Les troubles de la déglutition postintubation et trachéotomie

Les troubles de la déglutition postintubation et trachéotomie

Réanimation 13 (2004) 417–430 www.elsevier.com/locate/reaurg Mise au point Les troubles de la déglutition postintubation et trachéotomie Swallowing ...

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Réanimation 13 (2004) 417–430 www.elsevier.com/locate/reaurg

Mise au point

Les troubles de la déglutition postintubation et trachéotomie Swallowing disorders following endotracheal intubation and tracheostomy D. Robert Fédération ORL, CHU de Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 05, France Reçu et accepté le 26 juin 2004

Résumé La mise en place des dispositifs destinés à protéger les voies respiratoires (sonde d’intubation, canule de trachéotomie, sonde nasogastrique) lors de la ventilation modifie le déroulement de la déglutition. Les modifications les plus souvent rapportées sont le retard au déclenchement du réflexe de déglutition, le défaut d’élévation laryngée, une perte d’efficacité de la toux. La « désafférentation » du larynx et l’absence de pression sous-glottique en seraient responsables. Ces perturbations peuvent entraîner un retard à la reprise alimentaire per os, voire favoriser une pneumopathie d’inhalation. La restauration d’un flux aérien trans-glottique est souhaitable dès que le patient n’est plus ventilé. Cependant les difficultés de reprise alimentaire après intubation ne sont pas toutes imputables à la canule. Le rôle de l’âge, de la pathologie sous-jacente (insuffisance respiratoire, maladie neurologique..), de la présence d’une neuropathie ou d’une myopathie de réanimation sont à prendre en compte. L’examen en nasofibroscopie de la déglutition permet un diagnostic précis des troubles de la déglutition pour adapter au mieux les modalités de l’alimentation du patient afin d’éviter les pneumopathies d’inhalation. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract The presence of endotracheal or tracheostomy tube disrupts the normal physiology of swallowing. The most frequently related abnormal mechanical factors are delayed triggering of the swallowing response, reduced laryngeal elevation, reduced cough due to “desensitization” of larynx and reduced subglottic pressure. These abnormalities lead to delay in oral feeding and even aspiration pneumonia. The transglottic airflow has to be restored as soon as the patient does not need ventilation. But the difficulties of introduction of oral feeding can also be due to age, concomitant disease (e.g. COPD, neurologic diseases) or critical illness polyneuropathy. Fiberoptic endoscopic evaluation of swallowing allows an accurate diagnosis of swallowing disorders to provide safe swallow and avoid aspiration pneumonia. © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Déglutition ; Pneumonie de déglutition ; Sonde d’intubation ; Canule de trachéotomie ; Sonde nasogastrique ; Nasofibroscopie Keywords: Deglutition disorders; Pneumonia; Aspiration; Intratracheal intubation; Tracheostomy; Tube feeding; Transnasal fiberoptic laryngoscopy

1. Introduction Les troubles de la déglutition en réanimation peuvent être :

Adresse e-mail : [email protected] (D. Robert).

1.1. La cause de l’admission du patient en réanimation ou être inclus dans une pathologie qui est le motif d’admission En neurologie, les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral peuvent présenter des troubles de la déglutition d’origine centrale ou périphérique. Les patients qui décompensent une maladie neuromusculaire sur le plan ventilatoire

1624-0693/$ - see front matter © 2004 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2004.06.002

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ont souvent une atteinte des muscles impliqués dans la déglutition (myasthénie, myopathie, myosites, sclérose latérale amyotrophique, syndrome de Guillain-Barré ...). Les patients opérés de tumeurs cérébrales peuvent, suivant la localisation, avoir des troubles de la déglutition, de même les traumatisés crâniens. De façon générale les patients porteurs d’une atteinte neurologique devraient être donc exclus des études portant sur les troubles de la déglutition induits par la réanimation. De même les patients opérés en chirurgie thoracique (chirurgie de l’œsophage, pulmonaire, ou cardiaque) peuvent avoir des difficultés de reprise alimentaire dues à l’atteinte du nerf vague ou d’un nerf récurrent, et a fortiori les patients traités pour une lésion du carrefour aérodigestif (par chirurgie, radiothérapie, ou radiochimiothérapie). 1.2. Liés à la réanimation elle-même La canule de trachéotomie est mise pour ventiler le patient et pour le protéger des fausses routes ; la sonde nasogastrique est mise pour éviter le reflux gastrique chez le patient sédaté et ventilé ou pour pallier l’impossibilité d’alimentation per os du patient. Cependant de nombreuses études décrivent l’effet iatrogène de la sonde nasogastrique au niveau du carrefour aérodigestif ; elle tend à induire des troubles de la déglutition. Avant de faire une revue de la littérature sur ce point un rappel de la physiologie de la déglutition est nécessaire.

2. Rappel de la physiologie de la déglutition La déglutition possède un rôle fondamental dans la nutrition de l’individu. Cependant son rôle premier est de protéger les voies respiratoires aussi bien pendant l’acte de nutrition qu’en dehors de celui-ci. Les mécanismes réflexes de la déglutition permettent d’éliminer les secrétions rhinopharyngées, trachéales, la salive, et le contenu d’un éventuel reflux œsopharyngé. 2.1. Les trois temps de la déglutition On décrit trois temps de la déglutition : le temps buccal, divisé en temps préparatoire buccal et en temps buccal proprement dit, le temps pharyngé, et le temps œsophagien. • Le temps préparatoire buccal consiste en la préhension, la mastication et l’insalivation des aliments. Sa réalisation demande une intégrité et une fonctionnalité des lèvres, de la langue, des muscles masticateurs. Les muscles du voile (palatoglosses) en se contractant sur la base de langue obturent l’isthme oropharyngé, ce qui évite un passage prématuré des aliments dans le pharynx et le maintien d’une activité ventilatoire du rhinopharynx vers la trachée pendant la mastication. Il se termine lorsque les aliments ont été rassemblés sous la forme d’un bolus sur le dos de la langue déprimé en gouttière. Il peut être court-circuité en présentant au patient une alimentation mixée. Le temps

buccal proprement dit consiste en la propulsion du bol alimentaire d’avant en arrière à travers la cavité buccale. C’est un temps très bref, compris entre le moment où la pointe de la langue (contraction du muscle génioglosse) prend appui au-dessus des incisives supérieures, et le franchissement par le bol alimentaire de l’isthme oropharyngé. Les muscles du plancher buccal se contractent et la langue présente un mouvement péristaltique d’avant en arrière écrasant le bol alimentaire contre la voûte palatine. • Le temps pharyngé correspond au temps mis par le bol alimentaire pour aller de l’isthme oropharyngé au sphincter supérieur de l’œsophage. Il s’agit de la phase la plus critique de la déglutition puisque le bol alimentaire va traverser le carrefour aérodigestif. C’est une phase réflexe dont le déclenchement est provoqué par la stimulation de la zone de Wassilief (piliers postérieurs du voile, parois latérales et postérieure du pharynx, base de langue). Le temps pharyngé est contemporain d’une apnée durant environ 0,75 seconde mais dont la durée est plus longue s’il s’agit d’aliments solides. On distingue quatre mécanismes dans ce temps pharyngé : la fermeture vélopharyngée, l’occlusion laryngée, la propulsion pharyngée, et l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage (SSO). L’occlusion de l’isthme vélopharyngé a pour but d’isoler l’oropharynx du rhinopharynx et ainsi d’éviter le reflux nasal des aliments. Elle est réalisée grâce à la contraction synergique des muscles des piliers postérieurs du voile (pharyngostaphylins) et des muscles constricteurs supérieurs du pharynx qui rapprochent les parois latérales du pharynx vers la ligne médiane et par le mouvement d’élévation du voile (muscles péristaphylins internes). L’occlusion laryngée est réalisée de bas en haut par la fermeture du plan cordal, puis des bandes ventriculaires, complétée par la bascule en avant des aryténoïdes contre l’épiglotte qui se rabat en arrière. L’occlusion complète du larynx est réalisée environ 1/100e de seconde avant l’ouverture du SSO. L’élévation du pharyngolarynx, grâce à la contraction des muscles sus-hyoïdiens, sous la base de langue est également un facteur de protection essentiel des voies aériennes. La propulsion des aliments dans le pharynx est réalisée par le recul de la base de langue et par le péristaltisme pharyngé (contraction séquentielle des constricteurs supérieurs, moyens et inférieurs). Le SSO correspond à la zone de jonction pharyngo-œsophagienne située en regard de C6-C7. Le SSO possède un tonus de repos élevé s’exerçant sur une hauteur d’environ 4 cm. L’activité des fibres obliques et ascendantes du constricteur inférieur, du muscle cricopharyngien et des fibres striées des deux premiers centimètres de l’œsophage cervical participe à la genèse de cette zone d’hyperpression. La fin du temps pharyngé est marquée par l’ouverture du SSO. Le SSO d’abord se relaxe par inhibition du tonus vagal s’exerçant sur le sphincter puis il s’ouvre de façon passive. Le SSO est plaqué au repos entre deux plans solides : le chaton cricoïdien en avant et la paroi antérieure de la sixième vertèbre cervicale en arrière. La contraction des muscles sus-

