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Motricité cérébrale 2007 ; 28(2) : 57-66 www.masson.fr/revues/moce
Prévention et traitement des troubles orthopédiques
Les règles d’évolutivité et le suivi clinique des scolioses dans la paralysie cérébrale M.-F. Rietz Kinésithérapeute, Centre de soins et de rééducation du lycée Toulouse Lautrec, 131, avenue de la Celle Saint Cloud, 92420 Vaucresson. Tirés à part : M.-F. Rietz, à l’adresse ci-dessus. e-mail :
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Résumé La scoliose est une déformation qui aggrave les conséquences des troubles neuromoteurs de la paralysie cérébrale. Elle s’inscrit dans la globalité du handicap sensori-moteur de la lésion cérébrale. La survenue d’une scoliose dans la paralysie cérébrale est directement liée à la gravité des troubles neuromoteurs. Cette scoliose neurologique va suivre les mêmes règles d’évolutivité que les scolioses idiopathiques, mais se distinguera par des particularités spécifiques de la paralysie cérébrale (anomalies primaires). La surveillance des signes pubertaires est importante car on sait qu’une scoliose peut flamber pendant la phase pubertaire au moment où le tronc démarre sa phase ascendante de croissance. Le suivi radiologique, parfois difficile d’interprétation, sera complété par un examen clinique précis du rachis, du pelvis et des hanches pour dépister des asymétries et ainsi éviter leurs évolutions en adoptant précocement les stratégies thérapeutiques nécessaires. Mots-clés : Scoliose neurologique, Spécificité de la paralysie cérébrale, Croissance, Puberté précoce, normale ou tardive, Surveillance clinique spécifique.
Summary Disease progression and clinical surveillance of scoliosis in cerebral palsy children Scoliosis is a serious deformation which worsens the neuromotor deficits of cerebral palsy. It is part of the overall sensorimotor disability resulting from the brain injury. The development of scoliosis in a child with cerebral palsy is directly related to the severity of the neuromotor disorders. Progression of this neurological scoliosis is the same as in idiopathic scoliosis but with specific features related to the primary anomalies. The first signs of puberty must be noted since scoliosis will worsen rapidly during the puberty phase when the growth of the trunk increases rapidly. Radiological surveillance which may present certain diagnostic pitfalls should be completed with careful physical examination of the spine, pelvis and hips to search for unsymmetrical deformation in order to adapt the therapeutic strategy rapidly. Key-words: Neurological scoliosis, Specific features of cerebral palsy, Growth, Puberty, Clinical surveillance.
La scoliose est une déformation tridimensionnelle d’origine multifactorielle d’un ou de plusieurs segments du rachis dans les plans frontal, sagittal et horizontal qui va aggraver le handicap lié à la paralysie cérébrale.
On lui reconnaît entre autres des anomalies neuro-sensorielles du système proprioceptif (des troubles posturaux, des troubles de la perception du corps dans l’espace). Dans la paralysie cérébrale, on assiste progressivement à l’apparition
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d’une attitude scoliotique par insuffisance posturale qui lors de la croissance va se structurer pour devenir une véritable scoliose. Le suivi de l’évolution de la scoliose se fera par la mesure radiologique de l’angle de COBB sur la radio face couchée (fig. 1). Au niveau dorsal la scoliose entraînera une déformation costale avec une gibbosité postérieure et antérieure (fig. 2). Dans les courbures importantes on assistera à une verticalisation des côtes dans la convexité et à une horizontalisation dans la concavité. Ces déformations aboutiront à un syndrome restrictif qu’il faudra bien sûr prendre en charge d’autant plus si le jeune présente déjà un syn-
drome obstructif par des troubles de la déglutition salivaires, des fausses routes… À cette insuffisance posturale rachidienne se rajoute la globalité du handicap. En effet, les éléments extra-rachidiens majorent parfois la posture vicieuse du rachis et participeront donc à l’évolutivité de la déformation rachidienne (fig. 3). FRÉQUENCE DES SCOLIOSES DANS LA PARALYSIE CÉRÉBRALE
L’apparition de la scoliose est corrélée au degré des troubles neuromoteurs, dont l’insuffisance posturale et les contractions pathologiques asy-
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FIG. 1. — Mesure de l’angle de Cobb. FIG. 2. — Déformation costale. FIG. 3. — Station hanchée préférentielle entraînant dans un premier temps une attitude scoliotique à convexité controlatérale au membre d’appui.
