Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2011) 3, 509-511 ISSN 1877-1203
Revue des
Maladies
Respiratoires Actualités
Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française
Congrès annuel de l’American Thoracic Society Denver, États-Unis - 13-18 mai 2011
Mission ATS 2011 Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire
68657
Coordination de la mission ATS de la SPLF : J.-C. Meurice, A.-T. Dinh-Xuan, D. Valeyre Coordination du numéro pour le Comité de Rédaction : A. Cuvelier
www.splf.org
Octobre Vol 3 2011
N°
5
Les nouveaux contours de l’imagerie thoracique The new shapes of thoracic imaging P.-Y. Brillet Service de radiologie, hôpital Avicenne, Université Paris 13, UPRES EA 2363, Bobigny, France
Simulations mathématiques : une recherche à part entière La présence de plusieurs sessions scientiÀques consacrées aux simulations mathématiques du poumon « respirant » est un des éléments marquants de ce congrès ATS 2011. Ces simulations peuvent être distinguées en : 1) simulation des déformations pulmonaires lors de la respiration, à l’échelle de l’alvéole, de la bronche ou du poumon ; 2) simulation des Áux aériens dans les voies de conduction, permettant par exemple de modéliser le ciblage de particules inhalées en fonction de leur taille ; 3) simulation de la perfusion pulmonaire permettant d’estimer le rapport ventilation/ perfusion. Les simulations peuvent être réalisées en condition physiologique (procubitus/décubitus…) ou en situation pathologique, principalement dans les pneumopathies obstructives diffuses (bronchoconstriction, couplage bronche/matrice extracellulaire) ou en pathologie vasculaire (embolie pulmonaire) et en réanimation. Les modèles sont souvent d’une telle complexité qu’il est parfois impossible de comprendre la méthodologie utilisée pour parvenir au résultat en quelques minutes de présentation. La deuxième difÀculté que l’on peut avoir à la lecture des travaux présentés, concerne la véracité des résultats obtenus. Il est parfois difÀcile d’obtenir une confrontation des simulations à la (une) vérité terrain (ground truth). En effet, dans le domaine des simulations, la modiÀcation d’un seul paramètre peut aboutir à des
Correspondance. Adresse e-mail :
[email protected] (P.-Y. Brillet).
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résultats aberrants. Le nombre de communications sur ce thème des simulations doit être cependant considéré comme une tendance importante en recherche et laisse envisager la multiplication des publications en clinique. Ces publications permettront de mieux comprendre les applications réelles des travaux présentés, qui semblent parfois n’avoir qu’une Ànalité cognitive.
Quelques exemples Le modèle présenté le plus abouti (et le plus compréhensible…) est celui de ventilation/perfusion présenté par l’équipe de M.H. Tawhai [1]. La modélisation de la mécanique pulmonaire doit être considérée comme un ensemble d’équations basées sur un certain nombre d’hypothèses. Concernant la modélisation de la déformation pulmonaire, ces équations incluent par exemple la prise en compte de la gravité, déÀnissent la compressibilité et l’homogénéité de la structure, et supposent que la déformation est isotrope (élastique, non linéaire). La première partie de la modélisation est l’extraction de la géométrie pulmonaire des images TDM volumiques et des structures trachéobronchiques et vasculaires. Puis, une simulation de la déformation mécanique des tissus est calculée. Dans un troisième temps, les simulations de la ventilation et de la perfusion sont obtenues. Cela inclut la modélisation de la résistance des voies aériennes, de la compliance tissulaire et de la pression locale pour prédire la distribution acinaire de l’air inhalé (avec une complexité
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plus ou moins marquée des espaces aériens distaux). La modélisation vasculaire inclut les artères/veines proximales et les petits vaisseaux jusqu’aux capillaires ainsi que le débit sanguin. Dès lors, il est possible de simuler les échanges gazeux en conditions physiologiques en décubitus [2-4] ou lors d’une vasoconstriction (par exemple simulation d’une embolie pulmonaire) [5]. Dans l’asthme, il existe plusieurs modèles de bronchoconstriction dont celui développé par l’équipe de Boston [6]. Les auteurs ont présenté des résultats simulant l’effet d’un traitment par thermoplastie [7] et tentent de démontrer l’effet d’un épaississement pariétal et musculaire sur la bronchoconstriction [8]. D’autres équipes travaillent plus spécifiquement sur le couplage bronche/matrice extracellulaire [9].
