosante descendante par diffusion de l’infection le long des fascia périviscéraux cervicaux. Les abcès rétropharyngés donnent plus volontiers des infections de l’espace médiastinal postérieur. Dans ces situations, le diagnostic est souvent retardé avec une mortalité élevée. Les corticoïdes [11], les anti-inflammatoires non stéroïdiens et le diabète semblent des facteurs de risque du fait de l’immunodépression relative qu’ils confèrent.
Les médiastinites infectieuses aiguës entrent dans deux grands cadres nosologiques.
Physiopathologie
Perforations et ruptures spontanées de l’œsophage
Médiastinites par rupture spontanée ou perforation de l’œsophage
Elles sont responsables de la majorité des médiastinites aiguës en dehors du contexte de la chirurgie cardiaque. Leur mortalité se situe entre 18 et 29 % [1]. Les causes sont iatrogènes (dilatation de l’œsophage, sclérothérapie pour varices œsophagiennes, résection endoscopique, chirurgie mini-invasive, intubation), traumatiques (plaie par arme à feu, arme blanche. . .) ou encore par corps étrangers (capsules métalliques, os, lames de rasoir. . .) et spontanée (syndrome de Boerhaave) [1]. Les causes répertoriées dans la littérature sont très variables d’une série à l’autre. Sur un collectif de 30 patients, 19 cas (63 %) de perforations post-endoscopiques ont été observés [1]. Nguyen et al. [2] rapportent seulement quatre cas de perforation de l’œsophage post-endoscopie sur une série de 52 patients. La mortalité propre aux perforations post-endoscopiques varie dans d’autres séries entre 4 [3] et 10 % [4]. Dans les perfo-
Une augmentation brutale de la pression intraluminale explique la rupture spontanée de l’œsophage [6]. La lésion siège le plus souvent sur le bord gauche de l’œsophage à son tiers inférieur s’étendant sur 5 à 7 cm. Cette localisation préférentielle s’explique par des raisons anatomiques : angulation de l’œsophage à sa jonction abdominothoracique où la musculeuse offre moins de résistance et représente la zone de pénétration des vaisseaux. Quant au siège des perforations de l’œsophage après manœuvres endoscopiques, il intéresse plutôt le haut œsophage. Chez 37 patients avec une perforation iatrogène, la topographie est cervicothoracique chez 17 d’entre eux (46 %), thoracique supérieure chez 11 patients (30 %), thoracique moyenne pour cinq patients (13 %) et abdominale pour quatre patients (11 %) [12]. Dans une série de 29 perforations de l’œsophage toutes étiologies confondues, 14 sont situées à l’étage thoracique, dont
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Figure 2. Coupe transversale du cou montrant les espaces anatomiques de diffusion des infections cervicales vers le médiastin. 1 : trachée. 2 : oesophage. 3 : espace rétroviscéral ou rétropharyngé. 4 : espace prétrachéal. 5 : espace périvasculaire. 6 : fascia prévertébral. D’après [15], avec autorisation.
• l’espace rétropharyngé : c’est la voie élective de communication entre la région cervicale et le médiastin postérieur expliquant 70 % des médiastinites [16]. La diffusion de l’infection peut aller depuis la base du crâne jusqu’au diaphragme et au-dessous, puisqu’il existe une continuité entre les espaces rétropharyngé, rétroœsophagien et rétropéritonéal. Figure 1. Coupe sagittale du cou et du médiastin supérieur montrant les espaces anatomiques de diffusion des infections cervicales vers le médiastin. 1 : trachée. 2 : espace prétrachéal. 3 : espace sus-sternal. 4 : espace rétroviscéral ou rétropharyngé. 5 : fascia prévertébral. 6 : oesophage. 7 : péricarde. D’après [15], avec autorisation.
une au tiers supérieur, cinq au tiers moyen et huit au tiers inférieur [13]. Dans les ruptures comme dans les perforations de l’œsophage, l’inoculation du médiastin par les sécrétions salivaires, gastriques et par les aliments est responsable d’une médiastinite nécrosante, d’abord chimique, à laquelle succède une médiastinite infectieuse par surinfection bactérienne dans un délai relativement court de huit à 12 heures [4]. La pesanteur, la pression négative intrathoracique et ses variations lors de la respiration sont des facteurs mécaniques qui accélèrent le processus de colonisation du médiastin depuis la porte d’entrée [11].
