L’anthropologie 123 (2019) 333–344
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Article original
Les percuteurs en pierre du site du Pale´olithique moyen de Ketrosy, couche 3 Hammerstones of Middle Palaeolithic site Ketrosy, layer 3 Alisa V. Larionova *, Ksenia N. Stepanova Institut d’Histoire de la Culture Mate´rielle de l’Acade´mie des Sciences de Russie, 18, Quai Dvortsovaya, 191186 Saint-Pe´tersbourg, Russie
I N F O A R T I C L E
R E´ S U M E´
Historique de l’article : Disponible sur Internet le 14 juillet 2019
Le site du Pale´olithique moyen de Ketrosy (valle´e du Dniepr Moyen) a e´te´ de´couvert et e´tudie´ entre 1974 et 1979 par N.K. Anisyutkin qui a de´cape´ trois diffe´rents complexes. Le complexe le plus riche se trouve dans le secteur no 1. Il est constitue´ d’une couche arche´ologique (la 3e) en bon e´tat de conservation qui a e´te´ date´e d’environ 100 Ka (la datation est obtenue d’apre`s l’e´tude des sols enterre´s). Dans l’ensemble lithique, les percuteurs sont repre´sente´s par 19 galets avec des traces de percussion. D’apre`s leurs e´tudes me´triques, les outils du site de Ketrosy s’inscrivent dans le cadre de variabilite´ des percuteurs qui caracte´risent la pe´riode du Pale´olithique Moyen – Supe´rieur. Cependant, la localisation des impacts sur ces percuteurs n’est pas habituelle et nous supposons que les outils sont tenus du coˆte´ transversal des pie`ces. Ce fait est peut-eˆtre conditionne´ par l’anatomie des habitants du site de Ketrosy. Une faible intensite´ d’usure indique le mode « ad-hoc » d’utilisation des pierres en tant que percuteurs. L’analyse spatiale des artefacts lithiques et des restes osseux (en particulier – le contexte des de´couvertes des percuteurs) confirme une occupation de courte dure´e et des objets bien de´terminable de la couche culturelle.
C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s.
Mots cle´s : Pale´olithique moyen Valle´e du Dniestr Moyen Analyse spatiale Traces d’utilisation Ketrosy Percuteurs
* Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (A.V. Larionova),
[email protected] (K.N. Stepanova). https://doi.org/10.1016/j.anthro.2019.06.007 C 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´ serve´s. 0003-5521/
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A B S T R A C T
Keywords: Middle Palaeolithic Middle Dniester valley Spatial analyse Use-wear traces Ketrosy Hammerstones
The Middle Palaeolithic site Ketrosy (Middle Dniester valley) has been found and investigated by N.K. Anisyutkin in 1974–1979. He excavated 3 different complexes. The most interesting complex is the area N 1. It has the one (third) cultural layers in fair preservation, which had been dated appr. 100,000 years ago, by buried soils investigations. In the obtained collection, the hammerstones are represented by 19 pebbles with the traces of pecking. By its metrics, tools from Ketrosy fit within the framework of variability of the Middle – Upper Paleolithic hammerstones. But the location of the impact-marcs does not look ordinary and we suppose the transverse grip of the tools, conditioned, perhaps, by the anatomy of the inhabitants of the Ketrosy site. Low intensity of wear indicates ‘‘ad-hoc’’ mode of pebbles use as hammers. Spatial analysis of stone artifacts and bone remains (in particular – the context of hammers findings) confirm the short occupation and well-defined objects of cultural layer.
