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L’évolution psychiatrique 78 (2013) 53–70
Article original
Évaluation de la cognition sociale en langue franc¸aise chez l’adulte : outils disponibles et recommandations de bonne pratique clinique夽 Social cognition assessment in French language for adults: Available tools and recommendations for clinical practice Karine Merceron a , Antoinette Prouteau b,∗,c a
Neuropsychologue clinicienne, centre de réhabilitation psychosociale de la Tour de Gassies, rue de la Tour-de-Gassies, 33523 Bruges, France b Maître de conférences en neuropsychologie, université de Bordeaux, « Psychologie, Santé et Qualité de vie », EA 4139, 3, ter place de-la-Victoire, 33000 Bordeaux, France c Département de psychiatrie adulte, centre hospitalier de Jonzac, domaine des Fossés, St-Martial-de-Vitaterne, 17500 Jonzac, France Rec¸u le 19 juillet 2012
Résumé La cognition sociale désigne l’ensemble des processus impliqués dans les interactions sociales. Le rôle majeur de ces processus dans les possibilités de réhabilitation, notamment en psychiatrie adulte, a fait émerger des besoins d’évaluation clinique dans ce domaine particulier. Cette notion comporte cependant plusieurs dimensions qui ont fait l’objet de nombreux travaux récents dans la littérature internationale. Ce travail a pour objectif de recenser les outils disponibles en langue franc¸aise pour l’évaluation clinique de la cognition sociale chez l’adulte, et d’en extraire quelques recommandations pour la pratique en neuropsychologie clinique. Les résultats montrent que malgré le peu d’outils disponibles en langue franc¸aise, il est possible d’évaluer plusieurs dimensions de la cognition sociale, comme la reconnaissance des émotions faciales, la théorie de l’esprit, l’alexithymie et la conscience émotionnelle. Les tests recensés comportent chacun des intérêts et des limites spécifiques qui délimitent en partie le périmètre de leur utilisation. Globalement, la validation partielle des outils, leur hétérogénéité et la multidétermination des tests invitent à une certaine prudence dans la méthodologie de l’évaluation et l’interprétation des résultats. Pour tenir compte de ces
夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Merceron K, Prouteau A. Évaluation de la cognition sociale en langue franc¸aise chez l’adulte : outils disponibles et recommandations de bonne pratique clinique. Evol Psychiatr 2013;78(1): pages (pour la version papier) ou URL et date de consultation (pour la version électronique). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Prouteau).
0014-3855/$ – see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.evopsy.2013.01.002
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écueils, l’utilisation croisée des outils et le contrôle des fonctions cognitives basiques permettent néanmoins de procéder à une évaluation fine et détaillée du profil de fonctionnement de chaque sujet. Des études en langue franc¸aise demeurent nécessaires pour étudier plus avant la validité de ces outils et permettre une évaluation plus fiable et diversifiée de ces dimensions. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Neuropsychologie ; Cognition sociale ; Théorie de l’esprit ; Émotion ; Schizophrénie ; Échelle d’évaluation ; Bilan psychologique
Abstract Social cognition is described as the processes underlying interpersonal relationships. The crucial role of these processes in rehabilitation, especially in adult psychiatry, has raised needs of clinical assessment in this particular cognitive domain. However, social cognition is a multidimensional construct which has been studied in numerous recent international researches. This review is aimed at inventorying available tools in French language for social cognition assessment in adults, and at drawing recommendation for practice in clinical neuropsychology. Results show that despite the lack of available tools, the assessment of social cognition is feasible in several dimensions, such as facial emotion recognition, theory of mind, alexithymia and emotional awareness. Each of the identified tools has specific benefits and limits that delimitate their potential usefulness. Globally, the incomplete validation of tools, as well as their heterogeneity and their multidetermination should lead to some caution when assessing performances and interpreting results. However, when crossing assessments and controlling for basic neurocognitive difficulties, the identified tools can provide detailed information about each patient’s social cognition profile. Studies remain necessary to further validate existing tools and to allow more reliable and diversified assessment. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Social cognition; Theory of mind; Emotion; Schizophrenia; Assessment scale; Neuropsychology
1. Introduction La cognition sociale désigne globalement l’ensemble des processus cognitifs impliqués dans les interactions sociales [1]. Précisément, il s’agit de la capacité à construire des représentations sur les relations entre soi-même et les autres et à utiliser ces représentations de manière flexible pour ajuster et guider son propre comportement social [2]. Il s’agit donc d’un terme générique dont la définition n’est pas consensuelle, comprenant plusieurs dimensions hétérogènes, telles que : le traitement des informations émotionnelles, la connaissance et la perception sociales, la théorie de l’esprit (TDE), les biais attributionnels etc. (pour synthèse, voir [3,4]). L’empathie, ayant connu un regain d’intérêt en neurosciences, peut également être considérée comme un concept proche de la cognition sociale. En effet, l’empathie qui peut être désignée par la capacité à ressentir et à comprendre les expériences affectives d’autrui est souvent considérée comme étant composée de deux dimensions complémentaires (pour synthèse, voir [5]). La première dimension, l’empathie émotionnelle ou affective, est considérée comme étant une réponse affective envers autrui qui implique parfois (mais pas toujours) un partage de son état émotionnel [6]. Cette dimension est considérée comme une réponse primitive et automatique à la vue de l’émotion d’autrui et elle est rapprochée de la contagion émotionnelle [5]. La deuxième dimension, l’empathie cognitive, serait la capacité cognitive de prendre la perspective subjective de l’autre personne [6]. Cette deuxième dimension recouvre le concept de théorie de l’esprit [5], l’une des composantes de la cognition sociale. Il existe par ailleurs d’autres liens entre certaines dimensions de l’empathie et la cognition