Médiastinite d’origine ORL ou dentaire La continuité des fascias cervicomédiastinaux explique l’extension rapide au médiastin et aux séreuses thoraciques [14]. À partir de l’infection cervicale, l’infection peut s’étendre en suivant trois voies de diffusion anatomiques (Fig. 1 et 2) [14,15] : • l’espace prétrachéal : la continuité du fascia prétrachéal, du péricarde et de la plèvre pariétale explique l’atteinte péricardique potentiellement fatale (tamponnade), les pleurésies purulentes ou les empyèmes pleuraux ; • l’espace périvasculaire : il circonscrit l’artère carotide, la veine jugulaire interne et le nerf vague ; 20 % des médiastinites [16] s’y développent et s’expliquent par la diffusion de proche en proche de l’infection le long des structures vasculaires vers le médiastin et la plèvre [4,5] ;
Il existe d’autres facteurs physiopathologiques pour expliquer la diffusion de ces infections de la région du cou vers le médiastin. Il s’agit des phénomènes de gravité attirant les fluides infectés vers le bas du médiastin, de la dépression inspiratoire régnant à l’intérieur du médiastin et tendant à aspirer les foyers infectieux à distance, et du fait que le tissu cellulo-adipeux médiastinal se défend mal. L’immunodépression (diabète, corticothérapie) est un facteur favorisant retrouvé dans un cas sur deux environ.
Écologie bactérienne La mise en culture bactériologique des prélèvements peropératoires et/ou des liquides de ponction permet d’étudier la nature des germes principalement trouvés. La flore bactérienne observée dans les médiastinites, hors chirurgie cardiaque, est une flore polymicrobienne faite de germes aérobies et anaérobies. C’est une infection synergistique à prédominance de bacilles à Gram négatif et de germes anaérobies de la flore orale notamment pour les médiastinites par perforation de l’œsophage ou d’origine dentaire ou pharyngée [14,17—20]. Les germes les plus fréquemment isolés sont Streptococcus ␣ et  hémolytiques, Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli, Hæmophilus influenzae, Enterobacter species (sp.), Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus sp. Parmi les anaérobies, sont plus souvent isolés : Prevotella et Porphyromonas sp., Peptostreptococcus sp., Bacteroïdes fragilis, Fusobacterium sp., Propionobacterium acnes ; moins souvent : Clostridium perfringens, Bifidobacterium sp. et bacteroïdes sp. Cependant, les germes anaérobies sont rarement isolés pour des raisons de mauvaise méthode de prélèvement ; il faut penser à ensemencer au bloc opératoire, immédiatement, des flacons d’hémocultures en milieu anaérobie car sinon sur milieu classique la recherche est toujours néga-
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tive [14]. L’écologie bactérienne et la gravité de la maladie obligent donc, comme d’habitude et dès le diagnostic supposé, à une antibiothérapie probabiliste à large spectre en attendant l’identification des germes et l’antibiogramme.
Diagnostic Il n’y a pas de signes cliniques spécifiques de la médiastinite aiguë. Dans les MDNA, le plus souvent le diagnostic est évoqué avec retard, devant un tableau septique grave et une porte d’entrée dentaire ou oropharyngée retrouvée à l’examen clinique. Il est classique de retrouver la prise de corticoïdes ou d’AINS dans l’histoire de la maladie des MDNA. Dans les perforations iatrogènes de l’œsophage, le contexte de survenue est le plus souvent connu, permettant de poser ainsi assez vite le diagnostic et de faire pratiquer les examens complémentaires nécessaires. Les signes fonctionnels évocateurs peuvent être une douleur basithoracique ou rétro-xiphoïdienne à irradiation dorsale, une toux avec expectoration, une dyspnée, voire une détresse respiratoire, une dysphagie avec fausse hypersialorrhée (par défaut de déglutition), des nausées et vomissements, un trismus. À l’examen clinique, on peut noter un œdème plus ou moins associé à une rougeur cervicale et/ou sus-claviculaire, une diminution, voire une abolition du murmure vésiculaire, un emphysème souscutané cervical et de la partie supérieure du thorax. La triade de Mackler (chronologiquement : vomissements, puis douleur thoracique suraiguë et emphysème sous-cutané) est évocatrice du syndrome de Boerhaave. Un emphysème souscutané qui se majore avec la ventilation en pression positive au masque facial après une intubation difficile évoque une perforation du haut œsophage. Un choc septique peut survenir d’emblée avec un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ou une défaillance multiviscérale associés. Un syndrome inflammatoire est souvent présent avec fièvre et tachycardie et sur le plan biologique, une polynucléose neutrophile.
