Les mesures nutritionnelles dans l’hypertension artérielle

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hypertension artérielle

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Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2006; 35: 1077-80 © 2006, Masson, Paris

Les mesures nutritionnelles dans l’hypertension artérielle François Paillard

Centre de prévention cardiovasculaire, Département de cardiologie, CHU de Rennes (35)

Correspondance : François Paillard, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex. Tél. : 02 99 28 25 08 Fax : 02 99 28 95 87 [email protected]

■ Key points

■ Points essentiels

Nutritional aspects of hypertension

Les facteurs nutritionnels peuvent expliquer 30 à 75 % des cas d’hypertension artérielle (HTA) selon les populations. L’excès pondéral peut à lui seul expliquer 11 à 25 % des cas. Les mesures nutritionnelles sont efficaces pour réduire le niveau tensionnel ou retarder l’apparition de l’HTA. Globalement elles ont un impact voisin de celui d’une monothérapie antihypertensive et en potentialisent l’efficacité. L’efficacité du régime Dash est particulièrement démontrée. Il est pauvre en graisses saturées et en sodium, riche en fruits, légumes et produits laitiers écrémés.

Nutritional factors may explain 30-75% of cases of hypertension, depending on the population. Overweight alone can explain 11-25%. Nutritional measures are effective in reducing blood pressure or delaying the onset of hypertension. Globally, their impact is close to that of antihypertensive treatment with a single drug and they potentiate the drug's efficacy. The Dash diet, in particular, has been shown to be effective in lowering blood pressure. It is low in saturated fat and sodium, rich in fruit, vegetables and nonfat dairy products. Paillard F. Les mesures nutritionnelles dans l’hypertension artérielle. Presse Med. 2006; 35: 1077-80 © 2006, Masson, Paris

hypertension artérielle (HTA), facteur de risque majeur des maladies vasculaires, est en partie favorisée par les facteurs d’environnement parmi lesquels des facteurs nutritionnels dominent. Inversement, le niveau tensionnel peut être très significativement amélioré par des conseils nutritionnels

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adaptés. Ceux-ci ont de surcroît un bénéfice sur le risque cardiovasculaire qui dépasse le seul effet sur les chiffres tensionnels. Leur mise en œuvre doit donc être systématique chez tout sujet hypertendu. Une étude récente a précisé la contribution relative des facteurs nutritionnels ou liés au mode de vie vis-à-vis de la survenue d’une hypertension artérielle

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dans 4 populations européennes différentes ainsi qu’aux États-Unis : selon les populations, 30 à 75 % des cas d’HTA seraient attribuables à ces facteurs [1]. Parmi eux, la surcharge pondérale vient en tête et peut expliquer 11 à 25 % des cas (avec bien sûr un maximum aux États-Unis) ; l’excès d’apports sodés entre 9 et 17 % des cas ; l’apport insuffisant en potassium 4 à 17 % ; la sédentarité 5 à 13 %, l’alcool entre 2 et 3 % ; une consommation insuffisante d’huiles de poisson entre 3 et 16 %.

Excès pondéral Il existe une relation quasi-linéaire entre le niveau tensionnel et l’indice de masse corporelle (IMC), même lorsqu’il n’existe pas de véritable surcharge pondérale; cette relation est en particulier retrouvée pour les valeurs moyennes d’IMC (entre 20 et 30 kg/m2). Plusieurs études ont précisé l’impact que pouvait avoir une perte pondérale sur les chiffres tensionnels chez les patients hypertendus. Les études à court terme rapportent en moyenne une baisse de pression artérielle (PA) de 1,1/0,9 mmHg pour chaque kilo de poids perdu [2]. Sur le long terme les résultats sont un peu moins impressionnants. Dans une méta-analyse n’incluant que les essais ayant une durée > 2 ans chez des sujets hypertendus en surpoids, une baisse de PA de 6,0/4,6 mmHg est associée à une perte moyenne de 10 kg de poids [3]. Dans l’étude THOPS II, qui a inclus 595 sujets modérément obèses avec une PA normale haute, seuls 13 % des participants ont pu obtenir une perte de 4,5 kg à 6 mois, persistante à 36 mois. Mais chez ces sujets, la baisse de PA systolique (PAS) fut initialement d’environ 10 mmHg puis 6 mmHg à 36 mois, avec une réduction du risque de devenir hypertendu de 65 % [4]. Lorsque la perte pondérale initiale n’a pas été maintenue, l’impact sur les chiffres tensionnels a été progressivement perdu sur le suivi de 3 ans [4]. L’impact de la perte pondérale sur les chiffres tensionnels peut faire intervenir plusieurs mécanismes: amélioration de la sensi-

Glossaire AET Dash

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HAS HTA IMC NaCl NO PA PAS

apport énergétique total Dietary Approach to Stop Hypertension Haute autorité de santé hypertension artérielle indice de masse corporelle chlorure de sodium monoxyde d’azote pression artérielle PA systolique

bilité à l’insuline, réduction de l’activité sympathique, de l’activité du système rénine-angiotensine, de la production de cytokines inflammatoires, etc.