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sociale (la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles est l’un des précurseurs de la contagion émotionnelle) ou la cognition plus basique (fonctions exécutives), mais ce n’est pas l’objet de notre étude (pour une revue détaillée, voir [5]). Ainsi, la cognition sociale regrouperait un ensemble de fonctions cognitives spécifiquement impliquées dans les relations avec les autres ou le comportement social. Ces fonctions cognitives s’étayent sur le niveau perceptif, mais également sur d’autres fonctions cognitives plus basiques (lexique, mémoire, fonctions exécutives, exploration visuospatiale. . .). Le produit de ces opérations cognitives s’observe au niveau fonctionnel : différentes manières d’être en relation avec autrui, différentes manières d’être empathique, etc. Malgré une certaine interdépendance avec les fonctions neurocognitives dites « basiques », la cognition sociale pourrait être envisagée comme une domaine cognitif à part entière dans la schizophrénie [7], justifiant ainsi son évaluation spécifique. Elle constitue un domaine de fonctionnement parmi les plus sophistiqués, avec des composantes comme la mentalisation et la distinction soi/autrui, particulièrement pertinentes dans l’étude des troubles du spectre schizophrénique [8]. La cognition sociale a connu un intérêt grandissant dans l’étude de la schizophrénie ces dernières années. Hormis l’implication évidente des troubles de la cognition sociale dans l’émergence et le maintien de symptômes – notamment négatifs et de désorganisation [9], ces difficultés ont été largement associées au handicap psychique. Les troubles de la cognition sociale constituent l’un des prédicteurs majeurs des difficultés d’insertion sociale et de fonctionnement en vie quotidienne généralement. Selon certains auteurs, la cognition sociale servirait de médiateur à l’impact des troubles neurocognitifs sur le handicap psychique. En d’autres termes, les troubles cognitifs seraient en relation avec le retentissement fonctionnel via les répercussions qu’ils ont sur la cognition sociale [10]. Au final, l’évaluation des troubles de la cognition sociale permettrait donc d’affiner la compréhension du profil de dysfonctionnement de chaque patient, et par conséquent, de mieux se représenter les facteurs faisant obstacle à la réhabilitation, ou constituant des points forts pour l’évolution dans le temps des limitations d’activité et des restrictions de la participation. Cependant, il n’existe actuellement pas de consensus sur la méthode d’évaluation de la cognition sociale, en particulier en langue franc¸aise. Les outils, peu nombreux, restent difficiles à identifier pour les cliniciens. Enfin, l’utilisation préférentielle de tel ou tel test, en fonction des objectifs et des contraintes de l’évaluation demeure limitée en l’absence de synthèse portant sur les outils existant et leurs caractéristiques spécifiques. 2. Objectif L’objectif général de cet article est de dégager des recommandations de bonne pratique clinique en matière d’évaluation neuropsychologique de la cognition sociale chez les adultes en langue franc¸aise. Ce travail vise donc le recensement les outils disponibles en langue franc¸aise et l’analyse de leurs caractéristiques principales, afin d’en dégager les intérêts spécifiques et par domaines cliniques. 3. Méthode 3.1. Sélection des outils Le recensement des outils disponibles en langue franc¸aise s’est effectué sur plusieurs années, par le biais principalement d’échanges entre neuropsychologues cliniciens. La longueur de cette
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période s’explique notamment par le fait que ce recensement ne peut être opéré à partir des bases bibliographiques classiques (PubMed, PsycInfo etc.), la plupart des outils n’y figurant pas. De plus, l’analyse des outils et des travaux scientifiques s’y rattachant s’est majoritairement effectuée dans le contexte des personnes adultes souffrant de lésions cérébrales ou de troubles du spectre schizophrénique. 3.2. Caractéristiques analysées Pour chaque outil, l’analyse détaillée a porté sur : la forme de l’outil (test, questionnaire etc.), le type de support, la modalité de réponse, les éléments de validation de la version en langue franc¸aise, la disponibilité des normes, les intérêts et limites pour la pratique, la durée de passation. 4. Résultats Le Tableau 1 (cf. Annexe 1) présente les différents outils recensés et résume leurs caractéristiques principales. 4.1. Cognition sociale générale : les premiers outils 4.1.1. Les tests d’intelligence sociale Les premiers outils d’évaluation des aspects sociaux de l’intelligence ont été élaborés en 1978 par O’Sullivan et Guilford dans une batterie de tests dénommée les tests d’intelligence sociale [11]. Bien que cette batterie soit encore disponible aux Éditions du centre de psychologie appliquée (ECPA), le matériel paraît désuet à l’heure actuelle, le rendant peu adapté au contexte actuel. 4.1.2. Florida Affect Battery Cette batterie développée par Bowers, Blonder et Heilman en 1991 [12] fut l’une des premières qui permet l’évaluation des signaux émotionnels en communication non verbale (expression faciale et prosodie). Cette batterie est validée et étalonnée en anglais. Elle a été développée initialement pour une population de patients cérébrolésés. Il n’existe pas de version franc¸aise traduite et validée. 4.2. Reconnaissance des émotions faciales 4.2.1. Test d’Eckman Ce test, élaboré par Ekman et Friesen (1976), fut l’un des premiers outils disponibles pour l’évaluation de la reconnaissance faciale des émotions [13]. Il est composé de deux séries de 60 photos en noir et blanc de visages d’acteurs (six femmes et quatre hommes) exprimant les six émotions primaires (joie, colère, tristesse, dégoût, surprise, peur). Différents scores peuvent être obtenus, un score global qui reflète la performance globale, ainsi qu’un score différentiel pour chacune des six émotions. Ce test a été développé et validé aux États-Unis. Il a apparemment été traduit en franc¸ais, cependant sans version consensuelle appuyée par une publication Il n’est donc pas non plus validé en franc¸ais. De plus, il ne prend en compte que les émotions primaires, ce qui nous prive d’informations sur la capacité des personnes à percevoir des états émotionnels plus complexes ou plus relationnels. Aussi, les images paraissent maintenant plutôt datées. L’avantage principal