La radiographie pulmonaire de face peut objectiver un élargissement du médiastin supérieur (Fig. 3) [15], un épanchement pleural uni- ou bilatéral aspécifique, un emphysème sous-cutané ou médiastinal (Fig. 4) [15] (« V » de Naclério : croissant gazeux sus-diaphragmatique et collection aérique le long de l’aorte descendante [6]), un pneumothorax ou un hydropneumothorax. Un corps étranger peut être visible radiologiquement. Le transit œsophagien aux hydrosolubles est un examen simple à réaliser pour diagnostiquer une rupture ou une perforation de l’œsophage en montrant une fuite du produit de contraste dans la plèvre ou le médiastin. L’endoscopie digestive est très discutée
Figure 3. Radiographie thoracique de face objectivant un élargissement du médiastin supérieur. D’après [15], avec autorisation.
Figure 5. Coupe tomodensitométrique thoracique révélant une infiltration de la loge thymique avec une perte des plans graisseux périviscéraux et un épaississement de la paroi œsophagienne. D’après [15], avec autorisation.
Figure 4. Radiographie thoracique de face mettant en évidence un emphysème sous-cutané (flèches) et médiastinal (tête de flèche). D’après [15], avec autorisation.
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Figure 6. Coupe tomodensitométrique thoracique mettant en évidence un épanchement pleural bilatéral et un épanchement péricardique. D’après [15], avec autorisation.
Figure 7. Coupe tomodensitométrique cervicale mettant en évidence un abcès amygdalien. D’après [15], avec autorisation.
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C. Doddoli et al. • l’antibiothérapie dirigée contre les germes aéroanaérobies ; • l’exploration chirurgicale médiastinale pour pratiquer un débridement des collections, voire une nécrosectomie, réaliser le plus souvent une suture œsophagienne en cas de perforation et procéder au drainage médiastinal et des séreuses ; • le traitement du choc septique et des défaillances viscérales associées qui n’est pas spécifique et que nous ne développerons pas.
Antibiothérapie
Figure 8. Coupe tomodensitométrique médiastinale montrant des images gazeuses et de collections liquidiennes évocatrices d’une médiastinite aiguë à germes pyogènes et à anaérobies. D’après [15], avec autorisation.
[12] mais doit cependant être le plus souvent pratiquée en cas de suspicion de perforation de l’œsophage. La tomodensitométrie thoracique avec opacification éventuelle aux hydrosolubles pour objectiver une fuite digestive extraluminale est un examen dont l’importance est soulignée dans la littérature [21,22]. Elle permet d’appuyer le diagnostic clinique (infiltration des tissus mous et perte des plans graisseux périviscéraux, images hyperdenses, épaississement de la paroi œsophagienne) (Fig. 5) [15], d’estimer l’extension locale et à distance (épanchements pleural ou péricardique) (Fig. 6) [15]. Dans les MDNA, cet examen permet également de retrouver une éventuelle porte d’entrée [15] (abcès rétro-pharyngé. . .) (Fig. 7). Des images gazeuses et de collections liquidiennes sont très évocatrices de médiastinite aiguë à germes pyogènes et à anaérobies (Fig. 8) [15]. Le parenchyme pulmonaire sera également évalué sur la tomodensitométrie (atélectasie, condensation alvéolaire. . .). Il faut cependant souligner la difficulté fréquente de mettre en évidence formellement une collection, un abcès ou de différencier une cellulite médiastinale de la graisse médiastinale normale. En effet, le bilan tomodensitométrique médiastinal reste souvent peu contributif sans éliminer le diagnostic. Il ne faudra pas hésiter à pratiquer de nouveau cet examen selon le contexte clinique. Cette infection du médiastin d’une extrême gravité est soupc ¸onnée devant un faisceau d’arguments cliniques et radiologiques. Elle doit être confirmée par l’exploration chirurgicale et par la culture positive des prélèvements microbiologiques peropératoires.
