Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation
J.-L. Schlienger, M. Gautier, A. Gutmann, F. Kremer Service de médecine interne, endocrinologie et nutrition, CHU de Hautepierre, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, Strasbourg.
Produits terminaux de la glycation (AGE) alimentaires et pathologie métabolique A new diet challenge: The advanced glycation end products
Résumé
Summary
Les produits terminaux de la glycation (AGE) dont les taux circulants sont associés au risque cardiovasculaire dans le diabète sont des agents pro-oxydants et pro-inflammatoires dont l’origine est endogène et exogène. La réduction des apports exogènes alimentaires en AGE, par un choix judicieux des aliments et l’utilisation des procédés culinaires appropriés, est un élément important et encore méconnu du traitement diététique du diabète et de ses complications. Un score d’apport en AGE contribue à caractériser un style alimentaire pour permettre les corrections souhaitables.
Advanced glycation end products (AGEs) are implicated in the complications of diabetes. These compounds promoting oxidative stress and chronic inflammation are both endogenous and exogenous. The reduction of diet-derived AGEs by an adequate food and less prolonged thermal food processing is an important deal. The proposition of a score of AGEs-containing food may be helpful to better evaluate diet habits and give recommendations. Key-words: Advanced glycation end products – nutrition – diet – diabetes.
Mots clés : Produits terminaux de la glycation – alimentation – diététique – diabète.
Introduction L’origine des AGE peut être exogène ou endogène. Si la part exogène d’origine alimentaire reste modérée, elle n’en est pas moins la part variable la plus accessible en l’état des possibilités thérapeutiques. La réduction de la charge alimentaire en AGE constitue un objectif nouveau pour assurer une alimentation « santé » et pour réduire le risque cardiovasculaire, notamment dans le diabète de type 2 [1-3].
Correspondance : Jean-Louis Schlienger Service de médecine interne, endocrinologie, nutrition CHU de Hautepierre Hôpitaux universitaires de Strasbourg 1, avenue Molière B.P. 83049 67098 Strasbourg cedex
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Production et action Le premier en 1912, Louis Camille Maillard a compris que le brunissement des aliments sous l’effet de la chaleur était la conséquence d’un ensemble de réactions enzymatiques comportant une cascade de réactions issues de la
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condensation d’un sucre réducteur avec une fonction amine. Cette glycation non enzymatique des protéines produit des glycosylamines Nsubstituées (bases de Schiff), telle que la fructosyllysine provenant de la réaction de Maillard entre le glucose et la lysine. Les produits de la 1re phase subissent un réarrangement d’Amadori pour former des cétosamines. Dans la réaction de Maillard, les cétosamines sont déshydratées, cyclisées et/ou condensées pour former une réductone, des furanes et d’autres produits terminaux. Les sucres complexes sont moins réactifs que les sucres simples ; les hexoses sont moins réactifs que les pentoses. La lysine qui possède deux fonctions aminées est plus réactive que les autres acides aminés. Les aliments riches en lysine et en glucose portés à haute température sont des pourvoyeurs importants d’AGE
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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation (figure 1). À température élevée, les substances issues du produit d’Amadori peuvent être polymérisées sous forme de mélanoïdines brunes, retrouvées par exemple dans la croûte du pain ou dans les aliments torréfiés. Le niveau de production des AGE alimentaires lors des réactions de la « chimie » culinaire dépend de la nature des sucres et des amines, de la disponibilité des radicaux glycosylés, de la durée de la cuisson, du degré d’humidité et du pH. Le fructose et le galactose sont des glucides particulièrement sensibles à la glycation. D’une façon générale, les aliments les plus riches en glucides simples et en lipides soumis à une cuisson à haute température induisant un brunissement, sont ceux qui génèrent le plus d’AGE. L’alimentation de style occidental est globalement à haute teneur en AGE.