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métriques sont les éléments majeurs, mais aussi au niveau cognitif de l’enfant. Nous la retrouverons donc pratiquement toujours chez les enfants polyhandicapés assis. Parallèlement, nous assisterons à une prévalence des bassins obliques chez ces mêmes enfants quadriplégiques non marchant avec un taux de subluxation, luxation de hanche très important. ÉVOLUTIVITÉ
Tout d’abord rappelons ce que Mme DuvalBeaupère nous a enseigné : « Tout ce qui est vrai pour les scolioses idiopathiques, est vrai pour les scolioses dans la paralysie cérébrale ». C’est une évolution en trois phases : prépubertaire, pubertaire et adulte. La scoliose étant synonyme de la croissance, il faudra surveiller deux paramètres essentiels que sont la maturation pubertaire et la maturation osseuse. PÉRIODE PUBERTAIRE
Dans la paralysie cérébrale, le démarrage pubertaire peut être précoce, normal ou tardif. Il faudra tenir compte de cette spécificité dans notre surveillance. Durant cette période, nous surveillerons la courbe de croissance en mesurant non seulement la taille totale mais aussi la taille du tronc qui nous indiquera le démarrage pubertaire. Ce suivi sera complété par les signes de maturations sexuelles de Tanner (fig. 4) en notant le point P qui correspond à l’apparition des premiers poils pubiens et qui signe le démarrage pubertaire. Celui-ci s’effectue en moyenne à 11 ans chez la fille et à 13 ans chez le garçon. Rappelons la croissance statistique du tronc avec sa pente ascendante et sa pente descendante décrites par M. Diméglio (tableau I). L’appréciation de la maturation osseuse sera faite par l’âge osseux, le test de Risser, les aspects des corps vertébraux, les cartilages de croissance TABLEAU I. — Croissance statistique du tronc avec sa pente ascendante et sa pente descendante. Il reste
Chez la fille
Chez le garçon
À 10 ans
14 cm
20 cm
À 13 ans
4 cm
13 cm
À 15 ans
1 cm
5 cm
des os et la fermeture des cartilages en Y du bassin (bon indicateur pour certains chirurgiens de se passer du temps antérieur lors d’une arthrodèse vertébrale.) C’est durant cette période pubertaire que le rachis effectue sa croissance vertébrale jusqu’à la soudure du noyau d’ossification de la crête iliaque (Risser 5). La croissance vertébrale est soumise aux lois de Wolf et Delpech, et lorsque la scoliose est supérieure à 25 °, la résistance du corps vertébral se modifie avec des pressions asymétriques qui vont expliquer la déformation du corps vertébral et l’évolution linéaire de la scoliose. D’autre part, nous assisterons à une adaptation du nombre de sarcomères des muscles paravertébraux en fonction de la longueur imposée par la déformation rachidienne. Ces deux courbes nous montrent bien que le démarrage pubertaire se fait en même temps que le pic de croissance rachidien et que l’évolutivité durant cette phase sera un multiple de la phase prépubertaire (fig. 5). Cette évolutivité durant la phase pubertaire sera suivie par un report des mesures de l’angle de Cobb sur un diagramme (fig. 6). L’évolution de la scoliose peut aussi se suivre par la mesure de la rotation vertébrale avec le torsiomètre de Perdriolle (fig. 7). Dans la paralysie cérébrale, nous ne négligerons pas de nous projeter dans la phase adulte avec la poursuite de l’évolution des courbures scoliotiques même pour les petites angulations car l’insuffisance posturale, anomalie primaire de la paralysie cérébrale reste évidemment présente à l’âge adulte. La phase de plateau, après Risser 5, représentée sur la courbe d’évolutivité de Mme Duval-Beaupère devrait être modifiée et représentée par une pente ascendante correspondant à l’évolution de la phase adulte même si celle-ci est inférieure à celle observée durant la phase pubertaire. SURVEILLANCE DE LA SCOLIOSE
Les surveillances clinique et radiologique sont des critères indispensables pour adapter les traitements en fonction de la pente évolutive de la scoliose (éducation motrice et siège moulé, corset, ou arthrodèse vertébrale). Le suivi radiologique sera établi en fonction du stade pubertaire et de la notion d’évolutivité objectivée par le diagramme. Les radios de face couché seront prescrites tous les 4 mois à partir
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R+++ Risser+++ 110
R+ Risser+
« P » correspond au démarrage pubertaire. Plus celle-ci est précoce et plus longue sera l’évolution de la scoliose
Pic de croissance staturale V2 Début de croissance du pénis T2 Volume des testicules 5 à 10 ml
100 10 90 9 80
Scoliose 8
70
7
60
P2 Apparition de la pilosité pubienne
6
50
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 ans
P2 S2 Début de développement mammaire Pic de croissance staturale
« R » correspond à la fin de l’évolutivité, qui intervient au moment de la soudure de la barrette iliaque à l’os (R5)
5 40 Premiers signes de puberté 30
20
4 Rapidité de croissance du segment supérieur
3
2 10 1
CM/année
R1 Première menstruation R+ Risser+
5
10
15
20
Âge (années)
R+++ Risser+++
Âges moyens et dispersion des différents repères de maturation (d’après les données de Tanner, Anderson et Prader)
Comparaison entre la courbe de croissance et la courbe d’aggravation spontanée de la scoliose.