Traitement Le traitement des médiastinites aiguës comporte trois axes :
Une antibiothérapie probabiliste doit être instaurée en urgence avant même la confirmation du diagnostic positif et microbiologique. Elle doit couvrir les bacilles à Gram négatif, les germes anaérobies, les coques Gram positif et doit être de longue durée. Les anti-infectieux efficaces sur les germes précités peuvent être l’amoxicilline, une carboxypénicilline ou une uréïdopénicilline associées à un inhibiteur de -lactamase du fait de la fréquence de la résistance des bactéries isolées par production de -lactamases [23]. Ces molécules, tout comme l’imipénème-cilastatine ou la clindamycine en cas de terrain allergique, sont efficaces aussi bien sur Staphylococcus aureus sensible à la méticilline, que sur les germes anaérobies. Les aminoglycosides, surtout pendant les premiers jours, permettent d’augmenter et d’accélérer l’effet bactéricide sur les entérobactéries ; en cas d’insuffisance rénale associée, les quinolones (ciprofloxacine) peuvent être utilisées. Le traitement anti-infectieux sera adapté sur les données de l’antibiogramme des germes isolés à partir des prélèvements opératoires. Il faudra notamment prescrire des agents antipyocyaniques plus spécifiques ou des glycopeptides si l’on isole des souches de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline ou des imidazolés sur des souches anaérobies résistantes. La littérature donne peu de précision quant à la durée des traitements anti-infectieux [24]. On peut raisonnablement s’aider des durées de traitement classiques des cellulites polymicrobiennes synergistiques et des médiastinites antérieures après chirurgie cardiaque pour préconiser une durée de trois semaines de bithérapie par voie parentérale relayée par trois semaines d’une monothérapie au mieux par voie orale (durée totale de traitement de six semaines). Concernant l‘abord veineux, les voies centrales seront préférentiellement mise en place au niveau fémoral.
Traitement chirurgical et drainage La voie d’abord de l’exploration chirurgicale du médiastin est fonction du niveau d’étendue des éventuelles collections apprécié à la tomodensitométrie (TDM). Au-dessus de région carinaire (D4), le médiastin est abordé par la voie transcervicale antérieure [18,25,26]. Cette voie d’abord permet d’accéder au plan prétrachéal et à l’espace celluleux prévasculaire. On s’aidera d’une dissection digitale. Le médiastin supérieur et postérieur peut être également atteint le long de l’œsophage. Un contrôle par médiastinoscopie peut éventuellement être effectué [27]. Une trachéotomie dans le même temps opératoire est recommandée du fait du risque d’obstruction des voies
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Figure 9. Patient opéré d’une médiastinite par une double thoracotomie antérolatérale associée à une cervicotomie et à une jéjunostomie d’alimentation. D’après [15], avec autorisation.
aériennes par l’inflammation locale et du danger d’une extubation accidentelle. En dessous de D4, une thoracotomie est préférée. Pour d’autres, quel que soit le niveau de la médiastinite, une thoracotomie (latérale, antérieure ou postérieure) est impérative [11,17,28—30]. La double thoracotomie antérieure avec sternotomie transverse type clamshell [31] permet une approche optimale de l’ensemble du médiastin avec examen de la cavité pleurale et péricardique et positionnement correct des drains. Cependant, cette voie d’abord est relativement délabrante chez ces patients souvent en SDRA et expose aux risques d’ostéomyélite sternale secondaire et d’étirement des nerfs phréniques. Ainsi une double thoracotomie antérolatérale séquentielle sans sternotomie paraît être une alternative intéressante (Fig. 9) [15]. Une sternotomie longitudinale totale a rarement été rapportée dans la littérature [32] comme voie d’abord préférentielle pour le traitement chirurgical des MDNA. Il a été cependant publié des cas y associant l’utilisation d’une omentoplastie [33,34] ou plus récemment la mise en place d’un système vacuum assisted closure (VAC) 35 . Le VAC permet de mettre la plaie au contact d’une éponge microporeuse en polyuréthane, en aspiration continue (−100 à −150 mmHg), l’ensemble étant rendu étanche au moyen d’un film autocollant transparent. Les sérosités de la plaie sont ainsi aspirées de fac ¸on douce et continue, assurant une stimulation locale de la cicatrisation. Le VAC assure, par son drainage actif, un rôle anti-infectieux local. Le tissu de cicatrisation apparaît rapidement, comblant l’espace par bourgeonnement rapide des berges de la plaie opératoire. Certaines équipes ont tenté de pratiquer des voies d’abord thoraciques mini-invasives de type médiastinotomie antérieure ou postérieure, chirurgie thoracique vidéoassistée ou vidéothoracoscopie [36—38]. Le temps opératoire comporte toujours une mise à plat des collections, une évacuation du pus, un débridement des tissus nécrotiques associé dans certains cas à une nécrosectomie [15] (Fig. 10), une décortication pleuropulmonaire si
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Figure 10. Vue opératoire lors d’une nécrosectomie médiastinale pour médiastinite à point de départ dentaire. D’après [15], avec autorisation.
