Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelles

Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelles

Tumeurs rares Rare tumours Volume 100 • N◦ 5 • mai 2013 John Libbey Eurotext © Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelle...

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Tumeurs rares Rare tumours

Volume 100 • N◦ 5 • mai 2013 John Libbey Eurotext

©

Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelles Desmoid tumors in children: current strategy Caroline Oudot1 , Anne-Sophie Defachelles2 , Véronique Minard-Colin3 , Sylviane Olschwang4 , Laurent Fourcade5 , Sylvie Helfre6 , Daniel Orbach7 1

Article rec¸u le 31 d´ecembre 2012, accepté le 6 f´evrier 2013 Tirés à part : C. Oudot

CHU de Limoges, hôpital de la Mère et de l’Enfant, service d’oncologie pédiatrique, 8, avenue Dominique-Larrey, 87042 Limoges, France 2 Centre Oscar-Lambret, service d’oncologie pédiatrique, 59020 Lille, France 3 Institut Gustave-Roussy, service d’oncologie pédiatrique, 94805 Villejuif, France 4 Institut Paoli-Calmette, service de génétique, 13009 Marseille, France 5 CHU de Limoges, hôpital de la Mère et de l’Enfant, service de chirurgie pédiatrique, 87042 Limoges, France 6 Institut Curie, service de radiothérapie, 75005 Paris, France 7 Institut Curie, département d’oncologie pédiatrique-adolescents-jeunes adultes, 75005 Paris, France

Pour citer cet article : Oudot C, Defachelles AS, Minard-Colin V, Olschwang S, Fourcade L, Helfre S, Orbach D. Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelles. Bull Cancer 2013 ; 100 : 518-28. doi : 10.1684/bdc.2013.1747.

Mots clés : tumeurs desmoïdes, fibromatose agressive, polypose adénomateuse familiale, syndrome de Gardner, gène APC, enfants

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Abstract. Desmoid tumor (DT) or aggressive fibromatosis is a histologically benign-appearing neoplasms of the soft tissues, arising from connective tissues, the fascial sheaths and musculoaponevrotic structures of muscles. DT is a non-metastasizing tumor but has a potential for local invasion and local recurrence. DT can be seen in all age groups including young children. The overall incidence is reported as 2-4 cases per million per year. The etiology of DT is unknown. However, a genetic predisposition, familial adenomatous polyposis and Gardner’s syndrome, has been implicated in 2% of the cases. The histological diagnosis has to be confirmed by biopsy in order to eliminate other sarcomas. The clinical behavior of DT seems unpredictable with a high rate of local recurrence. Treatment depends on the aggressiveness of the disease. A “wait-and-see” strategy is, at the present time, preferred in case of asymptomatic or non-progressive disease. Complete resection after surgery is rare, that is why first-line surgery should be seriously questioned and only considered when a complete resection can be feasible without functional or cosmetic damage. If not, medical treatments (cytotoxic or not) are rather discussed. Radiation therapy is rarely an option in children in this benign tumor. Authors present accurate knowledge of this disease in children. 

Key words: desmoid tumor, aggressive fibromatosis, familial adenomatous polyposis, Gardner’s syndrome, APC gene, children Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

doi : 10.1684/bdc.2013.1747

Résumé. La tumeur desmoïde (TD) ou fibromatose agressive est une tumeur des tissus mous survenant à tout âge, principalement chez l’adulte jeune et plus rarement chez l’enfant. Elle se développe à partir des tissus de soutien et des aponévroses. C’est une tumeur d’aspect bénin, qui ne donne pas de métastases mais qui est souvent localement agressive. Son incidence, tous âges compris, est de 2 à 4 par million d’habitants. Si la plupart des cas sont sporadiques et d’étiologie inconnue, 2 % sont d’origine génétique, par mutation du gène APC, et entrent dans le cadre du syndrome de Gardner associé à la polypose adénomateuse familiale (PAF). L’évolution des TD en pédiatrie est imprévisible et semblable à celle des adultes, avec une importante tendance à la récidive locale. Les idées sur la prise en charge thérapeutique ont beaucoup évolué avec le temps et l’expérience acquise dans cette maladie. Actuellement en première intention, une surveillance simple est préférée à la chirurgie en l’absence de symptômes ou de progression rapide. Cette dernière est exceptionnellement complète du fait de l’envahissement local et peut même être associée à une poussée de la maladie. En cas de progression, les traitements médicamenteux sont de plus en plus souvent envisagés avec pour objectif la stabilisation prolongée de la maladie. La radiothérapie ne sera qu’exceptionnellement envisagée pour cette pathologie bénigne du fait des séquelles induites à long terme, en particuliers chez les enfants n’ayant pas fini leur croissance. Les auteurs font le point sur les données actuelles de cette pathologie en pédiatrie. 

Les tumeurs desmoïdes en pédiatrie : état des connaissances actuelles

Introduction La tumeur desmoïde (TD), ou fibromatose agressive, fait partie des fibromatoses profondes. Les TD, du grec « desmos » qui signifie lien ou bande, se caractérisent par une prolifération myofibroblastique se développant à partir de structures musculo-aponévrotiques. Ce sont des tumeurs localement agressives, de croissance lente étalée sur plusieurs mois, voire années, qui ne métastasent pas mais ont tendance à récidiver localement. Cet article a pour objectif de faire le point sur la TD et ses spécificités pédiatriques.

