Les modifications physiologiques de la grossesse favorisent-elles la gravité des infections obstétricales ?

Les modifications physiologiques de la grossesse favorisent-elles la gravité des infections obstétricales ?

M6d Mal Infect. 1994; 24, Sp6cial : 1024-31 Les modifications physiologiques de la grossesse favorisent-elles la gravit6 des infections obst6tricales...

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M6d Mal Infect. 1994; 24, Sp6cial : 1024-31

Les modifications physiologiques de la grossesse favorisent-elles la gravit6 des infections obst6tricales ?* F. FOURRIER**, D. VINATIER** et A.S. DUCLOY-BOUTHORS** RESUME

Cet article tente de r6pondre a deux questions : la grossesse est-elle statistiquement responsable d'une gravit6 particuli6re des infections bact6riennes ? Quelles modifications physiologiques sont susceptibles d'aggraver le pronostic de l'infection bact6rienne ? Les py61on6phrites gravidiques et l'infection amniotique avec endom6trite secondaire dominent la sc6ne 6pid6miologique. Le risque de choc septique au cours de l'infection Escherichia coli d'origine urinaire semble en grande diminution en raison du d6pistage et du traitement syst6matique de l'infection urinaire. U6volution actuelle des py61on6phrites est le plus souvent favorable. Uinfection amniotique toucherait 3 a 40 % des femmes ayant pr6sent6 une rupture pr6matur6e des membranes. Uincidence des endom6trites du post-partum est chiffr6e entre 5 et 85 % des c6sariennes. La morbidit6 maternelle secondaire est 61ev6e. Au total, la mortalit6 maternelle li6e a l'infection est 6valu6e entre I et 5 pour 100 000 accouchements. En r6animation, les complications de la grossesse et du postpartum justifient 0,3 a 2,3 % des admissions. Les causes sp6cifiquement infectieuses en repr6sentent 9 ~ 28 %, soit de 0,06 0,48 %. La mortalit6 globale varie de 0 a 20 % et la mortalit6 des malades admises pour sepsis varie de 0 a 22 %. Globalement, la mortalit6 obst6tricale d'origine infectieuse est faible compar6e ~ la mortalit6 li6e aux complications de la dysgravidie e t a la mortalit6 usuelle des 6tats septiques graves de la population g6n6rale. La gravidit6 pourrait provoquer un 6tat de stimulation basal des d6fenses non sp6cifiques rendant plus facile le d6clenchement d'un syndrome inflammatoire syst6mique au cours d'une infection. Les perturbations de l'h6mostase repr6sentent un des m6canismes principaux d'aggravation potentielle de l'agression septique. Enfin les modifications circulatoires, respiratoires et endocriniennes mettent la femme enceinte dans des conditions proches de ceUes de l'adaptation ~ l'effort et pourraient la placer dans des conditions d'inadaptation relative a l'agression septique, voire induire une dette en oxyg6ne pr6coce. En revanche, l'impr6gnation oestrog6nique pourrait permettre une meilleure r6sistance du systbme vasculaire a l'agression septique. Mots-cl~s : Grossesse - Infection grave - D6fenses immunitaires - R6animation. I1 est dassique de dire que l'infection est une cause importante de morbidit6 et de mortalit6 maternelles au cours de la grossesse et du post-partum * Congr6s BECAR- Paris - 19 novembre 1994 - "Infections bact6riennes chez la femme enceinte'. ** Service de R6animation polyvalente, H6pital B, Maternit6 du PaviUon Olivier, CHRU - F-59037 Lille Cedex.

imm6diat. Dans notre pays, une femme sur trois b6n6ficie d ' u n e antibioth6rapie au cours de sa grossesse et u n d6c6s maternel sur dix est d'origine infectieuse. La simple juxtaposition de ces deux proportions tendrait a prouver que les modifications physiologiques de la grossesse favorisent la gravit6 des infections bact6riennes obst6tricales. La r6alit6 est plus complexe.