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de cet outil réside dans sa capacité à fournir un score pour chacune des six émotions primaires, permettant ainsi de déterminer des difficultés de reconnaissance spécifique de chaque émotion. 4.2.2. Faces Test (version Bordeaux) Cet outil développé par l’équipe anglaise de Baron-Cohen et al., en 1997 [14] est constitué de 20 photos en noir et blanc d’une même actrice mimant des états émotionnels. Les dix premières photos correspondent à des émotions primaires, ou émotions basiques, tandis que les dix dernières photos représentent des émotions secondaires, ou émotions complexes (séductrice, arrogante, sceptique, se sent coupable etc.). L’épreuve se déroule en reconnaissance, il s’agit pour le sujet de déterminer l’émotion adéquate parmi deux adjectifs émotionnels suggérés. Une version franc¸aise (version Bordeaux) en cours de validation dans notre équipe modifie les conditions de passation de cette épreuve. Premièrement, une condition d’évocation libre a été ajoutée avant la tâche de reconnaissance, qui permet d’évaluer l’accès au lexique émotionnel. Deuxièmement, dans la condition de reconnaissance, quatre adjectifs émotionnels sont proposés plutôt que deux afin d’éviter l’effet plafond présent dans la version initiale [15]. Cet outil est une épreuve expérimentale non validée en anglais, mais en cours de validation en franc¸ais. L’avantage de cet outil est qu’il prend en compte les émotions complexes, contrairement aux autres outils existants, ce qui permet a priori de mettre en évidence des difficultés plus fines de reconnaissance faciale des émotions, difficultés qui ne sont parfois pas rendues saillantes par les autres instruments. L’utilisation clinique est limitée par l’absence de normes, d’autant plus que les sujets sains éprouvent eux-mêmes des difficultés à cette épreuve [15,16]. Il faut signaler que le matériel est disponible librement sur le site Internet des auteurs (http://autismresearchcenter.com). 4.2.3. Test de reconnaissance des émotions faciales (TREF) Cet outil, développé par Gaudelus et Baudouin [17] se compose de 54 photos en couleur de six visages différents (trois hommes et trois femmes) exprimant six émotions universelles de base avec des intensités d’expression variant de 20 à 100 %. Les sujets doivent choisir parmi les six émotions universelles, quelle est celle qui convient le mieux pour décrire chacun des visages. La présentation des items se fait en temps limité (10 secondes pour chaque photo), mais le sujet n’est pas limité dans le temps pour répondre. Ce nouvel outil élaboré en langue franc¸aise est en cours de validation. Malgré le fait que nous ne disposons à l’heure actuelle d’aucune norme et que cet outil n’évalue que les émotions primaires, il présente toutefois de nombreux avantages. En effet, il permet d’abord d’être administré sous format informatisé (présentation en diaporama), ce qui offre l’avantage d’être bien apprécié par les patients et de contrôler le temps de présentation de chaque image (mais le format papier peut également être utilisé). Les photos en couleur offrent également un plus grand confort pour les personnes interrogées. Le choix de la cotation fournissant un score par émotion permet également d’avoir une finesse clinique supplémentaire. Enfin, la nouveauté introduite par la prise en compte de l’intensité de l’expression faciale émotionnelle permet également d’aller plus loin dans la compréhension des difficultés rencontrées par les patients. 4.3. Alexithymie Parmi les outils d’évaluation de l’alexithymie, nous ne possédons en langue franc¸aise et validés que des auto-questionnaires.
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4.3.1. Toronto Alexithymia Scale-20 items (TAS-20) Ce premier outil, développé par Bagby, Taylor et Parker en 1994 [18], se présente sous la forme d’un auto-questionnaire comportant 20 questions, se rapportant à trois dimensions de l’alexithymie : les difficultés d’identification des émotions, les difficultés de description des émotions et la pensée opératoire (mode de pensée tournée davantage vers les aspects concrets de l’existence que vers les aspects introspectifs et intimes). La personne doit décrire la fréquence à laquelle chaque proposition se rapporte à eux sur une échelle de type Lickert en quatre points, de « rarement » à « très souvent ». Les études de validation mettent en évidence les bonnes qualités psychométriques de cet outil [19]. Une validation franc¸aise est également disponible montrant également une bonne validité de cet outil [20–22]. Cet outil présente l’intérêt principal d’être largement utilisé autant en recherche que dans une démarche clinique. En revanche, les trois dimensions ne comportent pas un nombre identique d’items, ce qui peut constituer un biais dans le sens où un facteur peut jouer un poids plus important sur le score global. Par ailleurs, l’échelle ne comporte pas un nombre identique d’items à cotation inversée ce qui constitue un biais de souscrire à des propositions en raison de leur formulation préférentielle dans le sens du concept mesuré.
4.3.2. Bermond-Vorst Alexithymia Questionnaire (BVAQ) Ce nouvel auto-questionnaire, développé par Vorst et Bermond en 2001 [23], a été créé afin de pallier certaines critiques formulées envers la TAS-20, notamment d’éviter les deux biais décrits précédemment. De plus, cette nouvelle échelle réintroduit la dimension d’appauvrissement de la vie fantasmatique qui avait été éliminée de la TAS 20 car elle était corrélée avec forte désirabilité sociale. Le BVAQ est composé de 40 questions évaluant cinq dimensions de l’alexithymie : la difficulté à identifier ses états émotionnels, la difficulté à exprimer verbalement ses états émotionnels à autrui, la pensée opératoire, l’appauvrissement de la vie fantasmatique et la réactivité émotionnelle. Cette échelle permet de différencier les aspects cognitifs (les trois premières dimensions) des aspects affectifs (les deux dernières dimensions) de l’alexithymie. La cotation s’effectue sur une échelle de Lickert en cinq points, allant de « tout à fait d’accord » à « pas du tout d’accord ». Ce questionnaire est également construit afin d’obtenir deux versions parallèles de 20 items chacune (la BVAQ-A correspond aux items 1 à 20 et la BVAQ-B correspond aux items 21 à 40). Cet outil semble présenter de bonnes qualités psychométriques même si les études de validation sont encore peu nombreuses [19]. Une version franc¸aise validée est également disponible [24]. Cet outil présente l’avantage d’être élaboré à partir des critiques émises à propos des outils existants. Il permet également une évaluation de l’alexithymie par dimension ainsi que par la différence entre les aspects cognitifs et affectifs. Il est d’ailleurs actuellement préconisé d’examiner l’effet de chaque dimension et non plus de considérer un score global.