Épidémiologie La TD est une tumeur rare, avec probablement moins de 200 nouveaux cas (adultes et enfants réunis) par an en France. L’incidence estimée des TD chez l’enfant est de 2 à 4 par million d’habitants et par an [1]. Les TD peuvent survenir à tout âge de la vie, dès la petite enfance mais deux pics d’incidences sont identifiés : le premier vers six à 15 ans puis, un second chez la femme, de la puberté jusqu’à 40 ans [2]. L’âge médian dans une série pédiatrique était de huit ans avec de très rares cas diagnostiqués dès la naissance [3]. Chez l’adulte, on constate une prédominance féminine (sexratio F/M = 1,2) alors que la situation est inversée chez l’enfant (1,3 à 1,5 garc¸ons pour une fille). Les TD en général, et chez l’enfant en particulier, peuvent être classées en trois grandes catégories : les TD sporadiques extra-abdominales (environ 75 à 80 % des TD), surtout situées au niveau des membres, de la tête et du cou, les TD sporadiques intra-abdominales (moins de 5 % des TD sporadiques) et les TD survenant dans un contexte de polypose adénomateuse familiale (PAF) ou syndrome de Gardner. Dans ce dernier cas, leur localisation est alors principalement mésentérique et peut être multiple [4, 5].

Physiopathologie Facteurs hormonaux Des facteurs hormonaux, en particulier les œstrogènes, favoriseraient la survenue de TD. Les arguments en faveur de cette hypothèse sont la survenue plus fréquente de TD chez la femme durant les périodes de forte imprégnation hormonale telles que la grossesse et jusqu’à l’année qui suit l’accouchement, leurs régressions spontanées possibles à la ménopause et, enfin, l’efficacité de certaines thérapeutiques antihormonales, notamment les anti-œstrogènes [6]. Plusieurs équipes ont mis en évidence la présence de récepteurs aux œstrogènes sur les cellules des TD. Enfin, des tests in vitro sur des cellules issues de TD ont montré une croissance plus importante en présence d’œstrogènes et une inhibition de cet effet par des anti-œstrogènes comme le tamoxifène [7, 8]. Certains cas cliniques font état Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

d’une évolutivité des lésions préexistantes au moment de la puberté chez les jeunes filles, mais la répartition de la pyramide des âges dans les populations pédiatriques, avec des âges médians allant de 6,7 ans à dix ans, ne plaide pas en faveur d’un facteur déclenchant de la puberté [3, 9, 10].

Facteurs traumatiques Les traumatismes, accidentels ou chirurgicaux, ont également été évoqués dans la genèse des TD, chez l’enfant comme chez l’adulte. En effet, il est décrit des TD se développant au niveau même d’un site opératoire antérieur comme par exemple dans les années suivant une chirurgie sur des cicatrices de plaies, sur des sites d’implantation de trocarts de laparoscopie ou après mise en place de prothèses mammaires en silicone, sur des cicatrices de césarienne ou encore suite à une rectocolectomie prophylactique dans le cadre d’une PAF [3, 11, 12]. Quelques cas de TD ont également été rapportés après un traumatisme physique direct pouvant évoquer un dérèglement cellulaire lors des phénomènes de cicatrisation. En pédiatrie, l’incidence des cas secondaires est probablement faible mais mal définie. Pour Oudot et al., seuls trois enfants sur les 59 (5 %) ont développé une TD sur une cicatrice de chirurgie antérieure [3]. Onze enfants sur 63 (17 %) [13], ainsi que un sur dix enfants (10 %) [14], avaient eu un traumatisme local précédent à l’apparition de la TD tandis qu’aucun des 13 enfants, dans l’expérience de Buitendijk et al., n’avaient rien eu antérieurement [15]. Cette information n’est pas disponible dans les autres publications pédiatriques [9, 10, 16-19]. Pour Rutenberg et al., la notion de traumatisme antérieur a été retrouvé pour 23 % (7/30 patients) des jeunes patients de moins de 30 ans atteints de TD [19]. Les progressions tumorales précoces après une tentative de résection d’une TD en place initialement peu évolutive sont probablement plus fréquentes mais sont mal évaluables sur les séries pédiatriques rétrospectives. Ces observations confortent néanmoins la thérapeutique actuelle de wait-and-see, sans chirurgie, pour les cas de tumeurs peu ou non évolutives afin d’éviter une éventuelle « stimulation » du tissu conjonctif par un geste opératoire (exemple sur les figures 2 et 3) [3, 9, 20-22].

Facteurs génétiques Dans de rares cas notamment en pédiatrie, la TD survient dans un contexte de PAF, maladie autosomique dominante liée à une mutation du gène APC, gène suppresseur de tumeur localisé en 5q21-22. Plus de 200 mutations différentes ont déjà été décrites dans des familles de PAF, à pénétrance proche de 100 % pour les manifestations coliques mais à pénétrance variable pour les atteintes extracoliques. Cette maladie est caractérisée par l’existence de centaines de polypes disséminés le long de la paroi digestive, en général