C 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction Les percuteurs repre´sentent un e´le´ment tre`s important des ope´rations de taille a` la pe´riode pale´olithique, mais l’e´tude du lien entre les percuteurs et la taille de la pierre ne rentre pas dans le cadre des recherches habituelles. Ce fait est lie´ a` une relative rarete´ de ce type de de´couvertes et a` l’hypothe`se que les percuteurs lithiques sont souvent conside´re´s comme du macro outillage simple bien compre´hensible, inchangeable au cours du temps, surtout si le chercheur a une certaine expe´rience dans la taille de la pierre (ex. Whittaker, 1994). Peu de travaux sont consacre´s aux e´tudes des percuteurs (Le Brun-Ricalens, 1990 ; Zampetti et al., 2007 ; Ha¨ckel, 2010 ; Girya, 2010 ; Shchelinsky, 2011 ; Larinova et Uspenskaya, 2017). Les percuteurs sont mentionne´s dans les publications sur l’analyse technologique de certaines industries, quand, suivant les indices de taille laisse´s sur des e´clats, les chercheurs, en s’appuyant sur les re´sultats expe´rimentaux, de´terminent le type de percuteur utilise´ (Nekhoroshev, 1999 ; Eskova, 2015 ; Kharevitch et al., 2017 ; Pelegrin, 2000 et autres). A` la diffe´rence des produits de de´bitage, conside´re´s comme du mate´riel de masse, les percuteurs repre´sentent des pie`ces exceptionnelles, car chacun d’entre eux a e´te´ tenu par l’Homme pre´historique, et il porte les caracte`res d’individualite´ de cet Homme et les tendances ge´ne´rales des gestes techniques applique´s au cours de la taille de la pierre. L’e´tude approfondie et la comparaison des percuteurs peuvent servir de base d’information utile pour la reconstruction des comportements des tailleurs pre´historiques a` condition d’accumuler des donne´es exhaustives pour chacun des diffe´rents sites arche´ologiques. Dans ce contexte, les pie`ces, issues du site de plein air de Ketrosy, attribue´ au Pale´olithique moyen, repre´sentent un inte´reˆt majeur : la couche arche´ologique est caracte´rise´e par un tre`s bon e´tat de conservation et est presque entie`rement fouille´e. Cette couche a mis au jour des concentrations locales de silex et des restes d’un habitat (Anisyutkin, 1981, 2013).
2. Ge´ne´ralite´s Le site de Ketrosy est localise´ pre`s du village de Darabany qui n’existe plus actuellement, dans la re´gion de Tchernivtsi en Ukraine, sur la rive gauche de la petite rivie`re de Kishlyansky Yar, qui se jette dans le fleuve Dniestr (Fig. 1). Le gisement se situe sur la terrasse, au-dessus du lit majeur II, qui se situe, lui-meˆme, au pied de la terrasse plus haute IV du fleuve Dniestr. Le site a e´te´ e´tudie´ par
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Fig. 1. Localisation du site de Ketrosy. 1 – Ketrosy, carrie`re Kamenny ; 2 – Ketrosy, complexe 2 ; 3 – Ketrosy, complexe 1. Ketrosy’s location. 1: Ketrosy quarry Mamenny; 2: Ketrosy, complexe 2; 3: Ketrosy, complexe 1.
N.K. Anisyutkin dans les anne´es 1974–1979. Au cours des campagnes de fouille, les arche´ologues ont de´couvert un ensemble de trois sites isole´s (d’apre`s la de´termination du responsable de la fouille, « les trois complexes »), se´pare´s l’un de l’autre par de larges bandes de de´poˆts de pie´mont qui n’ont fourni aucune pie`ce arche´ologique. Parmi ces gisements, c’est le site arche´ologique 3 de l’ensemble 1 qui pre´sente le plus d’inte´reˆt, graˆce a` son tre`s bon e´tat de conservation et a` une surface relativement large
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Fig. 2. Ketrosy, complexe 1, couche arche´ologique 3. Sche´ma de la fouille repre´sentant les concentrations de silex, les liens de remontage, les taches cendreuses et les percuteurs a` diffe´rents degre´s d’utilisation : a : nucle´us ; b : liens de remontage suivant la taille ; c : liens de remontage suivant la fracture ; d : nombre de liens de remontage suivant la fracture sur le carre´ ; e : limites de concentrations de silex ; f : limites de l’aire d’habitat ; g : taches de charbon ve´ge´tal et osseux ; h : percuteurs avec traces d’utilisation ; i : percuteurs a` petites plages de remplissage ; j : percuteurs aux e´bre´chures isole´es ; k : percuteur-retouchoir ; l : « supports pour les percuteurs » ; m : galets sans traces d’utilisation ; n : fragments des galets. Ketrosy, complex 1, archaeological layer 3; schematic view on the excavation representing lithic concentrations, refitting places, ashes patches, hammer stones to different utilizations levels; a: cores; b: refitting’s links along the knapping process; c: refitting links along the fractures; d: numbers of refitting’s along the fracture on the square; e: lithic concentrations limits; f: limits of the dwelling; g: charcoal either from wood or from bones; h: hammer stones utilized; i: hammer stones with few usages traces; j: hammer stones with limited usage traces; k: hammer stones-retouchers; l: blank for hammer stones; m: pebbles without usages traces; n: pebble fragments.