4.3.3. Critique des auto-questionnaires pour l’évaluation de l’alexithymie Ces deux outils présentent néanmoins le désavantage d’être des auto-questionnaires. En effet, en plus du biais de désirabilité sociale bien connu des auto-questionnaires, ce genre de mesures comporte un autre biais lié au concept associé à cet outil. En effet, si les sujets ont un niveau élevé d’alexithymie, ils sont de ce fait gênés pour avoir des jugements valides sur leur propre fonctionnement émotionnel [25]. Il existe par ailleurs d’autres types d’évaluations de l’alexithymie
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(entretiens semi-structurés, rapports de collatéraux), mais ces outils ne sont pas disponibles en langue franc¸aise actuellement.
4.4. Conscience émotionnelle 4.4.1. Levels of Emotional Awareness Scale (Échelle des niveaux de conscience émotionnelle) (LEAS) Cet outil se compose de 20 situations pour lesquelles il est demandé au sujet de décrire ce qu’il ressentirait dans cette situation (score « sujet ») ainsi que ce que ressentirait l’autre personne mentionnée dans l’histoire (score « autre ») [26]. Il s’agit de déterminer le niveau de conscience émotionnelle auquel le vocabulaire émotionnel employé dans la réponse se réfère (du niveau 0 au niveau 5). La cotation permet d’obtenir trois scores : un score « sujet » qui évalue la conscience qu’a la personne de ses propres émotions, un score « autre personne » qui évalue la capacité du sujet à attribuer des émotions à autrui et un score global pour chaque histoire. Cet outil a fait l’objet d’une validation franc¸aise par Bydlowski et al. [27], qui met en évidence de bonnes qualités psychométriques. Ces auteurs nous fournissent également des scores moyens qui permettent de situer la performance puisque la distribution se fait selon une loi qui s’approche de la loi normale. Cet outil semble avant tout être une mesure de l’accès au lexique émotionnel ainsi qu’une mesure de l’étendue de ce lexique. Des difficultés d’accès au lexique ou un lexique émotionnel restreint entraînent une performance déficitaire. Le concept de conscience émotionnelle semble entretenir des liens avec le développement et l’utilisation du langage. Cet outil original permet également une évaluation plus qualitative des réponses fournies. Ainsi, il est possible d’observer différents phénomènes signant l’existence de difficultés de conscience émotionnelle : la répétition tout au long de l’épreuve d’un nombre restreint d’émotions pourtant de bon niveau de conscience émotionnelle, la prédominance des réponses dans l’agir (je ferais. . ., je lui dirais. . .), la répétition d’émotions similaires pour une même situation à la fois pour soi et pour autrui. . .
4.5. Théorie de l’esprit 4.5.1. Tâche des faux-pas (version Bordeaux) La tâche des faux-pas, développé par Stone, et al., en 1998 [28], est un outil d’évaluation de la théorie de l’esprit dans le sens où il évalue la détection de maladresses communicationnelles. Un faux-pas peut être représenté par le fait que quelqu’un dit quelque chose qu’il n’aurait pas dû dire, qui peut blesser quelqu’un d’autre, sans savoir ou sans réaliser qu’il n’aurait pas dû le dire. Pour comprendre qu’un faux-pas se produit, on doit se représenter deux états mentaux distincts : le premier est que la personne qui le dit ne sait pas qu’elle ne devrait pas le dire, le second est que la personne qui l’entend peut se sentir blessée ou insultée. Cet outil se présente sous la forme de 20 histoires impliquant des personnages, dont certains commettent un faux-pas. Le sujet doit déterminer quelles histoires contiennent des faux-pas. Lorsque la personne détecte un faux-pas, des questions pour évaluer la compréhension de ce faux-pas sont posées, puis des questions contrôles de compréhension de l’histoire sont posées.
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Quatre scores sont donc obtenus, un score d’évaluation du faux-pas pour les histoires fauxpas, un score d’évaluation de l’absence de faux-pas pour les histoires contrôles, un score de compréhension des histoires faux-pas et un score de compréhension pour les histoires contrôles. Une fois de plus, cet outil n’est pas encore validé, ni dans sa version originale, ni en franc¸ais. Une traduction en franc¸ais a été menée par Simion en 2006 [29]. Des statistiques descriptives chez les traumatisés crâniens, ainsi que chez des sujets sains appariés sont disponibles [30]. Par ailleurs, des normes sont disponibles pour des personnes à partir de 45 ans1 . Une nouvelle version bordelaise à dix items a été élaborée dans notre équipe, afin de raccourcir cette épreuve. Le matériel est librement accessible sur le site des auteurs (http://autismresearchcenter.com). Cette épreuve, uniquement en modalité verbale semble impliquer fortement d’autres fonctions cognitives comme la mémoire de travail ou l’attention. Même si la présence de questions contrôles permet d’éviter d’interpréter des difficultés de compréhension de l’histoire comme étant une trouble de détection de faux-pas, la compréhension de faux-pas peut être influencée par des compétences intactes en mémoire de travail dans cette tâche. 4.5.2. Tâche d’attribution d’intention Cette tâche a été développée par une équipe franc¸aise en 1997 [31]. Il s’agit d’une tâche non verbale évaluant les capacités d’attribution d’intentions à autrui. La tâche est composée de bandes dessinées de trois cases relatant une histoire, suivie de trois images réponses. Il s’agit pour le sujet de déterminer parmi les trois images réponses celle qui complète le mieux l’histoire. Pour résoudre l’épreuve, le sujet doit inférer une intention au personnage dessiné. Il existe deux versions de la condition expérimentale permettant facilement le re-test. Cette tâche comporte deux conditions contrôle où l’inférence des intentions du personnage n’est pas nécessaire pour la résolution de l’histoire, où c’est la compréhension de la causalité physique de l’action qui doit être comprise : une condition contrôle impliquant des personnages, une condition contrôle sans personnage. Cette tâche, validée de manière préliminaire par Brunet et al., [32] est en cours de validation dans notre équipe. Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de normes, ce qui limite son utilisation dans une démarche d’évaluation neuropsychologique. Malgré tout, des moyennes obtenues sur 25 personnes souffrant de schizophrénie, ainsi que sur un groupe de 25 témoins appariés sont disponibles [32]. En revanche, cette tâche présente l’avantage d’être une tâche non verbale de théorie de l’esprit, permettant d’être moins parasitée par des biais de compréhension verbale ou d’autres processus cognitifs associés au maniement du langage. Cette tâche facile semble peu sensible auprès d’une certaine population qui présente un niveau de compétence satisfaisant. En effet, un effet plafond est vite atteint, qui permet d’identifier des difficultés chez les sujets de bas niveau voire de très bas niveau, mais pas chez les sujets avec des difficultés plus fines. Donc ce test ne se suffit pas en lui-même pour éclairer des difficultés de théorie de l’esprit et doit être complété par d’autres. 4.5.3. Interprétation du regard La tâche d’interprétation du regard a été élaborée par Baron-Cohen et al. en 2001 en langue anglaise, dans le souci de développer une tâche suffisamment difficile pour mettre en avant des
1 Boutantin J, Moroni C, Demeneix E, Marchand E, Lys H, Pasquier F, et al. Normalisation du test des faux-pas auprès d’une population adulte. Réunion de Printemps de la société de neuropsychologie de langue franc¸aise. Lille, France; 2010.
