Les méthodologies de recommandations de bonne pratique

Les méthodologies de recommandations de bonne pratique

Annales Me´dico-Psychologiques 171 (2013) 25–27 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Communication Les me´thodologies de recommandations ...

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Annales Me´dico-Psychologiques 171 (2013) 25–27

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Communication

Les me´thodologies de recommandations de bonne pratique The development process for clinical guidelines Jacques Glikman Poˆle 94G05 (St-Maur-Joinville), centre hospitalier Les Murets, 94510, La Queue en Brie, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Mots cle´s : Haute Autorite´ de sante´ (HAS) Recommandation de bonne pratique

Les recommandations de bonne pratique, issues de l’evidence-based medicine, visent a` l’ame´lioration de la qualite´ et de la se´curite´ des soins. La Haute Autorite´ de sante´ (HAS) a de´veloppe´ deux me´thodes pour les e´laborer, la recommandation pour la pratique clinique, me´thode pre´fe´rentielle, et la recommandation par consensus formalise´. Au travers d’un processus structure´ et rigoureux, chaque recommandation est assortie d’un grade correspondant a` un niveau de preuve fonde´ sur les donne´es de la litte´rature me´dicale, le consensus et l’expe´rience des professionnels et la pre´fe´rence des patients. Les recommandations de bonne pratique sont destine´es a` eˆtre inte´gre´es dans des programmes de bonne pratique. ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. A B S T R A C T

Keywords: Clinical Guidelines Haute Autorite´ de sante´ (HAS)

Clinical Guidelines are developed to improve the quality and security of healthcare. They are based on the best available scientific evidence and expert consensus, taking into account the views of patients and their careers. Their development process uses precise methods. They are then used to develop standards for assessing and improving clinical practices. ß 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

1. De´finition et origine

L’analyse critique de la litte´rature professionnelle permet de hie´rarchiser les conclusions des publications selon la me´thodologie des e´tudes en leur attribuant un niveau de preuve scientifique. Des grilles [1,3,5,6], ge´ne´riques ou propres a` une discipline, permettent d’e´tablir une correspondance entre le niveau de preuve scientifique des e´tudes analyse´es et le grade des recommandations qui en sont issues (Haute Autorite´ de sante´ [HAS], World Federation of Societies of Biological Psychiatry [WFSBP]. . .). La de´marche EBM se de´compose ainsi en quatre e´tapes :

Les recommandations de bonne pratique (RBP) dans le domaine de la sante´ sont « des propositions de´veloppe´es me´thodiquement pour aider le praticien et le patient a` rechercher les soins les plus approprie´s dans des circonstances cliniques donne´es », selon la de´finition de l’Institute of Medecine. Elles sont a` distinguer d’autres types de recommandations, comme les auditions publiques ou les guides pour les affections de longue dure´e, dont les finalite´s sont diffe´rentes. Elles s’inspirent de l’evidence-based medecine (EBM) [2], en franc¸ais, « me´decine fonde´e sur les preuves » ou me´decine factuelle. Ce mouvement a pris sa source en pe´dagogie me´dicale a` la faculte´ McMaster dans l’Ontario dans les anne´es 1980. Il visait a` enseigner a` des petits groupes d’e´tudiants la lecture critique des publications scientifiques et son utilisation pour re´soudre les proble`mes cliniques. Cette de´marche a ensuite e´te´ e´tendue aux professionnels de sante´ dans les domaines de l’aide a` la de´cision, la formation continue et l’e´valuation des pratiques professionnelles.

Adresse e-mail : [email protected] 0003-4487/$ – see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2012.11.003

 formuler clairement un proble`me clinique pour un patient donne´ ;  re´aliser une revue me´thodique de la litte´rature sur le sujet ;  hie´rarchiser les conclusions selon des niveaux de preuve ;  les mettre en œuvre dans la prise en charge du patient. La me´decine factuelle a progressivement e´volue´ pour prendre en compte des sources diverses :  les donne´es actuelles de la science a` partir de l’analyse syste´matique et structure´e de la litte´rature ;  l’e´tat de l’art a` travers l’expe´rience et l’expertise des professionnels ;