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colorectale, apparaissant le plus souvent entre l’âge de la puberté et 20 ans. Ces polypes dégénèrent en adénocarcinomes du côlon et du rectum dans la quasi-totalité des cas avant l’âge de 40 ans. Ce risque de dégénérescence amène donc à proposer une rectocolectomie préventive [23-25]. De même, des polypes gastroduodénaux peuvent apparaître, plus tardivement. Le risque de cancer duodénal chez les patients PAF est 100 à 330 fois plus élevé que chez des patients non PAF. La prise en charge de ces atteintes digestives hautes doit aussi être précoce, c’est pourquoi une fibroscopie haute est préconisée dès l’âge de 25 à 30 ans et une pancréaticoduodénectomie prophylactique pourrait être envisagée [26, 27]. Le syndrome de Gardner, une variante de la PAF, associe une polypose intestinale, une ou plusieurs TD et des atteintes extradigestives tels que des ostéomes (dans 90 % des cas, surtout situés au niveau de la mandibule), des kystes épidermoïdes (dans 60 % des cas), des anomalies dentaires (agénésie dentaire, dents surnuméraires dans 40 % des cas), des fibromes, une hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmentaire de la rétine (uniquement dans certaines formes de Gardner, exceptionnelles chez l’enfant) ou des cancers extracoliques (thyroïde, vésicule biliaire, hépatoblastome, médulloblastome) [28]. Dans ce contexte familial de polyposes, les TD surviennent chez 6 à 20 % des patients soit 850 fois plus fréquemment que dans la population générale [29]. Elles peuvent parfois être le premier signe de cette maladie familiale [4, 30]. Les TD sont alors le plus souvent intra-abdominales chez l’adulte (mésentériques ou rétropéritonéales dans près de 70 % des cas), multicentriques et apparaissent dans trois quarts des cas dans un délai moyen de 4,5 ans après la chirurgie colique [11]. Ces tumeurs sont responsables d’une morbidité et d’une mortalité majeures par extension digestive, compressions urétérale ou vasculaire. D’après quelques études réalisées chez des patients présentant une PAF, les TD représentent la deuxième ou troisième cause de décès après les cancers colorectaux ou duodénaux et deviennent même, dans une série, la cause la plus fréquente de décès chez des patients ayant bénéficié d’une colectomie totale ou subtotale. Ainsi, chez tout jeune patient porteur d’une TD, même en l’absence d’antécédent de PAF (30 % des mutations du gène APC surviennent de novo) et quelle que soit la localisation de la tumeur, peut-il être proposé de fac¸on non encore consensuelle, une consultation d’information génétique et un séquenc¸age d’APC suivie (en cas de mutation positive) d’une coloscopie dès l’âge de 18 à 20 ans, une fibroscopie digestive haute dès 25 à 30 ans et un éventuel bilan à la recherche de lésions extracoliques (radiographies du squelette, panoramique dentaire, consultation dermatologique, ORL et ophtalmologique. . .) [24]. L’absence d’antécédents familiaux ou d’anomalie en dehors de la TD chez

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le jeune patient ne permet pas de se rassurer totalement sur le caractère sporadique de la lésion en raison des possibles familles avec PAF atténuée chez lesquelles les manifestations cliniques peuvent être tardives. Il existe par ailleurs un syndrome exceptionnel appelé « syndrome desmoïde familial », qui semble ne s’accompagner d’aucune lésion adénomateuse digestive [31]. Dans ces deux situations, les mutations décrites impliquent toujours le gène APC, dans sa portion C-terminale, à savoir au-delà du codon 1440. Ces mutations confèrent un risque très élevé de TD sans rapport avec une prise en charge chirurgicale préalable, alors que les TD développées après un geste chirurgical abdominal concernent les patients porteurs de mutations situées avant la position 1440 [31-33]. Aucune hypothèse physiopathologique n’est actuellement formulée pour tenter d’expliquer ces corrélations entre génotype et phénotype sur le gène APC. Il est à noter que la fréquence des formes génétiques et familiales révélées par une TD isolée chez un enfant est inconnue et probablement très faible. Des études sont en cours pour définir si une sélection des familles nécessitant un conseil génétique pourrait s’appuyer sur la présence ou non d’une mutation de la ␤-caténine (gène CTNNB1) au niveau somatique. L’analyse somatique complète du gène APC étant complexe et coûteuse, l’idée de ces travaux est de valider si les mutations d’APC et de la ␤-caténine sont mutuellement exclusives, ce qui permettrait de ne proposer une consultation génétique et un séquenc¸age d’APC au niveau constitutionnel qu’aux enfants ayant une TD sans mutation somatique de la ␤-caténine. En pédiatrie, les cas survenant en contexte génétique sont rares et représentent entre 3,0 et 8,5 % des enfants inclus dans les séries [3, 9, 10, 13, 19].

Clinique La symptomatologie clinique dépend de la localisation tumorale et se présente souvent sous la forme d’une masse de taille variable, parfois très volumineuse et responsable de douleurs de mécanisme multiple (musculaires, abdominales, nerveuses. . .) ou de gêne fonctionnelle par compression nerveuse ou d’organes (trachée, uretère. . .). La tumeur se présente comme une tuméfaction superficielle, ferme, mobile, mal limitée, peu ou pas sensible. Elle adhère souvent aux structures et organes de voisinage. La peau en regard est normale. La croissance est très lente, sur des mois, voire des années, avec des phases de stabilisation parfois très prolongées et même des possibilités de régression spontanée. Dans une étude récente portant sur 59 enfants ou adolescents atteints de TD, le siège de la tumeur se trouve dans 42 % des cas au niveau des membres (figure 1), 29 % au niveau de la tête et du cou (figure 2), 19 % au niveau du tronc (figure 3) dont 3 % en intrathoracique et 7 % au niveau intra-abdominal. Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

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B

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Figure 1. Aspects, clinique et IRM (coupes coronales T2 Fat Sat), du mollet d’une jeune fille de 17 ans présentant 1,5 ans après l’exérèse d’une petite tumeur desmoïde (figure 1A, flèche blanche pleine), une récidive volumineuse au niveau du mollet droit dans le champ opératoire (figures 1B et C, flèche noire et blanche pointillée) ; échec d’un traitement par sulindac, en cours de surveillance (crédit photos : H. Brisse).

