Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Droit D´eontologie & Soin 7 (2007) 338–342
Synthèses
Les unités de soins de longue durée : gros plan sur une réforme David Tourmente Directeur adjoint des hôpitaux de Melun et de Tournant-en-Brie, hôpital local de Tournan-en-Brie, 99, rue de Paris, 77220 Tournan-en-Brie, France Disponible sur Internet le 25 Octobre 2007
Résumé La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances est l’élément déclencheur de cette réforme des unités de soins de longue durée (USLD). Ce texte prévoyait de confier la gestion de l’enveloppe des USLD à la CNSA. Cela aurait pu passer inaperc¸u, mais cette subtilité entraînait le basculement des unités de soins de longue durée du secteur sanitaire au secteur médicosocial. Face à la pression de certains lobbies, le législateur modifie sa copie et par le vote de la loi no 2005-1579 du 19 décembre 2005 relative au financement de la Sécurité sociale pour 2006 (LFSS) la réintègre au sein de l’enveloppe sanitaire de l’Ondam. Toutefois, cette situation provisoire est subordonnée à une redéfinition du champ des unités de soins de longue durée. Ainsi, Pathos est l’outil retenu pour réaliser l’étude sanitaire des populations actuellement accueillies dans ces unités. À l’issue des coupes Pathos, les autorités de tutelle s’appuyant sur des données démographoéconomiques, ainsi que sur les outils de la planification sanitaire et médicosociale détermineront les ULSD qui demeureront dans le champ sanitaire. Les établissements devront faire valider leurs propositions par leurs conseils d’administration au plus tard le 30 novembre 2006. Enfin, et au plus tard le 1er janvier 2007, un arrêté conjoint du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et du préfet de département fixera la part des unités de soins de longue durée redéfinies qui devra rester dans le champ sanitaire. Les données obtenues par la coupe Pathos (le PMP) entre, désormais, dans le calcul de la dotation soins de l’établissement possédant une USLD, ainsi que pour les EHPAD médicosociaux, étendant cette étude transversale à ces derniers. À la lumière des résultats de l’enquête Pathos dont les bilans sont parvenus aux établissements possédant des USLD, il semble nécessaire de dresser un bilan sur l’enjeu de cette réforme destinée à améliorer l’accueil de la population âgée polypathologique. Cette population fragilisée par des pathologies chroniques dégénératives parfois associées à des périodes de décompensations itératives nécessite une prise en charge médicale et médicosociale, a priori assurée par ces unités de soins de longue durée relevant de la loi hospitalière. Ces dernières, à la frontière du secteur sanitaire et du secteur médicosocial, font l’objet d’une redéfinition. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Adresse e-mail :
[email protected]. 1629-6583/$ – see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ddes.2007.07.001
D. Tourmente / Droit D´eontologie & Soin 7 (2007) 338–342
339
1. Rappel sur la naissance d’une réforme. . . La genèse de cette réforme résulte de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, en particulier, son article 59-1 qui prévoyait le transfert des USLD dans l’enveloppe gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie1 (objectif global de dépenses de la CNSA), entraînant, de facto, le basculement de celles-ci dans le champ médicosocial. Après de nombreuses pérégrinations, la loi no 2005-1579 du 19 décembre 2005 relative au financement de la Sécurité sociale pour 20062 (LFSS) les réintègre, momentanément, au sein de l’enveloppe sanitaire. Ce choix du législateur est assujetti à une réflexion sur la redéfinition des USLD. C’est ainsi que l’article 46 de la LFSS 2006 prévoit dans ses paragraphes i et ii que les dépenses de celles-ci restent inscrites dans le seul objectif de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Enfin, son alinéa iii prévoit la répartition des capacités d’accueil des actuelles USLD, ainsi que les crédits afférents en s’appuyant sur les objectifs mentionnés aux articles L. 314-1 du Code de l’action sociale et des familles et L. 174-1 du Code de la Sécurité sociale. Une réflexion sur le dispositif de prise en charge des personnes âgées dépendantes et gériatriques au long cours ou SMTI3 semblait, désormais, indispensable. La philosophie de cette réforme des unités de soins de longue durée vise à déterminer celles d’entre elles qui demeureront « sanitaires » et celles qui basculeront dans le champ médicosocial, devenant ainsi des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Quels sont les objectifs de la réforme et comment s’effectueront ces choix d’orientation ? 