Exercice physique Bien qu’il ne s’agisse pas, bien sûr, d’une mesure “nutritionnelle”, il parait indispensable d’évoquer l’impact de l’activité physique qui doit être proposée en conjonction avec les recommandations nutritionnelles, en particulier lorsque l’on espère maintenir une perte pondérale chez l’hypertendu. Chaque épisode d’exercice aérobie s’accompagne d’une baisse tensionnelle qui peut se prolonger pendant les 24 heures suivantes. Dans une méta-analyse de 54 essais randomisés contrôlés, une baisse des chiffres tensionnels de 3,8/2,6 mmHg en moyenne était observée chez ceux qui pratiquaient régulièrement de l’exercice aérobie par rapport aux sédentaires ; la réduction des chiffres était plus marquée (moins 4,9/3,7 mmHg) chez les sujets hypertendus [5]. L’exercice aérobie augmente la vasodilatation endothéliumdépendante par une production accrue de monoxyde d’azote (NO), réduit l’hyperactivité sympathique, la rigidité artérielle et améliore la sensibilité à l’insuline. La pratique quotidienne de 30 minutes de marche rapide ou équivalent est recommandée chez tous les hypertendus.

Réduction de l’apport en sodium Une méta-analyse [6] des essais de réduction de l’apport en sel dans l’alimentation indique une baisse moyenne de la PA de 5/2,8 mmHg pour une réduction de l’apport en sodium qui était en moyenne dans ces études de 161 à 87 mmol/L (soit environ moins de 5 g de chlorure de sodium par jour [NaCl]). L’impact est plus important chez les sujets plus âgés et hypertendus. La réponse tensionnelle à une réduction de l’apport sodé n’est pas toujours prévisible. Chez les sujets hypertendus il a été montré à partir de l’essai Dash que 41 % répondaient favorablement à la réduction sodée, 20 % n’y répondaient pas et 39 % avaient une réponse variable [7]. Le mécanisme du bénéfice de la réduction de l’apport sodé n’est pas parfaitement établi. Peuvent intervenir l’amélioration de la compliance artérielle ou des modifications structurales au niveau cardiaque ou rénal. La réduction de l’apport sodé améliore l’efficacité des traitements antihypertenseurs et protège contre le risque d’hypokaliémie sous diurétiques. Inversement, il a été évoqué un risque de stimulation du système rénine-angiotensine en cas de réduction excessive de l’apport sodé. En pratique, les recommandations préconisent de réduire l’apport sodé des sujets hypertendus à moins de 100 mmol de sodium par jour, soit 6 g/j de NaCl. Il convient donc de demander à ces sujets de ne pas resaler après la cuisson mais aussi de savoir que l’essentiel de l’apport sodé provient du pain et des plats cuisinés.

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Apport en potassium

Alcool

Les méta-analyses indiquent une baisse de PA de 4,4/3,5 mmHg pour un doublement de l’apport en potassium de 60 à 120 mmol/j [8]. L’impact est d’autant plus net que le sujet a une consommation importante en sodium.

Il existe une relation positive entre la consommation d’alcool et la pression artérielle. La réduction de la consommation d’alcool a entraîné dans les essais publiés une réduction moyenne de PA de 4/2 mmHg [15]. Aussi, les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) préconisent-elles de réduire la consommation d’alcool chez l’homme à moins de 30 g/j (environ 3 verres); moins de 20 g/j (2 verres) chez la femme [16].

Il existe une relation inverse entre l’apport alimentaire en calcium et la pression artérielle. L’impact est toutefois limité. Dans les essais de supplémentation en calcium, la baisse de pression artérielle est de l’ordre de 1,4/0,8 mmHg en moyenne [9].

Régime Dash et modifications globales de l’alimentation Le régime Dash (Dietary Approach to Stop Hypertension) a fait l’objet d’un premier essai en 1997 chez des sujets avec une PA normale haute ou une HTA légère [10]. Deux types d’alimentation ont été comparés à un groupe contrôle: une alimentation riche en fruits et légumes (F + L) donc enrichie en potassium (K) et magnésium (Mg) ; une alimentation “combinée” (Comb), riche en fruits et légumes et en produits laitiers écrémés (apport en K, Mg et calcium [Ca]). Dans l’ensemble de la population la baisse tensionnelle a été de 2,8/1,1 mmHg pour l’alimentation F + L, et 5,5/3,0 mmHg pour le régime Comb. La baisse a été plus marquée dans le sous-groupe des patients initialement hypertendus: respectivement 7,2/2,8 et 11,4/5,5 mmHg [10]. Ces derniers résultats sont comparables à ceux obtenus par une monothérapie médicamenteuse antihypertensive. Une étude ultérieure a montré que le régime de type Dash était d’autant plus efficace que les sujets avaient un apport sodé important, mais leur PA était initialement plus haute [11]. Le régime Dash entraîne un déplacement de la courbe pression-natriurèse dans le sens d’une moindre sensibilité au sodium de la PA [12]. Il a été montré que, pour une perte pondérale similaire, le régime Dash avait un effet tensionnel supérieur à celui d’un régime hypolipidique [13].

