Les produits de fin de glycation des protéines (AGEs) et leur récepteur en pathologie

Les produits de fin de glycation des protéines (AGEs) et leur récepteur en pathologie

Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation N. Dali-Youcef1,2 1 Laboratoire de biochimie et de biologie moléculaire, Hôpitaux u...

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation

N. Dali-Youcef1,2 1

Laboratoire de biochimie et de biologie moléculaire, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg. 2 Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), Illkirch.

Les produits de fin de glycation des protéines (AGEs) et leur récepteur en pathologie Advanced glycated end products and their receptor: Implications in pathology

Résumé

Summary

Les produits de fin de glycation des protéines (AGEs) se forment à la suite de réactions biochimiques initiées par la liaison entre un sucre et une protéine connue sous le nom de la « réaction de Maillard ». L’hyperglycémie des patients diabétiques de type 1 et de type 2 induit une accumulation tissulaire des AGEs qui se lient à leur récepteur RAGE et initient des voies de signalisation du stress oxydant et celles induisant une augmentation de l’expression des gènes de cytokines impliqués dans le recrutement des cellules, mais aussi l’expression du gène codant pour RAGE lui-même. Ceci se traduit par une augmentation du nombre de récepteurs RAGE à la surface des cellules contribuant à une augmentation de la signalisation par RAGE. Un des facteurs clé de cette signalisation est le facteur de transcription pro-inflammatoire nuclear factor kappa B (NFκB), qui participe au maintien d’une réponse inflammatoire prolongée à l’origine de l’accumulation des AGEs, de RAGE et des espèces réactives de l’oxygène responsable des lésions tissulaires observées dans les complications des patients diabétiques. Des formes solubles de RAGE ont été décrites, sRAGE et un variant RAGE_v1 ou esRAGE, et semblent séquestrer les AGEs circulants et diminuer ainsi leur action. Les AGEs et RAGE sont augmentés dans d’autres pathologies, telles le cancer et autres maladies cardiovasculaires. Dans cette revue, nous abordons le rôle des AGEs et de son récepteur dans le diabète et d’autres maladies. Le développement d’antagonistes de la voie RAGE aurait des effets bénéfiques sur la prévention des complications du diabète, de certains cancers et des maladies inflammatoires.

Advanced glycated end products (AGEs) are produced following the biochemical reaction of a protein with a sugar referred to as the « Maillard reaction ». Because of increased glycemia in pathological conditions such as type 1 and type 2 diabetes, AGEs accumulate in tissues, bind along other ligands to their receptor RAGE and initiate signaling pathways that increase oxidative stress and induce the expression of genes involved in inflammatory cell recruitment and cell surface increased expression of RAGE. One of the key players is the transcription factor nuclear factor kappa B (NFκB), which participate in the sustained RAGE-mediated inflammatory response. These biological processes induce further accumulation of AGEs, other RAGE ligands (HMGB1, S100/calgranulins, MAC-1), and reactive oxygen species which contribute to the several complications of diabetes. Soluble forms of RAGE, sRAGE and an alternate splicing form RAGE_v1 or esRAGE, are thought to mitigate the effects of AGEs by favouring their clearance and therefore prevent their deleterious effects. RAGE and its ligands accumulate also in conditions other than diabetes such as cancer and cardiovascular pathologies. In this report, we review the principle actions of AGEs and RAGE in human disease. Development of RAGE antagonists might help reduce the burden of several complications of diabetes and other pathological conditions such as cancer and inflammatory diseases.

Mots clés : Produits de la glycation avancée – AGE – RAGE – inflammation – diabète – complications diabétiques – facteur de transcription NFκB – cytokines.

Correspondance : Nassim Dali-Youcef Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) 1, rue Laurent-Fries 67400 Illkirch [email protected] © 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Key-words: Advanced glycated end products – AGEs – RAGE – inflammation – diabetes – diabetic complications – nuclear factor NFκB – cytokines.

Définition des Advanced Glycated End products (AGEs) et biochimie des AGEs La glycation des protéines a été rapportée dès 1912 par Louis Maillard qui

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a décrit la réduction des sucres par des composés contenant des amines, et visualisée par le brunissement des protéines par les carbohydrates. La glycation des protéines induit un changement de leur conformation aboutissant à une altération de leur activité biologique et

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation leur interaction avec d’autres protéines, contribuant ainsi à des lésions au niveau de différents tissus. Un des exemples les plus connus en biochimie est la découverte de la glycation de l’hémoglobine A favorisée par des taux plasmatiques élevés de glucose et qui forme l’hémoglobine A1c (HbA1c) ou hémoglobine glyquée. La quantification de l’HbA1c dans le sang permet la surveillance de patients diabétiques et rend compte de l’équilibre de leur glycémie moyenne sous traitement durant les 6 semaines précédant la prise de sang. Les patients diabétiques mal contrôlés ont des niveaux sanguins élevés d’HbA1c. D’un point de vue biochimique, la glycation de l’HbA s’opère par une réaction non enzymatique et réversible entre le glucose et le résidu valine de la chaîne β amino-terminale de l’hémoglobine A. Une aldimine, ou base de Schiff, se forme entre le glucose et la valine, suivie d’un réarrangement moléculaire, appelé réarrangement d’Amadori, pour donner de manière irréversible une cétoamine composée d’un 1-déoxyfructose lié à l’acide aminé. D’autres sucres que le glucose sont capables de glycation des protéines, tels le galactose, le lactose ou autres pentoses. Il est à noter que lorsque la concentration d’HbA1c ne peut pas être mesurée en raison de la présence de variants de l’hémoglobine, il est possible de doser les fructosamines qui sont des cétoamines produits par réaction non enzymatique entre un sucre et la lysine des protéines plasmatiques, dont l’albumine est la plus abondante. La glycation de l’albumine peut être mesurée par réaction colorimétrique de la cétoamine avec le nitro-bleu de tetrazolium (NBT) en milieu alcalin pour donner du formosan dont l’absorbance à 530 nm est proportionnelle à la concentration de protéine glyquée. La mesure de fructosamine permet de contrôler la glycémie de patients diabétiques durant les 2-3 semaines précédant la prise de sang. La formation des produits avancés de fin de glycation, ou Advanced glycated end products (AGEs), est la résultante de réactions en chaîne de fragmentations oxydative et non oxydative et de déshydratation en aval de la réaction de glycation des protéines. Par analogie aux espèces réactives de l’oxygène (ROS) et

