Annales Médico Psychologiques 165 (2007) 458–462 http://france.elsevier.com/direct/AMEPSY/
Nouvelles de l’information pharmaceutique
Les traitements d’action prolongée dans la schizophrénie. Le point de vue des patients ☆ M.-C. Dubeau*, F. Petitjean Service de psychiatrie adulte, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex, France Disponible sur internet le 03 juillet 2007
1. Introduction La schizophrénie est une pathologie qui touche 1 % de la population à travers le monde et constitue l’un des enjeux majeurs de santé publique en France [20]. Elle demeure une affection chronique au polymorphisme symptomatique, dont le processus pathologique engage encore l’ensemble de la trajectoire existentielle du sujet. Cette pathologie débute en général à l’adolescence, plus précocement chez l’homme que chez la femme. Elle est caractérisée par un ensemble de symptômes se situant principalement dans trois dimensions : ● les symptômes positifs sont constitués par les hallucinations et les idées délirantes ; ● les symptômes négatifs recouvrent le retrait social, la pauvreté relationnelle et l’apragmatisme ; ● et enfin, la désorganisation psychique et comportementale qui se caractérise par des troubles du cours de la pensée, des propos parfois hermétiques et un comportement incohérent. Il a été démontré que les patients qui souffrent de schizophrénie présentent des déficits cognitifs qui sous-tendent ces symptômes. Ceux-ci sont également retrouvés avant l’apparition des symptômes schizophréniques. 2. Traitements actuels de la schizophrénie Actuellement, le traitement de la schizophrénie repose sur une approche biopsychosociale qui comporte l’utilisation de traitements médicamenteux nommés neuroleptiques conventionnels (NLPc) ou antipsychotiques (AP) associés à une prise en charge psychosociale. Les traitements agissent sur la vulnérabilité biologique de la personne. Après l’avènement des neuroleptiques conventionnels (NLPc), s’ouvre une nouvelle ☆
Commentaire d’un poster présenté au congrès de l’American Psychiatric Association (APA), Toronto, 2006. * Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M.-C. Dubeau).
ère chimiothérapique, représentée par les antipsychotiques atypiques (AP), mieux tolérés et plus efficaces sur l’ensemble de la symptomatologie. Les NLPc agissent sur les symptômes positifs de la maladie et les AP offrent une efficacité plus globale sur l’ensemble des symptômes de la maladie, y compris les symptômes négatifs, notamment en raison d’une tolérance neurologique améliorée [4]. La synergie d’action des traitements antipsychotiques associée à l’ensemble des autres mesures thérapeutiques (psychoéducation, réhabilitation psychosociale, psychothérapies, prise en charge familiale…) est renforcée tout en favorisant la prise en compte de la qualité de vie, de l’alliance thérapeutique avec les familles de patients [5,6]. Dans la pathologie schizophrénique, il est fréquent de constater, chez les patients n’ayant pas toujours conscience de leurs troubles, un arrêt intempestif de leur traitement médicamenteux. Une mauvaise adhésion au traitement, si elle est fréquente, entraîne un taux de rechute et d’hospitalisation accru [18]. L’adhésion au traitement est dépendante d’une multitude de facteurs comprenant l’alliance thérapeutique, la facilité d’accès aux soins, la conviction du médecin prescripteur quant à l’efficacité du traitement. De plus, il a été démontré que les interventions psychosociales favorisaient l’observance thérapeutique [1]. L’adhésion au traitement peut être favorisée par différents types d’interventions. D’une part, l’introduction sur le marché des antipsychotiques (AP) a permis une moindre sédation, une action positive sur certains troubles cognitifs, une action sur les symptômes négatifs et la diminution des effets secondaires en comparaison aux neuroleptiques conventionnels (NLPc), notamment en ce qui concerne les effets indésirables parkinsoniens. D’autre part, les possibilités thérapeutiques permettent de faire bénéficier d’un traitement à action prolongée : certains neuroleptiques conventionnels (NLPc) présentent une forme injectable à action prolongée. Récemment, l’introduction d’un antipsychotique atypique à action prolongée (APAP) ouvre de nouvelles perspectives dans la prise en charge des schizophrénies.