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La grossesse est-elle statistiquement responsable d'une gravit6 particuli6re des infections bact6riennes ? Quelles modifications physiologiques connues sont susceptibles d'aggraver le pronostic de l'infection bact6rienne ?

DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES La grossesse est-elle statistiquement responsable d'une gravit6 particuli~re de l'infection bact6rienne ? Une multitude de facteurs entre en jeu dans l'appr6ciation d'une 6ventuelle corr61ation entre grossesse et gravit6 de l'infection : impressions historiques fond6es sur des relev6s 6pid6miologiques anciens (ainsi la gravit6 classique de la tuberculose au cours de la grossesse n'a pas 6t6 confirm6e par les 6tudes r6centes); effets statistiques des proc6dures de surveillance obligatoire qui pourraient surestimer l'influence de la grossesse sur l'incidence des infections (dispose-t-on d'une population contr61e surveill6e dans les m~mes conditions ?); sp6cificit6 des recrutements et appr6ciation variable de la gravit6 (les crit6res qui d6finissent la gravit6 d'une infection sont-ils identiques pour l'obst6tricien et le r6animateur ?); aggravation du pronostic simplement li6e aux difficult6s du diagnostic clinique, ~ l'impossibilit6 de r6alisation d'examens ou de traitements; effets iatrog6nes li6s a la m6dicalisation des proc6dures d'accouchement e t a l'augmentation des c6sariennes; voire simple effet subjectif li6 ~ la charge affective toujours lourde qui pr6side a la prise en charge de ces malades. Deux infections bact6riennes dominent la sc6ne 6pid6miologique : les py61on6phrites gravidiques et l'infection amniotique avec endom6trite secondaire (1, 2). I1 existe une consid6rable litt6rature qui permet sans discussion de lier la fr6quence des infections urinaires a la gravidit6. Deux a 10 % des femmes enceintes pr6sentent une bact6riurie asymptomatique, 30 % de ces femmes d6veloppent une infection urinaire vraie. Uincidence actuelle des py61on6phrites n'est pas clairement chiffr6e, de mSme que celle des 6tats septiques graves secondaires a cette pathologie. Le risque de choc septique au cours de l'infection a Escherichia coli d'origine urinaire est reconnu. I1 semble en grande

diminution en raison du d6pistage et du traitement syst~matique de l'infection urinaire qui pr6viennent la py61on6phrite dans plus de 80 % des cas. Lorsque cette derni6re survient, son 6volution est le plus souvent favorable et non compliqu6e (3). Cependant il n'existe pas d'6tude prospective documentant dairement ce point. Uinfection amniotique est l'un des domaines les plus 6tudi6s de la pathologie infectieuse gravidopuerp6rale. Les cocci a Gram positif (streptocoque et staphylocoque) ainsi que Ureaplasmaurealyticum et les germes ana6robies sont les pathog6nes majoritairement responsables (4). Uinfection toucherait 1% de toutes les femmes enceintes, et de 3 ~ 40 % des femmes ayant pr6sent6 une rupture pr6matur6e des membranes de plus de 24 h. Uaugmentation des c6sariennes est un facteur de risque reconnu. Uincidence des endom6trites du postpartum est tr6s variable, chiffr6e entre 5 et 85 % des c6sariennes selon les s6ries. La morbidit6 maternelle secondaire est 61ev6e. La mortalit6 maternelle d6pendante n'est pas n6gligeable. L'infection amniotique 6tait responsable de 2 % des d6c6s maternels dans les ann6es 70 (1). Bien que plusieurs publications fassent 6tat d'observations isol6es d'infection fulminante ~ streptocoque (5, 6, 7), la mortalit6 semble actuellement beaucoup plus faible. La reconnaissance du risque, les proc6dures d'antibioprophylaxie, l'identification des bact6ries responsables expliquent cette r6duction. Cependant les complications locales secondaires aux endom6trites du post-partum restent redoutables. En dehors des infections bact6riennes ~ germes banaux, il est classique de consid6rer que la grossesse aggrave le cours des infections particuli6res repr6sent6es par la 16pre, la tuberculose et la list6riose. Uinfection hans6nienne ne repr6sente pas un probl6me important en France m6tropolitaine. I1 n'en est pas de m~me outre-mer. De nombreux travaux 6pid6miologiques ont montr6 que le d6clenchement de la maladie, sa r6activation et les rechutes surviennent avec une particuli6re fr6quence au cours du troisi6me trimestre de la grossesse. Une mention sp6ciale doit ~tre faite des r6actions 16preuses dont on connait les relations avec l'6tat immunitaire (8). Ainsi l'6ryth6me noueux 16preux

