Les syndromes canalaires du poignet

Les syndromes canalaires du poignet

© Masson, Paris 2005 J. Traumatol. Sport 2005, 22, 179-185 Mise au point Les syndromes canalaires du poignet P. MOREEL (2), D. LE VIET (1) (1) Inst...

131KB Sizes 47 Downloads 198 Views

© Masson, Paris 2005

J. Traumatol. Sport 2005, 22, 179-185

Mise au point

Les syndromes canalaires du poignet P. MOREEL (2), D. LE VIET (1) (1) Institut de la main, Clinique Jouvenet 6 square Jouvenet 75016 Paris. (2) Service d’orthopédie traumatologie I CHU Gabriel Montpied, BP 69 63003 Clermont Ferrand.

RÉSUMÉ

SUMMARY

Les syndromes canalaires du poignet ne se résument pas au syndrome du canal carpien, compression du nerf médian dans le conduit ostéofibreux de la partie proximale de la région palmaire de la main, ni au syndrome de la loge de Guyon, compression du nerf ulnaire au niveau du poignet. Certains syndromes canalaires, plus rares, méritent d’être connus afin d’en permettre la recherche systématique. L’objectif de ce travail est de démembrer les principaux syndromes canalaires du membre supérieur, d’en déterminer la clinique, la paraclinique et d’exposer les alternatives thérapeutiques pour chacun d’eux. Après le canal carpien et la loge de Guyon, nous envisagerons successivement l’étude de la compression du nerf radial au niveau du poignet, du rameau cutané palmaire du nerf médian, de la compression isolée du rameau thénarien du nerf médian et enfin la compression du nerf interosseux postérieur.

Tunnel syndromes of the wrist

Mots-clès : canal carpien, loge de Guyon, compression nerveuse, syndrome canalaire.

Key words: carpal tunnel, Guyon compartment, nerve compression, syndrome.

Introduction

dans les formes modérées. La prise en charge chirurgicale est nécessaire dans les formes sévères et en cas d’échec du traitement médical. Le principe du traitement chirurgical est l’ouverture du ligament annulaire antérieur. Elle peut être faite à ciel ouvert ou par voie endoscopique.

Le syndrome du canal carpien est le plus répandu des syndromes canalaires au membre supérieur. Il est idiopathique dans la plupart des cas, mais peut aussi être du à des causes anatomiques, traumatiques, endocriniennes, rhumatismales ou tumorales. Bien que la symptomatologie soit souvent typique, aucun test clinique n’a de fiabilité absolue et l’exploration électromyographique est nécessaire la plupart du temps. Celle-ci permet de confirmer le diagnostic, d’évaluer la sévérité de l’atteinte et de dépister une autre lésion nerveuse associée. Le traitement médical peut être proposé Tirés à part : P. MOREEL, voir adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

Tunnel syndromes of the wrist are not limited to the carpal tunnel, compression of the median nerve in its osteofibrous gutter in the proximal region of the palm, nor Guyon compartment syndrome, compression of the ulnar nerve at the wrist level. Certain more exceptional tunnel syndromes merit recognition to enable more systematic search. The purpose of this work was to examine in detail the different tunnel syndromes of the upper limb to describe the clinical presentation and exploration results in order to determine the appropriate therapeutic alternatives for each. We discuss the carpal tunnel syndrome and Guyon compartment syndrome together with compression of the radial nerve at the wrist level, the volar cutaneous branch of the median nerve, and isolated compression of the thenar branch of the median nerve and finally compression of the posterior interosseous nerve.

Le syndrome du canal carpien Historique Le syndrome du canal carpien à été initialement décrit par Paget (1854) et Putnam (1880) mais la première description avec corrélation anatomoclinique revient à Pierre Marie et Charles Foix. Il faut attendre 1932 pour voir réaliser la première libération chirurgicale du canal carpien par

180

P. MOREEL, D. LE VIET

Learmonth. En 1950, 12 cas de traitement chirurgical du canal carpien sont rapportés dans la littérature. Chaque année, en France, sont effectuées 80 000 interventions chirurgicales du syndrome du canal carpien.