Dans 3 % des cas, les localisations sont multiples [3]. Les TD de la paroi abdominale atteignent préférentiellement les muscles grand droit et grand oblique. Cette localisation est rare chez l’enfant ou l’homme adulte. Elles surviennent essentiellement chez les jeunes femmes enceintes ou dans la première année qui suit la grossesse. Les TD intra-abdominales sont le plus souvent mésentériques, de survenue tardive à l’âge adulte et sont aussi associées plus fréquemment en pédiatrie à un contexte génétique de PAF ou de Gardner mais pas exclusivement : trois patients sur sept dans l’expérience italienne [9]. Notons qu’aucun Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

cas de localisation mésentérique n’était retrouvé dans une autre série pédiatrie récente [3]. À l’âge adulte, elles touchent aussi bien l’homme que la femme et surviennent alors à un âge variable, vers 30 à 40 ans en moyenne [4, 34, 35].

Imagerie La radiographie standard est le plus souvent normale ne montrant pas de calcification en général mais parfois une déformation, voire une érosion, des structures osseuses avoisinantes sans extension intracanalaire

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volumineuse et mal délimitée. En mode Doppler, une hypervascularisation est habituelle. Dans un second temps, l’IRM est l’examen d’imagerie de choix pour le diagnostic d’une masse des parties molles, et ce avant toute biopsie. La tumeur apparaît souvent hétérogène, bien limitée dans une moitié des cas, franchissant parfois les aponévroses des muscles, en général en hyposignal par rapport au muscle en T1 et souvent en hyposignal en T2 (figure 1). Cependant, l’intensité du signal en T2 semble d’autant plus élevée que la cellularité de la masse est importante, ce qui pourrait permettre de caractériser le caractère cellulaire « prolifératif » ou fibreux plus « quiescent » de la tumeur bien que d’autres équipes comme Castellazzi et al. n’aient pas constaté les mêmes caractéristiques pronostiques évolutives [36-38].

Pathologie

Figure 2. IRM cervicale d’une tumeur desmoïde cervicothoracique droite infiltrante chez un garc¸on de huit ans au diagnostic. Inopérable d’emblée. Réponse partielle de plus de 2/3 après un traitement par méthotrexate et vinblastine, poursuivi pendant 18 mois. Résidu en cours de surveillance (crédit photo : H. Brisse).

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Figure 3. IRM abdominale au diagnostic chez un garc¸on de sept ans montrant une tumeur desmoïde de la paroi lombaire. Inopérable d’emblée. Réponse partielle de plus de 66 % après un traitement par méthotrexate et vinblastine poursuivi pendant 18 mois. Résidu en cours de surveillance (crédit photo : H. Brisse).

pour les formes périrachidiennes. L’échographie des parties molles avec Doppler a son intérêt dans le bilan initial afin de différencier les pseudotumeurs (adénite, abcès, kyste poplité, kyste synovial, corps étranger, hématome), les tumeurs bénignes (hémangiome infantile, fibromatose colli) ou les malformations vasculaires [36]. L’aspect à l’échographie des TD est aspécifique, retrouvant une masse des tissus mous, hypoéchogène

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La biopsie est nécessaire pour confirmer le diagnostic, idéalement réalisée à l’aiguille type « tru-cut » par voie transcutanée plutôt que chirurgicale mais en veillant à prélever une quantité suffisante de matériel pour fixation et congélation (études de biologie moléculaire). Macroscopiquement, la tumeur se présente comme une masse nacrée, infiltrant volontiers les tissus avoisinants en particulier les structures musculaires et ses limites par rapport aux tissus sains sont souvent mal identifiées. Microscopiquement, il s’agit d’une prolifération de cellules fibroblastiques, fusiformes, de petite taille, d’apparence uniforme séparées les unes des autres par un tissu collagène abondant. Ces cellules ne présentent aucune atypie, leurs noyaux sont de petite taille, réguliers et il n’existe que très peu de mitoses. En immuno-histochimie, les cellules tumorales fixent la vimentine et l’actine musculaire mais ne fixent pas la desmine, les cytokératines ou la PS100. Le marquage nucléaire de la ␤-caténine est un argument diagnostique important [39]. L’analyse histologique en cas d’exérèse chirurgicale première doit préciser le caractère complet ou non de la résection. Peu de données biologiques sont disponibles concernant les tumeurs pédiatriques. Il existe, chez l’adulte, une surexpression des récepteurs à l’œstrogène, principalement de type ␤ dans 80 % des cas [40] et du PDGF-R de types ␣ et ␤ [41]. Ces surexpressions de récepteurs peuvent être ciblées par des thérapeutiques type tamoxifène ou imatinib [41-44]. Sur le plan moléculaire, plusieurs mutations ont été mises en évidence dans les TD. Les principales sont des mutations du gène de la ␤-caténine (CTNNB1) [45] mais également du gène APC (principalement en cas d’association à une PAF) [4, 23, 46]. Quelle que soit la mutation en cause, la voie de signalisation Wnt est impliquée. Il en résulte une stabilisation de la protéine ␤-caténine et une activation de facteurs de transcription de la famille TCF/lef. Les mutations du gène CTNNB1 sont Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