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survient pr6f6rentiellement ~ la fin de la grossesse, alors que les r6actions de type 1 sont plus fr6quentes dans le post-parturn. Pour certains la grossesse p o u r r a i t repr6senter u n v4ritable mod(?le h u m a i n de l ' i n t e r v e n t i o n p r 6 p o n d 6 r a n t e des d6fenses immunitaires dans la physiopathologie de la maladie.

par6e ~_l'augmentation nette des list6rioses graves chez les sujets ag6s.

Au total la mortalit6 maternelle li6e ~_l'infection est 6valu6e entre I b_5 pour 100 000 accouchements (12). En r6animation, les 6tudes 6pid6miologiques r6alis6es sont peu nombreuses (13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20). La morbidit6 infectieuse li6e aux complications obst6tricales a g r a n d e m e n t d i m i n u 6 Les donn6es 6pid6miologiques modernes concerd e p u i s vingt ans avec la quasi-disparition des n a n t la tuberculose d6nient au contraire toute infections d u post-abortum qui repr4sentaient u n aggravation d u potentiel 6volutif de la maladie au pourcentage tr6s important d'admissions en r6anicours de la grossesse (9). Ni la symptomatologie, marion jusqu'en 1975. Actuellement les complicani les localisations extra-pulmonaires - en particutions de la grossesse et d u p o s t - p a r t u m sont lier g6nitales - n'apparaissent plus fr6quentes au responsables de 0,3 5_ 2,3 % des admissions en cours de la grossesse. Le taux de gu6rison et de r~animation, en fonction du niveau local ou r~giorechute est i d e n t i q u e 5. celui d ' u n e p o p u l a t i o n nal d u recrutement. Les causes sp6cifiquement d'~_ge comparable. infectieuses en repr6sentent 9 ~ 28 %, soit de 0,06 b_ 0,48 % des m a l a d e s admises (tableau I). Ces La grossesse repr6sente enfin u n facteur de risque chiffres doivent ~tre compar6s a la fr6quence des dassique d'infection ~_Listeria monocytogenes. Exp6infections communautaires ou nosocomiales dans rimentalement la grossesse diminue la r6sistance ~_ la p o p u l a t i o n g6n6rale admise en r6animation, l'infection list6rienne au m~me titre que l'alt6raactuellement comprise entre 30 % et 50 %. Cette tion de l'6tat nutritionnel. (10, 11). U i n c i d e n c e comparaison n'est cependant pas objective en raia n n u e l l e de la list6riose de la f e m m e enceinte son des diff6rences d'~_ge m o y e n et de morbidit6 atteindrait 0,3 % des grossesses en France, soit plus assoclee. de 2000 cas. En fait l'incidence est tr6s variable en fonction des r6gions et des ann6es en raison de Dans la litt6rature, la mortalit6 des m a l a d e s son caract6re 6pid6mique. Si l'infection list6rienne admises en r6animation pour complications de la n6onatale est particuli6rement grave, chez la m6re grossesse et du post-partum varie de 0 5_20 % (en elle est le plus souvent asymptomatique ou r6su- m o y e n n e 10 %). Au sein de cette population obsm6e ~_u n syndrome infectieux avec manifestations t6tricale, la mortalit6 des malades admises pour pseudo-grippales ou urinaires. Les cas rapport6s sepsis varie de 0 ~_22 % (en m o y e n n e 8 %). Ces d'infection maternelle grave 5_ Listeria sont rares; disparit6s t6moignent 1~_aussi des diff6rences de les relev6s 6pid6miologiques r6cents font au recrutement et des crit6res variables d'admission contraire 6tat d ' u n e diminution d'incidence com- en r6animation. Globalement, la mortalit6 obst6. p