0003-4487/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.amp.2007.05.016
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Ce travail commente les résultats d’une récente étude menée aux Pays-Bas et présentée sous forme de poster au congrès de l’American Psychiatric Association en 2006 [1]. Des entretiens semi-structurés qui ont été conduits auprès de patients et de psychiatres et de courts questionnaires pour les infirmiers ont montré des appréciations variables concernant les traitements injectables. Quatre-vingt-douze patients suivis en ambulatoire ont été interviewés sur le type de traitement qu’ils préfèrent et 14 psychiatres ont été interviewés en parallèle. Cette étude visait à évaluer l’opinion des patients vis-à-vis des différentes formes d’administration des traitements. À notre connaissance, les données de la littérature portant sur l’appréciation à la fois des patients et des thérapeutes des traitements injectables sont rares. Or, une étude [19] menée en Grande-Bretagne a montré une attitude plutôt négative des psychiatres en regard des traitements injectables. Initialement, les neuroleptiques conventionnels à action prolongée (NAP) ont été développés afin de promouvoir l’adhérence au traitement, mais leur utilisation est assez variable et cela est probablement dû à des attitudes négatives envers ce type de traitement, que ce soit de la part des psychiatres ou des patients. Cette étude a mis en évidence qu’une minorité substantielle de psychiatres pense que les NAP représentent un traitement dépassé (38 %), stigmatisant (48 %), et associé à davantage d’effets secondaires que les traitements oraux. Beaucoup pensent que les NAP sont aussi efficaces que le traitement oral (91 %) mais sont moins acceptés par les patients (69 %) et leurs proches (66 %). Une large majorité considère que les NAP augmentent la compliance thérapeutique (81 %) et préviennent les rechutes (94 %). Les psychiatres seraient plus enclins à prescrire des NAP s’ils étaient associés à moins d’effets secondaires, chez des patients pour lesquels la compliance est médiocre, et en particulier si des antipsychotiques atypiques à action prolongée (APAP) étaient disponibles puisque l’on peut présumer de l’incidence moins importante d’effets secondaires. Dans l’étude présentée à l’APA [10], le questionnaire proposé aux patients et aux psychiatres incluait à la fois des réponses multiples et des réponses courtes concernant : ● le niveau de base d’information ; ● le risque estimé de non-adhérence pour le patient ; ● l’interaction entre les patients et le personnel médical en termes de traitement incluant sa maintenance ; ● l’évaluation des différentes méthodes d’administration des traitements ; ● les opinions personnelles des patients et des psychiatres concernant le choix d’une méthode d’administration mais aussi la description du processus de décision vis-à-vis du choix de la forme galénique du traitement. La majorité des 92 patients interviewés bénéficiaient d’un suivi ambulatoire et 57,6 % d’entre eux recevaient un traitement depuis plus de dix ans. De façon générale, les patients recevant un traitement, que ce soit par voie orale ou par injection, ont montré un degré significatif de prise de conscience de
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la maladie et avaient une attitude positive envers le maintien du traitement. L’ensemble des psychiatres interrogés a montré une préférence unanime pour le traitement oral et attendait que les patients partagent leur opinion (Annexe A, Figure 1). Les patients ont montré une préférence approximativement équivalente (30 %) entre trois formes d’administration principales : les comprimés, les comprimés orodispersibles et les injections. De plus, les patients ont donné plus d’avantages que d’inconvénients à la forme injectable, mais aussi plus d’avantages pour les injections que pour les comprimés (Annexe A, Figure 2). Les différents groupes de patients pris séparément ont donné spontanément plus d’avantages que d’inconvénients pour les injections. De plus, les patients bénéficiant de ce type d’administration par injection (qu’il s’agisse d’un NAP ou d’un APAP) ont décrit plus d’avantages que les patients recevant un traitement oral (qu’il soit conventionnel ou atypique). Les patients recevant des injections voient plus d’avantages pour ce mode d’administration que pour les comprimés et décrivent plus d’inconvénients pour les comprimés que pour les injections [14]. Si quelques études contrôlées comparant l’administration du traitement par voie orale ou par voie intramusculaire à action prolongée ne tranchent pas, la méta-analyse de Davis et al. [4] montre un taux de rechutes significativement moindre sous traitement à action prolongée que sous forme per os. Un