Les AGE d’origine alimentaire
Voie des polyols (fructose, sorbitol)
glucose + groupe amine (protéique)
Péroxydation lipidique
Bases de Schiff (produits initiaux de glycation)
Produits d’Amadori (produits intermédiaires de glycation) réarrangement
Glyoxal Voie oxydative
Méthylglyoxal
CML
Voie non oxydative
pentosidine
pyrraline (produits terminaux de glycation)
CML CEL
Les AGE peuvent être d’origine endogène, à la suite d’une glycation des protéines (dont l’hémoglobine glycosylée [HbA1c] est l’exemple le plus connu) de groupements amines des lipides ou des acides nucléiques après contact avec le glucose. L’hyperglycémie, l’insuffisance rénale et l’âge sont des états pro-oxydants qui favorisent la formation d’AGE (figure 2). Les AGE peuvent aussi être d’origine alimentaire [4]. Faiblement présents dans les aliments à l’état naturel, ils sont principalement produits lors d’une cuisson prolongée ou agressive d’aliments riches en glucides et en lipides subissant la réaction de Maillard (qui se caractérise par un brunissement). La teneur en AGE de l‘alimentation dépend donc de la composition nutrimentielle, de la méthode et de la durée de cuisson. Les AGE alimentaires sont à prendre en compte car leur absorption intestinale est loin d’être négligeable. Environ 10 % des AGE sont absorbés, dont les deux tiers contribuent au pool des AGE circulants et partant, à leur effet pathogène. L’épithélium intestinal absorbe aussi bien les produits initiaux de la glycation (bases de Schiff) que les produits intermédiaires ou terminaux sous la forme de peptides glyqués. Si le mécanisme exact de leur absorption reste
Figure 1. Production des produits terminaux de la glycosylation (AGE) [d’après réf. 3]. CML : carboxy methyl-lysine ; CEL : carboxy ethyl-lysine
Réarrangement d’Amadori Glucose + radical NH2 R-NH2
Fructosamine
Base de Schiff
R-NH2 R-NH2 + R-NH2
AGE
Intermédiaires glycolytiques (methylglyoxal)
Péroxydation lipidique (glyoxal, méthylglyoxal )
Figure 2. Produits terminaux de la glycosylation (AGE) alimentaires : pantosidine, crossline, N carboxymethyl-lysine (CML), pyrraline, GA-pyredine, imidazolones-MG ou –3 DG, etc…
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inconnu, il n’en reste pas moins qu’une augmentation postprandiale des AGE circulants survient 2 heures après l’ingestion d’un repas test, au prorata de sa teneur en AGE. Les AGE alimentaires constituent la part variable des AGE circulants, dans la mesure où ils sont modulables par des interventions diététiques. Une fois absorbés, les AGE circulants s’intègrent à la matrice protéique extracellulaire ou se lient à des récepteurs membranaires (RAGE) dont l’expression est stimulée par les AGE. Les récepteurs ont un domaine extramembranaire soluble (sRAGE). Les RAGE permettent de capter les AGE et assurent leur pénétration intracellulaire, alors que les sRAGE neutralisent les AGE. L’expression des RAGE est stimulée par les AGE. L’entrée des AGE dans la cellule crée un stress oxydant et une activation du facteur nucléaire NF–κB (nuclear factor–κB) par l’intermédiaire de l’activation de la voie de signalisation de la MAP (mitogen activated protein)–kinase. Ce facteur nucléaire module l’expression de molécules d’adhésion, de cytokines pro-inflammatoires et de l’endothéline-1. Les AGE interagissent avec les protéines de la longue durée de vie de la matrice protéique et contribuent au phénomène du vieillissement. La liaison des AGE au collagène permet leur détermination indirecte par la mesure de l’autofluorescence cutanée qui est corrélée aux produits de la glycation. Parmi les autres sources d’AGE exogènes, il convient de citer la consommation de tabac. La concentration des AGE plasmatiques est augmentée chez les fumeurs car la combustion du tabac blond, provenant de feuilles séchées en présence de sucre, libère des AGE qui sont absorbés au niveau de la muqueuse bronchique.