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 les pre´fe´rences des patients et de leurs repre´sentants. Les RBP ne constituent pas une fin en soi : leur objectif est de contribuer effectivement a` l’ame´lioration de la qualite´ et de la se´curite´ des soins en s’inte´grant dans des programmes de bonnes pratiques professionnelles. Elles ne visent pas a` de´crire l’exhaustivite´ d’une prise en charge mais se limitent a` des points d’ame´lioration ou de re´duction des risques identifie´s au pre´alable. Elles ne se substituent pas aux manuels d’enseignements ou aux monographies professionnelles. Elles peuvent eˆtre utilise´es pour :  de´finir des crite`res d’e´valuation des pratiques professionnelles ;  contribuer a` l’information des professionnels de sante´ et des patients ;  faciliter la communication entre les patients et les professionnels ;  contribuer a` la formation initiale et continue des professionnels de sante´. 2. De´roulement du processus L’e´laboration d’une RBP par un promoteur (HAS, conseil national professionnel d’une discipline me´dicale ou autre) de´bute dans tous les cas par une phase de cadrage qui consiste a` :  pre´ciser la proble´matique a` l’origine de la demande : recueil d’information sur les pratiques, les donne´es scientifiques, les avis des experts ;  pre´ciser les objectifs en termes d’ame´lioration ou de re´duction des risques ;  de´limiter le the`me et le traduire en un nombre limite´ de questions concises ;  choisir une me´thode d’e´laboration parmi les deux possibles ;  pre´voir la diffusion et la mise en œuvre effective des RBP. On remarque que cette phase de cadrage est tre`s proche des e´tapes de la de´marche EBM de´crite pre´ce´demment. Les me´thodes pre´conise´es par la HAS pour e´laborer des RBP sont au nombre de deux :  la me´thode « Recommandations pour la pratique clinique » (RPC) [4] est choisie pre´fe´rentiellement. Elle permet de de´gager aise´ment un nombre limite´ de recommandations concises, non ambigue¨s, grade´es selon un niveau de preuve ;  la me´thode « Recommandations par consensus formalise´ » (RCF) [5] est a` la fois une me´thode de recommandations et une me´thode de consensus. Elle permet de formaliser un degre´ d’accord entre des experts et ainsi de re´diger un petit nombre de recommandations concises et non ambigue¨s. Son emploi est privile´gie´ lorsqu’au moins deux des conditions suivantes sont re´unies :  si on ne dispose pas, sur le the`me de la RBP, de donne´es scientifiques de fort niveau de preuve,  si le sujet de la RBP donne lieu a` une controverse avec un choix a` argumenter entre plusieurs alternatives,  si le the`me de la RBP peut eˆtre de´cline´ en situations cliniques aise´ment identifiables (listes d’indications, de crite`res). 3. La me´thode « Recommandations pour la pratique clinique » Un groupe de travail (15–20 membres) pluriprofessionnel, multidisciplinaire, incluant des repre´sentants des usagers, analyse un argumentaire scientifique pre´pare´ par un/des rapporteurs. Les professionnels ont une bonne connaissance de la pratique e´tudie´e, de la pertinence des e´tudes publie´es et des contextes cliniques.

Ils re´digent, apre`s discussion, une premie`re version des recommandations qui est adresse´e a` un groupe de lecture. Le groupe de lecture (30–50 membres) comporte des professionnels, e´largi aux spe´cialite´s me´dicales et aux professions non repre´sente´es dans le groupe de travail, des repre´sentants de patients, d’usagers, de la socie´te´ civile. Il donne un avis formalise´ sur le fond et la forme de la version initiale de la RPC. Les relecteurs donnent un avis consultatif, a` titre individuel, le groupe n’e´tant pas re´uni. A` l’issue de cette phase de lecture, le groupe de travail analyse et discute les avis du groupe de lecture puis re´dige une version finale de l’argumentaire scientifique, de la recommandation et une synthe`se. La validation de la recommandation est assure´e par la HAS, soit directement soit dans le cadre d’une labellisation. 4. La me´thode « Recommandations par consensus formalise´ » Un groupe de pilotage (6–8 membres) est compose´ de professionnels et repre´sentants d’usagers. Les professionnels ont une bonne connaissance de la pratique e´tudie´e, de la pertinence des e´tudes publie´es et des contextes cliniques. Ils re´digent, apre`s une analyse syste´matique et une synthe`se de la litte´rature et une discussion sur les pratiques existantes, un argumentaire scientifique et des propositions qui sont transmis a` un groupe de cotation. Un groupe de cotation (9–15 membres) est compose´ de professionnels exerc¸ant directement dans le domaine e´tudie´ par la recommandation. Il porte un jugement structure´, via une e´chelle nume´rique de 1 (totalement inapproprie´) a` 9 (totalement approprie´), sur chaque proposition soumise lors d’un vote en deux tours avec une re´union interme´diaire au cours de laquelle les points de divergence ou d’inde´cision sont revus. Les propositions qui font l’objet d’un consensus seront finalement retenues. Le groupe de pilotage re´dige, a` partir des re´sultats de la cotation, une version initiale des recommandations. Un groupe de lecture, analogue a` celui de la me´thode RPC, donne un avis formalise´, pour chaque proposition. Le groupe de pilotage et le groupe de cotation prennent connaissance des commentaires du groupe de lecture, puis re´digent la version finale de l’argumentaire scientifique, des recommandations et de la fiche de synthe`se. La validation de la recommandation est assure´e par la HAS, soit directement soit dans le cadre d’une labellisation. 5. Quelques points font l’objet d’une attention particulie`re pour e´laborer les recommandations de bonne pratique Il est important de choisir un the`me en fonction de son utilite´, a` partir des besoins exprime´s par les professionnels et observe´s sur le terrain, apre`s une analyse rapide de la litte´rature me´dicale. Le champ d’application sera bien de´limite´, centre´ sur les e´tapes cle´s d’une prise en charge pour lesquelles on a identifie´ un potentiel d’ame´lioration ou de re´duction des risques. On veillera a` assurer une repre´sentation e´quilibre´e au sein des groupes de travail ou de pilotage et de lecture : l’e´quilibre porte sur les disciplines me´dicales et les diffe´rentes professions concerne´es, les modes d’exercice professionnel, la diversite´ ge´ographique, les courants de pense´e notamment s’il existe une controverse de pense´e, les repre´sentants de patients et d’usagers. Les conflits d’inte´reˆts potentiels doivent eˆtre de´clare´s et rendus public et ge´re´s : ils peuvent eˆtre de nature financie`re, intellectuelle ou lie´s a` l’appartenance a` une e´cole de pense´e particulie`re. Chaque recommandation est assortie d’un grade en accord avec un niveau de preuve. La litte´rature a ses limites : ainsi, les patients inclus dans les essais cliniques de haut niveau de preuve ne sont pas totalement