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retrouvées dans plus de 80 % des TD de l’adulte [39, 45]. Certains types de mutation semblent pouvoir même être un facteur prédictif du risque de rechute comme par exemple la mutation 45F dans l’exon 3 associée à un taux de rechute plus important que les mutations 41A, de même que l’absence de mutation du gène CTNNB1 a été montrée comme associée à un risque de rechute plus élevé. De même, le niveau d’expression nucléaire de la ␤-caténine en immunohistochimie pourrait être inversement corrélé avec le risque de récurrence [45, 47]. Dans les cas de TD sporadiques sans mutation de CTNNB1, une mutation du gène APC est retrouvée dans 25 % des cas. Les mutations des gènes CTNNB1 et APC pourraient expliquer la tumorigenèse dans presque 90 % des cas de TD [48]. Près de 50 % des caryotypes somatiques des TD sont anormaux. Peuvent être également mises en évidence des aberrations chromosomiques clonales détectables en hybridation génomique (CGH) ou en fluorescence in situ (FISH) à type de perte partielle ou complète de certains chromosomes (perte des chromosomes 6, 6q, 5q, 13q ou gain des chromosomes 20, 20q, 1q, 9p). De même, des trisomies 8 ou 20 sont fréquemment retrouvées [48, 49].

Traitements Peu d’études ont été réalisées spécifiquement chez l’enfant concernant l’efficacité des thérapeutiques à cet âge. Les recommandations s’inspirent principalement de l’expérience des équipes prenant en charge des adultes, en tenant compte spécifiquement des risques à long terme chez l’enfant.

Simple surveillance (attitude dite de wait-and-see) Il est de plus en plus proposé une stratégie initiale de wait-and-see après confirmation diagnostique par biopsie, car le pourcentage de progression tumorale semble similaire entre une surveillance initiale et ceux opérés complètement [21, 50]. Cette réflexion s’appuie sur le fait que près de deux tiers des TD non opérées ne vont pas évoluer, que la chirurgie risque de provoquer une poussée de la maladie et, enfin, que les séquelles chirurgicales majeures ou les mutilations ne sont pas négligeables. Ainsi, lorsque la TD est peu symptomatique, non menac¸ante et non évolutive, une simple surveillance peut, elle, être mise en place. Un traitement ne sera alors institué dans un second temps qu’en cas d’évolutivité importante [51]. Cette attitude est de plus en plus préconisée en première intention, d’autant plus chez l’enfant, en raison du risque de « stimulation » des récidives en cas de chirurgies itératives. Les études comparant une attitude chirurgicale immédiate et une simple observation première montrent des Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

évolutivités comparables sans perte de chance à proposer une attitude initiale de surveillance principalement chez des patients adultes comprenant parfois quelques cas d’enfants [20, 21, 50] et dans quelques séries pédiatriques [9, 52].

Traitement chirurgical La chirurgie première peut encore avoir une place dans la prise en charge des petites tumeurs extraabdominales. Mais cette chirurgie ne doit en aucun cas être délabrante ou source de séquelles fonctionnelles. Il semble donc préférable de ne la proposer que si le chirurgien peut être certain qu’elle sera complète de type R0 [21, 53]. En effet, la plupart des équipes considère que des marges microscopiquement envahies sont un facteur importante de rechute [54]. De plus, les TD sont souvent de grande taille au diagnostic (6 cm en moyenne) [3], ce qui, sur les extrémités de membres, limite l’exérèse complète sans séquelle fonctionnelle. La place de la chirurgie en cas de récidive locale est également de plus en plus controversée, du fait de la difficulté d’obtenir des marges de qualité de type R0. Dans le cas particulier de la découverte peropératoire « fortuite » d’une tumeur semblant desmoïde, lors de l’exérèse d’une masse a priori bénigne, ou qui n’a pas fait l’objet d’une imagerie préopératoire, le chirurgien, devant le caractère inhabituel et mal limité de la tumeur, devra se contenter d’une biopsie, plutôt que de tenter une exérèse qui serait fréquemment incomplète, voire mutilante. La chirurgie ne sera donc envisagée que dans de rares cas : une progression tumorale et l’obtention de marges de résection R0 sans délabrement. Dans le cas contraire, un traitement médicamenteux ou une surveillance doivent être préférés (figure 4).

Radiothérapie La place de la radiothérapie (RT) est démontrée comme efficace chez l’adulte en prévention des récidives en cas de marges microscopiques [55]. Du fait des doses élevées nécessaires, du risque de complications à long terme, fonctionnelles, esthétiques et de second cancer dans cette pathologie bénigne, l’utilisation de la RT doit être exceptionnelle chez l’enfant. Cependant, elle peut avoir son intérêt en cas d’échec des traitements médicamenteux, en cas de récidives itératives malgré des chirurgies multiples, ou encore en alternative à une chirurgie mutilante. La dose totale apparaît comme un facteur primordial pour le résultat de l’irradiation sur les TD et des études prospectives randomisées restent cependant nécessaires afin d’établir le rôle de la RT dans les TD pédiatriques [3, 15, 17-19, 56]. L’efficacité de la RT en pédiatrie est confirmée par Merchant et al., qui ont publié les résultats à long terme d’un traitement par RT chez 13 enfants avec une TD. La dose médiane

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C. Oudot, et al.