espèces réactives de l’azote (RNS), les espèces réactives carbonyl (RCS) sont formées par oxydation des hydrates de carbone, lipides et acides aminés, et ont été identifiées comme étant des intermédiaires dans la formation irréversible des AGEs et des produits de fin de lipoxidation (Advanced lipoxidation end products, ou ALEs). Plusieurs structures d’AGEs ont été identifiées et peuvent se former à partir des composés d’Amadori, des bases de Schiff, mais également à partir de l’oxydation directe des hydrates de carbone. Le premier composé AGE a été identifié en 1986 par Baynes et al., le Nepsilon-carboxymethyl-lysine (Nε-CML), un produit de dégradation de fructoselysine dans les protéines glyquées. D’autres produits analogues au Nε-CML ont été identifiés, tel le N-epsilon-carboxyethyllysine (Nε-CEL). De manière intéressante, il a été démontré par la suite que Nε-CML et Nε-CEL peuvent se former non seulement à partir de l’oxydation des sucres et intermédiaires glycolytiques, mais également à partir d’acide ascorbique, de lipides et d’acide aminé. Par exemple, lorsque le Nε-CML est produit à partir de lipides, il est plus juste de parler de produit de fin de lipoxydation (ALE). Ainsi, lorsque l’origine du Nε-CML ou NεCEL à partir de tissus est incertaine, on utilise la dénomination AGE/ALE [1, 2]. Des produits intermédiaires réactifs sont produits à partir de l’oxydation et de la fragmentation successives des bases de Schiff et des produits d’Amadori, tels le glyoxal (GO), le 3-déoxyglucosone et le methylglyoxal (MGO). Le MGO, considéré comme un des AGEs les plus réactifs, est principalement formé par l’élimination non enzymatique du groupement phosphate à partir des trioses phosphates formés lors de la glycolyse [1]. Ces composés intermédiaires dicarbonés réagissent ensuite avec des lysine et arginine de protéines tissulaires pour former différents AGEs et agents de liaison ou crosslink. La première molécule de crosslink détectée dans les systèmes biologiques, la pentosidine, obtenue par clivage oxydatif du glucose mais aussi après oxydation de pentoses, possède des propriétés autofluorescentes la rendant facilement quantifiable dans les tissus. Un autre composé, de découverte plus récente et de concentration beaucoup plus élevée

que la pentosidine, le glucosepane, est assimilé comme l’AGE de crosslink le plus important de la matrice extracellulaire [2]. D’autres AGEs, tels les crosslines, vesperlysines (tous deux fluorescents et dérivant directement du glucose), le 3déoxyglucose-arginine imidazolone et la pyralline ont été identifiés [1].

Principaux produits de fin de glycation des protéines (AGEs) et ligands des récepteurs aux AGEs (RAGE). Relation structure-activité Les AGEs sont produits par glycation non enzymatique des protéines sur des résidus lysine ou arginine et forment un groupe hétérogène de molécules qui modifient non seulement la fonction de la protéine glyquée mais forment aussi des agents de crosslink avec d’autres protéines, tels le collagène et autres protéines de la matrice extracellulaire dont les fonctions se trouvent ainsi altérées, avec des conséquences délétères sur les tissus vasculaires, cardiaques et rénaux, entre autres. En plus de leur propriété d’agents de crosslink, les AGE sont des ligands d’un récepteur bien identifié à la surface des cellules endothéliales, le RAGE et représentent des molécules de signalisation à l’intérieur de la cellule. Le gène codant pour le RAGE a été cloné en 1992 par Shaw et al. à partir d’une librairie d’ADN complémentaires extraits de poumons bovins. La même année, le groupe de Stern a purifié un polypeptide de 35 kDa correspondant au RAGE et liant les AGEs à partir d’extraits protéiques de poumons par des techniques biochimiques de chromatographie et de filtration sur gel. La liaison des AGEs à leur récepteur se traduit par l’activation de processus d’inflammation, de prolifération cellulaire et de stress oxydant, contribuant à l’amplification de la génération des AGEs. L’interaction des AGE/ RAGE a été démontrée être à l’origine de nombreuses pathologies, incluant les complications vasculaires et neurologiques du diabète, l’inflammation, l’insulinorésistance, la stéatohépatite, les lésions neurodégénératives et certains cancers.

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Le RAGE et ses ligands D’un point de vue structural, le RAGE est un récepteur multiligands appartenant à la superfamille des immunoglobulines. Il est exprimé de manière ubiquitaire, présent à la surface des cellules épithéliales, neuronales, vasculaires et inflammatoires, à des niveaux physiologiques relativement bas, mais qui augmentent en cas de stress ou de dommage cellulaires. Les niveaux d’expression de base dans le poumon sont plus élevés par rapport aux autres tissus. Le RAGE est codé par le gène AGER, mais chez l’homme et les rongeurs plusieurs variants d’épissage du gène ont été détectés dont la forme « endogenous secretory RAGE ou esRAGE/RAGE_v1 » qui ne contient pas les domaines membranaire et intracellulaire. En plus des AGEs, le RAGE peut lier et traduire le signal d’autres ligands dont certaines protéines de la famille des S100/calgranulines (décrites cidessous), la protéine High mobility group box 1 (HMGB1), la β2-intégrine MAC-1 dont l’interaction avec RAGE induit l’extravasation des leucocytes dans le site inflammatoire, des produits d’oxydation avancés, ainsi que des structures amyloïdes fibrillaires plus complexes. Le RAGE contient un domaine variable d’immunoglobuline (type-V) suivi de deux domaines constants distincts (type-C). Il semble que les domaines V et C1 soient interdépendants pour la liaison de certains ligands de RAGE, alors que le domaine C2 est lié à VC1 via un linker mais constitue une unité indépendante. Différents ligands de RAGE se fixent à différents domaines de RAGE. Par exemple, les AGEs CML, l’amphotérine ou HMGB1, les calgranulines S100B, S100A1 et les oligomères du peptide amyloïde Aβ se fixent au domaine V, alors que la calgranuline S100A12 se fixe sur les domaines V et C1. La calgranuline S100A6 se fixe sur le domaine C2 et les agrégats de peptide Aβ se lient au domaine C1. Le domaine intracellulaire de RAGE est court (moins de 50 acides aminés) et hautement chargé. Il est lié au domaine extracellulaire par un seul domaine transmembranaire. Des expériences de délétion ont montré que ce domaine intracytoplasmique était essentiel à la transduction du signal après liaison des ligands au RAGE [3].

