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Pratiques psychologiques 16 (2010) 303–318
Étude de cas
Les processus de l’intégration psychologique chez un enfant migrant Psychological integration process for a migrant child J. Rocher 1 Institut de psychologie, université Lyon-2, 5, avenue Pierre-Mendès-France, 69676 Bron cedex, France Rec¸u le 18 juin 2008 ; accepté le 13 d´ecembre 2009
Résumé Cet article traite du modèle théorique des processus de l’intégration dans l’objectif de le confronter à la clinique à travers l’étude du cas d’un enfant migrant présentant un mutisme électif au sein de l’espace scolaire. Les processus de l’intégration s’attachent à mettre en évidence la manière dont les situations groupales et intersubjectives, grâce à la transitionnalisation des expériences qu’elles supportent, s’articulent aux enjeux intrapsychiques pour servir l’individu dans l’intégration de ses expériences. Tous les groupes n’admettent cependant pas les mêmes potentialités transitionnalisantes, l’appareil psychique familial se révèle l’instance la plus appropriée pour la résolution créative des points de souffrance individuels. © 2009 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Espace transitionnel ; Processus de l’intégration ; Appareil psychique groupal ; Enfant migrant ; Mutisme
Abstract This article deals with the theoretical model of integration process. The aim is to compare theory with clinic through the study of a migrant child, which present an elective muteness at school. The integration process seeks to highlight how groupals and intersubjectives situations are articulated to psychical reality. This articulation can help to the transitionnalisation of the individual experiences and thus support their
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Adresse e-mail :
[email protected]. Psychologue clinicien – Doctorant : université Lyon-2.
1269-1763/$ – see front matter © 2009 Société franc¸aise de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.prps.2009.12.005
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integration. But all groups do not have the same potential of transitionnalisation. The family psychic apparatus seems to be the most appropriate agency for resolving in a creative way individual suffering. © 2009 Société franc¸aise de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Transitional space; Integration process; Groupal psychic apparatus; Migrant child; Muteness
1. Introduction L’enfant en prise à une expérience migratoire est confronté à des modifications majeures du métacadre culturel qui affectent son rapport au monde, aux autres et à lui-même. Cette situation, potentiellement génératrice de souffrance, interroge la manière dont sa structure identitaire (Camilleri et Vinsonneau, 1996) conserve une cohérence tout en accomplissant les transformations nécessaires à l’appropriation de cet événement. Les interactions entre l’individu et son environnement possèdent un rôle fondamental dès les phases précoces de la vie psychique. La réalisation d’une unité identitaire, générant une permanence suffisante du sentiment d’exister, requiert la conjonction de conditions intrapsychiques et intersubjectives adéquates (Rousillon, 2007 ; Winnicott, 1956, 1962). Elle est tributaire de processus engageant la subjectivation des expériences vécues par le nourrisson. L’individu émerge par intériorisation de dimensions groupales dont il procède (Bion, 1962), l’appropriation subjective de l’expérience s’effectue ainsi en appui sur les fonctions de l’environnement. L’appareil psychique groupal (Kaës, 1976), qui s’origine dans cet étayage groupal du psychisme, rappelle l’empreinte de l’intersubjectif sur la structuration individuelle. Dans notre optique, la subjectivation de l’expérience vécue s’envisage ainsi à partir d’une notion se situant à l’articulation de l’individuel et du groupal : les processus de l’intégration. Ils traduisent un mouvement intrapsychique admettant deux déclinaisons. Une face des processus, orientée vers la réalité psychique, convoque principalement l’activité de l’individu, les potentialités qu’il exprime en fonction des opportunités présentées par l’environnement. L’autre aspect, dirigé vers l’extérieur, concerne la manière dont le sujet se saisit des aménagements psychiques (intersubjectifs et groupaux) effectués par l’environnement dans sa prise en compte. L’opération dialectique de ces deux versants, en supportant le mouvement de subjectivation de l’expérience, concourt ainsi à structurer l’identité. La possibilité pour l’individu d’accéder à un espace intermédiaire (Winnicott, 1975) autorisant la transitionnalisation2 de ses expériences est nécessaire à leur déploiement. Tout élément psychique inaccessible aux processus de l’intégration, n’ayant pas rencontré les conditions soutenant son expression symbolisante (et donc subjectivante), devient source de souffrance. Ces processus éclairent la manière dont les dynamiques intersubjectives et groupales s’articulent aux enjeux intrapsychiques dans la subjectivation de l’expérience et dans l’organisation de l’identité. Ils sont particulièrement sollicités lors de ruptures et de changements significatifs dans le cours de l’existence. La situation migratoire, du fait de l’ampleur des transformations qu’elle implique, constitue ainsi une situation paradigmatique dans la mise en
2 C’est à dessein que le terme de transitionnalisation est utilisé plutôt que celui, plus habituel, de transitionnalité. Nous cherchons par cet emploi à souligner un passage, celui par lequel l’individu devient en mesure d’investir un espace transitionnel à partir d’un point où il n’est pas capable de le faire.
