Les pneumonies 2 Pneumocystis carinii Jean-MichelAlonso, PatriceSednaoui,Francoke Ram&e
Pneumocys tis carinii, un micro-organisme non cultivable in vitro, de classification incertaine, entre protozoaires et champignons pathogenes, commensal ubiquitaire chez l’homme et les animaux, est l’agent de pneumonies potentiellement Males chez l’hote immunocompromis. Chez le patient VIH, la survenue d’une pneumocystose pulmonaire doit Gtre traitee systematiquement a titre curatif et m%me prophylactique, d&s que le nombre de lymphocytes sanguins CD4’ chute h moins de 200/@. Le trimethoprimsulfamethoxazole et la pentamidine sont actuellement les molecules recommandees.
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a pneumocystose pulmonaire complication constitue une majeure et une cause de mortalite elevee chez les patients immunodeficients, particulierement lors de l’infection par le virus de l’immunodeficience humaine (VIH) au tours de laquelle elles inaugurent l’entree dans les phases symptomatiques du sida 11, 21. Sur le plan clinique, elles se presentent sous l’aspect de pneumonies atypiques, diffuses, bilat&ales, accompagnees de fievre, de polyp&e et d’hypoxie. L’absence de signe d’orientation specifique a l’examen clinique et radiologique, et la frequente association avec d’autres agents infectieux opportunistes, tels que le cytomegalovirus, chez un patient dont les defenses immunitaires sont effondrees, compliquent le diagnostic etiologique et la decision therapeutique [3,41. L’agent causal, Pneutnocystis carinii, longtemps considere comme un protozoaire 151, presente en fait des homologies genomiques avec certains champignons pathogenes, qui rendent sa classification incertaine 161. C’est un micro-organisme non cultivable in slitro, dont l’identification n’est que morphologique. C’est un commensal des voies respiratoires de l’homme et des animaux et sa simple mise en evilnstitutAlfred-Fournier. 25.bd Saint-Jacques. 75680 dence dans un produit biologique ne permet pas de l’incriminer ParisCedex14,France. 54
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en tant qu’agent infectieux en l’absence de lesions associees [71. On considere que l’infection qui se developpe chez un patient immunodeficient correspond a une decompensation de l’infection latente inapparente, mais que la transmission de patient infect6 a patient immunodeprime expose peut se produire par voie aerogene. L’etude de modeles experimentaux sur rongeurs de laboratoire a permis de verifier ces hypotheses. Diverses lignees de souris consanguines immunocompetentes sont porteuses de P carinii a l’etat latent. Un traitement immunosuppresseur par la dexamethasone expose des souris saines, cohabitant avec des souris infectees, A l’acquisition d’une pneumonie qui se developpe en 5 a 6 semaines en fonction de l’intensite du traitement corticoi’de 181. Des souris congenitalement athymiques (nu/nu) ou atteintes de deficit immunitaire severe combine (SCID), exposees aux souris porteuses latentes, developpent egalement une infection Male, qui peut s’accompagner, comme chez les patients au stade sida, d’autres infections opportunistes aggravant les lesions [l-4]. Les interactions entre P carinii et les cellules de l’hbte sont ma1 connues. Les kystes apparaissent a l’etat isole ou sous la forme / actualiths
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d’agregats dans le liquide de lavage broncho-alveolaire. Les examens histologiques 2 la phase aigue de I/infection pulmonaire montrent des infiltrats alveolaires remplis de debris cellulaires et de kystes isoles. L’association frequente d’autres agents infectieux, viraux, bacteriens ou parasitaires chez ces patients immunodeprimes, les fait suspecter en tant que cofacteurs de proliferation de P carinii [91. Le diagnostic d’infection 21P carirzii est realise par la mise en evidence des micro-organismes a l’examen direct des prelevements d’expectoration, du liquide de lavage broncho-alveolaire, de biopsies et prelevements bronchoscopiques. L’examen microscopique apres coloration au bleu de toluidine, de MayGriinwald-Giemsa, de Gram, a l’hematoxyline-cosine, coloration argentique de Gomori et Grocott, etc., permet de visualiser des kystes et des trophozdites libres representant differents stades du cycle replicatif de P carinii. Le kyste, de forme arrondie ou ovale, a un diametre de 5 a 8 l.trn et contient huit sporozdites nuclees enserres dans une coque a la paroi epaisse trilamellaire. La rupture du kyste lib&e des sporozdites qui vont evoluer en trophozoi’tes presentant un noyau et une fine enveloppe cytoplasmique emettant de nombreux pseudopodes, vraisemblablement responsables de I’attachement aux cellules pulmonaires. Le trophozo’ite evolue vers la forme d’un prekyste a un seul noyau excentre et a la paroi epaisse. La mise en evidence de P carinii sous ses differents aspects et l’exclusion d’images atypiques, telles que la presence de levures souvent abondantes dans les prelevements pulmonaires de patients immunodeprimes, a et6 considerablement amelioree, en particulier dans les prelevements d’expectorations, par la disponibilite d’anticorps monoclonaux utilisables ANNALES