L’exemple du carboxymethyllysine (CML) Concernant les AGEs, le CML, qui s’accumule dans le diabète, se lie au RAGE et modifie les caractéristiques cellulaires. Des observations obtenues chez des modèles animaux de diabète ont démontré que le RAGE est impliqué non seulement dans la transduction du signal à la suite de sa liaison au CML, mais contribue également à l’amplification de la génération des AGEs. Ainsi, des animaux diabétiques chez lesquels le RAGE a été inactivé présentent des niveaux tissulaires de CML, pentosidine et furosine plus bas que chez des animaux diabétiques ayant un RAGE intact et ce à niveaux de glycémies équivalents. Ceci suggère que dans un environnement hyperglycémique, le RAGE contribue à l’accélération de la formation des AGEs en stimulant des facteurs intermédiaires lors de la transduction du signal par les AGEs. Parmi ces facteurs, le stress oxydant joue un rôle prépondérant. Il a été démontré que la stimulation des RAGE induit une augmentation de la NADPH-oxydase et une accumulation des radicaux libres (ROS) contribuant ainsi à une boucle d’auto-amplification des AGEs au niveau tissulaire. D’autre part, il a été montré que le stress oxydant lui-même induisait la formation des produits avancés d’oxydation des protéines (AOPPs, pour Advanced oxidation protein products) qui constituaient des ligands pour le RAGE et dont l’action n’était pas atténuée par les immunoglobulines anti-AGE. Ceci suggère que les AOPPs ne sont pas des AGEs à proprement parlé, mais constituent un ligand distinct des AGEs et liant le RAGE, néanmoins pouvant contribuer à la génération des AGEs [3, 4].

Les ligands de RAGE d’origine intracellulaire Curieusement, le RAGE, un récepteur de surface cellulaire, est capable de traduire le signal à l’intérieur de la cellule suite à sa liaison à des molécules largement reconnues comme étant localisées à l’intérieur de la cellule. • i) C’est le cas de certaines protéines de la famille des S100/calgranulines, tels la S100B, S100A12, S100A6 et la S100P. Ce sont des polypeptides contenant un

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domaine particulier nommé EF-hand impliqué dans la liaison du Ca2+ et qui ont été impliqués dans la signalisation calcique, la phagocytose et la migration cellulaire. Plusieurs études ont rapporté leur implication dans les processus proinflammatoires et leur augmentation dans les tissus inflammatoires et de l’immunité. Récemment, les S100/calgranulines ont été impliqués dans la migration tumorale et les métastases en partie via une signalisation par RAGE. • ii) l’autre molécule intracellulaire capable de lier le RAGE est la HMGB1 appelée également amphotérine, décrite à sa découverte comme une protéine nucléaire de type non-histone liant l’ADN. En situation de stress ou de stimulation, certaines cellules libèrent HMGB1 qui peut ainsi se lier, par voie autocrine ou paracrine, à son récepteur RAGE. Plusieurs études ont montré que la libération de HMGB1 modulait les propriétés des cellules exprimant RAGE, tels les cellules inflammatoires (lymphocytes, monocytes/macrophages, cellules dendritiques), les cardiomyocytes en inhibant les canaux potassiques Kv4.2 et Kv4.3 ainsi que les canaux calciques de type L, les neurones (excroissance des neurites ou neurite outgrowth) et les cellules cancéreuses. En effet, l’expression de l’amphotérine et de RAGE a été démontrée dans différents types de cancers où l’axe HMGB1/RAGE semble jouer un rôle important dans la prolifération et la migration cellulaires (métastases) ainsi que la production de metalloprotéases (MMPs) (revue par Lotze et al.) [3, 4].

Le RAGE, un récepteur des peptides amyloïdes La découverte en 1994 de la glycation non enzymatique de la protéine Tau dans la maladie d’Alzheimer et l’association des AGEs à la physiopathologie de cette maladie neurodégénérative ont suscité un intérêt majeur dans la recherche d’un lien potentiel entre les peptides Aβ amyloïdes ou de leur précurseur APP (amyloid precursor protein) et la voie de signalisation impliquant le récepteur RAGE. Chez l’homme, il a été montré une surexpression de RAGE dans les neurones et la microglie de patients atteints de

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation maladie d’Alzheimer en comparaison à des patients du même âge non atteints de démence. D’autre part, plusieurs études ont démontré la liaison de peptides Aβ au récepteur RAGE soluble (sRAGE), mais également une interaction entre le RAGE et des préparations fibrillaires et solubles de Aβ in vitro, alors que le blocage de RAGE limitait le stress cellulaire provoqué par Aβ. Chez l’animal, la surexpression de RAGE dans le système nerveux central de transgéniques pour un mutant du précurseur APP augmentait l’inflammation et amplifiait le dysfonctionnement cognitif. À l’inverse, l’introduction d’un dominant négatif RAGE (dnRAGE) dans les neurones des transgéniques diminuait de manière significative le stress cellulaire et les anomalies cognitives. Des expériences ont montré que la forme fibrillaire de Aβ était celle qui se liait le mieux au RAGE. D’un point de vue physiopathologique, l’activation de RAGE par Aβ induisait une apoptose des cellules neuronales, alors qu’elle provoquait la libération de cytokines pro-inflammatoires par les cellules de la microglie. Il s’avère que l’interaction Aβ – RAGE au niveau des cellules vasculaires sert à transporter les peptides Aβ à travers la barrière hémato-encéphalique provoquant leur accumulation dans le cerveau. Ceci suggère que le RAGE semble jouer un rôle non négligeable dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer. L’implication de RAGE dans l’inflammation a également été démontrée dans un modèle d’amyloïdose systémique provoquée par la protéine amyloïde A [3].