Apport en protides et en acides gras monoinsaturés L’essai Omni-Heart a comparé 3 types de régimes, tous pauvres en graisses saturées (6 %) et riches en K, Mg et Ca (comme dans le régime Dash): un régime riche en hydrates de carbone (58 % de l’apport énergétique total [AET]) ; un régime riche en protéines (25 % de l’AET, dont la moitié d’origine végétale) ; un régime plus riche en apports lipidiques (37 contre 27 % dans les autres groupes) mais au profit des graisses mono-insaturées (21 contre 13 %) [14]. Les régimes riches en protides et en graisses mono-insaturés ont eu un impact significativement meilleur sur les chiffres tensionnels (ainsi que sur le profil lipidique).

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Acides gras poly-insaturés oméga 3 Un effet modéré des acides gras poly-insaturés à longue chaîne de la série oméga 3 (acide eicosapentaenoïque et acide docosahexaenoïque) provenant des graisses de poissons a été trouvée avec des baisses de la PA estimées à 0,7/0,3 mmHg/g supplémentaire de consommation journalière de ces acides gras [17]. Un effet plus marqué a été trouvé chez les hypertendus obèses. La consommation d’acide alpha-linolénique, AGPI oméga-3 à chaîne moyenne, aurait aussi un effet favorable sur les chiffres tensionnels [18].

Autres facteurs alimentaires Le café a été abondamment étudié ; il en ressort un effet mineur d’élévation des chiffres tensionnels [19]. Cet effet semble plus marqué dans les essais qui ont utilisé une supplémentation de type pharmacologique en caféine plutôt que sous forme de café-boisson. Concernant le chocolat, quelques études ont rapporté un effet favorable des flavonoïdes du cacao sur la vasorelaxation endothélium-dépendante [20].

Applicabilité des recommandations nutritionnelles chez l’hypertendu L’essai Premier a testé l’applicabilité du régime Dash chez des sujets avec PA normale haute ou hypertension grade I sur une durée de 6 mois [21]. Les sujets préparaient eux-mêmes leurs repas (contrairement à l’essai original pendant lequel l’alimentation leur était fournie). Sans surprise, l’impact sur les chiffres tensionnels a été moindre que dans l’essai original. Toutefois, par rapport à un groupe contrôle, il y a eu 2 fois moins de patients devenus hypertendus avec le régime Dash (12 contre 26 %) et environ 2 fois plus de sujets obtenant des chiffres de PA optimale (< 120/80 mmHg) : 35 contre 19 %. Chez les sujets initialement hypertendus, 23 % le sont restés dans le groupe Dash contre 52 % dans le groupe contrôle. La réponse tensionnelle individuelle aux modifications hygiénodiététiques est aussi influencée par des facteurs génétiques [22]. Il existe cependant aujourd’hui une base scientifique très solide démontrant l’efficacité et l’applicabilité des

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Apport en calcium

Mise au point

hypertension artérielle

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Encadré Recommandations hygiénodiététiques dans l’hypertension artérielle • Limitation de la consommation en sel (NaCl) < 6 g/j (cf. table de composition des aliments éditée par l’Afssa); • Réduction du poids en cas de surcharge pondérale, afin de maintenir l’IMC < 25 kg/m2, ou, à défaut, obtenir une baisse de 10 % du poids initial; • Pratique d’une activité physique régulière, adaptée à l’état clinique du patient > 30 min environ, 3 fois par semaine;

recommandations nutritionnelles chez les patients hypertendus ou susceptibles de le devenir. Elle justifie les recommandations proposées par l’HAS en 2005 (encadré) [16]. Ces mesures doivent donc être systématiquement expliquées à ces sujets, permettant d’espérer retarder le recours au traitement médicamenteux ou d’en améliorer l’efficacité. Conflits d’intérêt : aucun

• Limitation de la consommation d’alcool < 3 verres de vin ou équivalent par jour chez l’homme et < 2 verres de vin ou équivalent par jour chez la femme; • Arrêt du tabac, associé si besoin à un accompagnement du sevrage tabagique; • Régime alimentaire riche en légumes, en fruits et pauvre en graisses saturées. Source: HAS 2005 : www.has.sante.fr

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