Il est démontré que les AGE alimentaires ont des effets pathogènes comparables à ceux des AGE endogènes Plusieurs études chez l’animal et chez l’homme ont établi le rôle pathogène des AGE d’origine alimentaire. Ils sont impliqués dans la constitution de l’obésité viscérale, de l’insulinorésistance, du diabète et de la néphropathie avec sclérose glomérulaire. Ils participent au vieillissement artériel et à l’athérogénèse et favorisent l’hypertension artérielle. Il existe
une corrélation entre l’autofluorescence cutanée liée à la teneur en AGE dans le collagène et le risque cardiovasculaire, l’autofluorescence étant elle-même reliée au style alimentaire [5]. Les manipulations diététiques confirment la contribution des AGE alimentaires à la toxicité tissulaire et cellulaire des AGE. Chez l’animal, la restriction en AGE alimentaires entraîne une protection contre l’athérosclérose, la resténose post-lésion, la néphropathie et favorise la cicatrisation et l’insulinosensibilité. Par ailleurs, elle augmente l’espérance de vie dans les mêmes proportions qu’une restriction énergétique de l’ordre de 40 % [6]. Chez l’homme, une étude randomisée en traitement croisé (cross-over) a comparé chez des volontaires sains les effets d’un régime à base d’aliments cuits à l’eau ou à la vapeur à ceux d’un régime à base d’aliments cuits à haute température dont la teneur en produits de Maillard est élevée. Après un mois, l’alimentation riche en AGE induit une diminution significative de la sensibilité à l’insuline et de la concentration en acides gras oméga-3 ainsi qu’une élévation du cholestérol et des triglycérides circulants [7]. Ces résultats illustrent le potentiel délétère d’une alimentation riche en AGE qui accroît le risque cardio-métabolique.
Les AGE paraissent particulièrement impliqués dans la pathogénie du diabète et de ses complications vasculaires Des données récentes prêtent aux AGE un rôle significatif dans la genèse du diabète en induisant une altération de la fonction β–cellulaire et une insulinorésistance. Ils facilitent de surcroît l’expression de l’auto-immunité. Chez des souris obèses db/db, à apport énergétique comparable, une alimentation à faible teneur en AGE réduit l’insulinémie à jeun et le poids corporel et élève le cholestérol HDL. Ce type de régime améliore la tolérance au glucose et majore la consommation glucosée du tissu adipeux. En revanche, un régime riche en AGE entraîne une prise pondérale avec un excès de graisse viscérale et une diminution de la sensibilité à l’insuline [8]. Par ailleurs, une alimentation pauvre en AGE prévient la survenue d’un diabète auto-immun et prolonge la survie
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des souris NOD [9]. La restriction des apports en AGE alimentaires apparaît comme un facteur protecteur vis-à-vis de l’obésité, de l’insulinorésistance et du diabète dans ces modèles animaux.
Chez l’homme, le rôle des AGE dans la pathogénie des complications vasculaires du diabète est en passe d’être établi Une alimentation riche en AGE administrée à des sujets diabétiques de type 2 pendant 6 semaines entraîne une élévation significative des AGE circulants, associée à une augmentation des marqueurs de l’inflammation (protéine C réactive, CRP ; tumor necrosis factor-α, TNF-α) et de la dysfonction endothéliale (molécules d’adhésion VCAM-1, vascular cell adhesion molecule-1). Ces modifications sont réversibles après la mise en œuvre d’une alimentation à faible teneur en AGE [10]. Une charge alimentaire en AGE provoque une majoration de la glycosylation et de l’oxydation des lipoparticules LDL, ce qui accroît leur toxicité vasculaire en stimulant fortement l’activité NF–κB. L’augmentation postprandiale des AGE joue un rôle délétère sur la macrocirculation – attestée par une diminution de la vasodilatation liée au flux – et sur la microcirculation, comme cela a pu être démontré par Negrean et al. chez le sujet diabétique après des régimes comparables dont la teneur en AGE était modifiée par des procédés culinaires [11]. Ces modifications vasculaires sont assorties d’un stress oxydant et d’une dysfonction endothéliale contemporaine du pic d’AGE circulants. En revanche, la vasodilatation endothélium-dépendante n’est pas modifiée par ce repas test, ce qui suggère que les cellules musculaires lisses vasculaires restent sensibles au monoxyde d’azote (NO). La diminution de la vasodilatation liée au flux serait due à une diminution de la production, ou à un catabolisme excessif, du NO [11, 12].