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déficits fins de théorie de l’esprit, pour détecter par exemple des difficultés chez des adultes présentant par ailleurs un niveau d’efficience intellectuelle dans les normes [33]. Cette tâche part du postulat que nous pouvons juger des états mentaux d’autrui à partir d’un minimum d’indices. Cette tâche se compose de 36 images représentant la région des yeux chez des acteurs ou personnages célèbres. La tâche consiste à choisir parmi quatre adjectifs émotionnels proposés, celui qui correspond le mieux pour décrire ce que la personne pense ou ressent. Un glossaire avec la définition des adjectifs proposés, ainsi qu’une phrase d’exemple d’utilisation sont mis à la disposition du sujet. Cette tâche est considérée comme une tâche de théorie de l’esprit, plutôt qu’une tâche de reconnaissance faciale des émotions, car plutôt que d’être centrée uniquement sur des états émotionnels, elle fait référence à des états mentaux plus globaux (par exemple exigeant, joueur, décidé). Elle n’est pleinement validée ni en langue anglaise, ni en langue franc¸aise. Un étalonnage a pourtant été réalisé [34] auprès de 115 sujets témoins franc¸ais d’âge et de niveau socio-éducatifs différents. Cet étalonnage met en évidence un effet de l’âge sur la performance ainsi qu’un effet du niveau socio-éducatif. Le matériel est librement accessible sur le site Internet des auteurs (autismresearchcenter.com), en version franc¸aise. Concernant son utilisation clinique, la tâche s’avère souvent trop difficile pour la population de personnes souffrant de schizophrénie.
4.5.4. Hinting Task Cet outil, développé par Corcoran, et al., en 1995, est une tâche de compréhension de sousentendus [35]. Elle mesure la capacité des sujets à inférer des intentions réelles qui se cachent derrière des énonciations langagières indirectes. Cette tâche se compose de dix histoires pour lesquelles le sujet doit décrire l’intention dissimulée par le sous-entendu du personnage de l’histoire. Cet outil a été traduit en franc¸ais par Lepage et Malla et une modification a été apportée par Angelard (non publiée). Il n’existe à l’heure actuelle aucune validation, ni dans sa version originale, ni en version franc¸aise, ce qui limite encore une fois son utilisation lors d’un bilan neuropsychologique. Cette tâche verbale présente l’intérêt de proposer des items courts, limitant ainsi l’impact de la charge cognitive dans la compréhension de l’item. Cependant, à l’utilisation, cette tâche semble n’être échouée que par des sujets de faible niveau en théorie de l’esprit (effet plafond).
4.5.5. Lecture intentionnelle en situation (LIS) Ce nouvel outil développé par Bazin et al., en 2009 utilise le support vidéo pour créer une tâche originale et plus écologique d’évaluation des attributions d’intentions à autrui [36]. Le matériel est composé de six extraits vidéo montrant des interactions complexes entre deux personnes ou plus impliquées par exemple dans des allusions, des actes de langage indirect ou des mensonges. À la suite de la présentation de chacun des courts extraits vidéo, il est demandé aux sujets d’évaluer différentes propositions relatives à l’intention de l’un des personnages, de très peu probable à très probable et de justifier chacune de leurs évaluations par un ou deux arguments. Cet outil a été en partie validé et des statistiques descriptives chez 15 sujets témoins, un groupe de patients schizophrènes, un groupe de patients maniaques et un groupe de sujets dépressifs sont disponibles [36].
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Cet outil présente l’avantage principal d’être plus écologique, le support vidéo permet une présentation dynamique, simultanée d’informations contextuelles, émotionnelles pour chacun des personnages, et communicationnelle. Il permet également de fournir des informations concernant le mouvement, source importante d’informations concernant les émotions, les intentions, etc. Le support vidéo, plus ludique est aussi souvent mieux accepté par les personnes que nous interrogeons que nos outils classiques de type papier crayon. En revanche, cet outil est un peu long à administrer (30 min environ).