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en immunofluorescence [lo]. Cette technique atteint une sensibilite de 92% et permet d’eviter au patient des prelevements invasifs tels que la biopsie. La caracterisation moleculaire de sequences d’ADN specifiques et P carinii fait I’objet d’etudes tres prometteuses pour le diagnostic clinique et pour le suivi epidemiologique. L’hybridation in sift 21 l’aide d’une sonde genomique specifique permet de caracteriser P carinii directement dans les produits pathologiques [ill. L’exploitation des techniques d’amplification genique, notamment par PCR (po/ymerase chain reaction), permet de reveler une infestation latente pauvre en micro-organismes et d’en preciser l’origine epidemiologique [121. Cependant, ces techniques hautement performantes doivent @tre appliquees dans un contexte extremement rigoureux pour prevenir toute contamination par des polynucl6otides de ce micro-organisme ubiquitaire. L’interpretation d’un signal positif pour la presence d’ADN genomique ne prejuge pas de l’existence d’un processus infectieux actif qui devra etre consider6 en fonction de la clinique et de la mise en evidence de lesions cellulaires. Le diagnostic serologique d’infection 6 P carinii est d’interpretation difficile, compte tenu du caractere ubiquitaire de cet agent infectieux, m@me lorsque les techniques utilisent des antigenes specifiques [13, 141. Seules des primo-infections accompagnees de reponses anticorps de la classe IgM ou des ascensions significatives du titre des IgG, en cas de recurrence permettent d’evaluer une infection active. La pneumocystose pulmonaire est une infection letale si elle n’est pas traitee, bien que son evolution semble moins rapide chez les patients sida que chez des patients immunodeprimes non VIH 141. (19%)
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Elle constitue neanmoins la premiere cause de mortalite par infection opportuniste chez les enfants atteints du sida [2]. Le traitement de la pneumocystose pulmonaire doit etre envisage a titre curatif comme 2 titre prophylactique dPs que la notion de risque associe au degre de deficit immunitaire est connue. C’est ainsi que tout patient VIH dont le taux de lymphocytes T4 chute 5 moins de 200/l& ainsi que tout patient faisant une primo-infection, doit etre systematiquement trait6 Deux produits ont demontre leur efficacite : le trimethoprim-sulfamethoxazole et la pentamidine. Le premier est generalement prefere au second a cause de sa meilleure tolerance, et au fait qu’il permet egalement de traiter et prevenir une eventuelle toxoplasmose dans le sida. La pentamidine a fait l’objet d’essais d/administration par aerosols, qui presentent l’avantage de delivrer in situ la dose necessaire et de limiter ainsi les effets toxiques systemiques de ce produit, notamment chez les patients VIH. D’autres produits font l’objet d’essais cliniques : la dapsone (sulfamide efficacement utilise dans le traitement de la lepre), utilisee seule ou en association avec le trimethoprim, la difluoromethylornithine (inhibiteur de I’ornithine decarboxylase de P curinii) et le trimetrexate (inhibiteur de la dihydrofolate reductase de P carinii). Ces molecules permettraient des traitements alternatifs au trimethoprim-sulfamethoxazole et ;7 la pentamidine chez les patients ne tolerant pas ces produits ]41. Les deficits immunitaires iatrogenes associes aux traitements antimitotiques des cancers et aux transplantations d’organes, ainsi immunitaire de que le deficit I’infection par le VIH sont des causes nouvelles de l’augmentation de la prevalence des pneumonies B P carinii. Ce micro-orga55
nisme, banal et ubiquitaire, atteint ainsi une place importante au sein des C(nouveaux pathogPnes O, sans que l’on connaisse ses dkterminants de virulence-pathogGnicit6, ni que l’on soit vkritablement en mesure d’identifier les rkponses immunitaires s’opposant 21 son pouvoir infectieux. II
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