TABLEAU I : Statistique compar6e des a d m i s s i o n s obst6tricales en r6animation

Reynaert (14)

Lanore (17)

Vanderlinden (20)

AbbeyCollop (19)

Kilpatrick (18)

Fourrier

78

86

32

2(1

32

"108

F. admission (%)

0,38

~

0,75

~

~

2,3

F. sepsis (%)

15,4

25

9,4

30

28

2i

I)dcds (%)

6,4

14,5

(I

20

12

8,3

0

~

(I

17

22

4

Nombre

I)dc6s sepsis (%)

I. admission : Pourcentage des admis.sions obst6tricales dans la population totale hospitalis6e en rdanimation. F. sepsis : l'ourcentage d'infection grave d,ms la population obstdtricale hospitalisde en r6animation. 1026

tricale d'origine infectieuse semble actuellement bien inf6rieure h la mortalit6 lide aux complications circulatoires et neurologiques de la dysgravidie. Dans notre expdrience, sur 108 malades prises en charge en rdanimation en 10 ans, les complications dysgravidiques (dclampsie, HELLP syndrome, thrombophl6bites c6rdbrales, microangiopathie thrombotique, st6atose aigu6), reprdsentent plus de 70 % des causes d'admission obst6tricale et ont une mortalit6 de 11%, alors que les infections graves sont mortelles dans 4 % des cas.

Quelles modifications physiologiques pourraient expliquer une particuli~re gravitd des infections bactdriennes de la grossesse ?

Modifications des ddfenses immunitaires

Au cours de ces infections, les facteurs de mauvais pronostic retrouvds dans la quasi-totalit6 des 6tudes de rdanimation sont l'existence d'une comorbiditd cardio-vasculaire prdalable ou concomitante, l'existence de troubles sdv6res de l'h6mostase et surtout la constitution d'un syndrome de ddtresse respiratoire aigu de l'adulte (SDRA). Ce dernier est mortel dans 50 % des cas et semble responsable du d6c6s dans plus de 60 % des cas. En l'absence de mesure des scores de d6faillance visc6rale (OSF), les donn6es de la littdrature ne permettent pas de savoir si cette gravit6 est uniquement lide h la sdv6ritd de l'atteinte respiratoire, si le motif primaire d'admission en r6animarion dtait le SDRA et h quelle origine il pouvait 8tre rattach6 (pneumopathie, syndrome de Mendelson) ou si ces femmes sont d6cdddes de l'dvolution respiratoire terminale d'une d6faillance multi-visc6rale.

La grossesse est une vdritable allogreffe fcetale dont la survie d6pend des modifications acquises des syst6mes de d6fenses immunitaires. Cette ddpression immunitaire a 6t6 tr6s 6tudi6e, certains auteurs ayant mSme pu parler de syndrome immunoddficitaire acquis lors de la grossesse (22, 23). Les d6fenses immunitaires non-sp6cifiques sont modifi6es en grande partie sous l'influence de l'imprdgnarion oestrog6nique. Globalement ces ddfenses sont stimul6es au cours de la grossesse. Ainsi les capacitds de phagocytose, l'activitd du syst6me rdticulo-endothdlial h6patique, l'activation des monocytes circulants et les productions m6taboliques des phagocytes (production de radicaux libres, d'intefleukines, d'enzymes prot6olytiques, de fibronectine) sont augmentdes. De nombreuses substances bactdricides sont 6galement secr6t6es dans le .liquide amniorique. Le lieu principal d'activation de ces ddfenses est l'interface foeto-placentaire. Au niveau systdmique, l'accroissement des synth6ses hdpatiques rend compte de l'augmentation d'activit6 du syst6me compldmentaire et de la synth6se de nombreuses protdines de la phase aigu6. A l'opposd l'activit6 cytotoxique naturelle est diminu6e en raison d'une apparente immaturit6 des lymphocytes "Natural Killer".