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hyoïdiens relayés par le thyrohyoïdien élève le cartilage cricoïde vers le haut et vers l’avant, le dégage du plan vertébral et ouvre le SSO déjà relaxé. L’élévation du larynx participe donc à l’ouverture de la bouche œsophagienne. L’ouverture maximale du SSO se produit lorsque l’os hyoïde est à l’apogée de son déplacement antérosupérieur. La durée d’ouverture du sphincter est très brève, d’environ 0,5 secondes. La fin du temps pharyngé est marquée par la descente du pharyngolarynx, la réouverture du sphincter laryngé et le redressement de l’épiglotte. Ce mouvement de l’épiglotte protège de l’inhalation d’éventuels résidus alimentaires dans les vallécules. Le temps pharyngé est très rapide (0,5 à 0,7 secondes). Il est plus rapide pour les liquides que pour les solides. • Le temps œsophagien assure le transfert des aliments du SSO jusqu’au cardia (SIO) grâce à une onde péristaltique qui parcourt l’œsophage de haut en bas. La durée du temps œsophagien est de deux secondes pour les liquides, sept à neuf secondes pour les solides [1]. Le croisement des voies aériennes et digestives impose une coordination étroite entre la déglutition et l’activité respiratoire. Le réflexe de déglutition peut se déclencher à n’importe quelle phase du cycle respiratoire mais 80 % des déglutitions chez le sujet conscient se produisent durant l’expiration. Une déglutition coïncidant avec une phase expiratoire prolonge la durée de l’expiration, alors qu’une déglutition se produisant durant une phase inspiratoire interrompt cette phase inspiratoire et elle est suivie d’une expiration. Le volume courant au cours d’un cycle respiratoire suivant une déglutition est augmenté. L’organisation des cycles respiratoires est donc modifiée par l’absorption de nourriture, ce qui expliquerait les épisodes de désaturation observés au cours des repas chez les insuffisants respiratoires. L’expiration suivant la déglutition semble être un mécanisme protecteur des voies respiratoires en facilitant l’expulsion des résidus alimentaires contenus dans les sinus piriformes. La respiration est prioritaire sur la déglutition en cas d’asphyxie. L’hypoxie seule semble déprimer le réflexe de déglutition alors que l’hypercapnie isolée ne la modifie pas. Chez le patient âgé, la durée du temps buccopharyngé et du temps œsophagien est augmentée [2]. Sur le plan moteur, le péristaltisme pharyngé est peu modifié par rapport au sujet jeune [3], en revanche la compliance des sphincters supérieurs et inférieurs de l’œsophage est diminuée, par modification structurelle (fibrose musculaire) et par diminution de l’amplitude du mouvement antérosupérieur de l’os hyoïde [4]. Sur le plan sensitif, le réflexe de déglutition se déclenche plus tard chez le sujet âgé de plus de 60 ans ; le nombre de fibres myélinisées véhiculant les informations sensitives dans le nerf laryngé supérieur diminue avec l’âge [5]. Cependant chez le sujet âgé sain, on n’observe pas de fausses routes trachéales [2]. On observe une diminution du réflexe de toux à partir de 70 ans [6].

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2.2. Le contrôle du réflexe de déglutition avec l’organisation du centre déglutiteur Le contrôle du réflexe de déglutition s’effectue au niveau bulboprotubérantiel. La zone dévolue au contrôle de la déglutition, le centre déglutiteur reçoit des informations périphériques issues des zones innervées par les IXe et Xe paires crâniennes et des informations d’origine centrale. Il envoie des ordres aux différents muscles impliqués dans la déglutition par l’intermédiaire des V, VII, IX, X, XI et XIIes paires crâniennes. Ce centre déglutiteur élabore un véritable programme des différents événements composant la déglutition. Ce programme de la déglutition peut être mis en jeu de façon réflexe (déglutition involontaire) ou grâce à des ordres donnés par les centres supérieurs (déglutition volontaire sous contrôle cortical). Le centre déglutiteur est organisé en trois étages [7] : • un étage sensitif ou afférent qui est constitué du noyau solitaire situé sous le plancher du IVe ventricule, qui reçoit les fibres du IX et du X, et du noyau gélatineux de Rolando, au niveau de la partie inférieure du bulbe qui reçoit la majorité des fibres sensitives du V ; • un étage moteur qui contient les corps cellulaires des motoneurones mis en jeu au cours de la déglutition : le noyau moteur du trijumeau, ou noyau masticateur dans la partie moyenne de la protubérance annulaire, le noyau moteur du facial qui est situé à la partie inférieure de la protubérance annulaire, le noyau ambigu qui occupe toute la hauteur du bulbe et dont la partie ventrale est organisée de façon somatotopique. La partie rostrale commande l’innervation de l’œsophage et du vélopharynx (fibres motrices du IX et du X), la partie caudale, le larynx (XI bulbaire). Le noyau dorsal contient les corps cellulaires des neurones préganglionnaires destinés à la partie musculaire lisse de l’œsophage. Le noyau du grand hypoglosse est situé dans la partie dorsale du bulbe. Les fibres issues de ce noyau ainsi que la racine antérieure de C1 innervent les muscles de la langue. Les racines antérieures C2 et C3 du plexus cervical s’anastomosent au XII pour innerver les muscles sous-hyoïdiens ; • un étage intégrateur constitué d’un réseau d’interneurones responsable de la programmation de la commande motrice. Il est localisé dans le bulbe rachidien. Les interneurones sont regroupés en deux amas : un amas dorsal situé dans le noyau solitaire et dans la substance réticulée sousjacente, et un amas ventral situé autour du noyau ambigu. Les interneurones de l’amas dorsal reçoivent les informations sensitives provenant des zones réflexogènes périphériques et des ordres venant du cortex cérébral ; ils élaborent le programme de la déglutition ; les interneurones de l’amas ventral distribuent ce programme aux différents noyaux moteurs. La notion de programme central de la déglutition implique que les différentes séquences motrices se succèdent toujours dans le même ordre une fois qu’elles ont été initialisées, sans le secours de réafférentations. Cependant les afférences périphériques en prove-

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nance de la cavité buccale modulent en permanence ce programme afin d’adapter la déglutition aux caractéristiques du bol alimentaire. Du centre déglutiteur bulbaire partent des influx inhibiteurs sur les centres respiratoires lorsqu’un ordre de déglutition part vers les effecteurs périphériques, en particulier l’activité du nerf phrénique est inhibée. La déglutition volontaire est contrôlée par le cortex fronto-orbitaire à la partie inférieure de la frontale ascendante. Les fibres issues de cette zone empruntent les voies géniculées, traversent la capsule interne puis la région sousthalamique. Les influx corticaux se projettent sur les interneurones de l’amas dorsal bulbaire, au niveau du noyau solitaire. Les voies corticobulbaires sont essentiellement directes. Cette aire corticale est sensorimotrice et elle reçoit des informations en provenance de la région bucco-pharyngée et laryngée par l’intermédiaire d’une voie ascendante faisant relais au niveau du pont et dans le thalamus. Il existe donc, outre le circuit réflexe court passant par le bulbe, une boucle « longue » corticale dont le rôle serait d’assurer la régulation de la déglutition en fonction des informations périphériques. La possibilité d’utiliser cette commande corticale est importante en réhabilitation fonctionnelle pour compenser volontairement des déficits nerveux ou musculaires. 3. Symptomatologie des troubles de la déglutition 3.1. La dysphagie haute La dysphagie haute ou oropharyngée est décrite par le patient comme une sensation de blocage des aliments au niveau du pharynx, par la sensation d’avoir à « forcer » pour déglutir, d’avoir à déglutir plusieurs fois pour une bouchée d’aliments, d’avoir parfois des difficultés à déglutir la salive. La déglutition des liquides est en revanche plus aisée. La déglutition de liquide est spontanément utilisée par le patient pour « pousser » les aliments. La dysphagie haute peut être due à un obstacle pharyngé, à une diminution de la force de rétropulsion linguale, à une diminution du péristaltisme pharyngé, ou à un défaut d’ouverture du SSO. Elle peut s’accompagner de fausses routes trachéales, par débordement de la stase pharyngée, particulièrement à la phase de reprise inspiratoire. 3.2. La dysphagie basse La dysphagie basse ou œsophagienne est décrite par le patient comme la sensation de blocage des aliments au niveau thoracique, la déglutition des liquides est plus aisée. Elle est due à un obstacle œsophagien intrinsèque ou extrinsèque ou à un trouble du péristaltisme œsophagien.