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jeu des processus de l’intégration. Ces derniers nous permettent alors d’étudier la manière dont l’expérience migratoire est inscrite dans la continuité du vécu subjectif. Le modèle théorique des processus de l’intégration a été confronté à la réalité clinique au sein d’un établissement d’enseignement primaire. Il s’agissait de comprendre la manière dont un petit garc¸on de sept ans, suite à la migration, s’étayait sur les objets de son environnement (pairs, instituteurs et encadrants, membres de sa famille) dans l’appropriation de son expérience. La découverte, dans le sens du « trouvé–créer (Winnicott, 1975) », d’un accordage suffisant entre ses besoins et les caractéristiques des objets permettrait, grâce au déploiement des processus de l’intégration, une traversée harmonieuse de l’expérience migratoire. Cette problématique est ici illustrée par une étude du cas. L’enfant dont il est question présente, suite à une migration, un mutisme électif au sein de l’environnement scolaire. En tant que symptôme d’une souffrance, le mutisme exprime la présence d’éléments dont la mise en sens est entravée au sein du nouvel environnement culturel. Il souligne un point d’achoppement, un silence de l’élaboration situé à l’articulation de l’intrapsychique et de l’intersubjectif. L’enfant bénéficia d’un suivi psychologique que je pris en charge au sein de l’établissement scolaire. Le dispositif se fondait sur des séances individuelles au cours desquelles différentes médiations, et particulièrement le dessin, furent utilisées. Des entretiens familiaux ont également été réalisés, ils ont permis d’envisager les bénéfices apportés par l’appareil psychique familial à la compréhension de la problématique de l’enfant. Cette étude de cas sera présentée suite à l’exposé du corpus théorique sur lequel se fonde notre démarche. 2. Développement de la subjectivité 2.1. Fonction de l’environnement La réalité psychique germe dans le berceau intersubjectif, impressionné par le social et le culturel. On pourrait considérer que l’existence de l’enfant commence avant sa naissance, à travers la construction fantasmatique qu’en font ses parents ; cependant, la représentation de cet « enfant imaginaire » demeure largement tributaire des attentes sociales et des représentations culturelles du développement en cours dans l’univers socioculturel de la cellule familiale. C’est principalement les interactions concrètes parent/enfant et la forme qu’elles vont prendre qui fac¸onnent le cadre de la personnalité (Rousillon, 2007). Elles seront donc déterminantes dans l’émergence de la vie psychique et dans son développement. Tout un processus de mise en adéquation des possibilités d’interaction s’effectue entre le bébé et ses parents ; l’environnement s’adapte à la spécificité expressive du nourrisson dont la subjectivité s’harmonise dialectiquement aux particularités parentales. L’état de « préoccupation maternelle primaire (Winnicott, 1956) » suscite ici une sensibilité délicatement et profondément attentive aux manifestations comportementales du nourrisson. C’est ainsi dans cet étayage étroit sur les objets de l’environnement, dans un jeu constant d’interrogations, de sollicitations et d’interprétations réciproques, que s’élabore la subjectivité. Durant la période du narcissisme primaire, le bébé, qui initialement tendrait à se vivre comme la source de tout ce qu’il ressent, est engagé dans un travail de découverte et de conception d’un lien différenciateur entre intérieur et extérieur, entre soi-même et autrui. Il est animé par des conflits entre certaines tendances visant la destruction, la néantisation, et d’autres vectrices de sens, de créativité, de subjectivité. Les mécanismes de défense de la position paranoïde–schizoïde (Klein, 1946) sont à l’œuvre, dont l’identification projective. Des éléments bêtas, sources d’angoisses létales, sont ici clivés et projetés par le nourrisson à l’intérieur de sa mère. De par sa capacité de
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rêverie, cette dernière est à même de les accueillir et de les interpréter pour les transformer en éléments alpha, vecteurs de sens et créateurs de subjectivité. La mère exerce ainsi une fonction contenante (Bion, 1962) en appui sur laquelle le nourrisson va être en mesure de s’approprier dialectiquement ses propres mouvements internes et les caractéristiques parentales. 2.2. Avènement de l’espace transitionnel Un environnement « suffisamment bon », suffisamment adapté à la spécificité du bébé et assurant une contenance appropriée des angoisses, va permettre le développement d’un espace d’illusion au sein duquel l’enfant aura l’impression magique de créer sa propre satisfaction : la chose qu’il pressent combler son besoin arrivera au moment opportun. La satisfaction sera « trouvée–créée (Winnicott, 1975) », le nourrisson expérimente avec plénitude l’omnipotence et sa capacité de créer. Dans une conjoncture favorable (lorsque les expériences positives sont suffisamment répétées) l’enfant commence à s’intégrer en une unité (Winnicott, 1962). Le sentiment d’une existence continue et différenciée prend ici sa source. L’expérience du trouvé–créé marque l’émergence d’un espace particulier, une zone intermédiaire d’expérience entre la vie psychique du nourrisson et la réalité extérieure. L’intermédiaire est à la fois une instance de communication, d’articulation de la différence et de conflictualisation entre deux ordres de réalité (Kaës, 1979). Il n’appartient ni totalement à la vie intérieure ni à la réalité objective, mais les deux y contribuent en étant maintenues dans une dynamique tendue entre union et séparation. L’objet transitionnel émerge dans ce contexte. Il constitue la première utilisation du symbole, celui de « l’union de deux choses désormais séparées, le bébé et la mère, en ce point, dans le temps et dans l’espace, où s’inaugure leur état de séparation (Winnicott, 1975, p. 180) ». Il permet de supporter l’absence de la mère en maintenant sa représentation interne vivante pendant un certain temps et ainsi de lutter contre l’angoisse de séparation. Cette expérience et la manière dont elle est vécue marqueront l’ensemble des situations ultérieures de rupture, de séparation et de reprise du lien, l’individu ayant alors à investir, sur le mode du trouver–créer, un objet susceptible de « transitionnaliser3 » son vécu afin de l’aménager. Le groupe représente à ce titre un objet privilégié. Les attentes sociales et le retour de préoccupations qui ne sont plus directement centrées sur le nourrisson entraînent la sortie progressive de l’état de préoccupation maternelle primaire ; l’adaptation de la mère devient plus lâche, moins parfaitement adaptée. Le bébé perc¸oit la modification de l’attitude maternelle comme la destruction de sa capacité d’autosatisfaction, provoquant des affects de l’ordre de la « rage d’impuissance (Rousillon, 2007) ». Si, selon la formule consacrée de Winnicott, l’objet survit à la haine de l’enfant, à ses affects négatifs motivés par son impression de destruction généralisée, ce dernier ressentira l’indépendance de l’objet maternel à l’égard de sa vie psychique. Il se rendra compte qu’il n’est pas l’auteur de sa satisfaction mais que celle-ci ressort de son environnement. C’est l’expérience du « détruit–retrouvé (Rousillon, 2007) », qui contribue, en lui apportant une tournure décisive, au processus s’enracinant très tôt par lequel l’enfant découvre, invente et conc¸oit un lien différenciateur à l’autre.
3 Cet emploi verbal de la transitionnalité est utilisé afin de souligner l’action du processus par lequel l’enfant, en appui sur son environnement, devient capable d’accéder à une aire intermédiaire d’expérience à partir d’un point où cet espace n’est pas disponible.
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L’empreinte intersubjective de la construction psychique est donc fondamentale, elle marquera l’ensemble du développement de l’individu. 2.3. Les formations psychiques groupales L’étayage groupal de la subjectivité et le contexte intersubjectif de naissance de la vie psychique contiennent les bases de la structuration groupale du psychisme, elle-même contribuant, en appui sur des organisateurs socioculturels, à l’organisation des liens intersubjectifs au sein du processus groupal. Kaës (1976) met en évidence l’existence de formations psychiques inconscientes, prenant leur origine dans l’étayage groupal du psychisme, dont la structure, la forme et la fonction revêtent des propriétés groupales. Elles correspondent à l’intériorisation fantasmée de structures de relation entre objets et sont motivées par un but de satisfaction pulsionnelle. Ces formations psychiques groupales (que sont l’image du corps, les fantasmes originaires, les complexes familiaux et l’appréhension subjective du fonctionnement de l’appareil psychique individuel), vont, sous certaines conditions, s’actualiser dans la situation concrète de groupe. La représentation du groupe s’élabore alors en s’accordant sur les modèles relationnels figurés par les organisateurs socioculturels de l’objet–groupe4 . La situation de groupe, du fait de l’espace psychique collectif qu’elle génère, permet donc à l’individu de mettre en forme et en sens ses formations psychiques groupales. Les représentations de l’objet–groupe influencent l’organisation des liens intersubjectifs dans les situations de groupe. Un appareil psychique groupal, « système de relations et d’opérations à caractère transitionnel (Kaës, 1976, p. 16) » s’organise alors entre ses membres et constitue le groupe. La transitionnalité s’exprime ici par le fait que les formations psychiques inconscientes individuelles, appareillées au sein de l’espace psychique du groupe selon les modèles proposés par les organisateurs socioculturels, peuvent trouver des conditions appropriées à leur symbolisation. Elles deviennent « trouvées–créées » dans l’espace groupal ; s’ouvre ainsi un espace intermédiaire entre la réalité psychique de chaque individu et la réalité groupale partagée. Une reprise élaborative des éléments non intégrés, soustraits au processus de symbolisation subjectivante, devient possible. 2.4. Les processus de l’intégration C’est en considérant l’impact de l’intersubjectif sur l’individuel et l’appareillage groupal des psychés5 que nous avons envisagé les processus de l’intégration psychologique. La définition que nous proposons vise à situer le concept dans le champ de la psychologie clinique, et donc à le différencier des acceptions sociologiques ou groupales dont il témoigne. Elle constitue le résultat d’une démarche qui demeure en mouvement. Les processus de l’intégration traduisent un mouvement intrapsychique d’ensemble par lequel l’individu, en appui sur son environnement, subjective les éléments de son expérience, non encore 4 Kaës (1976) distingue trois grands modèles socioculturels organisateurs de la représentation du groupe comme objet : un modèle d’origine chrétienne, un modèle d’origine hébraïque et un modèle d’origine celtique. Il précise que les ramifications de ces cadres de références globaux restent à explorer. 5 Nous désignons ici le mouvement par lequel les psychés individuelles s’articulent et s’organisent en un appareil psychique groupal (Kaës, 1976).