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(127 m2) de´ja` e´tudie´e. Le pre´sent article porte a` sur l’e´tude du mate´riel issu de ce site dont l’aˆge estime´ remonte a` environ 100 Ka (Ivanova et al., 1981 ; Anisyutkin, 2013 ; Larinova, 2016). Le gisement de Ketrosy se situe a` proximite´ imme´diate des affleurements de matie`res premie`res. Le silex local sous forme de plaquettes, exploite´ sur le site, a e´te´ localise´ dans la lithoclase de la terrasse, les galets et les nodules, dans les amas de galets de la terrasse IV. Le silex local est caracte´rise´ par une mauvaise qualite´ et par plusieurs fissures, trous et inclusions. N.K. Anisyutkin a interpre´te´ le gisement comme un habitat de se´jour saisonnier de courte dure´e, lie´ aux migrations automnales des bisons et des chevaux, le long de la valle´e de la rivie`re a` la pe´riode des paysages de foreˆts steppiques pe´riglaciaires (Anisyutkin, 2013). L’analyse trace´ologique sur les outils les plus repre´sentatifs, effectue´e par V.E. Shchelinsky, a justifie´ le caracte`re de courte dure´e d’occupation de l’habitat. Le site a mis en e´vidence la taille primaire et secondaire de la pierre ; les outils, fabrique´s sur place servaient a` de´couper la viande, a` travailler le bois ve´ge´tal et a` travailler le cuir destine´ a` des veˆtements (Shchelinsky, 2001). La courte dure´e d’occupation de l’habitat est e´galement atteste´e par les donne´es de l’e´tude microstratigraphique et par la possibilite´ de faire le remontage, permettant de constater l’homoge´ne´ite´ de la couche arche´ologique (Fig. 2). Les pie`ces arche´ologiques sont concentre´es dans des aires bien repre´sentatives (Larinova, 2017). Une concentration de gros ossements et de de´fenses de mammouth a e´te´ de´limite´e au milieu de la surface de´cape´e. Elle a e´te´ interpre´te´e par le chef de la fouille comme une construction d’habitat – « abri complexe contre le vent » (Anisyutkin, 1980). D’apre`s les re´sultats de l’e´tude de´taille´e de la re´partition spatiale des pie`ces, il est fortement possible de parler d’une aire d’habitat qui se distingue des autres aires par sa composition d’objets arche´ologiques. Cette zone rentre dans la fosse-pan de´termine´e suivant l’affaissement des niveaux. Les gros ossements de´couverts lors de la fouille, enfonce´s en position verticale, se superposent directement sur les bords de la fosse-pan, ce qui permet de les conside´rer comme des e´le´ments de la construction (Larinova, 2016, 2017). 3. Les percuteurs issus du site de Ketrosy (couche 3 du complexe 1) L’ensemble lithique de la couche arche´ologique principale, constitue´e de 2807 pie`ces, est repre´sente´ par divers types d’e´clats et par leurs fragments (y compris des esquilles), par des nucle´us, par des outils en silex (parmi eux des e´clats retouche´s et des racloirs constituent les cate´gories pre´dominantes), par des galets et par des nodules sans traces d’utilisation ainsi que par 19 percuteurs (Tableau 1). Cette quantite´ de percuteur est assez importante : dans d’autres ensembles lithiques des sites d’Europe orientale attribue´s au Pale´olithique moyen et supe´rieur, les percuteurs sont le plus fre´quemment repre´sente´s par des pie`ces singulie`res et seulement dans quelques cas leur nombre atteint dix-quinze pie`ces. D’apre`s l’e´tude des matie`res premie`res, des dimensions, des formes et des poids des pie`ces, les percuteurs du gisement de Ketrosy correspondent parfaitement a` la signification
Tableau 1 Site du Pale´olithique moyen de Ketrosy, complex 1 (couche 3). Composition d’assemblage. Middle Paleolithic site of Ketrosy, complex 1 (third cultural layer). Categories of finds. Cate´gorie
Quantite´
%
Galets et fragments Nucle´us et fragments Supports (e´clats/lames) E´clats corticaux E´clats de´bordants E´clats a` creˆte Petits e´clats/esquilles Cassons et de´bris Fragments d’e´clats Outils Percuteurs Total