3.4. Le reflux pharyngonasal Le reflux pharyngonasal est le reflux alimentaire dans les fosses nasales. Il se produit plus particulièrement aux liquides, il peut être dû à une paralysie, une chirurgie, ou à une malformation du voile ou à une fistule bucconasale. 3.5. Les fausses routes Les fausses routes correspondent à un passage des aliments, de la salive, des secrétions rhinopharyngées ou du contenu gastrique dans la trachée. Elles se traduisent par un réflexe de toux, immédiat ou légèrement retardé, ou sont asymptomatiques (fausses routes dites « silencieuses »). Chez les patients porteurs d’une canule de trachéotomie, les fausses routes sont détectées par la présence d’aliments, de salive dans les aspirations trachéales ou autour du trachéostome, par débordement des aliments inhalés et retenus audessus du ballonnet de la canule. On distingue trois types de fausses routes [8] : • les fausses routes avant la déglutition dues à un retard ou une absence de réflexe de déglutition, les aliments pénètrent dans la trachée avant que la larynx ne se ferme et remonte sous la base de langue ; • les fausses routes pendant la déglutition (appelées également fausses routes « directes ») dues à un défaut de « verrouillage » du larynx pendant le temps pharyngé ; on les rencontre dans les paralysies récurentielles, après chirurgie partielle du larynx... ; • les fausses routes après la déglutition (appelées également fausses routes « indirectes » ou « secondaires ») dues à un débordement trachéal de la stase alimentaire dans l’hypopharynx ; les causes en sont communes avec la dysphagie oropharyngée. Les fausses routes trachéales non éliminées par un réflexe de toux risquent d’entraîner des phénomènes d’hypoxie transitoires, une obstruction bronchique par bronchospasme, atélectasie, ou secondairement une pneumopathie d’inhalation, des pics fébriles. Cependant la tolérance des patients aux fausses routes est variable en fonction de la nature de ce qui est inhalé, de l’état buccodentaire, de l’état immunitaire du patient, de la clairance mucociliaire...La dysphagie et les fausses routes entraînent rapidement une dénutrition qui aggrave la pathologie sous-jacente du patient en réanimation. 4. Les moyens d’étude de la déglutition Nous décrivons brièvement cinq moyens d’exploration de la déglutition qui ont été utilisés pour évaluer les troubles induits par l’intubation ou par la trachéotomie [9].

3.3. L’odynophagie 4.1. La nasofibroscopie L’odynophagie est la déglutition oropharyngée douloureuse. En général unilatérale, elle irradie vers l’oreille. Elle évoque une cause inflammatoire, infectieuse ou néoplasique.

La nasofibroscopie permet d’évaluer essentiellement le temps pharyngé de la déglutition. Le but de cet examen est de

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vérifier l’intégrité anatomique des structures impliquées dans la déglutition et qui ne sont pas visualisées par un examen endobuccal (base de langue, voile du palais, pharynx, larynx), d’observer la dynamique de ces structures, de tester la sensibilité laryngée et d’observer la déglutition salivaire et la déglutition d’aliments de textures différentes. Il permet de visualiser les fausses routes se déroulant avant et après la déglutition, mais les fausses routes se déroulant pendant le temps pharyngé de la déglutition ne sont pas directement visibles. On ne visualise pas le larynx pendant le temps pharyngé de la déglutition puisqu’il est masqué par le recul de la base de langue. On peut supposer leur présence lorsqu’on visualise après la déglutition des traces alimentaires dans la région sous-glottique. La nasofibroscopie permet de faire à la fois le bilan étiologique et fonctionnel des troubles de la déglutition liés à un dysfonctionnement du carrefour aérodigestif ; elle n’est pas invasive et peut être répétée pour suivre l’évolution du patient. Elle peut être réalisée au lit du patient. Cet examen peut être filmé grâce à une caméra fixée sur le nasofibroscope et reliée à un magnétoscope, il peut donc être conservé et montré au patient et à l’équipe soignante. Cependant il n’évalue pas la phase œsophagienne de la déglutition et la quantification des fausses routes est peu précise. 4.2. La vidéoradioscopie de la déglutition (ou vidéofluoroscopie)

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ment vigile, qu’un matériel d’aspiration trachéale et d’oxygénothérapie, soient dans la salle, et que le patient, s’il n’est pas trachéotomisé, ait un réflexe de toux efficace. En pratique cet examen est réalisé après la nasofibroscopie. Le caractère irradiant de l’examen impose de ne le répéter que si le bénéfice de l’examen est certain sur le plan diagnostique ou pronostique. 4.3. La scintigraphie de la déglutition L’ingestion d’un bolus d’aliments mélangés à un radioisotope (Technetium 99) permet d’évaluer la déglutition dans des conditions physiologiques. Le patient est placé devant une gamma-caméra reliée à un ordinateur et l’évolution du bolus peut être surveillée en temps réel. Il nécessite donc le transport du patient dans un service de médecine nucléaire. En cours du temps une représentation quantitative du bolus et du métabolisme du produit peut être rapportée sous forme d’un graphique mesurant la radioactivité en fonction du temps. Cet examen est le seul qui permette de quantifier précisément les fausses routes. Il permet également de voir en combien de temps les fausses routes sont éliminées au niveau pulmonaire. En revanche, l’absence de repères anatomiques ne permet pas de déterminer les mécanismes physiopathologiques des fausses routes. Il est très peu irradiant en raison des faibles quantités d’isotopes utilisées. 4.4. L’électromyographie

Le principe de cet examen repose sur l’enregistrement vidéo de la scopie d’une déglutition d’un bolus baryté. Le transit baryté est filmé en reliant l’écran de scopie à un magnétoscope. Il permet une analyse de la dynamique de la déglutition à une cadence de 25 images par seconde. L’utilisation d’un compteur de temps permet de mesurer les durées des différents évènements composant la déglutition. On commence généralement l’examen avec une incidence de profil qui permet de visualiser le temps buccal et le temps pharyngé. Les différentes anomalies fonctionnelles pouvant expliquer la dysphagie ou les fausses routes sont observées (défaut de propulsion linguale, troubles du péristaltisme pharyngé, défaut d’élévation laryngée, défaut d’ouverture du SSO...). Tous les types de fausses routes peuvent être visualisés mais celles-ci sont quantifiées de façon subjective. On peut tester l’influence des textures (baryte pure ou plus ou moins diluée), des volumes et des postures et manœuvres facilitatrices sur le déroulement de la déglutition. Les incidences de face permettent de repérer une asymétrie de la propulsion pharyngée ou de l’élévation laryngée. Les incidences de trois-quart visualisent le temps œsophagien. Cet examen nécessite le transport du patient en salle de radiologie, mais il est réalisable en lit ou en fauteuil. Il nécessite la présence d’un radiologue ou d’un médecin spécialisé dans le bilan des troubles de la déglutition afin de minimiser les risques liés à l’inhalation de baryte. Il nécessite, comme l’examen en nasofibroscopie, que le patient soit suffisam-

L’électromyographie consiste à recueillir l’enregistrement de potentiels d’action des muscles impliqués dans la déglutition. L’électromyographie de surface avec des électrodes placées au niveau de la région sous-mentale permet de détecter la contraction des muscles sus-hyoïdiens qui est le marqueur du début du temps pharyngé. Elle est donc utilisée en recherche clinique, et elle est également à la base de techniques de rééducation utilisant un bio-feed-back. 4.5. La manométrie pharyngo-œsophagienne Cet examen est réalisé à l’aide d’une sonde souple introduite par voie nasale munie de capteurs enregistrant les variations de pression. Elle permet de mesurer au repos les pressions des SSO et SIO, de mesurer pendant la déglutition l’amplitude et la propagation de l’onde péristaltique pharyngée, le degré de relaxation du SSO, la synchronisation entre l’onde péristaltique pharyngée et la relaxation du SSO, l’amplitude du péristaltisme œsophagien et la relaxation du SIO. Cette technique est surtout utilisée dans l’exploration des dysphagies neurologiques et dans les maladies de système où il existe une atteinte simultanée de la motricité pharyngée et œsophagienne. L’inconvénient de cette méthode d’exploration est l’imprécision des mesures recueillies au niveau de l’hypopharynx et du SSO ; cet inconvénient peut être pallié par son couplage avec la vidéoradioscopie.