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symbolisés ou restés en souffrance (Roussillon, 2003)6 . La mise en jeu de ces processus, du fait de la possibilité de reprise de la symbolisation qu’elle offre, supporte ainsi la structuration de l’identité (Camilleri et Vinsonneau, 1996). L’intégration identitaire et l’intégration groupale représentent les deux aspects des processus de l’intégration, l’un orienté de manière prévalente vers l’activité de l’individu, l’autre vers celle du groupe. Ces deux déclinaisons ne peuvent pas être tout à fait séparées : elles opèrent de manière dialectique et sont envisagées comme deux expressions du même processus interne. La disponibilité d’une aire intermédiaire d’expérience (Winnicott, 1975) est nécessaire à leur déploiement. L’intégration identitaire désigne un processus individuel visant à synthétiser les différentes expériences du vécu en un tout subjectivement perc¸u comme signifiant et continu dans le temps. Il s’agit notamment d’opérer un dépassement créateur des ruptures subjectives ou des restes non encore symbolisés en trouvant des conditions de représentation et figurabilité adéquates. La situation de groupe peut constituer une de ces conditions. L’intégration groupale est le versant du processus intégratif dirigé vers le groupe social. Placé en position favorable, le groupe joue le rôle d’un pare-excitation et assure une fonction contenante (Kaës, 1979). L’appareillage groupal des psychés offre en outre l’accès à un univers de significations méta-individuelles qui peut être utilisé dans la mise en sens de l’expérience vécue. L’intégration groupale traduit ainsi le mouvement par lequel l’individu s’affilie à un groupe tout en en tirant des bénéfices en termes de potentiels élaboratifs. Ces derniers pourront alors servir l’individu dans l’organisation de sa structure identitaire. L’intégration du vécu, si elle est « réussie », permet à l’individu « d’être » (Winnicott, 1956). Concernant plus spécifiquement le vécu migratoire, on assistera à une synthèse idiosyncrasique des codes culturels dont il est porteur. Le concept d’appareil psychique groupal (Kaës, 1976) souligne la particularité de l’espace psychique collectif engendré par la situation de groupement, au sein duquel les psychés individuelles s’organisent en fonction de modèles socioculturels. Les processus de l’intégration partent de ce constat pour montrer en quoi la conjonction adéquate de dimensions intrapsychiques et intersubjectives permet à l’individu de découvrir, sur le mode du trouvé–créé, une place qui fait sens au sein de l’appareil psychique groupal. L’accès à ces significations inédites occasionne la possibilité d’une reprise élaborative des expériences restées en souffrance et potentialise leur intégration. Le groupe, en supportant l’aménagement des ruptures et des éléments en attente de symbolisation subjectivante, constitue ainsi un soutien privilégié dans le processus d’intégration. 3. Le « cas Mistèrie » L’étude du « cas » suivant est éclairée par les propos théoriques précédemment développés. J’ai rencontré l’enfant qui en est l’objet – et le sujet – au cours du suivi psychologique dont il bénéficia dans un établissement primaire de l’éducation nationale et que je pris en charge. Cet enfant est ici nommé « Mistèrie ». Les processus de l’intégration, en inclinant à considérer l’intrication des dynamiques individuelles et groupales, nous permettront de saisir la complexité de sa situation, notamment en ce qui concerne l’intégration du vécu migratoire.
6 Roussillon précise que la psyché se développe dans un mouvement de reprise de l’expérience vécue, reprise qui, n’étant jamais complète, laisse des «restes» non symbolisés aux destins variés.
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La démarche théorique dont cet article rend compte s’origine dans un dispositif clinique mis en place pour le suivi psychologique d’un enfant. Certaines opérations méthodologiques sont nécessaires pour assurer la transformation aboutissant à la construction d’une étude de cas dans une visée de recherche. 3.1. Le dispositif de recherche Une différenciation est effectuée entre le dispositif pratique (qui fut mis en place pour répondre à la demande institutionnelle concernant l’enfant) et le dispositif de recherche, qui dérive du premier en admettant un objectif différent. La réalité clinique fut déconstruite puis restructurée de manière à être exploitable dans le cadre de notre problématique de recherche, le suivi prenant alors la forme d’une étude de cas (Revault d’Allones, 1999). Le dispositif de recherche intègre donc le dispositif pratique, mais il en exploite le matériel clinique pour le confronter à une perspective théorique en cours d’élaboration. 3.2. Le nom : « Mistèrie » C’est en quelque sorte l’enfant lui-même qui s’est nommé ainsi : au cours d’un dessin (celui du « pays de la peur »), il inscrivit, dans l’espace habituellement réservé au nom du sujet, un mot que je ne compris pas. Je sollicitai donc son aide pour déchiffrer l’inscription, suite à quoi l’enfant prononc¸a le terme en question, de l’habituel chuchotement inquiet et méfiant qu’il emploie dans ses rares tentatives d’expression orale. Le mot était « mystérieux », orthographié « mistèrie ». C’est pourquoi j’ai appelé cet enfant Mistèrie (lire mystérieux), en respectant l’orthographe qu’il avait utilisé. 3.3. Contexte de la demande En début d’année scolaire, les enseignants sont invités à présenter au réseau d’aides spécialisées aux enfants en difficulté (le RASED, composé d’une équipe pluridisciplinaire) les situations des enfants qui leur semblent problématiques. En fonction des informations dispensées et disponibles, des prises en charge peuvent être mises en place : certaines sont à dominantes pédagogiques, d’autres travaillent particulièrement sur le positionnement de l’enfant par rapport à l’environnement scolaire, un suivi psychologique peut également être décidé. Mistèrie, petit garc¸on de sept ans scolarisé en CP, fut signalé par son instituteur comme enfant en difficulté au début de l’année. Il est né en Algérie et est arrivé en France alors qu’il avait quatre ans. Sa grande sœur et son grand frère, âgés respectivement de 13 et 12 ans, sont tous deux scolarisés au collège. Son petit frère de deux ans est accueilli à la crèche. D’après son