Anatomie Le canal carpien est un conduit ostéofibreux situé à la partie proximale de la région palmaire de la main. Ses parois latérale et dorsale sont constituées par la gouttière des os du carpe. Sa paroi palmaire est formée par le ligament annulaire antérieur du carpe dont les fibres sont tendues transversalement entre tubercule du scaphoïde et crête du trapèze pour leur insertion radiale, et pisiforme et apophyse unciforme de l’hamatum pour leur insertion ulnaire. Le nerf médian chemine dans la coulisse médiale en situation palmaire et radiale. Il est situé en avant du tendon fléchisseur superficiel du 2e doigt et en dehors du tendon fléchisseur superficiel du 3e doigt. Il se divise habituellement après sa sortie du canal carpien pour donner ses branches terminales : — le rameau thénarien, moteur, destiné aux muscles thénariens externes (court abducteur, opposant et faisceau superficiel du court fléchisseur du pouce) ; — le nerf collatéral radial du pouce ; — les nerfs digitaux communs des 1er, 2e et 3e espaces. Les nerfs digitaux des 1er et 2e espaces contiennent un contingent de fibres motrices destinées aux muscles 1er et 2e lombricaux.

Physiopathologie et étiologie Dans la grande majorité des cas le syndrome du canal carpien est idiopathique, survenant sans qu’aucune cause puisse être identifiée. En dehors de ces formes, plusieurs mécanismes physiopathologiques, parfois associés entre eux, peuvent être incriminés : — compression extrinsèque (par appui prolongé ou répété sur la paume de la main) ; — inadéquation entre le volume du contenant (conduit ostéofibreux) et celui du contenu (tendons, gaine synoviale, nerf médian) ; — présence d’un élément anormal à l’intérieur du canal carpien ; — fragilité particulière du nerf médian (neuropathie tomaculaire, diabète). On peut ainsi distinguer : — les étiologies microtraumatiques qui associent vraisemblablement un appui ou une compres-

J. Traumatol. Sport

sion extrinsèque à une synovite mécanique. Elles peuvent être d’origine professionnelle (le syndrome du canal carpien est inscrit au tableau n° 57c des maladies professionnelles) ; — les anomalies du contenant qui sont essentiellement représentées par les déformations posttraumatiques du squelette carpien ; — les anomalies musculo-tendineuses ; — les hémorragies intra-canalaires, d’origine traumatique ou liées à un trouble de l’hémostase ; — les causes endocriniennes (grossesse, hypothyroïdie, diabète) ; — les synovites spécifiques (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, goutte) ; — les maladies de surcharge (amylose primitive ou secondaire, patients hémodialysés).

Clinique Dans sa forme idiopathique, le canal carpien survient le plus souvent au cours de la 5e décennie avec une prédominance féminine (75 % des cas). L’atteinte est habituellement bilatérale et asymétrique. Les premiers signes sont la survenue d’une sensation d’engourdissement de la main et de paresthésies à type de fourmillements. Ces signes intéressent en totalité ou en partie le territoire sensitif du nerf médian, mais ils peuvent déborder vers les territoires des nerfs radial et ulnaire. Leur survenue est principalement nocturne, réveillant le patient, mais ils s’observent aussi pendant la journée, surtout lorsque la main est au repos ou dans une attitude figée (comme lors d’une conversation téléphonique). La sédation est obtenue en secouant la main ou en effectuant des mouvements de flexion et d’extension répétés des doigts. Par la suite, les paresthésies deviennent douloureuses pouvant irradier vers le coude ou l’épaule. Leur fréquence augmente, entraînant de véritables insomnies. Des troubles subjectifs permanents de la sensibilité apparaissent (sensation de peau épaissie, cartonnée) responsables d’une maladresse de la main. L’évolution se fait vers l’apparition d’une hypoesthésie puis d’une anesthésie dans le territoire du nerf médian et par l’apparition d’une parésie puis d’une paralysie de l’opposition du pouce. Dans certains cas, la topographie des signes sensitifs est atypique, prédominant dans le territoire du nerf cubital ou épargnant la main pour n’intéresser que le coude ou l’épaule. L’examen de la main cherche à mettre en évidence un trouble objectif de la sensibilité. Plusieurs tests peuvent être employés, comme l’étude