Bien qu'elle reste inacceptable dans ce contexte, la mortalit6 obst6tricale d'origine infectieuse parait bien inf6rieure h la mortalitd usuelle des 6tats septiques graves de la population g6n6rale, chiffrde actuellement h 40 % au moins. Uabsence habituelle de comorbiditd et l'$ge moyen plus 61evd expliquent probablement ces diff6rences. Cependant, dvalude par les index de gravit6 couramment utilisds en r6animation (Index de Gravitd SimplifiG score APACHE), la population obstdtricale de rdanimation se caractdrise par une mortalit6 moindre pour un index de gravitd moyen identique h la population gdndrale (17). Au total, il semble difficile d'affirmer statistiquement que les infections graves survenant au cours de la grossesse sont grev6es d'un pronostic plus ddfavorable lorsqu'on les compare aux 6tats septiques graves de l'adulte. Une impression inverse semble m~me ressortir des chiffres.

Les cons6quences de ces modifications sur les ddfenses anti-infectieuses sont vraisemblables et certainement complexes. I1 est tentant d'y rapporter l'augmentation d'incidence des infections sp6cifiques comme la 16pre ou la listdriose. Une augmentation de la gravit6 des infections h germes banaux pourrait dgalement 8tre expliqude par l'intensit6 parficuli6re des phdnom6nes inflammatoires. Nombre des cascades physiopathologiques impliqudes dans le ddclenchement des dtats septiques graves et parriculi6rement des SDRA font appel h l'activation du syst6me macrophagemonocytes et du compl6ment, au relargage de radicaux libres et d'enzymes protdolytiques au niveau endoth61ial. La graviditd pourrait ainsi provoquer un dtat de stimulation basal de ces syst6mes rendant plus facile leur ddclenchement au cours d'une endotoxin6mie ou d'une infection h germe h Gram positif. A notre connaissance

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aucune de ces hypoth6ses n'est document6e. I1 est cependant connu depuis longtemps que la saturation pr6alable du syst6me r6ticulo-endoth61ial augmente la gravit6 des infections endotoxin6miques. Une place particuli6re doit 8tre faite aux perturbations de l'h6mostase au cours de la grossesse et du post-partum qui placent ces patientes dans une situation de coagulation intra-vasculaire latente. Uactivation endoth61iale et monocytaire, le relargage des thromboplastines placentaires, l'activation du syst6me contact et du compl6ment facilitent la survenue des ph6nom6nes de coagulation intra-vasculaire diss6min6e (CIVD). Ceux-ci prennent souvent un tour dramatique dans les situations de post-partum ou au cours des py61on6phrites gravidiques ~ E coli. Les SDRA sont particuli6rement fr6quents dans ces situations (24). La d6pl6tion transitoire en prot6ines anticoagulantes physiologiques (antithrombine III, prot6ine C) les acc616re et les entretient (25). Uaugmentation des synth6ses h6patiques des prot6ines de la phase aigu6 pourrait jouer un r61e aggravant. I1 en est ainsi par exemple de la prot6ine de liaison de la fraction compl6mentaire C4 (C4bBP) dont l'augmentation de synth6se diminue la fraction libre de la prot6ine S, principal cofacteur du syst6me de la prot6ine C, ce qui diminue l'efficacit6 de ce syst6me anticoagulant naturel (26, 27). Ces ph6nom6nes peuvent ~tre responsables d'une v6ritable microangiopathie thrombotique avec an6mie h6molytique et ont des cons6quences d616t6res sur la vascularisation visc6rale. I1 s'agit la d'un des m6canismes principaux d'aggravation potentielle de l'agression septique au cours de la grossesse. I1 est ainsi clairement document6 que l'existence d'une CIVD aggrave le pronostic des 6tats septiques et augmente la fr6quence des d6faillances visc6rales secondaires. Une quantit6 impressionnante de travaux biologiques et humains s'est int6ress6e aux interrelations des syst6mes immunitaires cellulaires au cours de la grossesse et en particulier aux r61es jou6s par les cytokines dans l'adaptation des syst6mes endocriniens, immunitaires, endoth61iaux et h6matopoi6tiques ~ l'6tat gravide (revue dans 28). Uimmense majorit6 de ces 6tudes a port6 sur les modifications engendr6es au niveau de l'unit6 fcetoplacentaire. Les cons6quences sp6cifiques sur la r6activit6 vasculaire et les m6canismes de d6fense anti-infectieuse au cours de la grossesse