Microscopie multiphotonique avec génération de second harmonique La recherche sur l’organisation tridimensionnelle du poumon distal est importante pour la compréhension des mécanismes amenant à l’emphysème ou à la Àbrose pulmonaire [10]. Il y a deux ans, l’équipe de J.C. Hogg mettait en avant la technique de microtomodensitométrie permettant d’obtenir une résolution de l’ordre du micron [11]. En utilisant cette technique, il était possible d’évaluer les lésions d’emphysème, par exemple à un stade débutant et de montrer que souvent l’oblitération et la sténose des bronchioles terminales pouvaient précéder l’emphysème. Le développement de la microscopie multiphotonique avec génération de second harmonique (SHG) a constitué ces dernières années une avancée importante pour l’imagerie tridimensionnelle des tissus biologiques [12]. Les auteurs apportent des données nouvelles sur l’organisation de la matrice extracellulaire et particulièrement du rapport élastine/collagène au niveau alvéolaire, à une échelle inférieure au micron. Ce type de microscopie, qui repose sur les interactions non linéaires entre la matière et la lumière, est principalement utilisé aujourd’hui pour suivre des marqueurs Áuorescents dans les tissus grâce au processus de Áuorescence sous excitation à deux photons. En cela, elle sert à suppléer la microscopie confocale pour visualiser des phénomènes à des profondeurs de pénétration qui lui sont inaccessibles et permet ainsi de travailler sur l’ensemble d’un tissu, voire in vivo. Toutefois, la microscopie multiphoton ne se borne pas à la Áuorescence sous excitation à deux photons ; elle donne aussi accès à des processus non linéaires comme la génération d’harmoniques. La Áuorescence endogène (intrinsèque) extracellulaire est essentiellement due à l’élastine et au collagène. Le spectre du collagène, légèrement décalé vers l’UV par rapport à celui de l’élastine, produit un signal de SHG bien plus intense que celui de sa Áuorescence, et sa visualisation se fait généralement par microscopie de génération de second harmonique. Dans l’emphysème, il existe une désorganisation des Àbres qui, en situation normale, répondent en parallèle à l’application d’une force d’étirement. La paroi est alors épaissie et le ratio élastine/ collagène diminue [13].
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$XÀQDOTXHOOHSODFHGHPDLQ pour l’imagerie traditionnelle ? Il est dit que la médecine de demain sera prédictive et rimera avec -omics (genomics, proteinomics, metabolomics, epigenomics…). C. Taillé a développé l’apport de « l’omicologie » dans un autre chapitre de ce numéro. Quelle sera alors la place de l’imagerie et particulièrement celle par rayons X ?
La tomodensitométrie Il est très probable que l’imagerie TDM (ou un équivalent 3D) aura toujours un rôle important, probablement en combinaison (conÀrmation ?) aux biomarqueurs. Une première réponse nous vient des résultats de l’étude NLST [14], qui place l’imagerie X au centre de la prise en charge du cancer broncho-pulmonaire. Les résultats publiés Àn juin 2011 sont les premiers à démontrer une diminution de la mortalité chez des patients inclus dans un protocole de dépistage. Si l’on est encore loin de la démonstration de l’efÀcacité du dépistage, principalement du fait du manque de spéciÀcité de la technique, il reste que tout développement d’un nouveau biomarqueur nécessitera l’inclusion de données TDM dans la conception des essais cliniques. Concernant les rayons X, la dose d’irradiation est appelée à considérablement diminuer grâce aux ruptures technologiques concernant les détecteurs et les reconstructions d’image. Ainsi, l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs rendra bientôt obsolètes les reconstructions par rétroprojection Àltrée utilisées aujourd’hui. Les reconstructions itératives [15] permettent d’améliorer signiÀcativement la qualité des images TDM et permettent de diminuer la dose de rayons X reçue par les patients. À terme, les algorithmes les plus récemment développés (par exemple Veo® chez General Electrics) promettent d’obtenir une imagerie 3D de qualité proche de la dose utilisée en radiographie thoracique 2D. Dès lors, la problématique de la dose en imagerie 3D avec des rayons X pourrait être maîtrisée.
Et la résonnance magnétique nucléaire ? Concernant l’IRM, l’imagerie du parenchyme pulmonaire pourrait à l’avenir redevenir protonique (imagerie des noyaux d’hydrogène) et ne plus nécessiter l’utilisation de gaz. Pour pallier les difÀcultés techniques de l’imagerie protonique (rapport signal/bruit du poumon faible du fait de la faible concentration en protons, différences de susceptibilité magnétique importante entre air et tissu pulmonaire induisant un temps de relaxation T2 très court, mouvements physiologiques du cœur et de la respiration), de nouvelles techniques d’exploration émergent. La première est basée sur l’utilisation de temps d’écho ultracourts (ultra-short echo-time pulse sequence) en apnée qui permettent d’obtenir une cartographie de la densité protonique, avec des résultats proches de ceux obtenus en TDM pour la quantiÀcation d’emphysème [16]. La deuxième alternative est basée sur la décomposition du plan de Fourier [17]. Cette technique permet de mesurer les variations de signal pulmonaire en fonction des cycles respiratoire et cardiaque.
Les nouveaux contours de l’imagerie thoracique
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&RQÁLWVG·LQWpUrW P.-Y. Brillet : l’auteur déclare n’avoir aucun conÁit d’intérêt potentiel en rapport avec le thème de l’article.
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