Comment réduire le pool des AGE circulants et tissulaires ? Les AGE endogènes qui constituent la part la plus importante du contingent
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Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation des AGE sont assez peu accessibles directement. Plusieurs agents pharmacologiques, telle l’aminoguanidine, ont été testés chez l’animal et chez l’homme pour limiter leurs effets délétères en prévenant leur formation, en détachant les AGE de la matrice protéique ou des tissus, ou en « trappant » les AGE par des peptides solubles à l’instar de ce que font les sRAGE. Certains ont montré une efficacité réelle, mais au prix d’une toxicité non négligeable. D’autres, moins spécifiques, sont couramment utilisés pour d’autres indications, tels les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (sartans), la metformine ou les glitazones. D’autres, comme certains agonistes des PPAR (peroxisomal proliferator-activated receptors), sont en développement. Ils préviennent la formation des AGE in vitro ou diminuent la densité des RAGE sur les membranes cellulaires. L’ensemble des médicaments hypoglycémiants a un effet favorable sur la production des AGE du fait de la diminution de la glycémie. En l’état actuel de la recherche thérapeutique, c’est l’intervention diététique qui s’avère la plus pertinente pour réduire le pool des AGE La teneur en AGE dans l’alimentation est variable et dépend de divers paramètres bien identifiés et, en partie, maîtrisables. Il est admis qu’une alimentation à faible teneur en AGE est un auxiliaire important du traitement préventif des complications du diabète. La réduction de la charge alimentaire en AGE suppose un choix judicieux des aliments et des procédés culinaires. Une diminution de 50 % des apports diminue le taux plasmatique des AGE de 30 % en un mois [9]. La maîtrise de l’hyperglycémie postprandiale par une alimentation à index glycémique bas et charge glucosée modérée réduit la production des AGE endogènes. De plus, certains aliments contiennent des inhibiteurs de production des AGE comme la rytine, un flavanoïde présent en grande quantité dans le jus de tomate [13]. L’apport quotidien moyen en AGE, qui est de l’ordre de 16 000 ± 5 000 KU/jour chez des sujets témoins et de 18 000 ± 7 000 KU/j chez des sujets diabétiques, pourrait être abaissé à moins de 10 000 KU/j grâce
Tableau I : Apports en produits terminaux de la glycosylation (AGE) de quelques aliments d’origine animale exprimés en U/g ou U/ml et en KU par portion. U/g ou ml
KU/portion
Portion
Bouilli
22 305
2 220
100 g
Grillé au four
59 636
5 960
Jambon fumé
23 491
2 110
90 g
Côtelette panée
47 526
4 750
100 g
Viandes et équivalents Bœuf Porc
Volaille
Bacon grillé
90 228
1 200
15 g
Poulet bouilli
11 236
1 120
100 g
Grillé (15 min)
58 280
5 830
Frit (8 min) Poisson
A l’eau Saumon grillé
73
896
7390
7600
760
100 g 100 g
14 973
1 500
Thon rôti
9189
920
Conserve (à l’huile)
17 396
1 566
90 g
Grillé
51 133
5 100
100 g
48
12
250 ml
1
Produits laitiers et oeufs Lait entier
cru Demi-écrémé chauffé 1 min
5
2 min
21
5
3 min
78
19
Yoghurt Fromage
Œuf
40
5
Mozzarella
16 777
500
Emmenthal
44 700
1 240
Brie
55 979
1 680
Feta
84 235
2 530
Jaune (dur)
12 134
180
15 g
Blanc (dur)
440
13
30 g
27 494
1 400
50 g
264 873
1 320
5g
192
876
Sur le plat, avec margarine Beurre Margarine
à des mesures diététiques assez peu restrictives. La teneur en AGE des aliments est évaluée de façon indirecte par la détermination des CML (carboxy methyl-lysine), indicateur fiable de l’ensemble des AGE. Une table alimentaire indicative a été élaborée à l’aide d’un dosage ELISA utilisant un anticorps monoclonal anti-CML. Les valeurs sont exprimées en unités par milligramme de lipide ou de protéine et multipliées par la teneur lipidique et protéique de l’aliment afin d’obtenir une teneur globale en KU/g ou par ml. On dispose à présent de données pour 250 aliments et préparations culinaires [4].