4.5.6. Échelle d’habileté et de difficultés de théorie de l’esprit en vie quotidienne Nous présentons cet outil, développé par Peterson et al. en 2009 [37], puisqu’il est le seul questionnaire évaluant à notre connaissance les difficultés de théorie de l’esprit en vie quotidienne. Cet hétéro-questionnaire administré à un proche, investigue différents domaines de la vie quotidienne à travers huit questions afin d’explorer si la personne évaluée présente des troubles de la communication ou des interactions sociales reliées à des difficultés de théorie de l’esprit. La cotation s’effectue sur une échelle de type Lickert en cinq points. Cet outil a été développé et partiellement validé en langue anglaise chez des adolescents [37]. Il a été traduit en franc¸ais par Zanon [38] et adapté pour une population adulte. Des statistiques descriptives auprès de 12 sujets témoins et un groupe de sujets victime de traumatisme crânien sont disponibles [38]. Cet outil présente l’avantage d’être le seul questionnaire existant à l‘heure actuelle. L’administration à un tiers présente aussi l’avantage de contourner les biais habituels des autoquestionnaires, mais aussi le biais induit par les difficultés de jugement que peuvent avoir les personnes qui présentent des troubles psychiatriques.
4.6. Empathie 4.6.1. Indice de réactivité interpersonnelle (IRI) Cet auto-questionnaire développé par Davis en 1980 en langue anglaise évalue quatre dimensions de l’empathie : la prise de perspective (tendance spontanée à adopter le point de vue des autres), l’imagination (tendance à se transposer aux émotions et ressentis des personnages de livres, films ou jeux), le souci empathique (fait de développer de la sympathie envers les individus moins chanceux que soi), la détresse personnelle (tendance des émotions orientées vers soi et relatives à une anxiété personnelle dans le cadre de tensions interpersonnelles) [39,40]. Les deux premières dimensions, prise de perspective et imagination, se réfèrent à la dimension cognitive de l’empathie (compréhension des sentiments d’autrui), tandis que les deux autres dimensions correspondent à l’empathie affective (réponse émotionnelle d’un observateur à l’état affectif de quelqu’un d’autre). Ce questionnaire comporte 28 questions, pour chaque question, il est demandé au sujet de répondre en se positionnant sur une échelle de type Lickert en cinq points. Ce questionnaire est validé en version originale [39,40], il a été traduit et partiellement validé en franc¸ais [41]. Cet outil présente l’avantage principal d’offrir une évaluation multidimensionnelle, évaluant à la fois les dimensions cognitives et affectives de l’empathie. Pourtant, certains auteurs ont émis des critiques concernant le choix de certaines de ses dimensions [42] : la détresse personnelle ne serait pas de l’empathie, même si cet aspect paraît important dans sa participation
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au sentiment empathique. De la même manière, l’imagination n’est pas clairement définie non plus comme étant de l’empathie. 4.6.2. Quotient d’empathie (EQ) Contrairement à la plupart des outils présentés, ce nouvel outil a été créé par Baron-Cohen et Wheelwright (2004) dans une perspective clinique [43]. Le Quotient d’Empathie est un autoquestionnaire de 60 items dont les 2/3 évaluent spécifiquement l’empathie, tandis que le tiers restant est constitué des questions distractives pour éviter la focalisation de la personne sur la dimension empathique de l’outil. Pour chaque question, on demande à la personne de se positionner sur une échelle de Lickert en quatre points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». Ce questionnaires est validé en version originale [43], traduit et validé en franc¸ais [44]. Des moyennes obtenues sur un échantillon de 410 personnes, et réparties suivant le genre, peuvent servir de repère, la distribution de la population étudiée suivant une loi normale. Bien que cet outil soit construit sur une modalité originale (items non spécifiques à l’empathie mais qui permettent de défocaliser son attention sur cette dimension), il reste tout de même limité par son aspect unidimensionnel puisqu’il n’évalue pas l’empathie selon différentes dimensions. 4.6.3. Basic Empathy Scale (BES) Ce questionnaire développé par Jolliffe et Farrington (2006) est un auto-questionnaire qui évalue à la fois les dimensions cognitive et affective de l’empathie [45]. Il est composé de 20 questions pour lesquelles le sujet doit répondre à l’aide d’une échelle de type Lickert en quatre points. Ce questionnaire a été élaboré pour un public adolescent. Il a été largement validé en version originale [45] et a été traduit et validé en franc¸ais [46]. Cet outil présente l’avantage d’être élaboré pour un public d’adolescents spécifiquement, ce qui constituait un manque parmi les outils dont nous disposions jusque-là. 4.6.4. Critique des outils d’évaluation de l’empathie Une première critique concerne l’utilisation des auto-questionnaires pour évaluer les dimensions empathiques chez les personnes que nous rencontrons. En effet, les personnes souffrant de schizophrénie présentent des déficits de mentalisation du fait des désordres cognitifs plus élémentaires et de ce fait présentent des difficultés pour se représenter leur propre état mental. Une auto-évaluation ne nous renseigne que sur la manière dont la personne évalue son propre fonctionnement, mais ne constitue pas en soi une mesure objective des capacités empathiques des personnes. En revanche, les informations fournies peuvent nous renseigner sur le degré de méconnaissance des difficultés des personnes sur leur propre fonctionnement (une dimension de la métacognition). Par ailleurs, le concept d’empathie semble difficilement opérationalisable du fait de son caractère complexe, multidimensionnel, faisant intervenir à la fois des niveaux cognitifs, mais également des dimensions subjectives, intersubjectives et morales. Les outils décrits paraissent réducteurs, car ils ne permettent pas de rendre compte de la complexité de l’intrication des différents niveaux. L’évaluation clinique avec l’observation et une bonne connaissance à la fois des pathologies et du concept dans son aspect multidimensionnel peuvent être un moyen non réducteur de rendre compte des dimensions de l’empathie chez les personnes que nous rencontrons.
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5. Synthèse des résultats Il existe globalement assez peu d’outils utilisables en langue franc¸aise, en comparaison avec ce qui peut exister pour d’autres domaines de la cognition (ex. mémoire, fonctionnement exécutif). La plupart de ces outils ne sont que partiellement validés. Notamment, les normes établies auprès de sujets sains sont rares. Il faut néanmoins souligner la richesse du matériel déjà disponible. En effet, il existe des supports de nature différente pour présenter le matériel d’évaluation : dessins, photos, histoires, vidéos, questionnaires etc. De même les modalités de réponse sont diversifiées : pointage de la bonne réponse, choix multiple, réponse verbale plus ou moins élaborée (un mot versus une explication). Le matériel peut également varier en complexité, mais couvre plusieurs dimensions de la cognition sociale.