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5. Les effets de la présence d’une sonde d’intubation, d’une canule de trachéotomie et/ou d’une sonde nasogastrique sur la déglutition L’incidence des troubles de la déglutition chez les patients intubés ou trachéotomisés varie de 15 à 87 % suivant les séries [10]. Il existe des difficultés méthodologiques pour étudier l’effet du matériel ; seul ce matériel doit être testé et il faut éliminer les autres causes de troubles de la déglutition (pathologie ORL, neurologique, œsophagienne ; rôle de l’âge, des traitements, insuffisance respiratoire ...). 5.1. Les effets de la sonde d’intubation sur la déglutition La sonde d’intubation est placée au contact des zones déclenchant le réflexe de la déglutition (base de langue, parois de l’hypopharynx) puis à l’intérieur de la valve laryngée. Les effets de l’intubation trachéale de courte durée ont été peu documentés. Les effets de l’intubation prolongée ont été plus étudiés. Les effets de l’intubation prolongée (définie suivant les études par une durée minimale supérieure à 24 ou 48 heures) sur la déglutition peuvent être liés à une atteinte directe du plan glottique : • immobilité cordale unilatérale par luxation aryténoïdienne lors d’une intubation traumatique ; • immobilité cordale par atteinte inflammatoire de l’articulation crico-aryténoïdienne ; • immobilité cordale bilatérale due à une synéchie interaryténoïdienne. L’immobilité cordale entraîne une diminution des capacités de fermeture du larynx pendant la déglutition avec risque de fausses routes particulièrement pour les liquides. La présence d’une sonde nasogastrique, la durée de l’intubation, la taille de la sonde d’intubation sont des facteurs qui majorent les risques de lésion laryngée due à l’intubation [11]. Cependant des troubles de la déglutition peuvent apparaître après intubation sans lésion laryngée. De Larminat a étudié la déglutition de 34 patients a priori sans pathologie laryngée, ayant été intubés plus de 24 heures, à J0, J1, J2 et J7 postintubation [12]. Le temps de latence entre l’instillation de sérum physiologique dans le pharynx et le début du temps pharyngé de la déglutition (marqué par la contraction des muscles du plancher buccal enregistrée avec une électromyographie de surface) était plus élevé à J0 que chez les sujets témoins, quelque soit le volume instillé. À J1 et J2 postintubation, les temps de latence raccourcissaient, pour se normaliser à J7. Le réflexe de déglutition se déclencherait moins vite dans les jours suivant l’extubation. Il n’y avait pas de corrélation entre la longueur de la durée d’intubation et l’augmentation du temps de latence. L’explication de ce retard de déclenchement serait l’altération des chémorécepteurs et des mécanorécepteurs situés dans la muqueuse au contact de la sonde d’intubation, qui serait réversible. On

peut également évoquer le fait que l’organisme doit s’habituer à la présence d’un tube dans le pharynx. De ce fait la muqueuse pharyngée augmente son seuil de perception à tout corps étranger, et en particulier le réflexe de déglutition des aliments se déclenche moins vite et le réflexe de toux en cas d’inhalation est déprimé [13]. Les troubles de la déglutition retrouvés après intubation prolongée ne sont pas spécifiques. Partik retrouve sur 21 patients dont la déglutition a été étudiée en vidéofluoroscopie 86 % de fausses routes se répartissant avant, pendant et après la déglutition [10]. Cependant il s’agissait de patients âgés dont certains (sept patients) présentaient une pathologie neurologique et dont 13 étaient porteurs d’une canule de trachéotomie. Les fausses routes après intubation prolongée peuvent être silencieuses ; 25 % dans la série d’Ajemian. Les fausses routes sont surtout observées avec les textures liquides [14]. Les liquides ayant un temps de transit rapide, le larynx ne se ferme pas assez vite lorsqu’il y a un retard du déclenchement de réflexe de déglutition. Les troubles de la déglutition après intubation prolongée sont probablement multifactoriels : troubles de la proprioception dus à l’altération de la muqueuse oropharyngée et laryngée entraînant un retard de déclenchement du réflexe de déglutition et une perturbation du réflexe de toux, atrophie musculaire liée à l’absence de fonctionnement du réflexe de déglutition pendant l’intubation. L’âge des patients semble avoir un rôle dans la sévérité des troubles de la déglutition après intubation prolongée. Les études de Barquist et de Leder ont retrouvé un risque significativement plus élevé de présenter des fausses routes après extubation chez les patients de plus de 55 ans mais leurs séries incluaient des patients neurologiques [15,16]. La série de El Sohl a comparé deux groupes de sujets ne présentant pas de pathologies neurologiques, un groupe de plus de 65 ans et un de moins de 65 ans : l’incidence des fausses routes observées en nasofibroscopie était plus élevée chez les plus âgés (52 % chez les plus âgés contre 36 % de façon non significative) [17]. La disparition des fausses routes était observée chez tous les patients les plus jeunes à 15 jours de l’extubation, alors que 13 % des sujets les plus âgés présentaient encore des fausses routes. De Vita a étudié la déglutition de 11 patients ayant une intubation longue (moyenne 20 jours), présentant des troubles de la déglutition en vidéofluoroscopie et dont dix avaient été trachéotomisés [18]. Aucun patient n’avait de déficit neurologique. Tous les patients (moyenne d’âge de 65 ans) avaient au moins une anomalie de la déglutition, la moyenne étant de six anomalies par patient. Les plus fréquentes étaient le retard de déclenchement du réflexe de déglutition et l’accumulation de produit de contraste dans le pharynx. Une étude longitudinale des troubles a été réalisée chez cinq patients avec une amélioration dans le temps, avec une prise en charge orthophonique. Les auteurs en concluaient qu’une intubation prolongée avec ou sans trachéotomie pouvait entraîner une altération sévère et durable de la déglutition, dans certains cas réversible. Cependant cette étude ne pouvait distinguer les effets de l’intubation prolongée de ceux de la trachéotomie.

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5.2. Les effets de la canule de trachéotomie sur la déglutition Chez les patients porteurs d’une canule de trachéotomie, le déplacement du larynx vers le haut serait de moindre amplitude pendant le temps pharyngé de la déglutition du fait du geste chirurgical : pendant la trachéotomie, la trachée est fixée vers l’avant surtout si le lambeau trachéal est antérieur, et les mouvements verticaux du larynx sont limités, d’autant plus que le ballonnet est gonflé. Le ballonnet de la canule entraînerait également une compression œsophagienne [19,20] mais ceci n’a pas été retrouvé en vidéoradioscopie par Pinkus [21]. La diminution de l’ascension du larynx au cours de la déglutition entraîne une moins bonne protection des voies aériennes pendant le temps pharyngé et une limitation de l’ouverture passive du SSO, et donc un risque accru de fausses routes. Certaines études ont comparé la déglutition de sujets témoins avec des patients trachéotomisés : Shaker en 1995 a étudié la déglutition de six patients témoins et de six patients ayant présenté une détresse respiratoire ou polytraumatisés, trachéotomisés trois semaines à trois mois avant l’étude [22]. Tous les patients toléraient la canule fermée pendant au moins 24 heures. Simultanément ont été réalisées l’étude des mouvements des cordes vocales (en nasofibroscopie) et l’étude des mouvements respiratoires pendant la déglutition. Le début de la déglutition était détecté par une électromyographie de surface des muscles du plancher buccal. Chez chaque sujet on a enregistré trois déglutitions de salive et trois déglutitions de 5 cc d’eau donnée avec une seringue. La durée de la fermeture des cordes vocales était significativement plus courte chez les patients trachéotomisés aussi bien pour la déglutition de liquides que pour les déglutitions de salive. Chez les sujets témoins l’apnée de déglutition commençait avec le début de l’adduction des cordes vocales et finissait avec le début de leur abduction. Chez les patients trachéotomisés, il n’y avait pas de synchronisation entre le mouvement des cordes vocales et l’apnée de déglutition, et entre le signal électromyographique sous-mental et la fermeture des cordes vocales. Abraham en 2000 a étudié la déglutition de quatre nourrissons âgés de 1,2 ans à 2,9 ans, trachéotomisés depuis au moins 15 mois, dont l’indication de trachéotomie n’était pas un trouble de la déglutition [23]. Ils étaient nourris per os et présentaient occasionnellement des fausses routes aux aliments solides. Leur déglutition a été comparée à celle d’un nourrisson de 1,2 ans non trachéotomisé, adressé en consultation pour refus alimentaire, avec une étude en vidéofluoroscopie. Les enfants trachéotomisés avaient une fermeture laryngée plus tardive, une élévation laryngée très peu marquée pour la baryte en texture épaisse. La baryte liquide a donné lieu à une pénétration vestibulaire chez les quatre enfants trachéotomisés et pour l’un d’entre eux à une fausse route trachéale silencieuse. Ces études sont critiquables dans la mesure où les différences entre les patients trachéotomisés et