nécessaire, une toilette médiastinale et pleurale, et un large drainage des séreuses et du médiastin. Dans un contexte de SDRA, quel que soit la voie d’abord chirurgical choisie, il faudra dans la mesure du possible effectuer une biopsie pulmonaire. Celle-ci sera découpée afin d’obtenir des échantillons qui seront adressés aux laboratoires de microbiologie et d’anatomopathologie. Dans l’idéal, pour éviter toute contamination, les prélèvements à visée infectieuse sont directement envoyés du bloc opératoire vers le laboratoire de microbiologie dans des pots stériles secs. Le prélèvement à visée histologique est adressé au laboratoire d’anatomopathologie à l’état frais, dans un flacon sec à couvercle vissé, sans ajout d’aucun liquide. L’acheminement doit alors se faire dans les meilleurs délais, au maximum dans l’heure qui suit le prélèvement. Des fragments peuvent être congelés dans l’azote pour une étude de biologie moléculaire ou d’immunofluorescence, ou dans la glutaraldéhyde pour une étude en microscopie électronique [15]. Deux raisons essentielles vont pousser le chirurgien à réaliser un prélèvement de parenchyme pulmonaire dans le cadre d’un SDRA : • avoir une documentation microbiologique plus sensible et plus spécifique puisque souvent les lavages bronchioloalvéolaires ne sont pas contributifs ; • mettre en évidence des signes de fibrose pulmonaire. En fin d’intervention, plusieurs drains de gros calibre seront mis en place au niveau du médiastin et des cavités pleurales. La durée du drainage postopératoire est souvent prolongée (deux à trois semaines). L’intérêt des dispositifs d’irrigation lavage du médiastin est très discuté [28]. Ils consistent à placer au niveau du médiastin un ou deux drains d’irrigation qui distillent le liquide de lavage et un ou deux drains de plus gros diamètre mis en aspiration douce pour recueillir en continu l’effluent. Le système est laissé en place huit à dix jours et retiré au lit du malade, l’effluent se négative en deux à trois jours en cas d’évolution favorable. Cette technique est malheureusement grevée d’un taux d’échec de l’ordre de 50 %.
78 Un abord cervical est nécessaire dans les médiastinites à point de départ ORL ou dentaire [5] pour mettre à plat les collections de pus de cette région (Fig. 9) [15]. Il s’agira d’une cervicotomie oblique, le long du muscle sternocléidomastoïdien, du côté des collections. En cas d’atteinte bilatérale on préférera alors pratiquer une cervicotomie en U. Une sonde nasogastrique aura été mise en place ce qui permettra de repérer facilement l’axe œsophagien. La voie d’abord cervicale peut être laissée ouverte partiellement ou totalement selon les circonstances locales. On peut être amené à pratiquer des abords cervicaux itératifs pour diverses raisons (abcès non ou mal drainé, apparition d’un nouvel abcès, écoulement purulent persistant). Dans ces cas, il est impératif d’exciser tous les tissus infectés et nécrosés. En cas de perforation ou de rupture de l’œsophage, la suture de la plaie semble la solution la plus simple. Dans les formes tardives, cependant, la suture peut être renforcée par un lambeau (pleural, péricardique, intercostal pédiculé ou diaphragmatique à l’étage thoracique, ou musculaire à l’étage cervical) [39,40]. Certaines équipes préfèrent protéger cette suture par l’exclusion œsophagienne unipolaire haute par agrafage cervical, métallique [13] ou résorbable [41] (éventuellement associée à un montage antireflux par fundoplicature) ou par l’exclusion basse avec gastrostomie, voire une exclusion bipolaire [39]. D’autres auteurs conseillent plutôt dans les situations tardives, une fistulisation dirigée sur drain en T [12]. La mise en place d’une endoprothèse métallique couverte peut être discutée soit d’emblée chez des malades fragiles soit en cas d’échec de la suture œsophagienne dans certaines situations [42,43]. L’œsophagectomie de principe est beaucoup moins indiquée sauf s’il existe une pathologie œsophagienne (tumeur, sténose peptique) curable dans le même temps opératoire ou une fistule œsopleurale [12,13]. Le traitement chirurgical par thoracoscopie d’un abcès médiastinal par perforation de l’œsophage avec une évolution favorable a été rapporté [38]. De même, deux cas d’abcès médiastinaux postérieurs d’origine œsophagienne drainés par cervicotomie sous contrôle de la médiastinoscopie ont été signalés [27]. Une courte laparotomie permet une jéjunostomie d’alimentation dans les cas de médiastinites ou toute alimentation orale est impossible durant plusieurs semaines a fortiori en cas de perforation de l’œsophage (Fig. 9).