45 124 388 118 264 66 589 194 900 100 19 2807
1,6 4,4 13,8 4,2 9,4 2,4 21,0 6,9 32,1 3,6 0,7 100,0
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Tableau 2 Les caracte´ristiques des percuteurs en pierre provenant de site de Ketrosy, complex 1 (couche 3). Features of hammerstones from the site of Ketrosy, complex 1 (third cultural layer). N (correspond au nume´ro de l’outil sur la Fig. 4)
Matie`res premie`res
Forme
Dimention, mm (h l e´p)
Poids, g
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
Silex cre´tace´ avec cortex Gre`s quartzeux a` grain fin Gre`s quartzeux a` grain fin Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux Gre`s quartzeux a` grain fin Gre`s quartzeux a` grain fin Gre`s quartzeux
Nucle´us informe Fragment de galet ovoı¨de Galet subtriangulaire Fragment de galet oblong Galet oval Galet subriangulaire Galet subriangulaire Galet subtriangulaire Galet subriangulaire Galet subriangulaire Galet subtriangulaire Galet oblong Galet subtriangulaire Galet ovoı¨de allonge´ Galet subtriangulaire Galet subriangulaire Eaillou ovoı¨de Eaillou subtriangulaire Galet subtriangulaire La moyenne
52 43 33 42 54 43 67 39 33 76 54 27 90 65 48 63 49 30 71 56 38 75 71 40 81 52 41 89 70 40 77 70 40 90 52 49 88 75 48 95 47 50 80 64 48 88 73 59 106 82 42 125 65 43 98 77 48 74 56 36
98 105 166 151 371 137 215 305 236 313 305 338 440 312 397 527 479 562 457 250
des percuteurs de la pe´riode du Pale´olithique moyen et supe´rieur (Tableau 2). La diffe´rence remarquable entre les percuteurs se trouve au niveau de la localisation de leur usure : le percuteur e´tait oriente´ au cours de son utilisation suivant l’axe longitudinal du galet ou du nodule. L’e´tude du mate´riel arche´ologique des gisements du Pale´olithique final de´montre que le percuteur, au cours du travail, e´tait ge´ne´ralement tenu de sorte que l’axe longitudinal de la pierre et l’axe le plus long de l’outil correspondaient l’un a` l’autre (Stepanova, 2015), tandis que les percuteurs du gisement de Ketrosy sont caracte´rise´s par la localisation de l’axe longitudinal du galet, de´termine´ plutoˆt pre`s de son axe horizontal. Outre les percuteurs, l’assemblage lithique du gisement de Ketrosy est constitue´ de 45 galets et de nodules sans traces d’utilisation que les habitants du site re´coltaient probablement au bord de la rivie`re. Parmi ces galets, six d’entre eux peuvent eˆtre conside´re´s comme des « pre´formes » potentielles pour la fabrication des percuteurs car, d’apre`s leurs caracte´ristiques (nature de roche, forme, taille, poids), ils correspondent aux galets avec des traces d’utilisation (Tableau 3).
4. Traces d’utilisation sur les percuteurs Dans ses publications, N.K. Anisyutkin de´termine les galets avec traces d’utilisation comme des percuteurs, des retouchoirs et des pilons-broyeurs (Anisyutkin, 2013). Les traces d’utilisation repre´sentent des e´bre´chures caracte´rise´es par des bords aigus, des plages piquete´es aux grains de quartz casse´s (Fig. 3). Les impacts line´aires ne sont pas de´termine´s. Les bords des e´bre´chures sont aigus, non polis. Les plages de concentration de creux sont e´troites, le remplissage ne modifie presque pas le pourtour des galets, c’est pour cette raison, quand nous parlons du niveau d’e´puisement des percuteurs du site de Ketrosy, il s’agit du degre´ relatif d’e´puisement des percuteurs a` l’inte´rieur de cette collection. Le caracte`re des traces et de leur localisation sur les angles met en e´vidence le type de travail effectue´ a` l’aide de ces percuteurs, repre´sente´ par des impacts puntiformes sur une matie`re tre`s dure et non par la percussion pose´e et lance´e, comme dans le cas des pilons. De plus, les parame`tres me´triques des outils du gisement de Ketrosy sont plus proches des parame`tres des percuteurs des autres sites, que ceux des pilons. Les parties lisse´es n’ont pas e´te´ de´termine´es sur la surface des pie`ces.