ont 6t6 peu 6tudi6es. I1 est int6ressant de constater qu'une somme de travaux tout aussi impressionnante est consacr6e au r61e de ces syst6mes au cours des 6tats septiques graves. Ainsi par exemple, l'interleukine-1 (IL-1) est secr6t6e par les macrophages d6ciduaux et placentaires et les cellules trophoblastiques. Sa s6cr6tion est augment6e par les cestrog6nes et la progest6rone. Elle intervient au niveau de l'unit6 foeto-placentaire dans les ph6nom6nes de pr6sentation antig6nique et d'activation lymphocytaire responsable par les s6cr6tions cytokiniques secondaires de la trophicit6 du trophoblaste. Au cours des 6tats septiques elle joue certainement un r61e pivot dans l'activation macrophagique secondaire syst6mique, dans l'augmentation des synth6ses h6patiques des prot6ines inflammatoires et des s6cr6tions hypophysaires. Les essais th6rapeutiques actuels s'orientent d'ailleurs vers l'utilisation d'inhibiteurs des r6cepteurs de cette cytokine qui pourraient permettre de bloquer l'exc6s d'activation de cette mol6cule. Les mSmes constatations s'imposent pour le TNF (tumor necrosis factor), dont le r61e m6diateur est plus que consacr6 au cours du choc septique, ou pour I'IL-2 dans ses effets sur la perm6abilit6 vasculaire et l'activation de la phase contact et du compl6ment. Au plan conceptuel, il est certain que l'activation locale de ces syst6mes intervient dans la d6fense anti-infectieuse foeto-placentaire. I1 est probable qu'une activation excessive de ces syst6mes puisse g6n6rer une r6ponse inflammatoire syst6mique exacerb6e au cours de l'agression bact6rienne. Cependant, a notre connaissance aucune 6tude exp6rimentale ou humaine n'a mesur6 effectivement que l'activation des cytokines atteignait au cours de la grossesse compliqu6e d'infection des niveaux sup6rieurs d'activation ou de s6cr6tion. I1 est probable que dans les ann6es qui viennent l'6tude plus fine de ces syst6mes permettra de r6pondre a ces interrogations qui d6bouchent directement sur l'utilisation de traitements modulateurs ou antim6diateurs de l'6tat septique. Enfin d'autres possibilit6s m6riteraient d'Stre 6tudi6es qui concernent les modifications de l'6tat immunitaire secondaires a l'agression h6modynamique et m6tabolique engendr6e par l'accouchement. Ainsi une perte h6morragique relativement mod6r6e est suivie d'une alt6ration importante des capacit6s de d6fense anti-infectieuse (diminution

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de l'activit6 lymphocytaire et de la clairance bact6rienne, augmentation de la s6cr6tion du TNF et des ph6nom6nes de translocation digestive). Ces perturbations sont grandement exacerb6es lorsque l'h4morragie est r6p6t6e ou associ6e ~ une hypoxie ou ~ une coagulation intra-vasculaire (29, 30, 31). Elles pourraient expliquer la fr6quence des infections graves survenant au d6cours d'accouchements h6morragiques.