Oxygénothérapie hyperbare (OHB) Son implication dans le traitement des gangrènes du périnée a permis d’identifier deux types d’action de l’OHB : • une action toxique directe par effet bactéricide (lyse bactérienne) sur les bactéries anaérobies et un effet bactériostatique (inhibition de la multiplication) sur les bactéries aérobies ; • une action indirecte par augmentation du pouvoir bactéricide des polynucléaires. Ce pouvoir étant oxygénodépendant, l’OHB agit par activation de la phagocytose. L’OHB de ce fait semble pouvoir être considérée comme un moyen thérapeutique adjuvant qui, s’inscrivant dans un protocole de prise en charge multidisciplinaire permettrait
C. Doddoli et al. de lutter contre le développement microbien, d’améliorer l’oxygénation des tissus et d’en accélérer la cicatrisation. En ce qui concerne l’action de l’OHB dans le traitement des médiastinites aiguës, trop peu de cas sont rapportés dans la littérature pour pouvoir en tirer une conclusion quant à sa réelle efficacité [44—46]. De plus, il ne faut pas oublier les contraintes concernant la disponibilité de ces installations, d’une part, et le transport et le monitoring de ces malades, d’autre part. Quoi qu’il en soit, l’OHB ne doit pas substituer ou retarder le traitement chirurgical.
Résultats L’érosion des gros vaisseaux du médiastin est une complication redoutable des médiastinites infectieuses [11,17]. D’autres sont plus fréquemment rencontrées (pneumopathies, pleurésies et péricardites purulentes [23], infections persistantes et empyèmes [47,48]) ou anecdotiques (fistule pleuro-œsophagienne [49], fistule trachéale [11], thrombophlébite suppurée de la veine jugulaire interne [20]). Certaines nécessitent une reprise chirurgicale. Malgré l’introduction des antibiotiques, les modifications des techniques chirurgicales et l’amélioration de la prise en charge dans les unités de soins de réanimation, la mortalité reste élevée, de 20 à 40 %, par l’évolution souvent fulminante du choc septique et la survenue du syndrome de défaillance multiviscérale. Les causes de surmortalité sont représentées essentiellement par le retard diagnostique et une prise en charge chirurgicale non optimale. En cas de perforation de l’œsophage, la cicatrisation œsophagienne doit être systématiquement évaluée par un transit opaque et l’endoscopie avant la sortie du patient. Les données de la littérature ne permettent pas de fournir quelques notions concernant les résultats plus à distance et les séquelles éventuelles de ces patients ayant survécu à une MDNA. Il existe peu de données concernant la survie et les séquelles fonctionnelles à long terme des patients pris en charge pour une médiastinite aiguë en rapport une perforation de l’œsophage. Dans le cadre des perforations spontanées de l’œsophage (syndrome de Boerhaave), dans notre expérience [50], avec un recul de 13 mois, 60 % des patients présentaient des symptômes de reflux, 85 % avaient des troubles moteurs de l’œsophage documentés par manométrie et 54 % un reflux nocturne à la pH-mètrie. La réévaluation par échoendoscopie œsophagienne démontrait la disparition de la musculaire muqueuse dans la zone de la perforation (signe de Kuwano) [51]. Un patient a présenté un cancer du tiers supérieur au cours du suivi. Que ces troubles fonctionnels et anatomiques soient secondaires à la perforation ou soient à l’origine de la perforation dite spontanée restent pour le moment incertain. Leurs présences justifient une surveillance endoscopique et fonctionnelle régulière.
Conclusion La médiastinite aiguë infectieuse à point de départ ORL, dentaire, ou après rupture ou perforation de l’œsophage reste une pathologie grave, grevée d’une lourde morta-
Les médiastinites aiguës en dehors d’un contexte de chirurgie cardiaque lité (20 à 40 %) de par sa présentation clinique souvent fulminante. La précocité du diagnostic et la rapidité thérapeutique sont nécessaires à une bonne évolution. Une antibiothérapie précoce dirigée contre les germes aérobies et anaérobies, un traitement chirurgical agressif suivi d’un drainage pleuromédiastinal sont les déterminants du traitement susceptible d’améliorer la morbidité et la mortalité.
Conflit d’intérêt Aucun.
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