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Tableau 3 Site du Pale´olithique moyen de Ketrosy, complex 1 (couche 3). Composition des assemblages des concentrations de mate´riel lithique : N 1/N 2//-3-4//-13–14, 1-13/l’habitat. Ketrosy, complex 1 (third cultural layer). Categories of finds in clusters N 1/N 2//-3-4//-13–14, 1-13/dwelling zone. Cate´gorie
Quantite´
% des trouvailles dans la concentration
% du total des trouvailles (2288 = 100 %)
Galets et fragments Nucle´us et fragments Supports (e´clats/lames) E´clats corticaux E´clats de´bordants E´clats a` creˆte Petits e´clats/esquilles Cassons et de´bris Fragments d’e´clats Outils Percuteurs Total
14/12/0/3/18 24/19/0/3/27 227/43/0/20/67 54/11/2/2/19 121/31/5/9/45 25/8/1/5/16 313/4/38/119/12 116/6/1/3/21 488/30/25/123/58 28/21/0/2/30 3/4/1/1/10 1413/189/73/290/323
1,0/6,3/0/1/5,5 1,7/10,1/0/1/8,3 16,1/22,8/0/6,9/20,6 3,8/5,8/2,7/0,7/5,8 8,6/16,4/6,8/3,1/13,8 1,8/4,2/1,4/1,7/4,9 22,2/2,1/52,1/41/3,7 8,2/3,2/1,4/1/6,5 34,5/15,9/34,2/42,4/17,8 2,0/11,1/0/0,7/9,2 0,2/2,1/1,3/0,3/3 100,0
0,5/0,4/0/0,1/0,6 0,9/0,7/0/0,1/1 8,1/1,5/0/0,7/2,4 1,9/0,4/0,1/0,1/0,7 4,3/1,1/0,2/0,3/1,6 0,9/0,3/0/0,2/0,6 11,2/0,1/1,4/4,2/0,4 4,1/0,2/0/0,1/0,7 17,4/1,1/0,9/4,4/2,1 1,0/0,7/0/0,1/1,1 0,1/0,1/0/0/0,4 50,3/6,7/2,6/10,3/11,6
Fig. 3. Traces d’utilisation sur le percuteur en quartzite de la couche 3 du complexe 1 du site de Ketrosy (voir Fig. 4 : 5). Grossissement 100. 1 – surface e´mousse´e, 2 – usure, surface aux e´bre´chures. Use-wear traces on the quartzite hammer stone from layer 3, complex 1 on the Ketrosy site (see Fig. 4: 5). Enlargement at 100; 1: smoothed surface; 2: worn surface with traces of pecking.
Il faut e´galement refuser l’interpre´tation des outils en quartzite, utilise´s en tant que marteaux a` concassage des ossements car, dans ce cas, les traces d’usure auraient eu d’autres caracte`res typiques des impacts puntiformes sur la roche plus tendre que le silex : les bords des e´bre´chures auraient e´te´ plus arrondis, moins profonds, les microenle`vements sur les grains de quartz casse´s auraient e´te´ beaucoup moins nombreux. Les percuteurs en quartzite et en gre`s-quartzite sont traditionnellement attribue´s aux percuteurs durs et solides. La collection est fortement repre´sente´e par des e´clats fragmente´s. Des de´fectuosite´s sur des bulbes de percussion, des fractures sur des plans de frappe et une initiation de fracture de forme conique ont e´te´ e´galement remarque´es. Nous admettons donc le fait que les indices, provisoirement lie´s a` l’utilisation d’un percuteur mine´ral dur, sont de´termine´s sur les produits de taille issus de la couche 3. Malgre´ la taille intensive de la pierre pratique´e sur le site et la proportion de percuteurs relativement e´leve´e, ils sont souvent repre´sente´s par des pie`ces dont le degre´ d’usure est assez faible. Il varie entre les traces d’impacts isole´s, laisse´s dans un seul ou quelques endroits du galet, et la formation de petites plages de remplissage qui n’occupent pas plus du 1/3 du pe´rime`tre de l’objet. Plusieurs percuteurs sont abandonne´s au premier stade d’utilisation (8 sur 19 pie`ces). Apparemment, les percuteurs n’ont pas e´te´ utilise´s longtemps dans la meˆme position, leurs diffe´rents coˆte´s ont e´te´ teste´s. Tous les percuteurs sont attribue´s aux outils le´ge`rement (100–200 g) et
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moyennement (300–500 g) lourds. D’apre`s notre hypothe`se, la taille primaire et l’essai des blocs exigent des outils plus massifs, de 500–1000 g de poids (Zampetti et al., 2007). Cependant, des nodules non de´cortique´s, des plaquettes de silex, des nucle´us abandonne´s a` diffe´rents stades de de´bitage, des e´clats de taille primaire et semi-primaire sont e´galement de´couverts. De toute e´vidence, les percuteurs qui font partie de l’ensemble lithique, repre´sentaient des outils suffisamment bons pour effectuer tous les stades de de´bitage pratique´s sur le site. Un nucle´us e´puise´ de petites dimensions, en silex de tre`s bonne qualite´, se distingue des autres percuteurs par sa taille, par sa forme et par ses traces d’usure ; ses bords sont