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non trachéotomisés n’étaient peut-être pas seulement dues à la canule de trachéotomie (pathologie sous-jacente, traitements médicamenteux...). L’activité musculaire au niveau laryngé a été étudiée chez l’animal trachéotomisé. Sazaki en 1977 a réalisé une étude chez 15 chiens trachéotomisés dont le nerf laryngé supérieur droit (NLS, nerf sensitif pour le larynx) avait été identifié et sectionné [24]. La terminaison centrale de ce nerf a été stimulée et les potentiels évoqués ont été enregistrés au niveau du muscle thyro-arythénoïdien (muscle adducteur du plan cordal) immédiatement après la trachéotomie puis deux, six, huit mois après celle-ci. Les pressions sous-glottiques ont été également mesurées. Deux mois après la trachéotomie, des stimulations répétitives du NLS produisaient des réponses d’adduction du plan cordal avec une latence augmentée. Six à huit mois après la trachéotomie, des stimulations répétitives du NLS entraînaient des potentiels d’action avec des latences encore plus augmentées, et des trains de stimulus entraînaient une diminution de l’amplitude des potentiels évoqués et une diminution de la fermeture laryngée. Les pressions sous-glottiques étaient plus faibles chez les chiens trachéotomisés que chez les chiens témoins après stimulation du NLS. Buckwalter en 1986 a observé que l’enregistrement électromyographique du crico-aryténoïdien postérieur (abducteur des cordes vocales) avait une activité diminuée ou absente chez les chiens trachéotomisés depuis plus de six mois, parce qu’il n’y avait plus de résistance ventilatoire. L’activité phasique des abducteurs a pu être observée à nouveau si on rétablissait graduellement la résistance ventilatoire, d’autant plus lentement que la canule de trachéotomie avait été mise en place depuis longtemps [25]. La trachéotomie perturberait donc le réflexe de fermeture glottique. 5.3. Les effets de l’obstruction de la canule de trachéotomie sur la déglutition Pour étudier sélectivement l’effet de la canule sur la déglutition, de nombreuses études ont comparé la déglutition canule ouverte et canule fermée, ou canule ouverte et canule avec une valve de phonation des patients trachéotomisés. Ces études considèrent que la situation canule obturée ou obturée pendant l’expiration, ballonnet dégonflé, reproduit, à partir d’un certain délai, une situation proche de l’absence de canule. Muz en 1989 a étudié la déglutition en scintigraphie de sept patients porteurs d’un cancer ORL et trachéotomisés canule obturée et canule ouverte en scintigraphie [26]. Six sur sept de ces patients faisaient des fausses routes plus souvent et en plus grande quantité canule ouverte que canule fermée. Detelbach et al. en 1995 ont étudié la déglutition de 11 patients opérés d’un cancer ORL ou porteurs d’une affection neurologique, trachéotomisés, qui présentaient des fausses routes en vidéofluoroscopie [27]. La date de la trachéoto-

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mie allait d’une semaine à sept mois. Ils ont comparé la déglutition des patients canule ouverte et canule avec une valve de phonation. Les fausses routes diminuaient ou disparaissaient avec la valve de phonation, dans toutes les textures. Stachler en 1996 a réalisé une étude de 11 patients trachéotomisés qui présentaient des fausses routes ; leur déglutition a été évaluée en scintigraphie et en vidéoradioscopie [28]. La majorité des patients avait été traitée pour des cancers ORL ; tous les patients toléraient la canule fermée sur une courte période. La déglutition des patients a été d’abord étudiée en vidéofluoroscopie avec 3 à 10 cc de baryte fluide avec la valve de phonation. On déterminait si le patient faisait des fausses routes et quel type de fausses routes puis la déglutition était étudiée sans la valve. Dans un deuxième temps, l’étude en scintigraphie était réalisée pour quantifier les fausses routes, dans les deux conditions, avec et sans la valve. Tous les patients faisaient des fausses routes avec et sans la valve, mais statistiquement moins avec la valve que sans. Elpern en 2000 a étudié la déglutition de 15 patients âgés de 60 ans porteurs d’une canule de trachéotomie depuis au moins 13 jours, en vidéofluoroscopie en utilisant uniquement des textures de baryte liquide [29]. Douze patients étaient habitués au port d’une valve de phonation. Ils étaient alimentés par SNG ou gastrostomie, aucun n’avait de pathologie ORL, un patient avait présenté un AVC. Aucun n’était ventilé. Sept patients sur 15 faisaient des fausses routes lors d’une déglutition au moins canule non obturée. Les patients qui faisaient des fausses routes étaient plus âgés que ceux qui n’en faisaient pas ; ceux qui faisaient des fausses routes et ceux qui n’en faisaient pas ne se différenciaient pas par la durée de la trachéotomie, la durée de l’expérience de la valve de phonation, ou par le mode d’alimentation. La majorité des fausses routes se produisait pendant la déglutition. Moins de 50 % du bolus était inhalé. Cinquante-six pour cent des fausses routes étaient silencieuses. Sur les cinq patients sur sept qui faisaient des fausses routes, cinq n’en faisaient pas avec la valve de phonation, deux faisaient des fausses routes dans les deux conditions. Les fausses routes ont été significativement moins fréquentes avec la valve de phonation que sans. Logemann en 1998 s’est intéressée aux modifications de la biomécanique de la déglutition lorsque la canule est obturée [30]. Elle a étudié la déglutition de sept patients âgés de 22 à 85 ans trachéotomisés après le traitement chirurgical ou par chimioradiothérapie d’un cancer de la sphère ORL. Leur déglutition a été étudiée en vidéofluoroscopie. Quatre sur sept patients présentaient des fausses routes à la baryte liquide quand la canule était ouverte, sur ces quatre patients, deux ne présentaient pas de fausses routes canule obturée. Leurs fausses routes se situaient après la déglutition et étaient liées à un défaut d’élévation du larynx. Un patient présentait une augmentation des fausses routes canule fermée avec des fausses routes avant la déglutition par un retard du déclenchement du réflexe et après la déglutition dues à un faible recul de base de langue. Un patient présentait autant de

fausses routes canule ouverte que fermée et faisait des fausses routes pendant la déglutition à cause d’un défaut de fermeture laryngée et également après la déglutition à cause d’une diminution de l’élévation laryngée. Un patient qui présentait des fausses routes à la baryte épaisse (fausses routes après la déglutition du fait d’une réduction de l’élévation laryngée) a vu ses fausses routes éliminées avec la canule obturée. Les changements significatifs du déroulement de la déglutition ont été une élévation laryngée plus marquée canule fermée. Ce sont les patients qui faisaient des fausses routes par défaut d’élévation laryngée qui ont bénéficié de l’occlusion de la canule. L’auteur en conclue que la caractérisation des fausses routes des patients permet de vérifier les « bons candidats » à la fermeture de la canule. La diminution des fausses routes canule obturée ou avec une valve de phonation est expliquée dans toutes ces études par le fait que la pression sous-glottique est plus élevée canule fermée. L’augmentation de la pression sous-glottique permet d’éliminer les fausses routes dues à la stase alimentaire restant après une déglutition incomplète et d’augmenter l’efficacité de la toux. Gross en 2003 a mesuré chez quatre patients trachéotomisés différents paramètres de la déglutition en vidéofluoroscopie, en condition canule ouverte ou canule obturée [31]. Le temps de transit oropharyngé du bolus et la durée de l’activité pharyngée étaient plus courts lorsque la canule était obturée et, comme dans les études précédentes, l’importance des fausses routes était diminuée canule obturée. Gross a émis l’hypothèse de la présence d’une boucle réflexe mise en jeu par la stimulation des récepteurs sous-glottiques par la pression de l’air trachéal en condition canule obturée ; la mise en jeu de cette boucle réflexe augmenterait le nombre de motoneurones recrutés, ce qui rendrait le péristaltisme pharyngé plus rapide et plus efficace. Pour Logemann l’augmentation de l’élévation laryngée pendant la déglutition serait liée également à l’augmentation de pression sous-glottique canule fermée [30]. En résumé les causes de troubles de la déglutition induits par la canule seraient multifactorielles : • l’absence du flux aérien trans-laryngé entraînerait une « désafférentation » du larynx [18,19] avec diminution des sensations proprioceptives et une perturbation de la coordination du réflexe de fermeture glottique [22,24] ; • l’absence de pression sous-glottique entraînerait une propulsion pharyngée moins efficace [31], une diminution de l’élévation laryngée [29,30] et une toux moins efficace. Chez le patient canulé, l’absence de fermeture des cordes vocales entraîne un raccourcissement de la phase expiratoire ce qui majore le risque de fausses routes liés à l’inhalation de la stase pharyngée à la reprise inspiratoire, alors que chez le sujet normal l’augmentation de résistance expiratoire par la fermeture des cordes vocales à l’expiration permet l’allongement de la phase expiratoire ; • la moindre utilisation des structures musculaires impliquées dans la déglutition entraînerait une atrophie musculaire de ces structures [18].