Transduction du signal des AGEs par RAGE Le récepteur RAGE est dépourvu de domaine tyrosine kinase et transmet le signal par l’intermédiaire de protéines adaptatrices qui font le lien avec des protéines kinases intracellulaires. Celles ci vont phosphoryler des facteurs de transcription, régulant ainsi l’expression de gènes cibles. Le domaine cytoplasmique de RAGE est primordial à l’activation d’une cascade de signalisation aboutissant à l’activation de facteurs de transcription impliqués dans les voies de réponses aiguës au stress, tels Nuclear

factor kappa B (NFκB) et Early growth response 1 (Egr-1), ainsi que la production des espèces réactives de l’oxygène et l’augmentation de la phosphorylation des extracellular signal-regulated kinases (ERK1/2). La fonction de cette phosphorylation de ERK1/2 n’a pas encore été clairement établie. Le domaine intracytoplasmique interagit avec la protéine mammalian diaphanous-1 (mDia-1), un membre de la famille des formines, essentielle pour la transduction de signal aboutissant à la migration cellulaire induite par la liaison de ligands de RAGE et pour la signalisation via certaines Rho GTPases (RAC-1, CDC42). La signalisation par l’axe RAGE/Rho semble également être impliquée dans l’hyperperméabilité vasculaire observée chez les patients diabétiques. Une étude récente montre qu’une homodimérisation de RAGE à la surface des cellules est essentielle à la transduction du signal par les AGEs, et que la signalisation peut être inhibée par le sRAGE ou un peptide correspondant au domaine V du RAGE, et ce en empêchant l’homodimérisation du RAGE [3-5]. Il a été montré que le facteur de transcription pro-inflammatoire NFκB est au centre d’une signalisation exacerbée par RAGE provoquant diverses pathologies, telles les maladies neurodégénératives, le diabète, l’inflammation chronique, les anomalies des réponses immunes, les tumeurs, l’insuffisance cardiaque, les anomalies de cicatrisation et le vieillissement cellulaire. D’un point de vue moléculaire, le RAGE convertit une réponse aiguë à un stimulus inflammatoire ou hyperglycémique en une réponse cellulaire prolongée (figure 1). Dans un premier temps, l’hyperglycémie provoque la formation d’AGEs qui, en se liant à la surface des cellules au RAGE (en faible nombre à l’origine et qui peut lier d’autres ligands que les AGEs, HMGB1 ou S100/calgranulines), induisent : i) une réponse aiguë avec expression de NFκB et Egr-1 ; ii) une activation de la NADPH oxydase contribuant à l’augmentation du stress oxydant ; iii) une diminution de la glyoxalase I (figure 1), une enzyme détoxifiant le composé pre-AGE methylglyoxal, avec pour conséquence une amplification de la formation des AGEs,

de LDL oxydés (oxLDL) qui sont aussi des ligands de RAGE, et autres AOPPs. Secondairement, NFκB rentre dans le noyau, se lie à son élément de réponse sur le promoteur de gènes cibles et provoque l’inflammation avec recrutement d’autres cellules inflammatoires, via l’expression de molécules d’adhésion (ICAM-1, intercellular adhesion molecule-1, et VCAM-1, vascular cell adhesion molecule-1), et libération par ces cellules d’autres cytokines ligands de RAGE, tels les S100/calgranulines, MAC-1 et HMGB1. En outre, NFκB induit une augmentation de l’expression de RAGE dont le nombre augmente à la surface des cellules avec la liaison d’une multitude de ligands de RAGE contribuant à la synthèse de novo de la sousunité active de NFκB p65/RelA ce qui augmente le pool d’unités NFκB transcriptionellement actives pouvant neutraliser la boucle autorégulatrice (IκB, ou Inhibitor of NFκB) (figure 1). Ceci se traduit par une réponse inflammatoire chronique et prolongée contribuant à l’augmentation du stress cellulaire et aux lésions cellulaires observées dans les complications du diabète, le vieillissement cellulaire, les tumeurs et autres maladies neurodégénératives [3-6]. Une autre voie de signalisation induite par les AGEs est la diminution concentration-dépendante de l’expression du facteur clé de différenciation des adipocytes peroxisome proliferatoractivated receptor gamma (PPARγ) via un mécanisme impliquant l’activation de la mitogen-activated protein kinase (MAPK) p38 et de la c-Jun N-terminal kinase (JNK) dans des cellules de chondrocytes. L’agoniste PPARγ pioglitazone inhibe de manière dose dépendante l’expression de la cytokine proinflammatoire tumor necrosis factor α (TNFα) et de la métalloprotéase MMP-13. La diminution de l’expression de PPARγ induite par les AGEs serait responsable de l’augmentation de la production de TNFα et MMP-13 impliqués dans la sévérité de l’ostéoarthrite [7]. Enfin, la voie de signalisation JAK2STAT2/STAT3 (Janus kinase/Signal transducers and activators or transcription) a été impliquée dans la production de collagène induite par les AGEs suite à leur liaison au RAGE. Ceci n’est pas surpre-

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Figure 1. Mécanismes moléculaires de la voie de signalisation par le récepteur des AGEs (RAGE) et inflammation. RAGE : receptor of advanced glycated end products ; ROS : reactive oxygen species ; NFκB : nuclear factor kappa B ; IκB : inhibitor of NFκB ; ADAM10 : A disintegrin and metallopeptidase.

nant connaissant l’importance de la voie JAK/STAT dans la signalisation par les récepteurs aux cytokines et compte tenu de l’appartenance du récepteur RAGE à la superfamille des immunoglobulines liant les cytokines [3, 5].

Interaction de RAGE avec ses ligands et pathologies La multitude des ligands de RAGE en fait un récepteur pouvant traduire le signal de plusieurs molécules empruntant des voies de signalisation différentes avec des effets biologiques variés. Nous avons évoqué dans la section précédente certaines voies de signalisation et leur lien avec certaines pathologies. Nous exposerons un peu plus en détail les pathologies pouvant être liées à l’activation du récepteur RAGE par ses ligands.

Le diabète et ses complications Récemment, un rôle important de HMGB1 a été rapporté dans la pathogenèse du diabète de type 1 (DT1). En effet, durant l’autoimmunité des îlots β-pancréatiques, HMGB1 est libérée par les cellules pancréatiques endommagées, puis activement sécrétée par les cellules immunes infiltrantes avec d’autres cytokines, induisant la maturation des cellules dendritiques présentatrices d’autoantigènes aux cellules T naïves contribuant à la destruction des cellules β-pancréatiques (figure 2). Il a été montré que la neutralisation de HMGB1 par des anticorps anti-HMGB1 limite significativement la destruction des cellules β et la progression du DT1 in vivo. Ainsi, les protéines HMGB1 et S100/calgranulines participent non seulement à l’initiation du diabète, mais également à l’apparition de ses complications. Une fois le DT1 ins-

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tallé, l’hyperglycémie conséquente induit une accumulation d’AGEs entraînant une inflammation et une libération par les cellules inflammatoires d’autres cytokines de type HMGB1 et S100/calgranulines ainsi qu’une surexpression de RAGE à la surface cellulaire. Cette libération de cytokines constitue un cercle vicieux contribuant à la destruction du pool de cellules β-pancréatiques (figure 2). Ainsi, l’augmentation importante de la signalisation par RAGE provoque une réaction inflammatoire prolongée ayant des effets délétères aussi bien sur la macrovascularisation avec développement de complications cardiovasculaires (athérosclérose, infarctus du myocarde et insuffisance cardiaque) que sur la microvascularisation avec pour conséquence une néphropathie, une neuropathie, une rétinopathie et un défaut de cicatrisation qui constituent les principales complications du diabète (figure 2) [3].