boucharde´s et e´mousse´s (Fig. 4 : 1). Nous supposons que cette pie`ce ait e´te´ utilise´e en tant que retouchoir car, d’apre`s son poids (98 g), elle est beaucoup plus le´ge`re que les percuteurs de cette collection, dont le poids moyen est e´gal a` 250 g. Les diffe´rentes hypothe`ses qui demandent d’eˆtre justifie´es par des e´tudes expe´rimentales, admettent que cet objet soit une pierre-a`feu et un outil a` casser les ossements. Cependant, vu le manque d’e´chantillons de comparaison avec des traces d’utilisation, correspondant a` cet objet et le contexte de sa de´couverte, nous tenons a` de´terminer cette pie`ce comme un percuteur-retouchoir. 5. Contexte de la de´couverte des percuteurs La couche 3 du gisement de Ketrosy a livre´ des structures bien conserve´es dont l’analyse de re´partition spatiale des artefacts et des restes fauniques met en e´vidence les activite´s domestiques pratique´es sur le site. La majorite´ des objets (2288 pie`ces, Tableau 3) de la totalite´ des pie`ces (2807 pie`ces) sont attribue´s aux structures de la couche arche´ologique (Fig. 2). Parmi ces objets, deux grosses concentrations de silex (nomme´es N 1 et N 2) ont e´te´ de´termine´es. La concentration N 2 est situe´e a` l’inte´rieur de l’aire d’habitat (Larinova, 2017). Deux autres concentrations compactes ont e´galement e´te´ de´couvertes (voir ci-dessous) (portent les nume´ros des carre´s ou` elles se situent). Dans la couche arche´ologique, des taches cendreuses (charbon d’os et de bois) ont e´te´ de´termine´es, elles ont e´te´ localise´es a` l’inte´rieur des concentrations N 1 et N 2 de l’aire d’habitat et d’une concentration compacte sur le carre´ /-3-4. Chaque carre´, qui a livre´ une tache cendreuse, contient non seulement des produits de taille, mais e´galement un percuteur ou plusieurs dans certains cas. La concentration N 1 n’a fourni que trois percuteurs. Ils ont e´te´ de´pose´s d’une manie`re compacte sur deux carre´s contigus (K-9, 3-9), associe´ a` plusieurs nucle´us, e´clats et outils. Les deux percuteurs portent des traces d’usure assez importante (Fig. 4 : 7, 13), le troisie`me est marque´ par des e´bre´chures de surface marginales aux bords tranchants (Fig. 4 : 5). L’aire d’habitat de 18 m2 qui comprend la concentration N 2, est caracte´rise´e par la pre´sence d’une tache unique, tre`s marque´e, de charbon osseux (carre´ 1-/-8), par une quantite´ d’objets assez ne´gligeable (par rapport a` la concentration N 1), par du mate´riel trie´, par la pre´sence de plusieurs outils et nucle´us ainsi que par l’accumulation de presque tous les percuteurs, on en a de´nombre´ 14 (dont quatre ont e´te´ de´couverts dans l’accumulation de silex N 2). Les percuteurs issus de l’aire d’habitat sont marque´s par diffe´rents degre´s d’usure : 3 pie`ces sont fortement use´es (Fig. 4 : 1, 14, 15), 4 pie`ces sont moyennement use´es (Fig. 4 : 11, 12, 17, 19), 7 pie`ces ne sont marque´es que par des e´bre´chures isole´es (Fig. 4 : 2, 3, 4, 6, 8, 9, 10). Examinons plus en de´tails la concentration de silex N 2. Cet ensemble a mis au jour des produits de taille primaire et secondaire ainsi que des outils les plus repre´sentatifs. Cette concentration est fortement caracte´rise´e par des e´le´ments de remontage pouvant eˆtre e´loigne´s l’un de l’autre jusqu’a` 6 m de distance, ainsi la reconstitution d’un nucle´us a pu eˆtre faite avec 18 e´clats parfaitement remontable (Larinova, 2017) ; ce nucle´us a e´te´ de´bite´ a` l’aide d’au moins 7 des percuteurs les plus use´s, y compris le percuteursretouchoir (Fig. 2 : 1, 3, 6, 7, 11, 12, 17). Le carre´ ’-10–11 a mis au jour deux taches cendreuses (cendre de bois). Deux percuteurs issus de la concentration N 2, les plus e´loigne´s du nucle´us remontable,
Fig. 4. Percuteurs de la couche 3 du complexe 1 du site de Ketrosy et localisation des traces d’usure (les points symbolisent : * – e´bre´chures isole´es, ** – petites plages de remplissage, *** – usure relativement forte). Hammer stones from layer 3 in the complex 1 on the Ketrosy site and localizations of the wear traces (points means: *: isolated impact-marcs, **: small areas with traces of pecking, ***: relatively heavy usage).