30 g
AGE alimentaires : des teneurs variables selon les aliments et les procédés culinaires Les aliments gras comme les matières grasses à tartiner (beurre ou margarine) ou les préparations à type de mayonnaise contiennent le plus d’AGE : 5 g de beurre en apportent 1 300 KU, alors que 5 g d’huile d’olive n’en apportent que 450 KU. Les viandes ou équivalents et les produits laitiers complexes comme les fromages cuits à pâte dure en apportent également des quantités conséquentes (tableau I). Parmi les aliments relativement pauvres
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en AGE figurent les aliments riches en hydrate de carbone, encore faut-il souligner que le type de préparation culinaire modifie la donne. Un biscuit contient 10 à 20 fois plus d’AGE que le pain. Les produits laitiers sont généralement pauvres en AGE, à l’exception de certains fromages, mais la palme revient aux fruits et légumes qui en sont pratiquement dépourvus (tableaux II et III). Les aliments industriels sont toujours plus riches en AGE que les aliments natifs. Aux États-Unis, des AGE étaient inclus dans certains aliments lors du processus de fabrication afin d’en améliorer la flaveur. La cuisson accroît la teneur en AGE de façon variable selon le type de procédé culinaire. Il existe une hiérarchie. Du moins vers le plus, on situe la cuisson à l’eau ou à la vapeur, les rôtis, les grillades, la friture à l’huile et la friture au four. Pour un même morceau de viande, par rapport à la cuisson à l’eau (bouillie), les autres procédés multiplient la teneur en AGE respectivement de 4, 5, 7 et 9. Les fruits en coque grillés (amandes, arachides, noisettes) apportent des quantités importantes d’AGE, de l’ordre de 60 KU/g, contre 5 KU/j à l’état natif. La température et la durée de cuisson sont d’autres paramètres importants. Les plats proposés par la restauration rapide – qui sont cuits à très haute température (hamburger, frites, poulet grillé, nuggets) – sont de gros pourvoyeurs d’AGE. Un morceau de poulet grillé ou frit dans l’huile pendant 15 minutes génère cinq fois plus d’AGE que lorsqu’il est bouilli pendant une heure. Certains procédés, combinant une cuisson à haute température à une fermentation et à une haute pression, utilisés pour la production de viennoiseries entraînent une déshydratation, une dépolarisation et une déstructuration favorisant les liaisons entre les glycosyls et les amines et leur oxydation (tableau I). Ces considérations montrent combien il est difficile de préciser la teneur en AGE d’un aliment ou d’un groupe d’aliments, tant sont nombreux les déterminants.
Prescrire une alimentation à faible charge en AGE En pratique, il peut paraître difficile de prescrire un régime alimentaire pauvre en AGE compte tenu de la variation de
Tableau II : Apports en produits terminaux de la glycosylation (AGE) de quelques aliments préparés, condiments et boissons (U/g ou ml et KU par portion).