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation Chez les patients obèses diabétiques de type 2 (DT2), il existe une inflammation au sein du tissu adipeux qui est responsable de l’insulinorésistance systémique. Il est probable que ces cellules inflammatoires libèrent, en plus des nombreuses cytokines sécrétées, des ligands de RAGE qui contribuent à l’épuisement du capital de cellules β – pancréatiques au moment de l’échec des règles hygiénodiététiques (RHD) et de la thérapie par les hypoglycémiants oraux (metformine, sulfamides hypoglycémiants, thiazolidinediones). Les cellules inflammatoires monocytes/macrophages seraient des acteurs centraux dans l’initiation et la propagation de l’inflammation médiée par RAGE. Il serait intéressant de quantifier les AGEs, HMGB1 et les S100/cal-

granulines chez des patients DT2 dont la glycémie est contrôlée par les RHD en association au traitement par hypoglycémiants oraux (HO) et ceux résistants aux HO et qui nécessitent de l’insuline.

RAGE et néphropathie diabétique Concernant le rein, il a été montré que le récepteur RAGE était exprimé à des taux bas en homéostasie et que ces niveaux d’expression augmentaient dans les pathologies rénales, incluant le rein diabétique où le RAGE est exprimé particulièrement dans les podocytes et les cellules vasculaires. Les ligands de RAGE s’accumulent également dans le rein diabétique, notamment les AGEs qui sont augmentés dans les glomérules et tubules rénaux par rapport à des contrô-

les non diabétiques. Chez des patients diabétiques dialysés, des taux élevés de RAGE soluble (sRAGE) ont été rapportés dans le sérum et dialysat des patients par rapport à des contrôles sains. Il n’est pas clair si cette augmentation est due à un défaut de clairance des sRAGE ou à des facteurs thérapeutiques. Une explication à cette élévation aurait une composante génétique, puisque les taux les plus élevés étaient retrouvés chez des dialysés ayant les polymorphismes -429T/C et -2184A/G du gène AGER codant pour le récepteur RAGE. Une autre étude a rapporté des taux élevés de sRAGE chez des patients DT1 après traitement par un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ce qui entraînerait, selon les spéculations des auteurs, une réduction de

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Figure 2. Interaction cellules pancréatiques et cellules inflammatoires dans la formation des AGEs et la pathogenèse des complications du diabète.

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Les produits de fin de glycation des protéines (AGEs) et leur récepteur en pathologie

l’accumulation des AGEs. Il est intéressant de noter que le traitement d’animaux diabétiques avec sRAGE réduisait de manière significative l’albuminurie et l’expansion mésangiale par rapport à des animaux diabétiques non traités par les sRAGE. Une autre étude a montré l’effet bénéfique des anticorps anti-RAGE dans la réduction des anomalies rénales observées dans des modèles animaux de DT1 et de DT2. Toutes ces données confirment le rôle non négligeable de RAGE dans la pathogenèse de la néphropathie diabétique. Certaines études ont montré l’implication des facteurs de croissance transforming growth factor β (TGFβ) et connective tissue growth factor (CTGF) dans les anomalies rénales induites par RAGE, alors que d’autres ont rapporté l’augmentation de l’expression par les podocytes du macrophage chemoattractant protein-1 (MCP-1) suite à une augmentation de la signalisation par RAGE dans le rein. Il est important de noter que l’action de RAGE n’est pas l’apanage de la néphropathie diabétique, mais semble également impliquée dans des maladies rénales chez les non diabétiques, telles la glomérulopathie des obèses, la glomérulopathie induite par la doxuribicine, la néphropathie du lupus et la néphropathie hypertensive, etc. Ainsi, les études pharmacologiques et de délétion visant à bloquer l’action de RAGE montrent que l’antagonisme de RAGE pourrait être une stratégie dans le traitement des maladies chroniques du rein [3].

RAGE et neuropathie diabétique Il a été montré que la perte de la perception de la douleur chez des patients diabétiques était due à une augmentation de l’expression de RAGE dans les nerfs périphériques, accompagnée par une inflammation exacerbée démontrée par une colocalisation de NFκB et de l’interleukine-6 (IL-6). Chez un modèle animal de diabète, l’inactivation fonctionnelle de RAGE, soit par inactivation génique ou par traitement avec du sRAGE, a permis de prévenir la perte de perception de la douleur par rapport à des souris diabétiques contrôles à niveaux de glycémie comparables. D’autre part, une accumulation des AGEs a été observée dans les nerfs périphériques et le

sérum de patients diabétiques avec une expression accrue de RAGE dans les cellules endothéliales et les cellules de Schwann des cellules nerveuses. Aussi, les patients diabétiques DT1 ayant subi une transplantation d’îlots pancréatiques concomitante à une transplantation rénale avaient une meilleure amélioration de leur fonction nerveuse périphérique et des taux diminués d’AGEs/RAGE dans les biopsies de peau en comparaison à des patients DT1 ayant reçu une transplantation rénale seule. Paradoxalement, dans un contexte non diabétique, la signalisation par RAGE et l’inflammation semblent importantes dans les mécanismes de réparation des dommages nerveux. Ainsi, lorsqu’on provoque une blessure unilatérale du nerf sciatique chez des animaux non diabétiques, l’administration de sRAGE ou d’anticorps anti-RAGE, anti-HMGB1 ou anti-S100/calgranuline empêche une réparation du nerf, avec pour conséquence une diminution des vitesses de conduction sensorielle et motrice, ainsi qu’une diminution de la densité des fibres myélinisées [3]. Le rôle de la voie RAGE dans la réparation nerveuse dans un contexte diabétique n’a pas encore été évalué.