enseignant, Mistèrie serait très attaché à son pays d’origine qui resterait sa référence, son chez-lui. Le temps passé à l’école franc¸aise représenterait une période transitoire s’apparentant à des « vacances ». L’instituteur exprime des doutes quant à l’investissement de la scolarité par la famille. Il met en lien les difficultés d’apprentissage de l’enfant avec le fait que les parents ne maîtrisent pas bien le franc¸ais, la famille parlant essentiellement l’arabe à la maison. L’enfant est mutique en classe, il ne s’adresse ou ne répond jamais aux adultes et semble parfois les craindre. L’enseignant le décrit comme étant peu motivé durant les temps scolaires ; l’enfant n’investit pas les apprentissages ni l’école (il redouble son CP et ses résultats ne sont pas satisfaisants). Dans ce contexte, il se montre timide, rêveur et distrait : il « plane », « il est sur une autre planète ». Il est cependant plus perturbateur lors des récréations, durant lesquelles il cherche
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à faire des bêtises avec certains camarades. L’enfant participe alors pleinement aux dynamiques groupales (ce qui sera confirmé par l’analyse du sociogramme de sa classe) et parle avec ses pairs, tout en s’en cachant du regard adulte. Sur la base de ces informations, la mise en place d’une aide psychologique est décidée. Un tel dispositif requiert le consentement de l’enfant et de sa famille. Une rencontre est ainsi nécessaire pour expliciter la demande et pour obtenir le positionnement de la famille quant à l’éventualité d’un suivi. 3.4. Entretien familial Nous sommes deux pour encadrer l’entretien familial auquel participent Mistèrie et sa mère (que nous appellerons Madame M.). Après avoir exposé la demande institutionnelle et les objectifs de l’entretien, la discussion s’oriente rapidement sur l’histoire familiale (un génosociogramme est alors construit). Madame M., dans un franc¸ais approximatif7 , relate son parcours. Elle est née en France de parents algériens. Ces derniers l’ont envoyée vivre en Algérie, chez son oncle paternel, à l’âge de trois ans, car le couple avunculaire ne pouvait avoir d’enfants. Son mari l’épouse en Algérie, par un mariage arrangé dont elle est satisfaite. Le père de Mistèrie a migré en France pour chercher un emploi. Madame M. est arrivée un an plus tard, « seule avec ses enfants ». Madame M., nostalgique, raconte qu’elle a « tout laissé pour venir ». C’était pour elle et son mari le moyen d’assurer un avenir meilleur aux enfants. Mais la réalité ne correspondit pas à ses souhaits et elle subit le coup d’une profonde désillusion. Les premiers temps en France sont en effet difficiles : hébergée pendant une période chez son frère, elle est finalement forcée de déménager. Les enfants changent ainsi trois fois d’école. La famille (Madame M., son mari et les enfants) se réunira quelque temps après et s’établira dans le quartier où elle réside actuellement. Mistèrie est décrit comme le membre de la famille qui reste le plus attaché à l’Algérie. Pendant l’entretien, Mistèrie, petit enfant discret et malicieux, ne dit mot. Son regard semble par moments narquois. Tantôt attentif, puis rêveur ; il « plane », comme dirait son enseignant. Il s’intéresse aux jeux disponibles dans la salle, il change de place de temps à autre ou gesticule sur sa chaise. Vers la fin de l’entretien, il se lève pour aller dessiner et écrire en arabe sur un tableau blanc, où il est dissimulé du regard des autres. La mère de Mistèrie est concernée par la demande institutionnelle, les difficultés de son fils l’inquiètent, elle ne sait comment y faire face. Elle se révèle douce et précautionneuse, tout en témoignant d’une certaine retenue distante proche de la résignation ou du fatalisme. Au terme de l’entretien, elle accepte la mise en place d’un suivi. 3.5. Dispositif pratique L’objectif institutionnel du suivi est d’amener l’enfant à dépasser les obstacles qui entravent son investissement de l’univers scolaire et de susciter chez lui le désir d’apprendre. Pour ma part, la principale hypothèse clinique consiste à considérer le mutisme de Mistèrie comme un symptôme traduisant une impossibilité d’investir un nouvel univers social, culturel et relationnel. En cause, l’incapacité de l’enfant à avoir pu intégrer solidement sa propre origine : « il faut un fond signifiant, 7
Madame M. nous apprend qu’elle et son mari suivent des cours de franc¸ais.
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un trésor d’origine pour trouver un support d’être afin de s’en éloigner (Sibony, 1991, p. 64) ». En s’organisant avec cette origine dont l’intégration ne serait pas suffisante, Mistèrie demeure entravé dans certains aspects de sa personnalité. Le mutisme vient signifier cette suspension sectorisée du développement. Au cours du suivi, il s’agirait donc d’envisager ce qui, dans l’histoire de l’enfant, était resté en souffrance, n’ayant pu être intégré par lui. Cette hypothèse interroge l’activité de l’enfant, son propre fonctionnement, mais aussi l’environnement dans lequel il évolua, ce dernier ayant partie liée avec les processus se déroulant sur la scène individuelle. Le dispositif d’aide mis en place est individuel. Il se base sur des séances hebdomadaires de 45 minutes qui s’étendront sur sept mois. L’utilisation des médiations, au travers de l’interprétation des contenus cliniques construits à leurs propos, encourage le développement d’une dynamique intersubjective dans laquelle les enjeux de transfert et de contre-transfert peuvent se déployer. Le rôle du psychologue est alors de supporter et de contenir cette dynamique tout en travaillant à l’instauration d’une aire de jeu permettant au sujet d’accéder à la transitionnalisation de ses expériences. Le clinicien, en exerc¸ant cette fonction transitionnalisante, accompagne le sujet, dans son propre cadre de pensée, vers la résolution symbolisante de ses difficultés : « le travail du thérapeute vise à amener le patient d’un état où il n’est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire (Winnicott, 1975, p. 84) ». 