Vol. 22, n° 3, 2005

du seuil sensitif aux mono-filaments de SemmesWeinstein ou la mesure de la discrimination au test de Weber. La percussion palmaire en regard du trajet du nerf médian (dit « test de Tinel ») peut entraîner des paresthésies dans le territoire du nerf médian. Les tests de provocation visent à reproduire les symptômes ressentis par le patient. Ils sont à effectuer en fin d’examen afin de ne pas perturber l’étude de la sensibilité. Aucune des différentes manœuvres décrites n’a de sensibilité ni de spécificité absolue. Le test de Phalen [1] consiste à maintenir passivement le poignet en flexion. Il est positif s’il provoque l’apparition de paresthésies en moins d’une minute. Le test de Mc Murthry, repris récemment par Durkan [2] consiste à comprimer directement la face palmaire de la main en regard du canal carpien. Dans le test de Gilliat [3] on cherche à reproduire les symptômes à l’aide d’un garrot placé autour du bras, et maintenu gonflé à une pression supra-systolique pendant une minute. L’examen de la fonction motrice débute par la recherche d’une amyotrophie des muscles thénariens externes. La possibilité d’opposition termino-terminale active du pouce au 5e doigt est étudiée : leur ongle doit se placer dans le même plan au cours de ce mouvement si la fonction musculaire est normale. La force des muscles thénariens externes peut être appréciée par la manœuvre d’antépulsion contrariée de la colonne du pouce. L’examen clinique doit rechercher d’autres pathologies pouvant être associées au syndrome du canal carpien telles que doigts à ressaut, ténosynovites de la main ou du poignet ou compression du nerf ulnaire au coude.

Examen électromyographique Si la place de l’examen électromyographique (EMG) dans le diagnostic du canal carpien reste un sujet de controverse dans la littérature [4-6], la recommandation faite en France par l’ANAES de pratiquer un EMG avant tout traitement chirurgical rend sa prescription quasiment obligatoire dans notre pays. L’EMG doit comporter : d’une part, une étude des vitesses de conduction nerveuse (VCN) sensitive et motrice et, d’autre part, un examen de détection (ou électromyogramme proprement dit). Les objectifs de l’EMG sont : — de confirmer l’existence d’une compression du nerf médian au canal carpien ; — d’apprécier la sévérité de l’atteinte nerveuse ;

LES SYNDROMES CANALAIRES DU POIGNET

181

— d’éliminer une autre localisation de compression du nerf médian ; — d’éliminer une neuropathie éventuelle.

Traitement médical Le traitement médical du syndrome du canal carpien fait appel à 2 méthodes : l’infiltration de corticoïdes et l’immobilisation par orthèse. L’injection de corticoïdes est effectuée 1 cm au-dessus du pli de flexion distal du poignet, entre les tendons des muscles fléchisseur radial du carpe et du long palmaire. L’aiguille est dirigée vers le bas selon un angle de 45° et est enfoncée d’environ 1 cm. La traversée du ligament carpi volare est souvent perceptible. En cas de piqûre du nerf, le patient ressent brutalement une sensation de « décharge électrique » dans le territoire sensitif du nerf médian. L’aiguille doit alors être retirée de quelques millimètres. Après vérification de l’absence de reflux sanguin, l’injection lente de 1 à 2 ml est débutée. Elle doit être facile, sans résistance. L’injection est habituellement suivie d’une accentuation des symptômes liée à l’hyperpression intra-canalaire due au volume injecté. Cette aggravation transitoire disparaît en 24 heures. Lorsqu’elle est efficace, l’infiltration soulage le patient après un délai d’un à 7 jours. L’immobilisation du poignet dans une attelle est utilisée isolément ou associée à l’infiltration. Plusieurs études ont montré que cette immobilisation ne diminuait pas la pression intra-canalaire [7].

Traitement chirurgical La décompression du contenu du canal carpien par ouverture du ligament annulaire antérieur est le geste de base du traitement chirurgical. Il est réalisé à ciel ouvert ou par voie endoscopique. L’intervention est effectuée en chirurgie ambulatoire, sous anesthésie locorégionale et sous garrot pneumatique.

