Les traitements non médicamenteux du futur en rythmologie
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AVANT-PROPOS
A. Leenhardt Unité de rythmologie, Département de cardiologie médico-chirurgicale, Centre hospitalier universitaire, Hôpital Bichat – Claude-Bernard, Paris
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L
a rythmologie évolue très vite, avec le développement important des techniques interventionnelles et des prothèses implantables depuis 20 ans. Les possibilités diagnostiques et thérapeutiques ont été considérablement améliorées ces dernières années grâce en particulier aux techniques d’imagerie, de cartographie et à l’amélioration des matériels. Les idées de certains pionniers associées aux perspectives de développement pour les industriels ont permis cet essor considérable. C’est à un tour d’horizon de ces nouveautés et à une mise au point sur leur utilisation et leurs limites que vous invite ce numéro spécial dédié aux traitements non médicamenteux du futur en rythmologie. Jean-Claude Daubert, qui a eu un rôle fondamental dans la mise au point et le développement de la resynchronisation cardiaque, fait le point sur le futur des prothèses électriques implantables cardiaques, dans le domaine thérapeutique. Les sondes intracardiaques sont le maillon faible des systèmes implantables, surtout pour les sondes de défibrillation mais aussi pour les sondes de stimulation. C’est dire l’intérêt que suscite le stimulateur sans sonde, limité pour le moment à la stimulation monochambre ventriculaire droite, d’où des indications limitées, mais certainement très utiles dans des situations difficiles et non exceptionnelles avec des problèmes infectieux ou d’abord veineux. Le défibrillateur sous-cutané est certainement un progrès qui n’en est qu’à ses débuts, avec un recul qui est encore modeste. La recherche en resynchronisation cardiaque s’oriente vers la mise au point de configurations plus performantes avec un rapport risque-efficacité favorable. A ce titre, des développements dans la stimulation endocardique du ventricule
AMC pratique n°226 mars 2014
gauche sont attendus. Enfin, un champ nouveau et peut-être prometteur est en train de s’ouvrir avec la neuromodulation cardiaque et en particulier la stimulation vagale. Toutes ces techniques auront besoin d’être validées par des études prospectives randomisées comportant des objectifs durs c’est-à-dire significatifs pour les patients et les médecins, comme la réduction de mortalité. En effet, on voit trop souvent des études positives ayant pour objectifs des critères composites, dont certains peu fiables comme le nombre d’hospitalisations, dont les résultats positifs sont précisément tirés par des critères discutables. Il en résulte des recommandations thérapeutiques particulièrement larges, où le bénéfice tiré par le patient n’apparaît pas toujours évident. Le futur de la rythmologie interventionnelle est traité par Mélèze Hocini et l’équipe bordelaise dont on connaît le rôle de pionnier depuis des années. L’aspect diagnostique est particulièrement développé car c’est dans ce domaine que se concentrent les avancées les plus récentes avec les outils de caractérisation du substrat et du mécanisme des arythmies cardiaques avec en particulier la méthode de cartographie électrique non invasive qui, couplée à l’analyse morphologique cardiaque, permet de réaliser une ablation ciblée des zones critiques nécessaires au maintien de l’arythmie, de réduire le temps de procédure, le nombre et la durée de la radiofréquence, l’usage de la fluoroscopie et d’améliorer le succès des procédures. Les premiers résultats suggèrent une prise en charge thérapeutique de la FA persistante à un stade précoce (avant 6 mois) car le nombre de drivers (maintenant l’arythmie) augmente avec le temps. L’ablation ciblée se fait aussi au niveau ventriculaire sur des activités électriques anormales locales 7 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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ventriculaires (LAVA), partie prenante du substrat arythmogène ventriculaire, dont l’élimination est associée à un moindre risque de récurrence d’arythmies ventriculaires. La recherche des zones de fibrose prend une importance considérable. L’IRM apporte ainsi des informations fondamentales. La fibrose jouerait un rôle déterminant sur la trajectoire des rotors et ainsi sur le maintien de l’arythmie atriale et il a été montré que l’importance du remodelage structurel est un facteur de récidive de FA après ablation. Dans les ventricules, identifier et quantifier à l’IRM des zones péri-infarctus à risque (grey zone) pouvant contenir du myocarde viable, pourrait fournir un élément pronostique supplémentaire (à la fraction d’éjection ventriculaire gauche) et pourrait être un des éléments de décision d’implantation d’un défibrillateur. Une autre application de l’IRM est aussi d’obtenir des renseignements sur la localisation
d’autres éléments anatomiques, optimisant ainsi la stratégie d’ablation (position du nerf phrénique, trajet du réseau veineux cardiaque et coronaire). Dans ce domaine aussi, des investigations complémentaires seront nécessaires afin de démontrer le bénéfice sur le temps de procédure, la diminution des complications et sur le taux de succès de l’ablation. Le futur de la prise en charge diagnostique des arythmies atriales ou ventriculaires se fera probablement de plus en plus de manière non invasive, en combinant des techniques de cartographie du signal électrique et des techniques d’imagerie. Le traitement pourrait être guidé en temps réel par des données morphologiques IRM avec surveillance des modifications tissulaires locales atriales ou ventriculaires. Telle est la conclusion de cette mise au point sur le futur de la rythmologie interventionnelle dont on espère qu’elle constituera rapidement le quotidien des rythmologues !
AMC pratique n°226 mars 2014