avantage supplémentaire du traitement à action prolongée est l’administration d’une posologie mensuelle ou bimensuelle bien inférieure à celle des posologies quotidiennes cumulées pour un même produit administré per os, avec des taux plasmatiques plus stables. Les autres avantages sont : l’existence d’une bonne corrélation entre les doses administrées et les taux plasmatiques, une résorption totale du produit, sans inactivation possible par métabolisme lors du premier passage hépatique, et la réduction du risque d’abus ou de surdosage [24]. Il offre la possibilité d’orienter le suivi thérapeutique vers d’autres objectifs que la seule négociation du traitement. Les inconvénients sont représentés par la difficulté d’ajustement personnalisé des posologies en fonction de l’évolution clinique, la lenteur de la vitesse d’élimination et donc l’impossibilité d’arrêter rapidement les effets du traitement en cas de besoin. Globalement, les traitements neuroleptiques conventionnels à action prolongée (NAP) ne semblent pas présenter plus d’effets secondaires que les traitements délivrés per os [8]. La posologie administrée par mois doit aussi être prise en compte : les résultats de deux études montrent l’intérêt de posologies moyennes, en prenant garde que la tolérance soit suffisamment bonne pour ne pas compromettre les mesures psychosociales de réhabilitation. Même si le risque de rechute est moindre sous NAP, il reste important (30 % selon l’étude de Johnson [12]) mais la récidive serait moins sévère et moins aiguë chez les patients régulièrement traités, comparativement à ceux qui ont interrompu leur chimiothérapie NLP [11]. La survenue d’effets extrapyramidaux, particulièrement l’akathisie et l’akinésie, est corrélée de façon étroite à la non-adhésion au
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traitement [23] et pourrait expliquer la plupart des oppositions aux traitements neuroleptiques conventionnels (NLPc). Ce n’est pas tant la gravité des symptômes que leur durée qui est déterminante : un syndrome extrapyramidal aigu et intense retentit moins sur l’observance qu’une symptomatologie d’intensité moyenne, voire fruste (sensation de malaise diffus dans l’akathisie, ralentissement et morosité dans l’akinésie), mais d’évolution chronique. Le manque d’adhésion au traitement concerne un tiers des patients schizophrènes lors d’une hospitalisation initiale, la moitié des schizophrènes un an après la première hospitalisation [24]. Certains auteurs considèrent que la mauvaise observance du traitement est responsable de 40 % des rechutes survenant dans l’année qui suit une hospitalisation et l’instauration d’un traitement [24]. Une revue de 24 études montre que les patients schizophrènes traités par antipsychotiques prennent en moyenne 58 % des doses prescrites [16]. Une étude [7] a été menée avec l’objectif d’évaluer l’impact de la maladie schizophrénique sur les différents aspects de la vie quotidienne de 615 patients traités par un antipsychotique injectable à action prolongée (APAP) pendant un an. L’évaluation des symptômes psychotiques a été effectuée à partir de l’échelle PANSS. Les paramètres de la qualité de vie ont été évalués grâce à l’échelle SF-36. Globalement, une amélioration significative de la santé mentale et de la psychopathologie a été observée assez rapidement au cours du traitement et s’est maintenue pendant toute la durée de l’étude.
Ces observations rejoignent les résultats d’une étude en double insu et contrôlée incluant des patients davantage symptomatiques et sur une plus courte période [17]. Au total, il existe des données substantielles qui indiquent qu’en comparaison des neuroleptiques conventionnels (NLPc), les antipsychotiques atypiques (AP) sont plus efficaces pour améliorer la qualité de vie des patients souffrant de schizophrénie [2,9,13]. Cela pourrait être un reflet de l’efficacité, de la tolérance et de la prévention des rechutes de ces nouvelles molécules atypiques comparées aux neuroleptiques conventionnels (NLPc) [3,15,21,22]. 3. Conclusion Au regard de l’ensemble de cette littérature et de l’étude présentée, le traitement par un antipsychotique atypique à action prolongée (APAP) apparaît plus favorable pour les patients atteints de schizophrénie. Il est nécessaire à l’avenir de prendre en compte l’opinion des patients, qui parfois diffère de celle des psychiatres, à propos du mode d’administration de leur traitement. Dans ce poster, plus d’un tiers des patients sont favorables à un traitement injectable qui les éloigne de l’image de la perte d’autonomie engendrée par la maladie. L’instauration de la forme injectable doit se mettre en place dans le cadre d’une alliance thérapeutique avec le patient.
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