La technique à ciel ouvert L’incision, longue de 3 à 4 cm, est longitudinale, dans l’axe du 4e rayon. La dissection souscutanée doit s’attacher à préserver d’éventuels rameaux sensitifs superficiels. Dans certains cas, l’insertion des muscles thénariens peut s’étendre en direction ulnaire sur la face palmaire du ligament annulaire. Ces fibres sont désinsérées et réclinées sur le bord radial de l’incision. L’ouverture du ligament annulaire est faite au bistouri, dans l’axe du 4e rayon. Un

182

P. MOREEL, D. LE VIET

éventuel trajet transligamentaire du rameau moteur thénarien est recherché. L’arcade palmaire superficielle doit être repérée et protégée à la partie distale et ulnaire de l’incision. L’ouverture du ligament annulaire est poursuivie vers le haut par celle du ligament carpi volare sur environ 2 cm, en sous-cutanée et sous contrôle de la vue. L’examen du nerf médian permet de noter le niveau d’émergence du rameau thénarien et son trajet. Si celui-ci est transligamentaire, le rameau thénarien est libéré afin de supprimer une éventuelle compression et d’éviter une traction sur ce nerf à son orifice. La technique conventionnelle de libération du canal carpien comprend l’ouverture du canal carpien, la neurolyse du nerf médian et la synovectomie à la demande des tendons fléchisseurs afin de diminuer le contenu du canal carpien (synovite hypertrophique d’Arlet et Ficat). Elle donne d’excellents résultats à long terme mais a l’inconvénient d’entraîner une cicatrice palmaire gênante durant plusieurs mois avec perte de force.

Le canal carpien sous endoscopie C’est Chow qui, a rapporté les premiers cas de libération endoscopique du canal carpien par une double voie d’abord [8]. De nombreuses complications initiales ont été rapportées ce qui a freiné l’essor initial de cette technique. En 1990, Agee rapporte la technique de libération endoscopique par une voie à l’aide d’un matériel fabriqué par 3M® [9]. Là encore, une imperfection du matériel initial va considérablement ralentir la diffusion de ce procédé. Actuellement, la technique de libération endoscopique par une seule voie d’Agee est au point et la technique parfaitement codifiée. L’abord se fait par une courte voie d’abord transversale entre petit palmaire et cubital antérieur. Un lambeau capsulaire est découpé à pédicule inférieur et la face postérieure du ligament annulaire est ruginée, ce qui permet de passer en extra-bursal et d’éviter toute complication. Cette voie extra-bursale est suivie actuellement par toutes les équipes. L’endoscope est ensuite introduit et il comprend une lame incorporée rétractable, la section du ligament annulaire étant réalisée sous contrôle endoscopique permanent. Les avantages de cette technique sont de ne pas nécessiter d’extension du poignet, de donner une excellente vision, de permettre une section sélective du ligament annulaire qui est d’épaisseur variable et enfin d’éviter une cicatrice palmaire.

J. Traumatol. Sport

Il existe cependant des contre-indications : patients dialysés, polyarthrite rhumatoïde et tous les syndromes du canal carpien nécessitant une synovectomie étendue. De plus, les sujets jeunes, du fait de la fréquence des muscles anormaux ainsi que les syndromes du canal carpien récidivés nous semblent devoir être exclus. Actuellement, avec plus de 4 000 cas réalisés par cette technique, la qualité des suites opératoires nous incite à poursuivre dans cette voie.

Le syndrome de la loge de Guyon Introduction La compression du nerf ulnaire au poignet, moins connue et surtout moins reconnue que celle du nerf médian au canal carpien est cependant loin d’être rare. Dans sa forme mixte ou motrice pure, elle peut entraîner une amyotrophie sévère et conduire à une paralysie totale des muscles intrinsèques d’innervation ulnaire. Une bonne connaissance anatomique de la région permet un diagnostic clinique relativement aisé et précis quant au site de la compression. En 1861, Félix Guyon , urologue français, décrivait « une petite loge intra-aponévrotique contenant un peloton graisseux facile à déplacer par la pression… » et avait « la curiosité de chercher la raison anatomique de ce petit fait » [10].

Rappel anatomique : loge ou canal ? Les limites anatomiques de l’espace décrit par Guyon sont fibreuses et aponévrotiques, elles n’ont donc pas la rigidité des parois d’un canal ou d’un tunnel et il faut donc bien retenir le terme de loge [11, 12]. Guyon a décrit principalement la partie proximale de l’espace neuro-vasculaire dans lequel chemine le paquet vasculo-nerveux ulnaire. L’artère ulnaire est en dehors du nerf mais souvent palmaire à lui ce qui la rend palmaire à l’apophyse unciforme de l’os crochu et souvent radiale à cette dernière. Le nerf chemine en dedans de l’artère et se divise en 2 branches à la partie moyenne de la loge.