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de´couverts sur le carre´ +-11-12, sont faiblement use´s, leur poids est compris entre 150 et 310 g (Fig. 2 ; Fig. 4 : 4, 10). Ils ont e´te´ associe´s a` trois nucle´us, quatre e´clats retouche´s et un racloir. Il est probable que ce secteur ait servi d’aire ou` l’Homme pre´historique pratiquait le de´bitage secondaire des e´clats et le re´ame´nagement des tranchants des outils e´mousse´s au cours de leur utilisation. Cette conclusion est base´e sur les faits suivants : le faible poids des percuteurs issus de ce carre´ ; les traces d’usure peu importante ; les percuteurs ont e´te´ de´couverts en association avec plusieurs outils formels. Parmi les cinq percuteurs qui sont attribue´s a` la grosse tache de charbon osseux de l’aire d’habitat, un percuteur est moyennement use´ (Fig. 4 : 19) et trois ne sont marque´s que par des e´bre´chures isole´es (Fig. 4 : 2, 8, 9). Ils sont tous des poids diffe´rents mais ils pe`sent entre 100 et 450 g. Ainsi que les autres percuteurs, ils pourraient donc eˆtre utilise´s pour obtenir occasionnellement des e´clats et pour pratiquer le de´bitage secondaire. Deux petites concentrations isole´es, localise´es sur les carre´s /-3-4 et /-13-14/ 1-13 ont livre´, chacune d’entre elles, un percuteur (Fig. 2). La concentration du carre´ /-3-4 est marque´e par la pre´sence d’une tache de charbon de bois. Elle comprend 74 objets dont la plupart sont repre´sente´s par des petits e´clats et par leurs fragments que l’on n’a pas pu remonter meˆme suivant la cassure, les nucle´us ont e´te´ de´couverts le´ge`rement e´loigne´s du percuteur qui est un nodule assez massif (560 g) avec des traces d’impacts singuliers (Fig. 4 : 18). La deuxie`me concentration isole´e sur le carre´ 1-13-/-13-14 n’est pas lie´e a` la tache charbonneuse. Ici, le percuteur moyennement use´, d’un poids de 530 g (Fig. 4 : 16), a e´te´ de´couvert en association avec des nucle´us et des galets sans aucune trace d’impact. Ainsi, ces secteurs isole´s peuvent eˆtre interpre´ter d’une manie`re ambigue¨. Soit l’Homme pre´historique y pratiquait la taille des roches assez syste´matiquement, soit, au contraire, il s’agit de secteurs de travail individuel ou` seulement un ou quelques rognons ont e´te´ taille´s, les meilleurs pie`ces ayant e´te´ ramene´es dans les autres secteurs. La pre´sence dans la couche arche´ologique non seulement des percuteurs, mais e´galement des galets et des nodules sans traces d’utilisation n’est pas le fait du hasard, car ils sont disperse´s d’une manie`re peu homoge`ne sur la surface du secteur car ils ont e´te´ de´couverts en concentration, associe´s aux galets use´s, caracte´rise´s par une taille intensive et dans l’aire d’habitat (Fig. 2).