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Si la majorité des recherches retrouve une augmentation des fausses routes canule ouverte, un auteur, Leder, ne retrouve pas ces constatations. Leder en 1996 a étudié la déglutition en vidéofluoroscopie de 20 patients trachéotomisés. Les critères d’inclusion des patients étaient la possibilité de supporter la canule fermée, l’absence de chirurgie ou de néoplasie des voies aérodigestives supérieures et l’absence d’antécédent d’AVC ; il s’agissait de treize hommes et sept femmes âgés de 18 à 85 ans [32]. La trachéotomie avait été réalisée de huit jours à 18 mois auparavant. Douze sujets sur 20 avaient une sonde nasogastrique. Des fausses routes ont été observées à la fois avec de la baryte liquide et épaisse chez neuf patients sur 20 dans les deux situations, canule fermée et canule ouverte. La moyenne d’âge des patients qui faisaient des fausses routes était de 72 ans. Aucune fausse route n’était observée avec aucune des textures chez dix patients sur 20 que la canule soit obturée ou non. La moyenne d’âge de ces patients sans fausse route était de 47 ans. Un patient de 83 ans ne présentait des fausses routes qu’à la baryte liquide que la canule soit ouverte ou fermée. Au total un seul patient de moins de 65 ans présentait des fausses routes. La sonde nasogastrique ne semblait pas avoir eu d’influence sur la déglutition. Leder en a conclu que la canule de trachéotomie n’avait pas d’influence sur la prévalence des fausses routes. Ce serait davantage des facteurs individuels qui seraient la cause de fausses routes (âge, pathologie). Cependant il n’y a pas de quantification des fausses routes dans cette étude. Le même auteur en 1999 a réalisé une étude de la déglutition de 20 patients adultes, 14 hommes et six femmes, dont la trachéotomie avait été réalisée quatre à 49 jours auparavant, présentant des fausses routes en nasofibroscopie [33]. Les patients n’étaient pas ventilés, supportaient la valve de phonation, n’avaient pas eu de chirurgie ORL, ni de problèmes neurologiques. Une première nasofibroscopie était réalisée avec deux textures (purées et liquides), ballonnet dégonflé sans la valve de phonation. Une deuxième évaluation de la déglutition était réalisée après 48 heures de port de la valve de phonation. Une fibroscopie était alors réalisée avec la valve. Si on ne constatait pas de fausses routes avec la valve, on enlevait la valve et on refaisait une nasofibroscopie sans la valve. Si on observait des fausses routes avec la valve on arrêtait l’examen. Treize des 20 sujets qui faisaient des fausses routes à la 1re évaluation en faisaient encore avec l’utilisation de la valve de phonation, et sept n’en faisaient plus. Ces sept patients n’en faisaient pas plus canule ouverte. Quatre-vingt-cinq pour cent des fausses routes observées canule ouverte ne déclenchaient pas de réflexe de toux, et n’en déclenchaient pas non plus canule fermée. Leder en 2000 a réalisé une étude prospective chez 20 patients en réanimation [34]. Il a étudié leur déglutition en nasofibroscopie avant et après trachéotomie. Le seul objectif de l’étude était de détecter les fausses routes. Les douze patients présentant des fausses routes avant la trachéotomie en présentaient encore après, et les sept patients sur huit qui n’en présentaient pas avant, n’en présentaient pas après la trachéotomie. Par ailleurs il n’a pas trouvé de corrélation

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entre l’âge des patients et le nombre de jours de trachéotomie avec la présence de fausses routes. Cette étude présente un relativement grand nombre de patients, évalue la déglutition avant et après la trachéotomie mais la méthode d’examen de la déglutition employée quantifie mal les fausses routes. Le même auteur en 2001 a réalisé une étude de la déglutition de 11 patients adultes dont la trachéotomie avait été faite de six jours à cinq ans avant l’étude [35]. Les patients n’avaient pas de problème ORL ou n’avaient pas subi d’AVC. Les patients étaient d’abord vus en nasofibroscopie pour déterminer qui faisait des fausses routes. Quatre des 11 patients faisaient des fausses routes. Les patients bénéficiaient ensuite d’une manométrie pharyngo-œsophagienne, canule fermée et canule ouverte. Cette étude n’a pas retrouvé de différence significative pour les pressions mesurées au niveau du pharynx et du SSO entre canule ouverte et canule fermée. Leder en 2002 a étudié la déglutition de 52 patients (28 hommes, 24 femmes) trachéotomisés pour des raisons variées [36]. Trente-trois pour cent des patients étudiés faisaient des fausses routes, 67 % n’en faisaient pas. Quatre-vingt-deux pour cent des fausses routes étaient silencieuses. Les patients qui faisaient des fausses routes étaient significativement plus âgés et étaient significativement trachéotomisés depuis moins longtemps que ceux qui n’en faisaient pas. L’explication donnée était que si les patients avaient été trachéotomisés, c’est qu’ils n’étaient pas bien sur le plan respiratoire, et que la décompensation respiratoire durait encore plusieurs jours après la trachéotomie. Quand la fonction ventilatoire s’améliorait, les patients s’amélioraient également sur le plan déglutition. L’auteur en concluait que des essais de déglutition avaient plus de chance d’être réussis si le patient avait moins de 70 ans et s’il avait été trachéotomisé depuis plus de trois semaines. Pour cet auteur, ce seraient plutôt l’âge, la pathologie, l’état respiratoire du patient plutôt que la présence de la canule de trachéotomie qui détermineraient l’apparition de troubles de la déglutition. L’incidence variable suivant les études des troubles de la déglutition chez les patients trachéotomisés tient probablement au nombre, au type de malades étudiés et à la méthode de détection et de quantification des fausses routes. La plupart des fausses routes trachéales diagnostiquées dans ces études sont des fausses routes « silencieuses », qui n’entraînent pas de réflexe de toux. Les patients porteurs d’une sonde d’intubation ou d’une canule de trachéotomie font des fausses routes trachéales chroniques, le ballonnet n’étant jamais parfaitement étanche [21], et le seuil de détection des fausses routes s’élève du fait de la chronicisation des fausses routes. 5.4. Les effets de la sonde nasogastrique sur la déglutition La sonde nasogastrique est la méthode la plus employée pour assurer la nutrition du patient dysphagique, du moins à court terme. Cependant elle peut entraîner des lésions locales. On peut observer des œdèmes de la muqueuse aryténoï-