6. Perspectives : élargir l’évaluation de la cognition sociale à d’autres dimensions L’ensemble des outils présentés sont reliés aux dimensions généralement regroupées dans le terme plus générique de cognition sociale (reconnaissance des émotions, alexithymie, théorie de l’esprit, empathie). Pourtant, il existe également des corpus de connaissances dans d’autres domaines qui peuvent être rapprochés de ceux regroupés dans la cognition sociale, et permettraient de compléter l’évaluation. C’est le cas par exemple des émotions musicales dont nous savons la lecture perturbée dans la schizophrénie [47]. Vieillard et al., ont ainsi créé une base de données de 56 extraits musicaux validés qui classe les extraits selon l’émotion véhiculée (joie, tristesse, menace et tranquillité) [48]. Cette base de données élaborée dans une perspective de recherche, peut également être utilisée en clinique afin d’éclairer certaines difficultés dans un profil particulier. Sur le plan de la communication, nous savons également qu’un certain nombre de dimensions partagent des caractéristiques avec la cognition sociale (pragmatique du langage, reconnaissance de la prosodie,. . .). Nous savons également que des troubles de la communication sont présents dans la schizophrénie. Ainsi, certaines échelles ont été développées pour évaluer cette dimension. Nous pouvons citer la scale for assessments of Tought, Language and Communication (TLC) d’Andreasen (1986) [49], dont la traduction franc¸aise a été menée par l’équipe de Versailles [50]. Nous pouvons citer également l’échelle Schizophrenic Communication Disorders Scale (SCD) [51]. Ces échelles d’évaluation ont l’avantage de s’appuyer sur un entretien semi-structuré. Par ailleurs, parmi les tests d’évaluation de la communication, issus des travaux chez les cérébrolésés, nous pouvons trouver certains outils qui peuvent être utilisés auprès d’une population de patients schizophrènes. Nous pouvons citer en langue franc¸aise le protocole de Montréal d’Evaluation de la Communication (MEC) élaboré par Joanette et al., en 2004, qui évalue les dimensions prosodiques, lexico-sémantiques, discursives et pragmatiques du langage [52].
7. Recommandations de bonne pratique Un grand nombre d’outils présentés ci-avant ne sont pas encore validés, ou partiellement, et ne possèdent donc pas de normes satisfaisantes. Cette absence de normes limite fortement l’utilisation de ces outils puisqu’elle empêche d’une part d’être affirmatif quant à l’existence d’un trouble, et d’autre part de pouvoir quantifier l’étendue du déficit observé.
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La présentation détaillée de l’ensemble de ces outils permet de mieux délimiter le cadre de leur utilisation. Il est certain que pour une évaluation de la cognition sociale, concept multidimensionnel, où chacune des dimensions est multidéterminée, l’utilisation croisée de plusieurs outils est nécessaire. Ainsi, par exemple, pour évaluer les compétences d’une personne sur le plan des émotions, on peut proposer différentes modalités (verbales comme la LEAS ou visuelles comme le TREF). On peut également faire varier l’agent des émotions (soi versus autrui). Ainsi, on peut évaluer la lecture de ses propres émotions avec le BVAQ ou la lecture des émotions d’autrui avec le TREF ; la LEAS permet d’évaluer ces deux dimensions de manière conjointe. On peut également faire varier le type d’évaluation : hétéro versus auto-évaluation, notamment pour les personnes ayant des difficultés de mentalisation ou d’expression verbale etc. Il est enfin nécessaire de multiplier les niveaux de difficulté, permettant ainsi la mise en confiance de la personne évaluée, en limitant les situations d’échec où l’anxiété de performance jouerait un effet délétère. Par ailleurs, l’évaluation de la cognition sociale ne peut se faire de manière isolée. Elle doit toujours se situer dans une évaluation plus globale de la personne. Plus spécifiquement, tous les outils d’évaluation cognitive sont multidéterminés, en ce sens qu’ils impliquent simultanément plusieurs fonctions cognitives, qu’elles soient basiques ou plus sophistiquées. En effet, nous avons vu précédemment que certains tests étaient très reliés aux fonctions cognitives plus basiques (mémoire de travail, attention visuo-spatiale, etc.). L’évaluation conjointe des autres fonctions cognitives permet donc d’éviter la mésinterprétation des résultats aux tests de cognition sociale, et notamment l’attribution de difficultés à des fonctions non concernées, ou encore la surinterprétation des difficultés en cognition sociale. Enfin, l’évaluation de certaines dimensions émotionnelles (anxiété, dépression, . . .) est tout aussi importante ; nous savons par exemple, que les personnes anxieuses ont également tendance à être plus alexithymiques [53]. L’observation de la personne dans son environnement est tout aussi importante. Le recueil des plaintes de la personne, de son entourage, des soignants qui l’ont en charge, sont autant d’informations qui permettent d’affiner l’évaluation. Enfin, nous avons délibérément choisi de ne pas être affirmatif quant au choix de tel ou tel outil d’évaluation clinique. En effet, chaque outil présente des intérêts différents (modalité d’évaluation, effets plancher ou plafond, validation partielle ou totale etc.), et ces spécificités permettent en partie de s’adapter aux différents objectifs d’une évaluation de la cognition sociale (ex. bilan préintervention, évaluation du handicap), ainsi qu’aux caractéristiques de chaque personne évaluée (niveau intellectuel, troubles perceptifs, capacités langagières). De plus, le peu d’outils existants en langue franc¸aise ne permet a priori pas de comparer les tests entre eux, la plupart ne mesurant pas les mêmes dimensions de la cognition sociale. 8. Limites La méthode utilisée pour le recensement des outils, n’étant pas systématisée, ne nous permet pas de garantir son exhaustivité. Par exemple, des outils francophones existent, non cités dans le présent article, spécifiquement dévolus à la recherche fondamentale. De plus, certains outils, simplement traduits, n’ont jamais fait l’objet de publication et restent par conséquent peu repérables. Enfin, nous avons volontairement exclu la présentation de la Tâche de fausse croyance de premier ou second ordre, pourtant fréquemment citée dans les études sur l’enfant, parce qu’il n’existe pas de version suffisamment consensuelle et susceptible de faire l’objet d’une validation, même partielle, à l’heure actuelle.