Céréales
U/g ou ml
KU/portion
Portion
730
22
30 g
Toasté
1 394
36
Céréales (flocon)
2 320
70
Pancake « maison »
9 720
290
Toasté
22 618
680
Spaghetti
2 400
240
Pâtes au fromage
27 280
2 730
Pâtes au fromage (gratin)
40 698
4 070
Pizza
68 248
13 000
250 g
36
9
250 g
174
17
100 g
2 180
220
Pain blanc
Couscous et légumes Féculents
Pommes de terre Robe des champs Rissolées 45 min à l’huile Frites maison
6 939
700
Frites restaurant
15 219
1 520
Chips
28 818
860
330
10
Sucre blanc
0
0
Édulcorant
58
1
Miel
87
2
Sorbet
25
5
Meringues
7 901
230
Gâteau de riz
1 355
80
60 g
Chocolat (barre)
5 068
150
30 g
Cookie, patisserie
13 707
410
Jus de fruit naturel
3 – 20
1–5
Jus de fruit industriel
56
15
Cola
65
16
Cola « light »
12
3
Thé
19
3
Moutarde
29
<1
Ketchup
103
1
Vinaigre
377
3
94 010
470
Maïs soufflé Sucre et pâtisserie
Boissons
Condiments
Mayonnaise
la teneur alimentaire selon les modalités de cuisson. En réalité, il existe des moyens pour atteindre des objectifs dépassant le strict cadre de la glycation. La promotion d’une alimentation à faible densité énergétique et à haute densité nutritionnelle – dont la pyramide alimentaire méditerranéenne est la concrétisation – et une alimentation à faible charge glucosée entraînent ipso facto une diminution considérable des AGE exogènes et endogènes. Ces préceptes, valables en prévention primaire
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100 g
30 g
30 g
5g
et chez les sujets diabétiques, permettent de prendre en compte le concept des AGE pro-inflammatoires et pro-oxydants. Il n’est donc pas nécessaire de formuler une prescription diététique très spécifique en dehors des conseils de préparation alimentaire. Un index en AGE alimentaire pourrait être élaboré pour certains aliments par un questionnaire portant davantage sur la préparation culinaire que sur la nature des aliments (tableau IV). Quelques recommandations simples
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658
Dossier thématique Tout sur les produits avancés de la glycation Tableau III : Apports en produits terminaux de la glycosylation (AGE) de quelques aliments d’origine végétale, U/g ou ml et KU/portion. U/g ou ml Légumes
Fruits
KU/portion
Portion
Carottes cuites
103
10
Haricots
179
18
Broccoli
2 260
220
Salade assaisonnée
11
1
20 g
Pomme crue
127
13
100 g
Pomme cuite
445
45
Tomate crue
230
23
Avocat
15 772
470
Olive mûre
16 686
500
30 g
Amandes grillées
66 514
1 995
30 g
Noix de cajou grillées
98 082
2 942
30 g
1 200
30
5 ml
Huile d’olive
100 g
Tableau IV : Score alimentaire des produits terminaux de la glycosylation (AGE). Calcul à partir des items les plus signifiants (score maximum = 22). Score souhaitable < 5. Aliments riches en AGE
Aliments pauvres en AGE
Friture 2 x/semaine
2
Fruits et légumes 5 portions/jour
-2
Friture > 2 x/semaine
3
Laitage (hors fromage) 3 x/jour
-2
Viande et équivalents > 5x/semaine
2
Viande et équivalent < 1 x/jour
-1
Viande et équivalents 2 x/jour
3
Viande grillée ou panée 2 x/semaine
2
Fromage à pâte 1 x/jour
2
Fromage à pâte ferme > 1 x/jour
3
Boisson sucrée 1 x/jour
2
Plats cuisinés > 2 x/semaine
2
Biscuits, viennoiseries > 2x/semaine
2
Biscuits, viennoiseries chaque jour
3
Cuisine au beurre ou à la margarine
3
Les points essentiels
Pour évaluer votre score en AGE veuillez répondre à ce questionnaire (score souhaitable < 5) Combien mangez-vous de : Fritures
Fréquence hebdomadaire
Score
Fréquence hebdomadaire
Score
2
+2
>2
+3
Viandes, poissons ou œufs
>7
+1
> 14
+3
Viandes grillées ou panées
2
+2
Fromage à pâte ferme
7
+2
>7
+3
Plats cuisinés
2
+2
Biscuits et viennoiseries
2
+2
7
+3
Fruits et légumes
5
-2
Produits laitiers
21
-2
Féculents
21
-1
Cuisinez-vous au beurre ou à la margarine ?