Clinique L’examen sensitif recherche des paresthésies et/ ou une hypoesthésie à la face palmaire des 2 derniers rayons à la paume, au niveau de la pulpe du 5e doigt et de l’hémi-pulpe ulnaire du 4e doigt, souvent nette.

Vol. 22, n° 3, 2005

L’absence de ces phénomènes à la partie ulnaire de la face dorsale de la main permet de localiser l’atteinte en aval de l’origine du rameau sensitif dorsal du nerf ulnaire. Celui-ci naît, en effet, 6 cm en amont du pli de flexion du poignet. Cet argument clinique simple est fiable lorsqu’il est net et permet à lui seul de différencier la compression proximale du nerf ulnaire au coude de celle, distale, à la loge de Guyon. L’examen moteur des muscles intrinsèques et des extrinsèques recherche l’existence des signes de paralysie motrice ulnaire : — le signe de Wartenberg qui réalise une abduction permanente du 5e doigt liée à la paralysie de l’abducteur du V ; — le signe de Jeanne que représente l’hyperextension de l’articulation métacarpophalangienne du pouce si la paralysie du muscle court fléchisseur du pouce est complète ; — le signe de Froment rendant compte de l’impossibilité de réaliser la pince pouce-index en termino-terminal, liée à la paralysie du 1er interosseux dorsal et de l’adducteur du pouce ; — l’impossibilité de réaliser la manœuvre de Bouvier (mise en position « intrinsèque plus » des 2 derniers doigts) liée à la paralysie des interosseux et des lombricaux cubitaux. L’association de l’un ou de plusieurs de ces signes, ajoutée à l’absence de paralysie des muscles extrinsèques d’innervation ulnaire (fléchisseurs profonds des 4e et 5e doigts) renforce la présomption diagnostique. Malheureusement de façon non exceptionnelle, le patient est vu à un stade tardif avec une amyotrophie marquée. Le diagnostic de paralysie ulnaire mixte ou motrice isolée est alors évident. Seules restent à déterminer sa cause et la localisation de la lésion initiale. Ce syndrome n’est pratiquement jamais idiopathique. Les causes en sont multiples : tout d’abord les kystes synoviaux qui sont la cause la plus fréquente, puis les anévrismes et thromboses de l’artère ulnaire et enfin les fractures ou pseudarthroses de l’apophyse unciforme de l’os crochu. Plus rarement, on retrouve un muscle surnuméraire ou une hypertrophie musculaire des muscles hypothénariens. Enfin, parfois, on retrouve un faisceau fibreux aberrant au niveau du ligament pisiunciformien.

LES SYNDROMES CANALAIRES DU POIGNET

183

tive et/ou motrice avec une fiabilité et une reproductibilité excellentes sous réserve que la compression ait été suffisamment importante pour entraîner une lésion anatomique à conséquence fonctionnelle. Une diminution de la vitesse de conduction sensitive du nerf ulnaire de 20 % (moyenne 50 m/s) et une augmentation de 20 % de la latence distale motrice au poignet (moyenne 3 m/s, limite supérieure 3,5 m/s) sont à retenir pour poser le diagnostic.

Traitement Le traitement conservateur Pour certains, il est toujours indiqué en première intention. Il doit alors associer : repos, immobilisation pendant 4 à 6 semaines en position de fonction et recours à la physiothérapie. Il serait quelquefois efficace. D’autres y adjoignent des injections de corticostéroïdes. L’échec ou la non amélioration de la symptomatologie doivent alors conduire au geste chirurgical.

Le traitement chirurgical Il doit être complet et consister en une exo-neurolyse complète du nerf et de ses branches (figure 1). L’ouverture systématique du canal carpien en dehors de signes d’appel lors de la neurolyse du nerf ulnaire à la loge de Guyon ne nous semble pas être justifiée, pas plus que l’ouverture systématique de la loge de Guyon lors de la cure du canal carpien comme cela a pu être proposé. Les gestes associés dépendent des étiologies et relèvent donc de chacune d’elles. Le principe de base est, bien sûr, de lever la cause de la compres-

Le diagnostic paraclinique : une confirmation L’électromyogramme est le maître examen. Il doit être bilatéral et comparatif, le sujet étant son propre témoin. Il confirme et objective le ralentissement des vitesses de conduction nerveuse sensi-

FIG. 1. — Vue peropératoire de la neurolyse complète du nerf ulnaire et de ses branches au canal de Guyon.