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9. Conclusion La cognition sociale apparaît à l’heure actuelle comme étant un terme générique. Elle regroupe un certain nombre de dimensions différentes, entre lesquelles les liens restent encore à définir. En conséquence, le manque de modèles théoriques intégratifs, prenant en compte simultanément ces différentes dimensions, contraste avec le nombre important d’outils dans la littérature internationale. Pourtant, peu d’outils sont disponibles en langue franc¸aise et utilisables en pratique clinique à l’heure actuelle. Un bon nombre de ces outils dérivent de procédures expérimentales et peu ont été spécifiquement élaborés dans une perspective clinique. Pourtant, la cognition sociale représente un construit fondamental sur le plan clinique dans le domaine de la psychiatrie adulte notamment, et celui de réhabilitation psychosociale plus globalement. Malgré certaines limites, les quelques outils présentés dans cet article permettent une évaluation multidimensionnelle de la cognition sociale. Cette évaluation doit s’inscrire dans une évaluation neuropsychologique plus globale du fonctionnement cognitif, qui permettra notamment de contrôler les biais dus à des déficits cognitifs dans les fonctions plus basiques. Une évaluation complète de la cognition sociale, s’appuyant sur les données aux tests tout autant que sur l’observation et les dires des patients, fournit un éclairage différent des manifestations psychopathologiques rencontrées dans la schizophrénie. Une évaluation fine et détaillée de l’ensemble des processus impliqués dans les dysfonctionnements de la cognition sociale permet enfin de développer des programmes spécifiques et individualisés de réentraînement des processus déficitaires. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Les auteurs tiennent à remercier Mme Peyroux et Mr Gaudelus pour leur aide concernant l’obtention des outils, ainsi que Florian Cady, Estelle Vila, et tous les membres du groupe Neuropsychologie et Psychiatrie pour leur précieuse contribution à ces réflexions.
Annexe 1. Tableau 1 Caractéristiques principales des outils d’évaluation de la cognition sociale en langue franc¸aise. Fonction cognitive évaluée
Alexithymie
Conscience émotionnelle
Théorie de l’esprit
Empathie
Forme
Support
Modalité de réponse
Validité
Normes
Version originale
Version franc¸aise
Version en franc¸ais
Intérêts
Limites
Temps de passation
Ne prend pas en compte les émotions complexes Évalue aussi l’accès au lexique émotionnel Effet plancher N’évalue que les émotions primaires
20 min
Test d’Eckman
Test
Photos
Orale
Oui
Oui
Non
Non
Scores par émotions
Faces Test –version Bordeaux
Test
Photos, texte
Orale
En cours
Non
En cours
Oui
Prend en compte les émotions complexes Matériel librement accessible
Test de Reconnaissance des émotions faciales (TREF)
Test
Photos, texte
Orale, écrite
En cours
–
En cours
Oui
Toronto Alexithymia Scale (TAS-20) Bermond-Vorst Alexithymia Questionnaire (BVAQ) Échelle des niveaux de conscience émotionnelle
Auto-Q
Texte
Écrite
Oui
Oui
Oui
Oui
Photos en couleur Administration en format papier ou informatisé Scores par émotions Différentes intensités des émotions Outil très utilisé
Auto-Q
Texte
Écrite
Oui
Oui
Oui
Oui
Test
Texte
Orale
Oui
Oui
Oui
Oui
Meilleure construction que la TAS-20 Score cognitif vs affectif Évaluation qualitative riche
Tâche des faux-pas – version Bordeaux
Test
Texte
Orale
En cours
Non
En cours
Oui
Matériel librement accessible
Tâche d’attribution d’intention Interprétation du regard
Test
Image
Pointée
En cours
–
Oui
Test
Orale, pointée Orale Orale
Partielle
Non
Non Partielle
Non –
En cours En cours Non Non
Biais des auto-Q pour évaluer l’alexithymie
10 min
15 min
15 min 15 min 30 min
Tâche non verbale
Fortement dépendant du lexique émotionnel (étendue, accès) Fortement dépendant des autres fonctions cognitives Effet plafond
Oui
Matériel librement accessible
Effet plancher
30 min
Oui Oui
Items courts pour une tâche verbale Évaluation plus « écologique »
Effet plafond Long à administrer
15 min 30 min
Seul questionnaire pour la ToM Recueille l’avis des proches Explore la traduction écologique des troubles Évaluation multidimensionnelle de l’empathie Contient des items non spécifiques à l’empathie pour défocaliser l’attention de l’empathie Pour les adolescents
Hinting Task Lecture intentionnelle en situation (LIS) Échelle d’habileté et de difficultés de théorie de l’esprit en vie quotidienne Indice de réactivite interpersonnelle (IRI) Quotient d’empathie (QE)
Test Test
Photos, texte Texte Vidéo
Hétéro-Q
Texte
Écrite
Non
Non
Non
Oui
Auto-Q
Texte
Écrite
Oui
Oui
Non
Oui
Auto-Q
Texte
Écrite
Oui
Oui
Oui
Oui
Basic Empathy Scale (BES)
Auto-Q
Texte
Écrite
Oui
Oui
Oui
Oui
30 min
10 min
Biais des auto-Q pour évaluer l’empathie
10 min 20 min
10 min
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ToM : theory of mind (Théorie de l’esprit) ; REF : reconnaissance des émotions faciales ; Auto-Q : auto-questionnaire ; Hétéro-Q : hétéro-questionnaire.
20 min
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Reconnaissance des émotions faciales
Test
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