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dienne uni- ou bilatéraux. L’œdème aryténoïdien au contact de la sonde nasogastrique, uni- ou bilatéral, peut entraîner une dyspnée laryngée. L’œdème aryténoïdien comble le sinus piriforme et les fausses routes de stase sont favorisées. L’œdème diminue la perception des aliments et des secrétions dans l’hypopharynx et retarde donc le déclenchement du réflexe de déglutition. Il peut également limiter la mobilité cordale. À ce stade le simple retrait de la sonde permet la disparition de l’œdème [37]. Mais des lésions plus sévères peuvent être observées, dues probablement à une ischémie tissulaire par compression de la sonde entre les cartilages laryngés et le rachis cervical. Cliniquement ces complications doivent être recherchées en présence d’une odynophagie, d’une dyspnée, d’une dysphonie. On observe une ulcération rétrocricoïdienne pouvant évoluer vers une chondrite et une nécrose du cartilage cricoïde. La chondrite cricoïdienne provoque une diplégie cordale en fermeture par atteinte des muscles crico-aryténoïdiens postérieurs (neurapraxie) [38] ou par arthrite crico-aryténoïdienne. Il a été décrit également des atteintes unilatérales de la mobilité cordale [39]. Ces lésions sévères ont été regroupées sous le nom de « Nasogastric tube syndrom » par les anglo-saxons [38,40]. Elles peuvent apparaître dès la 48e heure après la mise en place de la sonde. Elles seraient plus fréquentes chez les patients diabétiques [40,41]. Elles seraient favorisées par la position médiale, interaryténoïdienne de la sonde, plutôt que latérale dans le sinus piriforme [42]. Les symptômes peuvent apparaître plusieurs jours après l’ablation de la sonde nasogastrique [38–40]. Les lésions ne sont pas toujours visibles en nasofibroscopie et doivent être recherchées en laryngoscopie en suspension [40]. Le traitement de ces lésions nécessite l’ablation de la sonde, un rétablissement de la filière laryngée (une trachéotomie est parfois nécessaire), un traitement antibiotique et un traitement antireflux [38]. La sonde nasogastrique peut entraîner des perturbations de la déglutition même sans lésions directes au niveau laryngé. La sonde entraînerait une hypersalivation qui peut être difficilement déglutie par le patient. Tout comme la sonde d’intubation elle élève le seuil de perception au niveau pharyngé et entraîne un retard du déclenchement du réflexe de déglutition. Huggins en 99 a étudié la déglutition en vidéoradioscopie de dix jeunes sujets normaux dans trois conditions : sans sonde, avec une sonde fine (8 mm), avec une sonde large (16 mm) [43]. La présence d’une sonde augmente la durée du temps pharyngé de la déglutition et cette augmentation est significative avec une sonde large. Il n’a pas été observé de fausses routes en présence de la sonde. Les auteurs en concluent qu’une sonde fine est préférable chez les patients âgés et dysphagiques. La présence de la sonde favoriserait le reflux gastro-œsophagien et le reflux œsophagopharyngé en perturbant les mécanismes de fermeture des sphincters supérieurs et inférieurs de l’œsophage [44]. Le reflux à son tour peut créer ou aggraver un œdème laryngé. Il peut également entraîner des fausses routes à l’origine de pneumopathies. Le reflux a été objectivé avec une sonde large et serait limité avec l’emploi de sondes fines [45,46].

Ceci est contesté par Dodson qui a quantifié en scintigraphie le reflux chez des sujets normaux sans sonde, avec une sonde fine, et avec une sonde large [47]. Il n’a pas retrouvé de reflux chez les sujets porteurs d’une sonde quelle que soit sa taille. Ferrer ne retrouve pas non plus chez des patients intubés l’influence de la taille de la sonde sur la présence du reflux et des micro-fausses routes trachéales [48].

5. Conduite à tenir devant un trouble de la déglutition après intubation L’évaluation des troubles commence par un interrogatoire des proches et des soignants. On demande si des troubles de la déglutition existaient avant le séjour en réanimation, si oui de quel type (dysphagie, fausses routes). Les antécédents médicaux (pathologie neurologique aiguë ou dégénérative, diabète, reflux gastro-œsophagien, insuffisance respiratoire...) et chirurgicaux (ORL, avec ou sans radiothérapie cervicale , neurochirurgie, chirurgie thoracique, abdominale) sont notés, de même que l’âge. Les informations concernant l’intubation et/ou la trachéotomie doivent être recueillies : circonstance de l’intubation, complications éventuelles, durée. S’il s’agit d’un patient porteur d’une canule de trachéotomie, on demande si le patient est encore ventilé, s’il est oxygénodépendant, le nombre d’aspirations trachéales réalisées par jour, si celles-ci ramènent de la salive, si des tentatives d’obturation de la canule ont été réalisées et comment elles ont été supportées par le patient, et si des essais alimentaires ont été réalisés, avec quel type de texture, dans quelles conditions (ballonnet gonflé, dégonflé), et la quantité d’aliments retrouvés dans ou autour de la canule. S’il s’agit d’un patient sans canule, on note si le patient peut se dégager seul des secrétions salivaires et rhinopharyngées, en déglutissant ou en expectorant, ou si des aspirations ou une kinésithérapie de désencombrement sont nécessaires. On note également la façon dont se sont déroulés les essais alimentaires (toux, dyspnée, désaturation, sensation de blocage pharyngé...). On réalise ensuite le « bed-side examination » des anglo-saxons, c’est-à-dire l’examen de la déglutition sans aide instrumentale. On commence par un examen buccodentaire. On note s’il existe une mycose, l’état d’humidification de la muqueuse buccale, s’il existe des secrétions croûteuses qu’il faudra enlever avant tout essai alimentaire, l’état buccodentaire (caries ? édentation ?). Puis on examine les paires crâniennes accessibles à l’examen orofacial : les V, VII, IX, X (examen du voile), XI et XIIes paires crâniennes. L’examen des paires crâniennes peut ne déceler aucune paralysie, mais l’amplitude et la vitesse des mouvements peuvent être diminuées chez les patients de réanimation. Le réflexe nauséeux est testé. Bien que la présence du réflexe ne soit pas un garant d’une déglutition sûre, son absence incite à la prudence dans les essais alimentaires. La possibilité d’une toux volontaire est testée canule fermée. La canule fermée

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permet d’entendre la voix du patient : une voix faible, au timbre voilé oriente vers un défaut de fermeture laryngée, une voix au timbre « gargouillant », « humide » oriente vers une stase salivaire pharyngée qui déborde sur les cordes vocales. Les essais alimentaires peuvent être réalisés à condition [49] : • que le patient soit suffisamment vigile (répond au moins à l’ordre simple) ; • qu’il y ait un délai d’au moins 24 heures après l’extubation ; • que le patient avec canule tolère un ballonnet dégonflé ; • que son état respiratoire et cardiaque soit stable, c’est-àdire que le patient ne soit ni hypoxique, ni tachypnéïque, que seules des faibles doses de catécholamines soient nécessaires [50]. La présence d’une stase salivaire pharyngée ne contreindique pas formellement les essais alimentaires dans la mesure où la salive est très peu réflexogène. Le patient est assis confortablement, tête neutre ou en légère flexion. Après nettoyage de la cavité buccale, aspiration trachéale et pharyngée, les essais sont réalisés en petit volume (cuillerée à café), à un rythme lent, en s’assurant que le réflexe de déglutition se soit déclenché à chaque cuillerée, c’est-à-dire qu’on ait vu ou palpé le larynx qui s’élève d’environ 2 cm. On évite les essais avec une seringue, qui court-circuite le temps buccal avec ses informations proprioceptives. Un raclement de gorge suivi d’une déglutition entre chaque cuillerée permet de limiter les fausses routes de stase. On choisit un aliment de texture semi-solide (yaourt, crème vanille). Cette texture est utilisée de façon préférentielle dans les tests de reprise alimentaire en milieu de réanimation puisque les fausses routes les plus souvent observées sont des fausses routes aux liquides. Si le patient est porteur d’une canule, on ajoute quelques gouttes de bleu de méthylène qui seront visualisées dans les aspirations trachéales en cas de fausses routes. Cependant il existe des faux-négatifs dans cet examen [51]. Chez le patient sans canule, l’examen de la déglutition vue de l’extérieur n’est pas très fiable [52]. L’absence de toux ne garantit pas l’absence de fausses routes puisque la majorité des fausses routes après intubation sont silencieuses. On peut évoquer des troubles du temps pharyngé de la déglutition sur les observations suivantes : • une modification de la voix après la déglutition : accentuation du caractère « mouillé » du timbre vocal qui témoigne d’une déglutition incomplète, avec risque de fausses routes après la déglutition ; • des déglutitions itératives qui témoignent d’un défaut de propulsion pharyngé, d’un obstacle pharyngé ou un défaut d’ouverture du SSO ; • une faible élévation du larynx qui entraîne un défaut d’ouverture du SSO et expose aux risques de fausses routes de stase. Des études ont tenté de rechercher si les fausses routes pouvaient être diagnostiquées sur des désaturations en oxy-