RAGE, athérosclérose et complications macrovasculaires du diabète L’athérosclérose représente la cause la plus importante de morbidité/mortalité chez les patients diabétiques. Le rôle de la voie de signalisation par RAGE a été établi dans un modèle animal d’athérosclérose, en l’occurrence celui des souris chez lesquelles le gène codant pour l’apoplipoprotéine E (apoE) a été inactivé. Des animaux apoE–/– rendus diabétiques par la streptozotocine présentaient des lésions athérosclérotiques complexes beaucoup plus importantes avec accumulation in situ d’AGEs, de S100/calgranulines et une expression augmentée de RAGE en comparaison aux souris apoE–/– non diabétiques. L’instauration d’un traitement quotidien des souris apoE–/– par sRAGE au moment de l’administration de streptozotocine empêchait l’accélération de la formation des lésions athérosclérotiques et diminuait leur complexité de manière dose dépendante. Aussi, les niveaux

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tissulaires (aorte) des molécules d’adhésions VCAM-1, des AGEs/S100/calgranulines étaient fortement diminués chez les animaux traités par sRAGE, de même que la translocation nucléaire du facteur de transcription NFκB. Le traitement par sRAGE n’a pas corrigé les profils glucidique et lipidique des souris apoE–/– rendues diabétiques par la streptozotocine, démontrant que le sRAGE prévient les complications du diabète en interférant avec la voie de signalisation RAGE par un effet antiinflammatoire, mais n’avait aucun effet sur la prévention du diabète ou de l’hypercholestérolémie. Cet effet protecteur de sRAGE et l’implication de RAGE dans l’accélération des lésions athérosclérotiques ont été confirmés dans d’autres modèles, tel le modèle des souris diabétiques inactivés pour le récepteur des LDL (db/db/LDL-R–/–). D’autre part, le traitement des souris apoE–/– non diabétiques par sRAGE avait un effet stabilisateur de la surface et de la complexité des lésions athérosclérotiques montrant l’implication de la voie RAGE dans la pathogenèse de l’athérosclérose en dehors d’un contexte diabétique. Qu’en est-il de l’athérosclérose chez l’homme ? En 2003, une étude de Mezzetti et al. a rapporté une augmentation significative de RAGE dans les lésions athérosclérotiques de patients diabétiques avec une colocalisation de l’expression de la cyclooxygénase 2 (Cox2), de prostaglandine E2 et de métalloprotéases (MMPs), particulièrement dans les macrophages des régions vulnérables des plaques athéromateuses. Aussi, l’expression de RAGE dans les plaques corrélait de manière linéaire avec le niveau d’hémoglobine glyquée. D’autre part, le rôle de la voie RAGE a été étudié dans la resténose après intervention visant à rétablir le flux sanguin dans les artères obturées par un athérome. Il est connu que les diabétiques présentent des réponses exagérées avec une expansion importante de la néointima vasculaire après lésion des artères suite à une angioplastie. Les phosphorylations de ERK1/2 et de la protéine kinase B (PKB) (une cible de la PI3K) ont été impliquées dans la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses après lésion

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation vasculaire. Chez un modèle animal, l’administration de sRAGE diminuait considérablement l’expansion de la néointima après l’introduction d’un ballonnet dans l’artère carotide de rats hyperglycémiques. Dans un contexte d’euglycémie, l’altération des vaisseaux chez des animaux par dénudation de l’endothélium s’accompagne d’une expansion néointimale avec surexpression dans les cellules musculaires lisses de RAGE et de deux de ses ligands, le CML et la S100/calgranuline. L’augmentation de l’expression de la myélopéroxidase in situ suggère que l’augmentation du stress oxydant participerait en partie à la formation des AGEs et à l’augmentation de la voie RAGE en dehors de tout contexte hyperglycémique. L’inactivation de la voie RAGE (sRAGE, DN RAGE, anticorps anti-RAGE) a permis de supprimer cette expansion de la néointima vasculaire [3, 5, 8]. Ainsi, une stratégie thérapeutique visant à inactiver la voie de RAGE en complément des traitements antidiabétiques et des règles hygiéno-diététiques aurait un impact important sur la prévention des complications vasculaires en général, et celle du diabétique en particulier.

RAGE, AGEs et complications cardiaques Une des voies qui a été impliquée dans les dysfonctionnements cardiaques dans le diabète est la transformation biochimique par l’aldose-réductase (AR) qui permet la réduction du glucose en sorbitol, lequel se transforme en fructose par l’enzyme sorbitol deshydrogénase (SDH). Le fructose, via l’action de la 3-phosphofructokinase aboutit à la formation du fructose-3-phosphate puis de l’intermédiaire des AGEs (notamment le CML), le 3-désoxyglucosone. L’administration d’un inhibiteur de l’AR, l’epalrestat, permet de réduire significativement les taux de CML et ses précurseurs dans les érythrocytes, de même que le stress oxydant évalué par une diminution significative des taux plasmatiques des substances réactives de l’acide thibarbiturique (TBARS). Ainsi, dans le diabète, l’hyperglycémie permet de maintenir une formation accrue de CML et de stress oxydant, en partie dépendante de AR et qui est délétère pour le myocarde et la fonction cardiaque. L’accumulation des AGEs et la

stimulation de la voie RAGE perturbent le métabolisme et provoquent une diminution d’ATP intracellulaire, qui de concert avec une augmentation des ROS (par augmentation RAGE-dépendante de la inducible nitric oxide synthase iNOS, et probablement par la NADPH-oxydase) accélère le dysfonctionnement cardiaque. D’autre part, l’inhibition de l’AR a démontré une protection cardiaque lors d’une ischémie provoquée expérimentalement. Cette voie métabolique de l’AR contribue à une plus importante accumulation des AGEs conduisant à une stimulation exacerbée de la voie RAGE, dont l’expression est déjà augmentée lors de l’ischémie, et participe ainsi à la dégradation de la fonction cardiaque chez le patient diabétique. Aussi, certains polymorphismes de RAGE ont été découverts, tel le variant G82S (relativement peu fréquent), qui lorsqu’il est exprimé dans les cellules induit une augmentation de l’affinité du ligand et augmente la génération de cytokines et de MMPs. Un autre polymorphisme dans le promoteur de RAGE (-374T/A) a été décrit comme protecteur contre le développement de maladies cardiovasculaires chez des sujets diabétiques et non diabétiques [5].