Mesures des angles de rotation intervertébrale et de torsion
Mesure des angles de rotation intervertébrale et de torsion A) le tortiomètre, B) mise en place des repères, C) apllication
4 5 6 7 FIG. FIG. FIG. FIG.
4. 5. 6. 7.
— — — —
Les signes de maturation. Courbe d’évolutivité de la scoliose de Mme Duval-Beaupère et courbe de la croissance. Diagramme de scoliose chez un garçon en période pubertaire. Mesure de la rotation vertébrale avec le torsiomètre de Perdriolle.
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du point P pour surveiller la phase pubertaire. La prescription d’une radio face assis visualisera la composante d’effondrement de ce rachis insuffisamment précontraint par les muscles paravertébraux. La radio de profil assis nous renseignera sur les déformations dans le plan sagittal et sur l’aspect des vertèbres (surveillance d’une cunéiformisation). SUIVI CLINIQUE
Ce suivi ne peut se faire qu’en tenant compte des particularités spécifiques à la paralysie cérébrale qui sont : – des contractions irrépressibles de repos ; – des rotations vertébrales isolées liées à une contraction musculaire entraînant une gibbosité réductible ; – l’insuffisance posturale et antigravitaire ; – la lenteur des réactions posturales ; – les asymétries et les rétractions des muscles pelviens et scapulaires ; – les troubles neuro-visuels. Toutes ces particularités expliquent qu’il est parfois difficile de réaliser des radios avec certains jeunes car celles-ci sont faites en position couchée sur le dos sur une table. Cette position ne correspond pas dans la paralysie cérébrale à une position de décontraction et l’interprétation et la mesure des courbures peuvent être faussées.
Par exemple, on peut noter sur ce cliché une fermeture du flanc par contraction des muscles para-vertébraux et la direction des épineuses dans la convexité, ce qui ne nous permet pas de parler de scoliose. Quel renseignement nous donne alors cette radio ? (fig. 8). Pour contourner cette difficulté, le Dr Lespargot nous a enseigné une mesure clinique prise après décontraction. Cette mesure se fait sur le sujet en décubitus ventral en bout de table, jambes en appui. On repère et on effectue le tracé correspondant aux épineuses puis on mesure au goniomètre l’angle formé par les deux tangentes au maximum de la courbure (fig. 8 à 13). Pourquoi ne choisit-on pas cette position de décontraction pour effectuer les clichés où de plus les asymétries pelviennes sont majoritairement annulées par la flexion des hanches à 90 ° ? On y rajoute une mesure de bending en décubitus ventral en bout de table ; les membres inférieurs sont alors portés par l’examinateur et amenés en inflexions latérales. Cette technique a l’avantage de voir le rachis et de détecter précocement la région rachidienne où se situent les asymétries de souplesse, les cassures qui peuvent être révélatrices d’une scoliose future (fig. 14 à 19). Le suivi clinique se poursuit avec l’examen de la station assise : – spontanée (faire bien attention que cette position le soit réellement) ; – corrigée. Ces deux postures nous renseignent sur l’insuffisance posturale du rachis et la cor-
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FIG. 8 ET 9. — Comparaison de la radio du rachis face couché et de la mesure clinique en décubitus ventral en bout de table.