3.6. Déroulement du suivi Au cours du suivi, Mistèrie ne parle pas, il communique essentiellement de manière non verbale. Aucun son ne sort de ses lèvres lorsqu’exceptionnellement il articule un mot et toute demande de verbalisation génère angoisses et malaises. Le mutisme, en tant que symptôme, ne se manifeste que dans les relations aux adultes de l’institution scolaire (l’enfant communique avec ses camarades de classe lors des périodes de récréation). La souffrance se positionne par rapport à un espace social institutionnel, « officiel ». En effet, si un appareil psychique groupal s’élabore entre Mistèrie et ses pairs, un tel accordage ne peut être établi en présence des adultes. Quelque chose de l’ordre de l’intime ne peut être figuré au contact des représentants de l’école, ces derniers ne peuvent donc constituer les appuis dont l’enfant pourrait se saisir dans l’élaboration de son vécu. Le dessin constitue une médiation permettant de trouver–créer un « terrain d’entente », de nouer une relation et d’instaurer une communication sur ce mode particulier. Mistèrie se révèle en effet très impliqué dans le processus graphique, activité que j’affectionne également à titre personnel. Cependant, les demandes d’explications des dessins dérangent l’enfant, qui se désintéresse alors de ses productions. Mistèrie se montre curieux et très déterminé dans l’exploration de la salle de suivi. Quelques réassurances sont néanmoins nécessaires avant que l’enfant puisse s’investir dans une activité : le regard interrogateur, il hésite avant de pouvoir s’emparer réellement des objets qui l’intéressent. Le partage de temps de jeux devient possible lorsqu’un climat de confiance est suffisamment installé. Mistèrie s’absente alors fréquemment des situations. Il semble effacé, centré sur son monde interne : il rêve ou joue seul et est dérangé par mes interventions. Je le laisse donc tranquille lors de ces périodes durant lesquelles il a l’air « seul en ma présence » (Winnicott, 1958). Après un temps de « silence » de la relation, Mistèrie cherche le contact de nouveau et nous reprenons la communication à travers les jeux ou les dessins. . . Un processus se développe peu à peu dans cette oscillation, accordée sur les besoins de l’enfant tels qu’il les manifeste, entre ma présence active et mon retrait de l’interaction. Lorsque Mistèrie se montre ouvert à la prise en compte de la situation que nous partageons, j’accompagne les situations
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et je les contiens par un « enveloppement verbal » visant la réflexivité. Si mes interventions paraissent déranger l’enfant, je n’insiste pas et le laisse libre de se retirer dans son monde interne. Je reste néanmoins présent et attentif à toute nouvelle sollicitation de sa part. Cette dynamique participe à l’avènement d’une aire de jeu. Le processus se déroulant dans le cadre contenant des séances permet ainsi à l’enfant d’accéder à un espace transitionnel, cet espace entre-deux qui « permet une relation où une souffrance peut s’exprimer, être contenue puis transformée par la pensée et être rendue tolérable (Dahoun, 2005, p. 214) ». Les éléments non intégrés, constituants des points de souffrance, peuvent ici trouver les conditions propices à leur figurabilité. Les contenus émergents sont alors à mettre en sens (le processus d’intégration groupale, par l’exercice d’une fonction contenante, potentialisant la création des conditions nécessaires à cette opération) de manière à ce qu’ils soient subjectivables par intégration identitaire. C’est principalement l’interprétation des dessins qui sert de base à la formulation de significations. 3.7. Les dessins L’insistance de thématiques transversales et d’éléments au schématisme identique dans les différents dessins amène à leur porter une attention particulière. Dès la première séance, on découvre ainsi : une maison, des montagnes, un arbre avec un trou et une récurrence notable : l’absence visible d’êtres animés et leur présence dissimulée. L’interprétation des contenus répétitifs porte à émettre l’hypothèse d’une faille dans la symbolisation. L’absence est rendue présente : chaque dessin contient des personnages invisibles au regard de l’observateur et n’apparaissant que dans le discours de l’enfant. Ils sont régulièrement évacués des dessins (lorsque Mistérie dessine son école, il n’y a aucun personnage car tous les enfants sont rentrés chez eux) ou « contenus » dans – par ? – d’autres objets (un écureuil se blottit dans le trou de l’arbre, une famille vit dans la maison). L’enfant sentirait ainsi en lui la présence d’éléments (des non-dits ? un secret dont l’enfant serait porteur ?) qu’il ne peut dévoiler ou communiquer. Il semble y avoir une amorce de la symbolisation qui ne parvient pas à son terme. Certains éléments de l’expérience paraissent ainsi soustraits au processus d’intégration subjectivante. Lors du dessin du « pays de la peur » (dans lequel l’enfant inscrivit « mistèrie » à la place de son nom), cette hypothèse acquit une certaine acuité. Mistèrie emploie ici exclusivement la couleur noire, contrairement à son habitude et manifeste une certaine angoisse avant de commencer. Une « toile d’araignée » suivie d’un « fantôme » apparaissent d’abord, puis viennent un « monstre » et deux « copains ». L’enfant repasse sur la ligne où il est censé écrire son nom, puis s’arrête de dessiner. Mistèrie explique sa production par des gestes rapides et confus : le monstre semble faire peur aux enfants, le fantôme aussi. À la fin de la scène, les personnages vont s’enfuir. L’enfant dessine alors une toute petite maison en haut de la page. Il précise que les deux copains vont aller se réfugier dans leur maison où ils seront en sécurité. Mistèrie symboliserait ici le processus d’accompagnement : deux personnes se réfugient dans un espace contenant et sécurisé où ils sont protégés des attaques de l’extérieur, comme c’est le cas dans le cadre du suivi (le psychologue serait perc¸u comme un étai, un soutien au moi qu’il est nécessaire de protéger). En outre, ce repli rappelle les fréquentes « fuites vers l’imaginaire » de l’enfant. Dans son dessin, Mistèrie aimerait tuer les « méchants » (il fait mine de s’emparer d’un pistolet et chuchote « Pan ! Pan ! » en direction du monstre et du fantôme). Il s’identifie dans un premier temps au fantôme. Puis brusquement, il s’écrie doucement « Non ! » et indique le plus grand des personnages. Il rajoute alors une maison appartenant au fantôme, fait une pose pensive, puis dessine une excroissance au toit de la demeure à l’intérieur de laquelle il écrit quelque chose.