184

P. MOREEL, D. LE VIET

sion du nerf ulnaire qu’elle soit intrinsèque ou extrinsèque. L’endo-neurolyse n’est indiquée qu’en cas de lésion intra-neurale. La récupération sensitive et motrice est progressive sur plusieurs mois et doit être contrôlée par l’examen clinique moteur et sensitif et par un EMG en cas de retard à l’amélioration.

Les syndromes canalaires rares Les syndromes canalaires au membre supérieur sont extrêmement fréquents. Cependant certaines formes rares doivent être connues pour éviter tout échec lié à une décompression inadaptée ou à leur méconnaissance. Nous décrirons successivement :

La compression du nerf radial au niveau du poignet Le nerf radial peut être comprimé au niveau du poignet. Sa forme la plus fréquente est la névrite de Wartenberg (figure 2) [13]. Décrite par Wartenberg en 1932 sous le nom de chéralgie paresthésique, il s’agit de la compression de la branche sensitive du nerf radial lors de son émergence entre muscles premier radial et long supinateur. Entre ces deux muscles, il existe une aponévrose antibrachiale et en profondeur la branche nerveuse repose directement sur le radius. Son point d’émergence se situe au 1/3 inférieur et aux 2/3 supérieurs de l’avant-bras. Ces deux muscles forment un angle aigu qui se ferme sur le nerf et peut le comprimer dans certaines positions réalisant une véritable pince.

J. Traumatol. Sport

La symptomatologie comprend des dysesthésies dans le territoire du nerf radial avec troubles sensitifs, notamment dans la zone élective de la 1re commissure. La palpation de la région est douloureuse et l’on retrouve fréquemment un « signe de Tinel. » Le test de Finkelstein mettant le pouce en hyperflexion et le poignet en inclinaison cubitale décrit pour le syndrome de De Quervain peut également majorer les troubles. Ceci est une cause de méconnaissance du diagnostic et nous soulignons d’emblée que l’on doit systématiquement rechercher une névrite de Wartenberg lors du traitement de la ténosynovite de De Quervain, sous peine d’un préjudice ultérieur médico-légal, car cette lésion peut être aggravée après traitement de la ténosynovite. Des manœuvres décrites par Dellon et Mackinnon, à savoir une augmentation des douleurs en hyperpronation du poignet et de l’avant-bras, de même qu’en inclinaison cubitale peuvent majorer la symptomatologie. L’étiologie de ces névrites de Wartenberg est souvent liée à des mouvements répétitifs en flexion-extension du poignet ou en pronosupination comme, par exemple, l’utilisation d’un tournevis ce qui peut l’impliquer dans les maladies professionnelles. Il existe également une majoration par compression au niveau du poignet et c’est Matzendorf qui a décrit en 1926 le syndrome du bracelet-montre. De même, le port de menottes chez le prisonnier peut déclencher ce symptôme. Enfin, signalons que cette symptomatologie peut être accrue par une mononévrite d’origine diabétique ou encore être associée à une ténosynovite de De Quervain. Le traitement chirurgical n’est entrepris qu’après échec d’un traitement médical comprenant des anti-inflammatoires locaux et généraux et une orthèse de repos.

La compression du rameau palmaire cutané du nerf médian Rarement isolée celle-ci est possible au niveau de sa sortie de l’aponévrose antibrachiale [14]. Elle se manifeste par des paresthésies sur la partie externe de l’éminence thénar et peut nécessiter une décompression chirurgicale.

La compression isolée du rameau thénarien

FIG. 2. — Vue peropératoire de la branche sensitive du nerf radial lors de son émergence entre premier radial et long supinateur.

Décrite par Benett et Crouch [15], elle est liée à une anomalie du rameau thénarien dans sa forme récurrente. Celui-ci peut être comprimé lors de son entrée dans le canal carpien et l’éminence thénar. Le traitement est chirurgical, nécessitant l’ouverture du canal carpien et le dégagement de

Vol. 22, n° 3, 2005

FIG. 3. — Vue peropératoire du nerf interosseux postérieur et de son abord avant dénervation.

la branche thénarienne lors de son entrée dans l’éminence thénar.