Modifications de l' adaptation ~ l' agression septique La grossesse est un fardeau m6tabolique qui g6n6re des ph6nom6nes d'adaptation physiologique importants. Les modifications circulatoires, respiratoires et endocriniennes placent la femme enceinte dans des conditions proches de celles de l'adaptation ~ l'effort. I1 est int6ressant de constater que ces conditions sont 6galement engendr6es par l'agression septique. L'adaptation circulatoire l'6tat gravide conduit ~ une diminution des r4sistances vasculaires p4riph6riques et pulmonaires et~ une augmentation de la fr6quence cardiaque, du volume systolique et du d6bit cardiaque. Uadaptation respiratoire est caract6ris6e par une augmentation du volume minute et une r6duction de la r6serve d'effort. La consommation d'oxyg6ne maxima (VO2 max) n'est pas alt6r6e mais le rapport VO2max/VO2 de repos est diminu6 en raison de l'augmentation de la VO2 basale. Ainsi vers la 35e semaine de gestation la quantit6 d'O2 disponible pour une adaptation ~ l'effort est diminu6e (32). Uagression septique conduit ~ des perturbations remarquablement proches des modifications li6es ~ la gravidit6 : vasopl6gie, hyperd6bit, hyperpn6e, augmentation de la VO2. I1 n'est pas impossible que la diminution physiologique des r6serves cardio-respiratoires et m6taboliques d'effort puisse mettre les femmes enceintes infect6es dans des conditions d'inadaptation relative l'agression septique, voire puisse induire une dette en oxyg6ne plus pr6coce lorsque des ph6nom6nes circulatoires li6s ~ l'infection provoquent une diminution du transport et de la d61ivrance en 02. Ce point n'est pas document6 ~ notre connaissance. Les modifications endocriniennes li6es a la gravidit6 sont domin6es par l'impr6gnation oestrog6nique et les modifications des s6cr6tions surr~naliennes. Ueffet des oestrog6nes sur les fonctions immunitaires non sp6cifiques et en particulier l'activit6 du syst6me r6ticuloendoth61ial est docu-

ment6 depuis 1960. De nombreux m6canismes ont 6t6 propos6s pour expliquer la r6sistance plus 61ev6e des femmes en activit6 g6nitale ~ l'infection bact6rienne : activit6 r6ticulo-endoth61iale plus 61ev6e, niveaux plus importants d'immuno-globulines, augmentation de la r6ponse anticorps (33). D'autres m6canismes sont li6s a l'effet des cestrog6nes sur la r6ponse vasomotrice. Ainsi les cestrogbnes augmentent significativement l'effet vasoconstricteur des hormones post-hypophysaires et des cat6cholamines et diminuent la dilatation vasculaire splanchnique induite par une isch6mie ou une agression endotoxinique (34). I1 est int6ressant de constater l'existence au cours du choc septique d'une augmentation majeure des s6cr6tions cestrog6niques caract6ris6es par des niveaux plasmatiques consid6rables d'oestrone et d'c~stradiol atteignant chez l'homme et encore plus chez la femme des concentrations proches de celles observ6es au cours de la grossesse (35, 36). I1 est probable que le degr6 d'hyperoestrog6nie refl6te directement le niveau d'adaptation hormonale. L'impr6gnation oestrog6nique pourrait ainsi permettre une meilleure r6sistance du syst6me vasculaire ~ l'agression septique. Enfin les changements physiologiques de la grossesse modifient grandement l'effet des traitements antiinfectieux en raison des perturbations pharmacocin6tiques touchant par exemple le volume de distribution, la biodisponibilit6 ou les ph6nom6nes de liaison protidique des antibiotiques. Leur non-prise en compte peut conduire ~ un traitement antiinfectieux inadapt6. Ainsi ~ la question pos6e, la rdponse est partielle, parfois contradictoire, souvent mal document6e et conceptuelle. I1 n'est gu6re possible sur des arguments 6pid6miologiques d'affirmer que l'infection bact6rienne est plus grave chez la femme enceinte en raison seule de la gravidit6, mSme si malheureusement ces infections tuent encore ou occasionnent une morbidit6 importante. Les comparaisons 6pid6miologiques faites en milieu de r6animation vont ~ l'encontre de cette hypoth6se. De mSme, bien des modifications physiologiques de la grossesse placent les femmes enceintes dans des conditions plus favorables a la d6fense contre les infections bact6riennes a germes banaux. A l'oppos6, la stimulation des syst~mes immunitaires locaux et syst4miques, les modifications des fonctions endoth61iales et les ph6nom6nes d'adapta-