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gène. Quatre-vingt-cinq pour cent des patients chez qui sont objectivées des fausses routes en vidéoradioscopie ont montré une baisse de 2 % ou plus de la saturation en O2. Ce test a une bonne valeur prédictive négative (l’absence de désaturation est bien corrélée avec l’absence de fausses routes), mais il existe des faux-positifs (désaturation alors qu’il n’y a pas de fausses routes) dus à une insuffisance respiratoire, une apnée volontaire...[53]. On demande un examen de la déglutition en nasofibroscopie si des fausses routes ont été diagnostiquées après un essai réalisé dans de bonnes conditions, s’il existe des anomalies du temps pharyngé déduites de l’examen de la déglutition, ou en cas de doute, surtout s’il s’agit d’un patient âgé ou s’il existe une pathologie neurologique ou une insuffisance respiratoire. La nasofibroscopie permet de mettre en évidence une cause locale de troubles de la déglutition, de vérifier la perméabilité de la filière laryngée, de préciser le mécanisme des fausses routes, de préciser le type de texture le plus adéquat et d’optimiser les postures. Après introduction du nasofibroscope dans les fosses nasales, sans anesthésie locale, (l’anesthésie locale pourrait diminuer la sensibilité du pharynx), on vérifie l’absence d’obstacle local à la déglutition. On élimine en premier lieu une tumeur des voies aérodigestives supérieures. On vérifie l’absence d’œdème au niveau laryngé. L’œdème est à la fois un obstacle à la déglutition et diminue la filière laryngée ce qui limite la possibilité d’obturer la canule. La présence d’un œdème laryngé au contact de la sonde nasogastrique incite à enlever celle-ci et à alimenter le patient par voie parentérale ou au moins à mettre une sonde nasogastrique la plus fine possible dans le sinus piriforme controlatéral à l’œdème. L’ablation de la sonde nasogastrique est souvent le premier acte thérapeutique dans les troubles de la déglutition induits par la réanimation [54]. On vérifie que la sonde nasogastrique a un trajet normal. Elle fait parfois une ou plusieurs boucles autour de l’épiglotte, ce qui gêne son mouvement d’abaissement : on observe sa position latérale, dans les sinus piriformes ou médiale, interaryténoïdienne. On recherche également une mycose sous forme de plaques blanchâtres sur la base de langue, le pharynx ou le larynx. Les mycoses forment un « tapis isolant » qui retarde le déclenchement du réflexe de déglutition et entraîne des fausses routes aux liquides. On observe ensuite la motricité des différents organes de la déglutition. La motricité du voile est appréciée (élévation du voile en phonation et en déglutition), du pharynx (resserrement de l’entonnoir pharyngé pendant l’émission d’une voyelle aiguë), du larynx (fermeture en phonation), de la base de langue (recul dans l’émission de phonèmes postérieurs k, gu). On note l’amplitude et la symétrie des mouvements. La sensibilité laryngée est testée en affleurant la muqueuse aryténoïdienne avec l’extrémité du nasofibroscope, ce qui doit provoquer un réflexe de toux ou au moins une fermeture laryngée. On observe la présence de stase salivaire qui témoigne indirectement d’un défaut de propulsion linguale ou pharyngée, d’un défaut d’ouverture du SSO, d’un obstacle ou d’un trouble de la motricité œsophagienne. Cette stase peut

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s’accompagner de fausses routes salivaires. L’identification des mécanismes déficitaires à l’origine du trouble de la déglutition permet de préciser les types de textures utilisés pour les essais alimentaires sous fibroscope : un retard au déclenchement du réflexe de déglutition ou un défaut de fermeture laryngée fait préférer les textures semi-solides ; un défaut de propulsion linguale ou pharyngée fait opter pour les textures liquides. Chez le patient canulé, si l’examen au nasofibroscope est impossible, on peut enlever la canule de trachéotomie et visualiser le plan cordal par sa face inférieure en passant le fibroscope par l’orifice de trachéotomie, et en béquillant vers le haut l’extrémité du nasofibroscope ce qui permet d’apprécier la mobilité laryngée et d’observer tous les types de fausses routes. Si l’essai alimentaire est positif (absence de fausses routes visualisées au nasofibroscope, contrôlées par une aspiration trachéale en fin d’essai et 15 minutes plus tard), les essais alimentaires seront poursuivis canule obturée, avec contrôle des aspirations trachéales, surveillance de l’état respiratoire et infectieux. On favorise l’auto-alimentation par le patient. Si les essais sont positifs avec du semi-solide, l’hydratation est assurée par de l’eau gélifiée (6 à 8 pots par jour). Les essais de liquide seront plus tard effectués avec un test à l’eau colorée de bleu de méthylène. La canule est enlevée lorsque le patient peut rester un certain temps canule fermée sans avoir besoin d’aspiration trachéale. Ce temps varie suivant les équipes, il est d’environ 48 à 72 heures [55]. Si les essais alimentaires sont négatifs, on peut tester l’influence des postures : hyperflexion antérieure de la tête, ce qui recule la base de langue sur le larynx et protège davantage les voies respiratoires, légère extension de la tête pour améliorer le transit oral. Les postures en rotation n’ont un intérêt que s’il existe une asymétrie de l’examen du carrefour aérodigestif : la rotation de la tête ferme le sinus piriforme homolatéral, cela a un intérêt si on a constaté un défaut de vidange de celui-ci, l’inclinaison latérale de la tête favorise le transit oropharyngé du même côté. L’échec de l’adaptation posturale et des textures incite à différer les essais alimentaires et à réévaluer les troubles de la déglutition de semaine en semaine. Une prise en charge orthophonique en collaboration avec le kinésithérapeute et la diététicienne peut aider le patient par des stimulations thermiques et tactiles sur les zones déclenchant la déglutition, un travail spécifique de chaque mouvement composant la déglutition, et en apprenant au patient des manœuvres facilitatrices (ex : la déglutition supraglottique : inspirer, avaler, tousser, ravaler...). Une fibroscopie œsogastrique recherchera un obstacle œsophagien ou un trouble de la motricité œsophagienne si une dysphagie persiste. On recherchera également une fistule œsotrachéale en cas de toux aux liquides. Si la sonde nasogastrique est bien tolérée localement, on peut la laisser en place, mais au-delà de trois semaines si l’alimentation per os ne peut être reprise, une alimentation par gastrostomie ou jéjunostomie doit être envisagée. Cependant lorsqu’il s’agit

uniquement de pathologie iatrogène de la déglutition, celle-ci est rarement nécessaire. 6. La prévention des troubles de la déglutition en réanimation • Adapter le matériel (sonde d’intubation et de la sonde nasogastrique) à la morphologie du patient ; • Éviter l’intubation longue et pratiquer une trachéotomie si le patient n’est pas sevrable rapidement du respirateur ; • Contrôler la pression du ballonnet ; • Éviter l’hyper-extension de la tête ; • Réaliser des soins de bouche deux fois par jour pour éliminer la contamination bactérienne de l’arbre respiratoire ; • Prévenir le reflux gastro-œsophagien (position demiassis incliné de 30 à 45°, sonde nasogastrique poussée au niveau de la petite courbure, médicaments prokinétiques) ; • Utiliser judicieusement les corticoïdes et les curares , bien que l’atteinte de la motricité pharyngée n’ait pas été prouvée dans les neuropathies et les myopathies de réanimation, [50] ; • Mettre une canule fenêtrée à ballonnet ou une canule de diamètre plus petit permettant d’obturer la canule, dès que le patient n’est plus ventilé, ce qui restaure un circuit aérien physiologique, et stimule le réflexe de déglutition, rétablit les sensations olfactives et la phonation, ce dernier point étant très favorable au moral du patient et sollicite toute la motricité bucco-pharyngo-laryngée [49,56]. Une valve de phonation peut être mise en place si le patient ne tolère pas l’obturation de la canule. Le patient peut ainsi réapprendre à tousser et à se dégager de ses secrétions et de sa salive. L’obturation de la canule est à faire régulièrement en fonction de la tolérance du patient, sur des périodes courtes (5 minutes) puis de plus en plus longues, lorsque le patient est réveillé. Les premiers essais de fermeture peuvent être accompagnés d’encombrement pharyngé et de fausses routes salivaires, et nécessitent la présence d’une infirmière qui aspire les secrétions et rassure le patient. L’encombrement initial témoigne simplement de la difficulté de la « remise en route » du mécanisme de déglutition et ne doit pas faire stopper les essais de fermeture de la canule sauf si cet encombrement est durable, ce qui fera rechercher une cause neurologique. La reprise alimentaire per os peut être longue particulièrement chez les sujets âgés, présentant une neuropathie ou une myopathie de réanimation, chez les insuffisants respiratoires. Elle nécessite une grande disponibilité de la part du personnel soignant. Le temps consacré au patient à la période du sevrage de la canule est finalement du temps gagné, car il permet de limiter les conséquences respiratoires de fausses routes. La connaissance des effets iatrogènes de l’intubation permet donc de mieux prévenir les troubles de la déglutition.

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