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C’est ce mot que je n’arrive pas à déchiffrer et qui se révélera être le mot « Mistèrie », que l’enfant note en plus grand sur la ligne où est censé apparaître son nom, pour bien que je le comprenne. Les thématiques représentées évoquent la difficile mise en forme par l’enfant d’éléments persécuteurs. La présence de « contenants » est toujours visible : le fantôme sort de sa mystérieuse demeure, évoquant une « crypte » dans laquelle seraient enfouis les souvenirs du passé, pour effrayer les enfants qui se réfugient dans leur toute petite maison protectrice, en haut de la page. Il semble être question du retour inélaboré et non subjectivé d’éléments passés (le fait que Mistérie s’identifie au fantôme dans un acte manqué vient souligner le lien intime qui l’unit à ce retour douloureux du passé). Le « mistère » qui les entoure montrerait l’incapacité pour l’enfant d’en trouver une issue symbolisante, impression renforcée par la confusion et la fébrilité du discours racontant le dessin. Ils semblent localisés dans une partie du psychisme hermétique à toute communication (la maison du fantôme : crypte, mausolée. . .). L’enfant les aurait intégrés sur le mode de l’indicible, qui serait la seule signification disponible au sein de l’appareil psychique familial. Mistèrie apparaît ainsi porteur d’éléments familiaux non dits, ou du moins non symbolisés, déposés en lui. Les « contenants » régulièrement représentés, par rapport auxquels les personnages évoluent, souligneraient le « compartimentage » psychique selon lequel l’enfant s’organise : face à l’angoisse déclenchée par le retour persécuteur des éléments non intégrés, il aurait tendance à cliver le monde et à fuir dans l’imaginaire. La reprise élaborative des éléments non symbolisés impulserait un mouvement d’intégration subjectivante. On peut s’interroger sur les possibilités d’étayage dont dispose Mistérie pour initier ce mouvement. La présence du « dépôt » questionne ainsi la place et la fonction de l’enfant au sein de l’appareil psychique familial. Mistèrie produit un dessin de famille particulièrement déstructurée. La représentation de luimême s’étiole progressivement avec l’avancée du processus graphique : Mistèrie, un sourire malicieux aux lèvres, dessine de petits bonshommes au schématisme sommaire en bas de la page. Il y a d’abord son père, sa mère, puis lui-même, et encore une fois lui-même, cela pour une bonne dizaine de personnages devenant de plus en plus informe ; on voit une grande ligne de tout petits Mistèries qui se ratatinent progressivement. Il devient ensuite plus morose, plus détaché, et se met à « projeter » sur la feuille, de manière disparate, des formes colorées sans signification apparente. Lorsque je le questionne à ce propos, l’enfant murmure le nom de son pays « Algérie. . . » et pointe les couleurs du drapeau avec son crayon. La représentation de l’appareil psychique familial apparaît imprégnée de significations relatives à l’origine : c’est la première fois que Mistèrie évoque aussi clairement et aussi spontanément l’Algérie. L’attitude morne qu’il adopte n’est pas sans rappeler celle de Madame M. lorsqu’elle relatait sa venue en France. L’éparpillement graphique, l’aspect informe des éléments et la duplication des personnages semblent indiquer la difficulté qu’éprouve l’enfant à « se réunir », à intégrer les différents aspects de son expérience et à représenter son origine. Ces éléments resteraient pour lui en suspend. En l’absence d’un contexte facilitateur, ils ne pourraient être intégrés pour alimenter la subjectivité. L’appareil psychique familial n’offrirait pas cette opportunité, il semble plutôt porteur de cette présence muette et insécurisante. La faille dans la symbolisation au sein de l’appareil psychique familial entraverait ainsi la transitionnalisation de l’expérience migratoire. L’environnement scolaire ne semble pas non plus être en mesure de fournir les conditions qui viendraient soutenir la subjectivation des éléments non symbolisés. L’école, un des principaux vecteurs de l’identité nationale, s’accorde aux principes républicains. On retrouve ainsi la
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vision majoritairement assimilationniste de l’intégration8 (Clanet, 1993) alliant une centration du regard sur l’individu (plutôt que sur la communauté) et une autoreprésentation de la nation comme unie et indivisible (Sabatier et Berry, 1999). L’ouverture d’un espace qui soutiendrait la pensée de la différence culturelle devient alors problématique. Pour Mistérie, un tel contexte ne permettrait donc pas la découverte, sur le mode du trouvé–créé, de significations relatives à la migration. La faille dans le processus de symbolisation au sein de l’appareil psychique familial aurait donc partie liée avec l’impossibilité de l’enfant d’investir l’école et les apprentissages. Douville (2002) mentionne ainsi les potentialités « clivantes » des dévalorisations et des non-dits qui entravent fortement la capacité de l’enfant à s’affirmer à l’école mais aussi à effectuer un travail de mise en lien. En effet, le milieu scolaire semble, au travers des dessins, informe et mobilisant un clivage. Il n’apparaît pas favorable à l’instauration d’un espace transitionnel au sein duquel le déploiement des processus de l’intégration et la mobilisation d’une dynamique d’apprentissage seraient envisageables. Dans le cadre du suivi, si les éléments qui interrogent Mistèrie semblent, dans une certaine mesure, accéder à la symbolisation et la mise en sens, leur répétition inlassable signerait néanmoins un certain échec dans leur intégration : il y aurait tentative de signification plus que subjectivation véritable. L’intégration identitaire resterait dans l’attente d’un contexte offrant des potentialités de figurabilité nouvelle, contexte que l’école ne semble pas être en mesure d’offrir. Le recours à un groupe adéquat permettrait de le « trouver–créer », et un dépassement créateur du point de souffrance serait alors envisageable. Ainsi, Madame M. fut de nouveau contactée afin qu’elle puisse, lors d’un nouvel entretien groupal, nous apporter ses lumières quant à cette situation énigmatique. 3.8. Second entretien familial Lors du second entretien familial, nous explicitons les motifs de la rencontre et nous requalifions le mutisme de Mistèrie. Madame M. en est étonnée, elle n’imaginait pas que son fils soit mutique à l’école : il est en effet très différent à la maison où il parle en arabe ou en franc¸ais, selon les personnes à qui il s’adresse. Surpris de la méconnaissance de Madame M. quant à ce mutisme, nous exposons nos questionnements en envisageant avec elle l’existence d’éléments qui pourraient peser sur son enfant et qui l’interdiraient de parler. La mère est pensive. . . Elle se met peu à peu à parler, avec force de sentiments, des circonstances de la naissance de son fils, puis de son vécu du pays d’Algérie. . . Pendant que la mère raconte son histoire, Mistèrie, attentif, écarquille les yeux. Lorsque Madame M. était enceinte de l’enfant, son oncle, qui l’avait élevé, décéda ; elle en fut très affectée. En souvenir de cet homme, elle donna à son fils le prénom de cet oncle comme second nom. L’année de la naissance de Mistèrie coïncida ensuite avec le décès de la grandmère de Madame M., une personne avec qui elle entretenait d’étroites relations (aujourd’hui, Mistèrie est très attaché à son arrière-grand-père maternel, avec qui il conserve une correspondance téléphonique fréquente et abondante). C’est donc dans un contexte particulièrement funèbre que Mistèrie vint au monde. Il était alors un bébé qui pleurait beaucoup. Suite à ces décès, Madame M. vécut dans la famille de son mari. Ses conditions de vie sont alors particulièrement difficiles, elle est surveillée et contrainte d’obéir aux injonctions des parents 8
Entendue ici à un niveau sociologique.