RAGE, AGEs et pathologies hépatiques Le foie représente non seulement une cible des AGEs, mais également un organe clé du catabolisme et de l’élimination des AGEs circulants. Il est clairement établi que les cellules endothéliales sinusoïdales hépatiques, les macrophages résidants du foie et les cellules de Kupffer participent activement à l’élimination des macromolécules. Ainsi, Horiuchi et al. ont montré que lors de l’administration intraveineuse de préparations d’AGEsalbumine bovine modifiée (AGE-BSA) à des rats, environ 90 % des AGEs (monomériques et la forme crosslink) sont éliminés par les cellules endothéliales sinusoïdales (60 %) et les cellules de Kupffer (25 %), alors que l’élimination par les hépatocytes est relativement faible (10-15 %). Cette clairance des AGEs s’effectue par endocytose médiée par les récepteurs « éboueurs » des macrophages ou macrophage scavenger receptor (MSR). Il a été démontré par la suite par la même équipe que l’insuline, par la

voie de signalisation de l’insulin receptor substrate/phosphoinositol 3 kinase (IRS/ PI3K), accélérait cette élimination des AGEs par les MSR. Il apparaît clairement que dans un contexte diabétique où la sécrétion d’insuline est diminuée (DT2), voire insignifiante (DT1), que les AGEs s’accumuleraient dans la circulation en partie à cause d’une diminution de leur clairance hépatique. Aussi, toute diminution importante de la fonction hépatique s’accompagne d’une accumulation des AGEs. Ainsi, une augmentation des taux sériques de CML a été observée dans une cohorte de patients atteints d’une cirrhose du foie et ces niveaux étaient corrélés avec la sévérité de l’atteinte hépatique. Les taux de CML diminuaient de moitié chez les patients transplantés (3 mois postopératoires). D’autre part, les taux sériques des AGEs dérivés du glycéraldehyde (AGEs-dGA), et non ceux du glucose ni le CML, sont en moyenne significativement plus élevés chez les patients atteints d’une stéatohépatite non alcoolique (NASH) par rapport à des patients atteints d’une stéatose bénigne ou de sujets contrôles. Les niveaux d’AGEs-dGA étaient positivement corrélés avec le HOMA (Homeostasis model assessment) et inversement corrélés avec les taux sériques d’adiponectine. Ainsi, les patients les plus insulinorésistants avaient les taux d’AGEs-dGA les plus élevés. Par contre les AGEs n’étaient pas corrélés avec la sévérité de la stéatose ou de la fibrose [9]. Ces résultats suggèrent que les AGEs-dGA pourraient avoir un rôle non négligeable dans la physiopathologie des NASH.

RAGE et cancer La surexpression de RAGE et de certains de ses ligands a été rapportée dans plusieurs types de cancer. En voici quelques exemples : • i) Une co-expression de RAGE et de l’amphotérine (HMGB1) conduit à une augmentation de la migration et de l’invasion cellulaire des cellules d’une lignée de cancer du colon. L’augmentation de l’expression de RAGE dans le cancer du colon est associée à des métastases dans d’autres organes ; • ii) Une co-expression de RAGE et HMGB1 est observée dans la majorité des tumeurs, cellules stromales asso-

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ciées et métastases dans le cancer de prostate et une surexpression de RAGE et HMGB1 a été rapportée dans les métastases de cancer pancréatique ; • iii) L’expression de RAGE est beaucoup plus élevée dans le poumon par rapport aux autres tissus à l’état physiologique et RAGE bloque le potentiel prolifératif des cellules cancéreuses pulmonaires et de l’œsophage. Les tumeurs de stade avancé de poumon sont caractérisées par une diminution significative de l’expression de RAGE et une augmentation de la migration des cellules cancéreuses, alors que la surexpression de RAGE n’augmente pas la migration des cellules cancéreuses pulmonaires ; • iv) parmi les S100 calgranulines ligands de RAGE : la S100A1 est exprimée dans le carcinome rénal, la S100A6 dans le cancer du sein et le carcinome colorectal (absente du sein et tissu colorectal normaux), la S100A7 surexprimée dans les cancers du sein, de la vessie et de la peau, la S100A8 est exprimée dans les cancers du sein, de l’estomac et le carcinome colorectal, la S100A11 est exprimée dans plusieurs cancers, la S100A13 est exprimée par les cellules endothéliales et a un rôle dans l’angiogenèse des astrocytomes de haut grade, S100B surexprimée dans le mélanome et enfin, la S100P est surexprimée dans les cancers gastriques, de la prostate et du pancréas. Enfin, une étude, en 2010, a démontré que le variant RAGE_v1 ou esRAGE inhibe la tumorigenèse en bloquant la voie de signalisation JNK [10].

RAGE et immunité Le récepteur RAGE lie l’intégrine CD11b/ CD18 (MAC-1, pour macrophage-1 glycoprotein) et promeut l’extravasation leucocytaire (neutrophiles et cellules myélomonocytaires) au site d’inflammation tissulaire via les cellules endothéliales qui, une fois activées par les ligands de RAGE surexpriment aussi à leur tour des molécules d’adhésion (ICAM-1 et VCAM-1). Le RAGE soluble (sRAGE) a été suggéré comme un inhibiteur direct du recrutement des leucocytes. Aussi, l’activation de RAGE fait partie des évènements précoces de la différentiation des lymphocytes T Th1+. Un autre exemple de la place de RAGE dans la réponse

immune réside dans l’importance de l’expression de RAGE pour les réponses prolifératives des cellules T induites par les antigènes. Ainsi, les cellules T déficientes en RAGE produisent moins de cytokines Th1, d’IL-2 et d’interféron gamma (IFN–γ), mais plus de cytokines Th2, d’IL-4 et d’IL-5. L’activation de RAGE semble avoir un rôle d’équilibre de l’immunité Th1 et Th2. Enfin, RAGE ne semble pas avoir de rôle dans la présentation de l’antigène des cellules dendritiques et leur migration mais apparaît essentiel à leur maturation dans les nodules lymphoïdes. Ainsi, l’expression et l’activation de RAGE ont un rôle non négligeable dans les réponses immunes innées [4, 10].

sRAGE, un biomarqueur dans le diabète ? Il existe deux formes solubles de RAGE, le sRAGE formé par l’action d’une sheddase ADAM10 (A disintegrin and metallopeptidase) et probablement d’autres MMPs (Matrix metalloproteases) sur le RAGE membranaire et un variant formé par épissage alternatif de la partie C-terminale de RAGE, appelé esRAGE (endogenous secretory RAGE) ou RAGE_v1. Certaines études ont montré que l’administration

d’une forme recombinante de sRAGE permettait de réduire significativement les complications diabétiques dans des modèles animaux, suggérant que sRAGE bloquait l’axe AGE/RAGE en séquestrant les AGEs circulants. Plusieurs rapports, dont certains contradictoires, ont associé sRAGE ou esRAGE dans le statut ou la sévérité de multiples maladies, telles que le diabète ou l’inflammation. Ainsi, une étude européenne a corrélé des niveaux bas de sRAGE avec la sévérité des complications microvasculaires et des concentrations élevées de CML dans le plasma chez des patients atteints de DT2 en comparaison à des sujets contrôles. Aussi, les concentrations de esRAGE et de sRAGE sont inversement corrélées à la progression de l’épaisseur de l’intima-média de la carotide de patients diabétiques de type 1, indépendamment des risques cardiovasculaires conventionnels. Devangelio et al. ont montré que les concentrations de sRAGE étaient significativement plus faibles chez des patients DT2 et que le taux d’HbA1c était inversement et indépendamment corrélée à sRAGE. Grossin et al. ont montré que malgré des concentrations comparables de sRAGE entre des patients DT2 et des sujets contrôles, sRAGE était significativement diminué chez des patients avec des complica-