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tion circulatoire limitent p r o b a b l e m e n t la tol6rance d e la f e m m e e n c e i n t e a l ' a g r e s s i o n s e p t i q u e et p o u r r a i e n t e x p l i q u e r le caract6re e x p l o s i f d e s manifestations inflammatoires engendr6es par l'intrusion bact6rienne. Le risque d'infection mortelle li6 ~ la grossesse existe. I1 justifie l'identification 6 p i d 6 m i o l o g i q u e d e s g e r m e s responsables, la

SUMMARY

p r 6 v e n t i o n d e s agressions inutiles, la reconnaissance r a p i d e des signes de gravit6 s o u v e n t masqu6s p a r l'6tat h y p e r m 6 t a b o l i q u e d e ces patientes, la mise en r o u t e pr6coce d e traitements antiinfectieux a d a p t 6 s d a n s leur spectre et leur posologie. La m o r t maternelle d'origine infectieuse reste inacceptable.

D O PHYSIOLOGIC C H A N G E S OCCURRING IN PREGNANCY FAVOUR THE SEVERITY O F OBSTETRICAL INFECTIONS ?

I n f e c t i o n - i n d u c e d m a t e r n a l m o r t a l i t y r e a c h e s i to 5 p e r 100000 deliveries. T h e m a i n c a u s e s of s e v e r e s e p s i s d u r i n g p r e g n a n c y are p y e l o n e p h r i t i s a n d p o s t - p a r t u m e n d o metritis. T h e f r e q u e n c y of septic s h o c k d u e to Escherichia coli h a s b e e n g r e a t l y r e d u c e d b y s c r e e n i n g a n d e a r l y antibiotic t r e a t m e n t of u r i n a r y tract infection. T h r e e to 40 perc e n t of p r e g n a n t w o m e n d e v e l o p c h o r i o a m n i o n i t i s after p r e m a t u r e r u p t u r e of m e m branes with a high risk of endometritis. Patients with obstetrical infectious c o m p l i c a t i o n s r e p r e s e n t 0.06 to 0.48 p e r c e n t o f i n t e n s i v e care a d m i s s i o n s , o v e r a l l m o r t a l i t y b e i n g 0 to 22 p e r c e n t . H o w e v e r , c o m p a r e d w i t h t h e u s u a l m o r t a l i t y o b s e r v e d in s e v e r e sepsis, this o b s t e t r i c a l m o r t a l i t y is low. I m p o r t a n t c h a n g e s in i m m u n e f u n c t i o n s o c c u r d u r i n g p r e g n a n c y . T h e s e p s i s - i n d u c e d s y s t e m i c i n f l a m m a t o r y resp o n s e s y n d r o m e m i g h t b e facilitated b y t h e b a s a l s t i m u l a t i o n of t h e i m m u n e s y s t e m . Septic v a s c u l a r a n d v i s c e r a l c o m p l i c a t i o n s are e n h a n c e d b y t h e l a t e n t state of intrav a s c u l a r c o a g u l a t i o n o c c u r i n g in t h e p e r i p a r t u m . T h e c i r c u l a t o r y a n d m e t a b o l i c c h a n g e s of n o r m a l p r e g n a n t w o m e n m i g h t d i s t u r b t h e a d a p t a t i v e m e c h a n i s m s allow i n g p a t i e n t s to c o p e w i t h septic injury. O n t h e o t h e r h a n d , e x p e r i m e n t a l d a t a are c o n s i s t e n t w i t h a p r o t e c t i v e effect of o e s t r o g e n h o r m o n e s o n t h e v a s c u l a r r e a c t i v i t y d u r i n g s e v e r e sepsis. K e y - w o r d s • P r e g n a n c y - S e v e r e s e p s i s - I m m u n e f u n c t i o n s - I n t e n s i v e care.

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