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par alliance. Lorsque son mari décida de migrer en France, Madame M. ne souhaita pas partir mais elle s’y résolut néanmoins. Elle évoque à nouveau la profonde désillusion qu’elle éprouva une fois arrivée en France et sa nostalgie pour son pays d’origine. Mais elle s’y est faite avec le temps, bien qu’une impression de tristesse se dégage d’elle lorsqu’elle en parle. Lors de cet entretien, madame M. s’est étonnée de ce qu’elle pouvait dire, tout en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles elle n’en avait jamais parlé auparavant. Elle a pu se confier et mettre en mot des éléments difficiles de son histoire que jusque-là elle avait tus. Très impliquée affectivement dans son discours, Madame M. a raconté son désarroi, sa tristesse d’alors. Mistèrie écrivit « larmes » à deux reprises, en effac¸ant ensuite, sur le tableau, comme s’il tentait de sécher les larmes, passées ou actuelles, de sa mère. . . À la fin de l’entretien, nous reprenons les éléments formulés en envisageant avec la mère l’impact qu’ils pourraient avoir sur l’enfant, en demandant son avis à Mistèrie, qui toujours reste silencieux. Il dessine un bateau sous un soleil radieux, qui cette fois n’est plus attaqué par un avion, comme il avait coutume de le faire lors des séances individuelles. Les éléments mis en évidence dans cet entretien indiqueraient que Mistèrie est dépositaire de tristesses et de deuils restés en souffrance au sein de l’appareil psychique familial : il porte le nom de l’oncle décédé, comme un hommage qui lui serait rendu, et entretien un lien privilégié avec son grand-père (dont l’épouse et Madame M., rappelons-le, étaient très proches). C’est également lui qui est désigné comme le membre de la famille le plus attaché à l’Algérie. Mistérie serait ainsi porteur d’un « mandat », celui de maintenir vivant (peut-être dans un état figé) les liens avec l’origine, douloureusement quittés, et lutterait contre le risque de leur rupture. Le mutisme, en entravant son investissement du milieu scolaire, exprimerait cette fonction (l’école étant souvent le premier représentant symbolique et officiel de la société d’accueil pour les familles migrantes). L’enfant ne se sentirait donc pas autorisé à investir l’environnement scolaire. En outre, les conditions initiant la possibilité d’une découverte (trouvée–créée) des « mots » qui permettraient une reprise dans la symbolisation du vécu (et donc son intégration) semblent faire défaut au sein de l’école. Dans la séance suivant cette rencontre familiale, bien qu’il ne parle toujours pas spontanément, Mistèrie se montre particulièrement présent à la situation, dans la relation et la communication. Les significations élaborées groupalement semblent avoir déclenché chez lui une nouvelle dynamique, il serait en mesure de s’en saisir pour amorcer une réélaboration des éléments qui pèsent sur lui mais qu’il ne parvenait pas à comprendre. Leur intégration devient envisageable. Pourtant cette dynamique n’a pas perduré longtemps. Quelques séances plus tard, nous sommes à nouveau dans le processus de présence/absence décrit plus haut. La poursuite du dispositif familial aurait peutêtre permis un travail plus soutenu, mais ce type de dispositif n’étant pas encouragé dans le milieu scolaire, il n’a pas pu être mis en place.
4. Discussion La présentation de cette étude de cas visait à confronter le modèle théorique des processus de l’intégration psychologique à une situation clinique afin d’en éprouver l’applicabilité. Du fait de l’ampleur des transformations qu’elle implique, l’expérience migratoire constitue une situation paradigmatique de la mise en jeu des processus de l’intégration. Mistèrie témoigne d’un mutisme électif au sein de l’environnement scolaire suite à une migration. Sa situation illustre un point d’achoppement dans l’articulation de l’individuel au collectif, et c’est précisément sur ce niveau que les processus de l’intégration nous encouragent à porter notre regard.
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Dans la famille de Mistèrie, nous avons mis en évidence la présence d’éléments dont la figuration, pour le processus d’intégration groupale, est restée en souffrance. Les éléments non symbolisés restent soustraits à leurs transitionnalisation et maintiennent les processus de l’intégration en suspend, dans un état figé. Une inertie élaborative semble se manifester concernant ces aspects de l’appareil psychique familial. L’organisation des processus de l’intégration de l’enfant en a été affectée. Mistèrie s’est saisi des significations disponibles au sein du milieu familial dans l’élaboration de sa subjectivité. Il a intégré les éléments tus, soustraits à la symbolisation, par intégration identitaire, sous forme d’éléments indicibles, d’interdits de penser. Mistèrie serait ainsi porteur de cette partie muette de l’appareil psychique familial9 . Les éléments non symbolisés apparaissent liés au vécu maternel entourant la naissance de Mistèrie ainsi qu’à la venue de la famille en France. Un mandat parental serait implicitement délégué à l’enfant : Mistèrie porterait et rappellerait, en les maintenant actuels, les deuils et les séparations restées en souffrance. Le travail psychique qu’impliquerait la résolution de ces points de souffrance est ainsi escamoté. Par ce dont il est devenu porteur, l’enfant conserve ce lien au passé dans une illusion de le maintenir vivant et présent. La fonction de « rappel » déléguée à Mistèrie assure le maintient d’une économie psychique familiale viable. Le milieu scolaire constitue souvent, pour les familles migrantes, un des premiers espaces de contact avec la société d’accueil, par l’intermédiaire de la scolarisation de leurs enfants (Berthoud-Aghili, 1991). Plus généralement, l’accès à l’école représente une autonomisation de l’enfant par rapport à sa famille et implique la réalisation d’une séparation (Rousillon, 2007). Un nouvel univers culturel est à explorer et à investir, et l’ampleur de la tâche est encore plus importante lorsque les cultures familiales et scolaires sont très différentes. La découverte du milieu scolaire nécessite la disponibilité d’étais sur lesquels l’enfant peut s’appuyer pour surmonter les obstacles qui se présentent à lui. Les membres de la famille constituent les soutiens principaux. Pour Mistèrie, l’accès au milieu scolaire semble inenvisageable. Mis à part le partage des temps collectifs spontanés, l’enfant semble se distancier ce cet univers qui le placerait en porte à faux par rapport au mandat familial dont il est porteur. En effet, l’espace proprement scolaire convoquerait et réactiverait des éléments se rapportant aux failles de la symbolisation. Son investissement par l’enfant représenterait l’abandon des éléments familiaux dont il est porteur, ce qui semble irréalisable tant que les problématiques cristallisées sur, dans et par l’enfant ne sont pas résolues ni symbolisées. Mistèrie exprime par son silence ce point de convergence (qui n’apparaît pas dans un contexte différent). Le mutisme témoignerait d’un compromis établi par l’enfant entre son allégeance au mandat parental et sa vie actuelle d’enfant à l’école, à laquelle il peut assister en silence sans briser la tâche familiale qui lui est dévolue. Du fait de la spécificité de l’aménagement accompli par l’enfant, les adultes de l’espace scolaire ne représentent pas les appuis qui permettraient à un travail de réélaboration de l’expérience de s’engager. Le groupe de pairs, qui apparaît investi par l’enfant, ne semble pas non plus impulser la dynamique suffisante à la mise en œuvre des processus de l’intégration, ou ne pas proposer les significations dont pourrait se saisir Mistèrie pour mettre en sens son vécu10 . 9 Il est également possible que ces éléments fussent soustraits du processus de l’intégration de l’enfant, ils auraient laissé place à un vide silencieux. Cette dernière proposition semble cependant moins probable, dans la mesure où Mistèrie semble bien sentir la présence de quelque chose qu’il porte sans parvenir à le nommer ni le signifier. 10 Il se pourrait également que l’appareil psychique groupal chez les enfants, dont la personnalité est en cours de développement, ne supporte pas exactement les mêmes fonctions que chez les adultes.