Diagnostic de TD

Maladie stable et asymptomatique et localisation non à risque

TD d'évolution rapide ou symptomatique ou Iocalisation à risque

Simple surveillance 3 mois

Traitement

Maladie stable au < 25 % de progression et asymptomatique

Chirurgie complète faisable SANS dommage

Progression > 25% ou symptomatique

Surveillance et re évaIuation tous les 3 mois

OUI

NON

Résection chirurgicale

MTX-VB

Qualité R0-R1

Qualité R2

Réponse ou stabiIisation

Progression > 25 %

Surveillance

Au choix : surveillance ou traitement MTX-VB

6 + 6 mois de traitement Discuter la chirurgie

2e ligne de traitement systémique

Figure 4. Stratégie thérapeutique de prise en charge des enfants atteints de tumeur desmoïde issue du protocole européen NRSTS 2005. EpSSG : Groupe européen d’étude des sarcomes des tissus mous de l’enfant ; NRSTS 2005 : recommandations européennes de prise en charge des sarcomes des parties molles de l’enfant et de l’adolescent ; TD : tumeur desmoïde ; MTX : méthotrexate ; VB : vinblastine ; R0 : marge saine – exérèse microscopiquement complète ; R1 : exérèse microscopiquement incomplète ; R2 : exérèse macroscopiquement incomplète.

sur le site primitif était de 50 Gy (de 32 à 60 Gy). Un seul patient n’a pas rechuté avec un recul de plus de 15 ans [18]. Dans une série parisienne, neuf enfants ont été irradiés en complément d’une chirurgie de première ligne et quatre d’entre eux n’ont pas rechuté alors même que trois gardaient une maladie macroscopique au moment de la RT [3]. Dans d’autres séries, la RT est aussi efficace, bien que peut-être de fac¸on moindre que chez l’adulte, mais utilisée à forte dose, ce qui majore les complications ou les séquelles à long terme : fractures osseuses, retard de croissance squelettique ou des tissus mous, fibrose tissulaire, lymphœdème, complications neuropathiques, douleurs, occlusions intestinales et seconds cancers [15, 17-19]. La RT ne doit donc pas être un traitement de premier choix dans les TD du jeune enfant et les indications doivent donc rester exceptionnelles en pédiatrie après échec de plusieurs lignes thérapeutiques [19].

Autre traitement local La cryoablation percutanée sous anesthésie générale est actuellement en cours d’évaluation en France chez l’adulte sur des petites lésions extra-abdominales symptomatiques, en alternative à la chirurgie. Kujak et al.

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rapportent une efficacité clinique chez cinq patients avec des TD de 3 à 10 cm dont un enfant âgé de neuf ans [57]. L’absence de données suffisantes ne permet pas de proposer cette technique pour l’instant en pédiatrie en dehors de tout protocole.

Traitements médicamenteux En cas de tumeur jugée inopérable facilement, de progression ou de rechute, plusieurs traitements médicaux (cytotoxiques ou non) ont été proposés chez l’adulte et chez l’enfant mais l’évaluation de leur réel bénéfice reste difficile en l’absence de protocoles prospectifs randomisés. L’expérience pédiatrique s’appuie encore une fois sur les données des adultes avec des résultats semblant globalement similaires.

Les traitements hormonaux Il peut s’agir d’anti-œstrogènes tels que le tamoxifène (Nolvadex® ) ou de progestatifs comme la médroxyprogestérone (Provera® ). Ces produits peuvent être utilisés seuls ou en association, souvent à des antiinflammatoires. Chez l’adulte, ces traitements sont souvent efficaces sur la symptomatologie douloureuse Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

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même si la régression objective est moins fréquente [58]. De manière générale, il semble logique de proposer un arrêt des contraceptifs à base d’œstrogènes chez l’adolescente.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) L’anti-inflammatoire le plus fréquemment utilisé est le sulindac (Arthrocine® ). Le célécoxib (Célébrex® ) est aussi utilisable chez les adolescents ou les jeunes adultes. Il semble présenter une meilleure tolérance par rapport aux AINS traditionnels. Les précautions habituelles sont à prendre en cas de traitement prolongé par AINS. La tolérance des anti-inflammatoires prescrits au long cours est correcte, cependant, le risque connu de survenue de problèmes cardiovasculaires peut en réduire l’utilisation prolongée. Les AINS semblent par ailleurs jouer un rôle dans la régression de polypes intestinaux chez des patients porteurs de PAF [6, 59]. Dans une revue de la littérature publiée en 2003, Janinis et al. rapportent un taux de réponse partielle de 38 % [58]. Chez l’enfant, Lackner et al. rapportent les résultats de l’association tamoxifène à 1 mg/kg × 2/j per os et diclofénac à 2 mg/kg × 2/j par voie intrarectale chez huit patients. Une réponse objective partielle est retrouvée chez cinq des huit patients. Le traitement a été globalement bien toléré. Un effet indésirable a été noté à type de puberté accélérée [16]. Une récente phase II, réalisée par le Children Oncology Group (COG-ARST0321 – NCT00068419), a évalué l’efficacité de l’association du sulindac à 3 mg/kg (maximum : 150 mg) × 2/j au tamoxifène à 3 mg/kg (maximum : 150 mg) × 2/j per os pendant 12 mois chez 61 patients de moins de 18 ans présentant une TD en rechute ou au diagnostic. Seuls cinq patients ont présenté une réponse complète ou partielle soit 8 %. La survie sans rechute (PFS) à un an n’était que de 44 %. Ce traitement avait entraîné peu de myélosuppression et les toxicités de grade 3-4 étaient rares. Cependant, 11 des 30 filles ou jeunes femmes (27 %) ont présenté des kystes ovariens, régressifs à l’arrêt du traitement. Son efficacité ne semble donc pas supérieure à l’association méthotrexate-vinblastine où l’EFS estimée est autour de 58 % [10].