5
+3
Cuisinez-vous à l’huile ? Combien de fois consommez-vous des boissons sucrées ?
suffisent pour modifier les apports en AGE : • préférer la cuisson à la vapeur, à l’eau, en papillote ou au four à micro-ondes ; • éviter les températures de cuisson très élevées ; • préférer la cuisine domestique traditionnelle aux plats cuisinés et à la restauration rapide ; • utiliser des aliments natifs ; • limiter la part des viennoiseries et des biscuits ; • diminuer la part de la viande au profit du poisson et des oléagineux ; • consommer le moins possible de boissons manufacturées ; • les fruits et légumes et les céréales complètes sont quasi dépourvus d’AGE, tout comme les laitages non transformés. Le tableau V illustre la différence d’apport journalier en AGE selon la consommation d’un régime de type western (tableau V- a) ou de type plutôt méditerranéen (tableau V-b). Ces recommandations ayant pour objectif de réduire les AGE exogènes et endogènes, elles ont un intérêt documenté dans le diabète (et l’insuffisance rénale), mais sont également utiles pour la prévention de l’ensemble des maladies cérébro-cardio-métaboliques et la prévention du vieillissement. Il convient de souligner que la réduction
5
-1
>7
+2 Total _________
• Les produits terminaux de la glycation (AGE) sont des agents pro-oxydants et pro-inflammatoires qui sont d’origine endogène et exogène. • Les apports en AGE alimentaire sont associés au risque cardio-métabolique. • Les apports alimentaires en AGE sont modulables selon la nature et la cuisson des aliments. • La diminution de la charge en AGE alimentaire constitue une option intéressante de prévention et pourrait améliorer la longévité. • La mise au point de scores permettrait d’évaluer les apports des AGE et faciliterait la prescription diététique dans un but préventif. • Un régime de type « western » est environ cinq fois plus riche en AGE qu’un régime de type méditerranéen.
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Produits terminaux de la glycation (AGE) alimentaires et pathologie métabolique
Tableau V : Comparaison de la teneur en produits terminaux de la glycosylation (AGE) de deux journées alimentaires. a) Menu riche en AGE (type « Western ») Teneur en AGE
Petit-déjeuner
Sucre
0,00
Café au lait (200 ml)
0,04
Pain blanc (80 g)
58,00
Beurre (10 g)
2 648,00
Miel (30 g)
8,00 Sous total
2 716,04
Côtelette panée (150 g)
7 128
Frites (150 g)
1 040
Salade verte assaisonnée (20 g)
1
Pain blanc (20 g)
14
Tarte aux pommes à la cannelle (110 g)
1 507 Sous total
Assiette de charcuterie (100 g)
9 690 2 349
Pain blanc (80 g) Dîner
58
Emmenthal (60 g)
2 682
Poire (150 g)
19 Sous total
5 108
TOTAL
17 514,04
Soit 17 514 KU pour une journée
b) Menu pauvre en AGE (type méditerranéen). Teneur en AGE
Petit-déjeuner
Sucre
0
Café
0
Pain blanc (80 g)
58
Yaourt nature
5
Miel (30 g)
2
Jus d’orange
8 Sous total
Salade de tomate à l’huile d’olive (100 g + 5 g huile d’olive) Papillote de colin (150 g) Déjeuner
73 6 1 140
Pommes en robe des champs (200 g)
35
Haricots vers à la vapeur (200 g)
35
Sorbet melon (80 g)
2 Sous total
Risotto au poulet (300 g riz + 100 g poulet)
1
Emmenthal (30 g)
1 341
Poire (150 g)
19
Pain blanc (40 g)
Soit 3 805 KU pour une journée
Médecine des maladies Métaboliques - Décembre 2010 - Vol. 4 - N°6
1 218 1 124
Salade verte assaisonnée (20 g) Dîner
Conflits d’intérêt Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt relatif à cet article.
2,00
Jus d’orange
Déjeuner
des AGE est associée à une réduction comparable des produits terminaux de la péroxydation lipidique (ou ALE, advanced lipoxydation end-products) dont le rôle délétère, moins bien connu que celui des AGE, est probablement du même ordre.
29 Sous total
2 514
TOTAL
3 805
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