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Par ailleurs, l’environnement scolaire, du fait du modèle à tendance assimilationniste qui le guide, ne favorise pas la pensée de la différence culturelle. Bien que dans sa conception pédagogique, l’enseignant de Mistérie accorde une place importante aux relations avec les familles, celles-ci apparaissent subordonnées aux exigences scolaires : il n’y a pas de réelle coopération, pas d’interaction sur un plan d’égalité. Les familles sont plutôt censées travailler sur les conseils prescrits par l’école, qui elle ne prend pas en compte les éléments en provenance de la sphère familiale. Ce mode de relation ne permet pas l’instauration d’un espace transitionnel au sein duquel les symboles du passage entre cultures, qui autoriseraient la reprise élaborative des éléments non symbolisés et l’intégration de l’expérience migratoire, pourraient être « trouvés–créés ». À l’école, l’enfant n’a donc pas accès aux significations lui permettant de résoudre créativement ce conflit. L’espace de l’entretien familial a tenté de créer les conditions adéquates à une (re)formulation des éléments non-dits. Lors de la seconde rencontre, Madame M. put investir un espace touvé–créé et aborder des points de son histoire restés en souffrance. Une aire transitionnelle s’est s’établie et le groupe que nous formions offrit les conditions adéquates à la formulation d’éléments qui jusque-là furent tus. Mistèrie réagit en se saisissant de certaines des significations dégagées. Le dispositif familial n’a cependant pas pu être conservé et la dynamique insufflée a progressivement décliné. Nous pensons que sa poursuite aurait permis l’apparition des conditions propices à l’intégration par l’enfant des significations lui faisant défaut ; la voie aurait ainsi été ouverte à la résolution créative de ses difficultés. Certes, l’ensemble de l’appareil psychique familial n’a pu être exploré, dans la mesure où le père de l’enfant était absent des entretiens. Les paroles qui ont été dîtes ont cependant été suffisantes pour amorcer une tentative de symbolisation de sa souffrance par l’enfant. Il apparaît donc que les différents groupes, qui sont inégalement investis par l’individu, sont porteurs de potentialités transitionnalisantes et signifiantes différentes. Abou (2002) souligne que la famille constitue le groupe au sein duquel les relations affectives primaires s’établissent. Ces dernières fournissent à l’enfant les appuis affectifs destinés à l’élaboration des stratégies défensives visant à contrôler l’angoisse face à la société. Les relations secondaires, nouées avec les groupes sociaux extrafamiliaux, revêtent ainsi un investissement affectif moindre. Nous pouvons donc penser que c’est bien à travers le groupe familial que sont à rechercher les conditions soutenant la reprise élaborative et éléments soustraits au processus de symbolisation. L’individu se saisissant de cette dynamique peu alors se diriger vers le dépassement créateur de ses points de souffrance non intégrés. L’appareil psychique familial semble donc constituer le support privilégié permettant à l’individu de « trouver–créer » les significations lui faisant défaut. Ancelin-Schützenberger (1993, p. 49) note ainsi que « le potentiel de changement inhérent aux relations intrafamiliales est plus déterminant que le potentiel de guérison individuel ». L’articulation entre la vie psychique et les enjeux intersubjectifs semble bien être déterminante dans la transitionnalisation et l’intégration des expériences individuelles. Les processus de l’intégration permettent de saisir la manière dont l’individu s’étaye sur son environnement, qui lui-même s’adapte à l’individu, pour opérer la résolution de ses difficultés en les intégrant à la continuité de son vécu. Ils encouragent ainsi à porter notre regard sur l’articulation de l’intersubjectif à l’intrapsychique. Cependant, les dynamiques des différents types de groupes n’admettent pas toutes les mêmes potentialités de figurations des éléments individuels restés en souffrance. Si nous avons vu que l’appareil psychique familial apparaît comme une instance particulièrement convoquée dans les processus de l’intégration, des conditions spécifiques à chaque individu et à chaque groupe semblent être requises pour qu’un dépassement créateur des lignes de faille et des points de ruptures soit envisageable. La réalisation de ces conditions, singulières à chaque
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situation, rendrait possible une transitionnalisation du vécu et une mise en œuvre des processus de l’intégration. Ces derniers apparaissent alors comme une architecture, une matrice de processus s’alimentant et se définissant dans la spécificité de l’articulation individu/groupe. Conflit d’intérêt Nous n’avons pas de conflit d’intérêt. Références Abou, S., 2002. L’identité culturelle, suivi de Cultures et droits de l’homme. Perrin – Presses de l’université Saint-Joseph, Beyrouth. Ancelin-Schützenberger, A., 1993. Aïe, mes aïeux !. La Méridienne – Desclée de Brouwer, Paris. Berthoud-Aghili, N., 1991. Des écoliers en exil : études de cas d’enfants requérants d’asile et réfugiés scolarisés à Genève. In: Lavallé, M., Ouellet, F., Larose, F. (Eds.), Identité, culture et changement social. L’Harmattan, Paris, pp. 193–202. Bion, W.R., 2005. Aux sources de l’expérience. Presses universitaires de France, Paris (p. 1962). Camilleri, C., Vinsonneau, G., 1996. Psychologie et culture : concepts et méthodes. Armand Colin, Paris. Clanet, C., 1993. L’interculturel : introduction aux approches interculturelles en éducation et en sciences sociales. Presses Universitaires du Mirail, Toulouse. Dahoun, Z., 2005. L’entre-deux : une métaphore pour penser la différence culturelle. In: Kaës, R. (Ed.), Différence culturelle et souffrances de l’identité. Dunod, Paris, pp. 209–242. Douville, O., 2002. Qu’entend l’élève à l’école de ses appartenances et de ses indéterminations ? VEI Enjeux HS 6, 136–145. Kaës, R., 2000. L’appareil psychique groupal. Dunod, Paris (p. 1976). Kaës, R., 1979. Crise, rupture et dépassement. Dunod, Paris (2004). Klein, M., 2005. Notes sur quelques mécanismes schizoïdes. In: Klein, M. (Ed.), Développements de la psychanalyse. Quadrige – Puf, Paris, pp. 274–300. Revault d’Allones, C., 1999. La démarche clinique en sciences humaines. Dunod, Paris. Roussillon, R., 2003. Le débarras et l’interstice. In: Kaës, R. (Ed.), L’institution et les institutions. Études psychanalytiques. Dunod, Paris, pp. 157–178. Rousillon, R. (Ed.), 2007. Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale. Elsevier-Masson, Issy-lesMoulineaux. Sabatier, C., Berry, J., 1999. Immigration et acculturation. In: Bourhis, Y., Leyens, J.P. (Eds.), Stéréotypes, discriminations et relations intergroupes. P. Mardaga, Liège, pp. 261–291. Sibony, D., 1991. Entre deux : l’origine en partage. Seuil, Paris. Winnicott, D.W., 1975. Jeu et réalité : l’espace potentiel. Gallimard, Paris. Winnicott, D.W., 1956. La préoccupation maternelle primaire. In: Winnicott, D.W. (Ed.), De la pédiatrie à la psychanalyse, 1969. Payot, Paris, pp. 285–291. Winnicott, D.W., 1958. La capacité d’être seul. In: Winnicott, D.W. (Ed.), De la pédiatrie à la psychanalyse, 1969. Payot, Paris, pp. 325–333. Winnicott, D.W., 1962. Intégration du moi au cours du développement de l’enfant. In: Winnicott, D.W. (Ed.), Processus de maturation chez l’enfant, 1978. Payot, Paris, pp. 9–18.