6. Discussion et conclusions La couche 3 du complexe 1 du site du Pale´olithique moyen de Ketrosy a livre´ une se´rie de 18 percuteurs en gre`s-quartzite et 1 percuteur-retouchoir en silex. Il convient de souligner que les percuteurs ont e´te´ abandonne´s au premier stade d’utilisation. Probablement, ce fait est lie´ a` l’occupation du gisement pendant une courte pe´riode et a` l’abondance de galets autour du site. Une autre particularite´ remarquable des percuteurs du gisement de Ketrosy re´side dans la localisation des traces d’usure « tre`s spe´cifiques » si on les compare avec des e´chantillons expe´rimentaux ou issus d’autres sites du Pale´olithique supe´rieur. Ce fait, avec une certaine probabilite´, peut eˆtre lie´ a` l’anatomie de la main des occupants du site, puisque, d’apre`s les re´sultats de l’e´tude pale´oanthropologique, les diffe´rences entre Neandertal et Sapiens re´side dans le fait particulier que le premier pourrait plus facilement tenir transversalement un outil graˆce a` la grande taille de la largeur de ses phalanges. D’apre`s S. Churchill, « Neandertals had hands well suited to forceful transverse power grips (as when gripping a hammerstone), as indicated by the greater leverage of their thumbs, enlarged crests for the muscles of finger flexion, broad finger tips. . . » (Churchill, 2001). Actuellement, les attestations arche´ologiques sont insuffisantes pour pouvoir constater le fait que les percuteurs des Ne´andertaliens et ceux des Sapiens se distinguent par l’orientation de l’outil selon l’axe longitudinal de la pie`ce. Pour proposer une conclusion argumente´e, il nous faut avoir plus de mate´riel. La de´position compacte des percuteurs associe´s aux produits de taille (nucle´us, e´clats et pie`ces retouche´es) a` proximite´ imme´diate des lentilles charbonneuses permet de justifier un bon e´tat de conservation des concentrations de´couvertes ainsi que de proposer deux mode`les de formation des objets de la couche arche´ologique. Le premier mode`le propose le de´roulement simultane´ des processus d’e´clatement et de combustion des foyers, le travail s’effectuait a` proximite´ imme´diate de ces foyers. Cette hypothe`se est ˆ le´ (Fig. 4 : 5) de´couverts a` prouve´e par la pre´sence des pie`ces en silex et du percuteur isole´ et bru l’inte´rieur de la concentration no 1. Leur rarete´ peut eˆtre explique´e par la complexite´ de de´termination ˆ le´s : la majeure partie des pie`ces sur le site est fabrique´e en roche locale caracte´rise´e des artefacts bru
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par plusieurs cavernes et inclusions (les expe´rimentations de chauffe de ce silex n’ont pas e´te´ effectue´es). Le deuxie`me mode`le de´montre que les aires d’activite´s se de´plac¸aient dans diffe´rents secteurs du gisement, dans l’endroit ou` se situait un foyer, par la suite une aire d’activite´ pouvait eˆtre ame´nage´e. Cependant, a` notre avis, ce sce´nario est en contradiction avec l’inte´grite´ des concentrations prouve´e par de nombreux de remontages (Larinova, 2017). Les conclusions obtenues peuvent eˆtre exploite´es pour effectuer une comparaison d’organisation spe´cifique de l’espace et des techniques de taille sur les diffe´rents gisements pale´olithiques, a` condition de de´terminer pour les derniers ainsi que pour le site de Ketrosy, des liens contextuels des divers types d’outillage et d’analyser les particularite´s des traces d’usure des outils de percussion et d’abrasion. L’importance des donne´es concernant les outils non modifie´s ne doit pas eˆtre mise en doute : elles permettent non seulement de mieux comprendre les processus technologiques, pratique´s sur le site, mais ils donnent e´galement la possibilite´ d’e´valuer plus pleinement les spe´cificite´s de distribution des artefacts, de comple´ter les donne´es de´ja` obtenues sur la structure planime´trique du gisement. Remerciements Cette e´tude est effectue´e dans le cadre du Programme des Recherches Scientifiques Fondamentales des Acade´mies Nationales des Sciences sur le projet d’E´tat no 0184-2018-0012 « Les Hommes pre´historiques sur le territoire de Russie et des pays contigus : les voies et les pe´riodes d’occupations, l’e´volution de la culture et de la socie´te´, l’adaptation a` l’environnement » et avec le soutien de la Fondation russe pour la recherche fondamentale no 17-06-00355a. Les auteurs de l’article tiennent a` remercier Nikolay K. Anisyutkin et Svetlana A. Demeschenko pour la possibilite´ de travailler avec les collections conserve´es a` titre temporaire a` l’Institut d’Histoire de la Culture Mate´rielle de l’Acade´mie des Sciences de Russie (Saint-Pe´tersbourg) et a` titre permanent au Muse´e de l’Ermitage (Saint-Pe´tersbourg).
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