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repre´sentatifs des proble`mes et situations rencontre´s au quotidien. Les patients pre´sentant des comorbidite´s ou un risque suicidaire e´leve´, rencontre´s fre´quemment dans la pratique, sont exclus des essais cliniques. Le proble`me de la hie´rarchisation des strate´gies the´rapeutiques selon la typologie des patients ou leur re´ponse a` un premier traitement n’est pas souvent tranche´ par des e´tudes probantes. Les recommandations doivent eˆtre sobres : en petit nombre, parfaitement explicites et contributives dans un contexte de´cisionnel pre´cis, accompagne´es d’un grade et de´clinables en un nombre limite´ de crite`res d’analyse de pratique pertinents sur le terrain. Elles sont date´es et re´actualise´es re´gulie`rement, selon les besoins, graˆce a` un processus de veille. Il est souhaitable de diffuser e´galement un document synthe´tique, destine´ aux patients. Leur pre´sentation sous une forme interactive, facile a` consulter, et leur inte´gration dans les logiciels professionnels facilitent leur consultation et leur utilisation en temps re´el.

6. Les recommandations de bonne pratique psychiatrique publie´es en France en 2011 et 2012 Trois RBP ont e´te´ e´labore´es et diffuse´es en France en 2011 et 2012 et sont consultables sur le site internet de la HAS :  autisme et autre troubles envahissants du de´veloppement : interventions e´ducatives et the´rapeutiques coordonne´es chez

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l’enfant et l’adolescent. Promoteur HAS. Me´thode RCF, mars 2012 ;  autisme et autre troubles envahissants du de´veloppement : diagnostic et e´valuation chez l’adulte. Promoteur : HAS, me´thode RPC, juillet 2011 ;  les courriers e´change´s entre me´decins ge´ne´ralistes et psychiatres lors d’une demande de premie`re consultation par le me´decin ge´ne´raliste pour un patient adulte pre´sentant un trouble mental ave´re´ ou une souffrance psychique. Promoteur : Colle`ge National pour la Qualite´ des soins en Psychiatrie (CNQSP), me´thode RPC, label HAS fe´vrier 2011.

De´claration d’inte´reˆts L’auteur de´clare ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Re´fe´rences [1] Bandelow B, Zohar J, Kasper S, Mo¨ller HJ. How to grade categories of evidence. World J Biol Psychiatry 2008;9:242–7. [2] Chabot JM. Loi HPST, analyse et arguments. Neuilly-sur-Seine: Global me´dia sante´, Pratique Me´dicale; 2009 p. 103–5. [3] HAS, Guide me´thodologique, guide d’analyse de la litte´rature et gradation des recommandations, 2000. [4] HAS, Guide me´thodologique, Recommandations pour la pratique clinique (RPC), Me´thode d’e´laboration de recommandations de bonne pratique, 2010. [5] HAS, Guide me´thodologique, recommandations par consensus formalise´ (RCF), me´thode d’e´laboration de recommandations de bonne pratique, 2010. [6] National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE). The Guidelines Manual, 2009, 266 p., www.nice.org.uk.