Les traitements cytotoxiques Les traitements cytotoxiques semblent une alternative raisonnable chez l’enfant même s’ils ne sont pas dénués d’effets secondaires immédiats. D’après la revue de Janinis et al., une réponse a été retrouvée dans 50 % des cas chez l’adulte [58]. Chez l’enfant, le trop faible nombre de séries publiées, comprenant chacune peu de patients, ne peut établir le rôle précis de la chimiothérapie dans les TD de l’enfant [15]. L’association méthotrexate (20 à 30 mg/m2 par semaine) et vinblastine (3 à 6 mg/m2 par semaine) a été principalement évaluée en pédiatrie. Chez dix enfants ayant une TD Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

en progression, inopérable ou ne pouvant recevoir une RT, cette association a montré des résultats intéressants : 30 % de réponse complète, 20 % de réponse partielle et 30 % de maladie stable. Le traitement a été bien toléré et les effets secondaires étaient modérés [60]. Une phase II du COG basée sur ces résultats a été menée chez 26 enfants présentant une TD en rechute, ne pouvant bénéficier ni d’une chirurgie ni d’une RT. Une réponse mesurable (complète et partielle) a été obtenue chez cinq patients (19 %) et une maladie stable chez dix patients. La toxicité était dite modérée bien que cinq enfants ont présenté une toxicité de grade 4 avec 22 épisodes de neutropénie dont cinq de grade 4. Dans la série parisienne récemment rapportée, la chimiothérapie par méthotrexate-vinblastine a été utilisée chez 21 patients, dont sept fois en association avec du tamoxifène, et a montré une réponse partielle dans 48 % des cas et une maladie stable dans 38 % des cas [3]. Cette association administrée de fac¸on hebdomadaire, à faibles doses et de fac¸on prolongée est donc une alternative intéressante chez l’enfant dans la mesure où elle n’est pas associée à une toxicité à long terme, ni en termes de fertilité, ni de mutagenèse [9, 10]. Une chimiothérapie plus intensive et de plus courte durée est parfois proposée dans les formes évolutives, au pronostic vital engagé ou en cas de TD réfractaires. Il s’agit alors d’associations de cytotoxiques telles qu’un alcaloïde de la pervenche, en général la vincristine, le cyclophosphamide, l’actinomycine D ou encore des anthracyclines seules ou associées. Quelques cas ont été rapportés concernant l’efficacité et la tolérance de la doxorubicine liposomale pégylée (Cælyx® ) chez des patients pédiatriques ou adultes présentant une TD réfractaire ou inopérable. À des doses de 20 à 50 mg/m2 toutes les trois semaines ou de 50 mg/m2 toutes les quatre semaines, en IVL une heure, une réponse objective a été mise en évidence dans respectivement 100 % (4/4 patients) et 36 % (4/11 patients) des cas. Aucune cardiotoxicité à court terme n’a été retrouvée mais ces médicaments sont connus pour être potentiellement responsables de défaillance cardiaque sur le long terme, limitant leur utilisation dans cette pathologie bénigne chez l’enfant [61, 62]. Meazza et al. rapportent, chez 94 patients de moins de 21 ans, un taux de réponse global à la chimiothérapie de 47 % en première ligne et 50 % en cas de rechute venant confirmer la possibilité de reprendre les mêmes traitements en cas de nouvelle évolutivité. Ce taux est de 58 % pour l’association méthotrexate-vinblastine et de 36 % en cas d’utilisation d’AINS ± tamoxifène ± autres traitements [9].

Autres traitements L’hydroxyurée (Hydréa® ) a été récemment utilisé chez l’enfant et a montré une certaine efficacité : Balamuth

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C. Oudot, et al.

et al. rapportent le cas de 16 enfants présentant une TD en rechute après plusieurs lignes de traitements (chimiothérapie, chirurgie, RT). La dose initiale était de 20 mg/kg par jour avec une augmentation basée sur la tolérance hématologique et le traitement était prévu pour 12 mois. L’âge médian à l’initiation du traitement était de 9,7 ans. La dose moyenne administrée était de 30 mg/kg par jour. Parmi les 14 patients du groupe IRS III, quatre ont présenté une réponse complète ou partielle (29 %) et sept ont présenté une stabilisation de leur maladie (50 %). La toxicité rapportée a été minime ou nulle [63]. Un cas rapporté par Meazza et al. montre également une faible toxicité de l’Hydréa® à 20 mg/kg par jour et une réponse partielle à trois mois chez un enfant présentant une TD en progression après de nombreuses lignes de traitement [64]. L’imatinib (Glivec® ) a montré des résultats encourageants chez l’adulte, en particulier dans l’étude multicentrique de phase II du Groupe franc¸ais des sarcomes menée chez 40 patients adultes, à des doses de 400 mg/j pour une durée de traitement initiale prévue de 12 mois : 12 % de réponse objective (3 % de réponse complète et 9 % de réponse partielle) mais surtout un taux de non-progression de 91, 80 et 67 % à respectivement trois, six et 12 mois. L’EFS à deux ans a été de 55 % avec une survie globale à 95 %. La toxicité a été modérée dans la plupart des cas et aucune toxicité de grade 4 n’a été mise en évidence [43]. Une phase II a également été réalisée par le groupe américain SARC chez 51 patients de plus de dix ans présentant une TD inopérable avec des doses allant de 100 à 300 mg deux fois par jour ajustée à la surface corporelle : à deux mois de traitement, 90 % des patients étaient en maladie stable, à quatre mois, 5/51 patients présentaient une réponse partielle et 84 % étaient toujours en maladie stable. L’EFS à un an et trois ans étaient estimées, respectivement, à 66 et 58 %. La toxicité a été modérée et quelques toxicités grade 3-4 ont été rapportées [44]. Au total, chez l’adulte, l’imatinib semble assez souvent permettre une stabilité de la maladie, dans le contexte de TD réfractaires. La toxicité est acceptable [41-44]. Un autre inhibiteur de tyrosine kinase, le sorafénib (Nexavar® ) utilisé à la dose de 400 mg/j a récemment montré une certaine efficacité chez 26 patients adultes avec TD avec 25 % de réponse partielle et 70 % de maladie stable rapportés à six mois. L’évaluation par IRM a montré une diminution de l’intensité du signal T2 en rapport avec l’augmentation de la fibrose et la diminution de la cellularité de la tumeur dans 90 % des cas. L’efficacité a été la plus importante en cas de TD extra-abdominales [65]. Aucune donnée n’est disponible sur l’efficacité de ces molécules au long cours en pédiatrie. L’absence de données sur la toxicité au long terme chez l’enfant incite à rendre leurs utilisations prudentes en pédiatrie. Le pazopanib est actuellement en cours d’étude en phase II en France chez l’adulte. D’autres thérapeuti-