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10 11
FIG. 10 ET 11. — Mesure clinique en décubitus ventral en bout de table.
12 13
FIG. 12 ET 13. — Comparaison de la mesure clinique et radiologique.
rection volontaire avec mise en jeu du sens proprioceptif de la référence axiale (fig. 20 à 23); – la mesure des flèches cervicale et lombaire en position assise (fig. 24 et 25); – la mesure de la gibbosité dorsale et de la voussure lombaire, sujet enroulé vers l’avant en position assise et sujet en décubitus ventral en bout de table. Cette mesure peut se faire de façon plus précise avec un niveau à bulle (fig. 26);
– la comparaison des inflexions latérales dans des positions asymétriques issues des niveaux d’évolution motrice ; – la position assis plage, figures 27 et 28 : jeune fille ayant une scoliose de 20 ° qui présente une asymétrie nette. Chez cet enfant qui est au stade prépubertaire, il n’y a pas de scoliose mais l’asymétrie nous conduira à une vigilance accrue lors de l’apparition des premiers signes pubertaires (fig. 29 et 30).
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FIG. 14 FIG. 18
17. — Mesure clinique en bending droit et gauche en décubitus. ET 19. — Ventral. À
– la position de pseudo ramper : (fig. 31 et 32). Dans ces deux positions, il faut bien sûr tenir compte des asymétries pelviennes qui peuvent avoir des répercussions sur les inflexions rachidiennes lors de notre interprétation. Ces deux positions, très utilisées dans l’éducation motrice, permettront au thérapeute de visualiser régulièrement ce rachis et d’être informé cliniquement et précocement de son évolution. Le suivi clinique du rachis est indissociable de celui du bassin. En effet, nous avons noté une prévalence des bassins obliques chez les quadriplégiques non marchant avec un taux de luxations de hanche important. Nous assistons à des bassins obliques concordant ou discordant.
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Le bassin est une vertèbre socle qui peut subir des déformations dans les trois plans de l’espace : – sagittal : antéversion ; – frontal : inclinaison latérale ; – horizontal : rotation sous l’influence musculaire (pelvienne et rachidienne) et ligamentaire. Notre premier but est d’essayer de conserver au maximum une base pelvienne équilibrée en diagnostiquant les éléments responsables pour une prise en charge thérapeutique. Il conviendra donc de faire un examen clinique factoriel des muscles sous-pelviens et sus-pelviens dont l’asymétrie de contraction, de rétraction deviendra préjudiciable sur l’équilibre de cette base pelvienne et
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FIG. 20. — Attitude spontanée. FIG. 21. — Position corrigée volontaire.
22 23 FIG. 22. — Attitude spontanée avec appui préférentiel sur l’ischion gauche. FIG. 23. — Position corrigée volontaire.
24 25 26 FIG. 24. — Mesure de la flèche cervicale. FIG. 25. — Mesure de la flèche lombaire. FIG. 26. — Mesure de la gibbosité.
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FIG. 27
ET
28. — Comparaison de l’inflexion latérale du rachis en position.
FIG. 29
ET
30. — Assis plage droit et gauche.
27 28 29 30 31 32
FIG. 31 ET 32. — Comparaison de l’inflexion latérale du rachis en position de pseudo ramper droit et gauche.
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augmentera la déformation rachidienne jusqu’au port de la tête. CONCLUSION
Le suivi clinique et radiologique, la connaissance des règles d’évolutivité des scolioses et ses particularités dans la paralysie cérébrale permettront d’agir précocement en essayant de conserver au maximum un socle pelvien équilibré, en proposant les différentes stratégies thérapeutiques (éducation motrice, appareillage et chirurgie) à notre disposition. Il faut rester vigilant : il est préférable de finir sa croissance osseuse par exemple avec 20 ° de courbure que 35° car on sait que l’évolution à l’âge adulte se poursuit. Il ne faut donc pas hésiter à mettre en place précocement la thérapie nécessaire pour atteindre ce but dès l’apparition d’une petite courbure qui semble évolutive, en tenant compte évidemment des possibilités fonctionnelles du jeune que l’on doit au maximum conserver, ce qui peut parfois nous conduire à moduler le traitement théorique idéal. Remerciements Un grand merci aux collègues du service de rééducation dirigé par M. Lachenal et aux enfants qui m’ont permis de rédiger et illustrer cet article. BIBLIOGRAPHIE –
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