Les points essentiels • Les AGEs sont produits à partir de la réaction non enzymatique entre un sucre et une protéine suivie de réactions biochimiques successives d’oxydation et de déshydratation en aval de la glycation des protéines. • Les AGEs forment des crosslink avec certaines protéines de la matrice extracellulaire tel le collagène et altèrent sa fonction. • Les AGEs se lient à un récepteur membranaire appelé RAGE (receptor for advanced glycated end products) pour traduire le signal à l’intérieur de la cellule. • Le RAGE est un récepteur liant plusieurs ligands. En plus des AGEs, RAGE peut lier l’amphotérine (HMGB1), les protéines de la famille des S100/calgranulines et l’intégrine MAC-1. • La signalisation par RAGE, induit plusieurs voies de signalisations dont la plus importante et celle du facteur de transcription pro-inflammatoire NFκB. Cette voie permet l’activation de l’expression de plusieurs gènes (RAGE, cytokines inflammatoires, NFκB) et le maintien d’une réponse inflammatoire. • Cette inflammation est à l’origine des complications vasculaires et organiques du diabète. • L’antagonisme du récepteur RAGE permettrait de prévenir les effets délétères des AGEs dans la survenue des complications diabétiques, mais aussi de pathologies inflammatoires et de certains cancers.

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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation tions rénales et rétiniennes par rapport aux patients sans complication. À l’inverse, des niveaux élevés de sRAGE ont été décrits dans une population japonaise de patients DT2 atteints de maladie coronarienne par rapport à des DT2 sans maladie coronarienne, et le même groupe a corrélé les taux élevés de sRAGE avec des marqueurs de l’inflammation (MCP-1, TNFα) chez les patients DT2. D’autre part, Tan et al. ont montré que les niveaux de AGEs et de sRAGE étaient corrélés entre eux et positivement associés à la sévérité de la néphropathie chez des patients DT2. Les niveaux circulants élevés de esRAGE ont aussi été rapportés chez des patients DT2 et corrélés aux AGEs (dont le CML et la pentosidine) et à une diminution de la fonction rénale. Aussi, chez des patients DT1, les taux de sRAGE sont plus élevés en fonction de la sévérité de l’albuminurie et de la rétinopathie, à l’inverse de esRAGE dont les taux sont diminués chez des jeunes patients DT1 avec microalbuminurie. La raison de la différence dans les taux de esRAGE entre des patients DT1 et DT2 reste inconnue. Enfin, une étude publiée en 2009, a montré que des niveaux plasmatiques élevés de sRAGE étaient associés à l’incidence de morbidité et mortalité cardiovasculaire, mais aussi à la mortalité en général, dans une cohorte de patients DT1 suivis sur 12 ans [11, 12]. Les raisons de ces études contradictoires rapportant une association entre des niveaux élevés ou bas de sRAGE et le DT2 et ses complications restent obscures. Cependant, l’âge, l’ethnicité, la durée du diabète et les différents traitements prescrits pour le contrôle glycémique pourraient en partie expliquer ces différences. D’autre part, il n’y a pas encore d’études montrant que : • i) sRAGE capture et élimine de manière efficace les AGEs ; • ii) les taux de sRAGE sont inversement corrélés aux niveaux des AGEs dans le sang des diabétiques ; • iii) les taux de sRAGE sont diminués chez les patients DT1. Aussi, le fait que la réaction inflammatoire initiant les complications du diabète est à l’origine de la surexpression de RAGE à la surface des cellules (figure 2) et que RAGE peut être clivé par ADAM10 et autres MMPs, il est plus probable que les com-

plications diabétiques soient associées à une augmentation de sRAGE [11, 12]. La modulation thérapeutique de sRAGE reste également un sujet controversé. Ainsi, des taux élevés de sRAGE étaient mesurés chez des patients DT1 traités avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion (périndopril), et chez des patients DT2 traités par l’atorvastatine ou par la rosiglitazone. Par contre, le telmisartan, un antagoniste des récepteurs de type 1 à l’angiotensine II, réduit les taux circulants de sRAGE chez des patients hypertendus [11, 12]. À l’heure actuelle, on ne sait pas si la modulation des niveaux circulants de sRAGE est bénéfique sur la progression des complications des diabètes de type 1 et de type 2. Il reste que l’étude de Geroldi et al. a montré que des taux très élevés de sRAGE étaient corrélés à une longévité importante chez des centenaires en bonne santé. sRAGE serait-il aussi un marqueur de longévité ? Conflits d’intérêt L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant le contenu de ce texte.

Références

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Conclusion La découverte des AGEs et leur rôle dans les complications du diabète ont été clairement établis. Un récepteur des AGEs (RAGE) est connu et certaines voies de signalisation commencent à être connues, dont la voie du facteur de transcription pro-inflammatoire NFκB qui est au centre du mécanisme d’inflammation prolongée RAGE-dépendant entraînant les nombreuses complications organiques du diabète. Cependant, la multiplicité des ligands de RAGE complique notre compréhension des voies de signalisation et leurs conséquences dans la promotion de diverses pathologies telles le diabète, les maladies inflammatoires, cardiovasculaires et le cancer. D’autant que certains ligands de RAGE sont capables de lier d’autres récepteurs, tels les récepteurs toll et CD36. Néanmoins, un antagonisme de la voie de signalisation RAGE aurait des effets bénéfiques sur la prévention des complications des diabètes, des maladies inflammatoires et de certains cancers. L’étude des récepteurs solubles sRAGE et esRAGE nécessite des investigations plus approfondies pour mieux définir leur possible rôle dans l’élimination des AGEs circulants et leur place de marqueurs potentiels dans les diabètes et leurs complications, mais également en santé humaine.

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