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ques comme les anti-aromatases utilisées actuellement dans certains cancers du sein hormonodépendants pourraient être testées dans le futur dans les TD.

Évolution La survie globale des patients pédiatriques présentant une TD est entre 88 et 100 % pour les plus larges séries publiées [3, 9, 10, 19]. Le taux de rechutes locales est chez l’enfant élevé, entre 45 à 75 % même s’il est fonction des traitements administrés et de la qualité de la résection lésionnelle [3, 9, 10, 13, 19]. Ces taux sont à comparer à ceux de certaines populations d’adultes où l’on retrouve des PFS à cinq ans allant de 35 % [20] à 53,4 % [50]. Néanmoins, peu d’études ont comparé directement dans une même analyse les deux groupes de patients. Dans ce cas, les résultats plaident pour un plus grand risque de rechutes locorégionales pour les patients les plus jeunes qu’ils aient moins de 18 ans [19, 66] ou moins de 25 ans [50]. D’une autre manière, à l’inverse, Oudot et al. retrouvent un taux de rechute plus important pour les enfants de plus de dix ans comparés aux patients plus jeunes, rétrospectivement à 6 % versus 46 % de PFS à dix ans [3]. Cette tendance à un risque majoré de rechute pour les adolescents est aussi retrouvée dans l’expérience pédiatrique italienne même si la différence n’est pas, dans cette série, statistiquement significative : 34 % versus 54 % ; p = 0,09 [9]. Comme chez l’adulte, les facteurs péjoratifs connus de risque de rechute sont outre l’âge susmentionné, la mauvaise qualité de la résection chirurgicale [9], la taille initiale de la tumeur de plus de 5 cm [9] et l’atteinte de la tête et du cou [3, 9, 15]. Le sexe ne semble pas jouer un rôle important dans le pronostic [3, 9]. En ce qui concerne l’aspect thérapeutique adjuvant, le risque de rechute en pédiatrie est aussi fonction de la dose de RT utilisée (± 55 Gy) [19]. Le rôle pronostique spécifique des marqueurs biologiques, principalement étudiés chez l’adulte, reste à définir en pédiatrie [14, 45, 48]. Ces tumeurs récidivent donc localement et très fréquemment. Les attitudes thérapeutiques ont récemment changé avec de plus en plus, une proposition initiale de surveillance simple en première intention, idée que reprend le protocole européen des sarcomes des tissus mous de type non rhabdomyosarcomateux de l’enfant et de l’adolescent (NRSTS 2005) établi par le Groupe européen d’étude des sarcomes des tissus mous de l’enfant (EpSSG) : il s’agit de recommandations thérapeutiques chez l’enfant associées à un enregistrement prospectif de tous les enfants atteints de TD. L’arbre décisionnel du protocole NRSTS 2005 est détaillé sur la figure 4. La chirurgie large initiale n’est discutée qu’en cas de pronostic vital ou fonctionnel immédiatement engagé. L’indication chirurgicale n’est retenue que si l’exérèse complète semble possible sans mutilation. Un traitement médical, principalement une chimiothérapie Bull Cancer vol. 100 • N◦ 5 • mai 2013

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à faible dose par méthotrexate-vinblastine, est proposé uniquement en cas de tumeur progressive ou devenant menac¸ante lors du suivi. En cas de chirurgie macroscopiquement complète de type R0 ou R1, aucun traitement adjuvant n’est préconisé. En cas de résidu macroscopique (R2), une chimiothérapie postopératoire est secondairement discutée uniquement en cas de progression du résidu. L’utilisation de la RT est déconseillée chez l’enfant en première ligne.

Conclusion Les TD représentent un groupe de tumeurs bénignes, localement agressives, de croissance lente ayant tendance à rechuter fréquemment. La majorité des enfants présente donc une « maladie chronique » évoluant sur de nombreuses années. Une prise en charge multiprofessionnelle associant soutien psychologique du patient et de sa famille, kinésithérapeutes, algologues et travailleurs sociaux est à mettre en place en parallèle du suivi pédiatrique et chirurgical. Les associations de patients comme « SOS desmoïde » sont souvent une grande aide (www.sosdesmoide.org). Des études randomisées prospectives, obligatoirement internationales du fait de la rareté de la maladie, sont nécessaires pour définir précisément le traitement le plus efficace, associées à des études moléculaires afin de préciser, d’une part, le cadre génétique de survenue des TD et les mesures de surveillance nécessaire (cas de la PAF) et, d’autre part, la valeur pronostique de certains marqueurs (comme la mutation de CTNNB1) afin d’identifier dès le diagnostic les patients qui pourront bénéficier au mieux d’une attitude wait-and-see.  Conflits d’intérêts :

aucun.

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