La compression du nerf interosseux postérieur Il a connu un regain d’actualité depuis la publication récente réactualisant les dénervations antalgiques du poignet, en particulier la dénervation du nerf interosseux postérieur (figure 3). Un auteur américain Dellon [16, 17] a insisté sur l’existence de douleurs ou des kystes, de tuméfactions postérieures du poignet, en particulier les kystes synoviaux. Cet auteur a incriminé ces douleurs et les a rapportées à des compressions des branches terminales du nerf interosseux postérieur.

Conclusion Tout comme le syndrome du canal carpien et le syndrome de la loge de Guyon, les syndromes canalaires rares méritent d’être connus afin d’en faire la recherche systématique. La bonne connaissance de l’anatomie et de la physiopathologie doit permettre de porter un diagnostic avec précision et de recourir à un traitement adapté. RÉFÉRENCES [1] PHALEN GS. Spontaneous compression of the median nerve at the wrist. JAMA 1951 ; 145 ; 1128.

LES SYNDROMES CANALAIRES DU POIGNET

185

[2] DURKAN JA. A new diagnostic test for the carpal tunnel syndrome. J Bone Joint Surg 1991 ; 73-A ; 535538. [3] DE LA CAFFINIERE JY, THEIS JC. Syndrome du canal carpien, valeur diagnostique et pronostique du test au garrot pneumatique. Rev Chir Orthop 1984 ; 70 : 75-78. [4] GRUNDBERG AB. Carpal tunnel decompression in spite of normal electromyography. J Hand Surg 1983 ; 8 ; 348-349. [5] LOUIS DS, HANKIN FM. Symptomatic relief following carpal tunnel decompression with normal electroneuromyographic studies. Orthopedies 1987 ; 10 ; 434436. [6] STEVENS JC. AAEE minimonograph 26 ; The electrodiagnosis of the carpal tunnel syndrome. Muscle Nerve 1987 ; 10 ; 99-113. [7] WILSON JK, SEVIER TL. A review of treatment for carpal tunnel syndrome. Disabil Rehabil 2003 ; 25 ; 113-9. [8] CHOW JC. Endoscopic carpal tunnel release. Twoportal technique. Hand Clin 1994 ; 10 ; 637-46. [9] AGEE JM, MCCARROLL HR, NORTH ER. Endoscopic carpal tunnel release using the single proximal incision technique. Hand Clin 1994 ; 10 ; 647-59. [10] GUYON F. Note sur une disposition anatomique propre à la face antérieure de la région du poignet et non encore décrite. Bull Soc Anat Paris 1861 ; 6 : 184-186. [11] COBB TK, CARMICHAEL SW, COONEY WP. Guyon’s canal revisited ; an anatomic study of the carpal ulnar neurovascular space. J Hand Surg [Am] 1996 ; 21 ; 861-869. [12] GROSS MS, GELBERMAN RH. The anatomy of the distal ulnar tunnel. Clin Orthop 1985 ; 196 ; 238-247. [13] EHRLICH W, DELLON AL, MACKINNON SE. Classical article ; Cheiralgia paresthetica (entrapment of the radial nerve). A translation in condensed form of Robert Wartenberg’s original article published in 1932. J Hand Surg [Am] 1986 ; 11 ; 196-9. [14] GUO JB, FAN XY, LIANG ZJ. Compression of the palmar cutaneous branch of the median nerve at the wrist. Zhongguo Xiu Fu Chong Jian Wai Ke Za Zhi 1999 ; 13 ; 223-4. [15] BENNETT JB, CROUCH CC. Compression syndrome of the recurrent motor branch of the median nerve. J Hand Surg [Am] 1982 ; 7 ; 407-9. [16] DELLON AL. Partial dorsal wrist denervation ; resection of the distal posterior interosseous nerve. J Hand Surg [Am] 1985 ; 10 : 527-33. [17] DELLON AL, SEIF SS. Anatomic dissections relating the posterior interosseous nerve to the carpus, and the etiology of dorsal wrist ganglion pain. J Hand Surg [Am] 1978 ; 3 ; 326-32.