2. Des objectifs de réforme ambitieux Cette réforme des unités et services de soins de longue durée se décline en plusieurs objectifs. Ces derniers fixent des axes d’amélioration de la prise en charge des patients gériatriques. L’objectif phare consiste à resituer leurs missions et à reconnaître leur spécificité. En effet, la reconnaissance de ces unités ou services passe, au préalable, par une définition des contours de leur champ d’actions. Ainsi, l’article 45 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 permet de corriger cette lacune en précisant que : « Les unités de soins de longue durée accueillent et soignent des personnes présentant une pathologie organique chronique ou une polypathologie soit active au long cours, soit susceptible d’épisodes répétés de décompensation et pouvant entraîner une perte d’autonomie durable. Ces situations cliniques requièrent un suivi médical rapproché, des actes médicaux itératifs, une permanence médicale et une présence infirmière continue et l’accès à un plateau technique minimum (fluides médicaux, appareil ECG, accès à un laboratoire d’analyses médicales et à un centre d’imagerie médicale par convention) ». Cette définition a le mérite de clarifier le type de population accueillie, en distinction avec les EHPAD4 et de préciser les moyens humains et matériels minimum nécessaires à la poursuite de cette mission. Parallèlement à l’ébauche d’un accueil dans ces unités, leur redéfinition passe par un préalable incontournable : déterminer le profil sanitaire des patients accueillis. Une photographie de l’état sanitaire de la population accueillie dans les anciens services de long séjour est réalisée. Loi n◦ 2004-626 du 30 juin 2004 relative au Plan national de solidarité. Loi n◦ 2005-1579 du 19 décembre 2005 relative au financement de la Sécurité sociale pour 2006. 3 Soins médicaux et techniques importants. 4 Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Dénomination des établissements pour personnes âgées (maisons de retraite, foyers logement, USLD) ayant conclu une convention tripartite avec le conseil général et l’assurance maladie. 1
2
340
D. Tourmente / Droit D´eontologie & Soin 7 (2007) 338–342
Celle-ci a pour intérêt de vérifier le caractère « hospitalo-requérant » des résidants-patients, aujourd’hui baptisé patients « SMTI » en utilisant l’outil Pathos. Ce nouvel exercice consiste pour le gériatre devenu « profiler sanitaire » à identifier pour chaque patient le ou les états pathologiques et d’y associer un profil de soins requis. Cette étude in situ, doit permettre l’adaptation des moyens aux besoins sanitaires et médicosociaux diagnostiqués au sein de la population cible et ainsi de garantir une prise en charge adaptée de la population vieillissante et handicapée. Ce travail en transversalité s’effectue hors des clivages sanitaires et médicosociaux en s’appuyant sur les outils de la planification, le schéma régional de l’organisation sanitaire de troisième génération et les schémas gérontologiques départementaux. Enfin, la « fluidification » des filières gérontologiques est une autre des priorités de la réforme. En effet, l’engorgement des services d’urgence, de médecine et de chirurgie des établissements reste problématique. Celui-ci trouve sa source dans un déficit de structures d’accueil en aval par manque souvent d’une véritable réflexion sur la prise en charge gériatrique dans les établissements de santé possédant des services d’accueil d’urgence. Or, depuis les ordonnances n◦ 2005-406 du 2 mai 2005 et no 2005-1112 du 1er avril 2005 instituant la tarification à l’activité (T2A), l’augmentation de la durée moyenne de séjour des sujets âgés hospitalisés entraîne des conséquences financières pour les établissements, sans compter le déficit qualitatif de prise en charge dont les personnes âgées peuvent souffrir. Il est donc urgent de développer une véritable politique gérontologique au sein des établissements de santé en instituant des filières gériatriques5 , notamment « labellisées6 ». La conséquence directe d’un défaut de réflexion sur l’accueil des personnes âgées dans les établissements de santé est coûteuse pour la collectivité. La conversion pour partie (ou majorité) des « USLD sanitaires » en « USLD médicosociales » devrait ainsi aboutir à une diminution du financement de l’assurance maladie. 3. Un faisceau d’indices pour la redéfinition des USLD Les résultats de la coupe Pathos, en particulier le nombre de patients-résidants SMTI, servent d’assises à l’avenir des USLD, mais ne sont pas les seuls critères retenus pour décider de la répartition entre secteur sanitaire et médicosocial de ces lits. Un faisceau d’indices7 devrait être pris en compte au niveau régional par le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et les préfets avec consultation des présidents des conseils généraux, chargés d’élaborer, dans les départements concernés, les schémas gérontologiques. Un certain nombre de prérequis semblait, à la lumière de l’avancement de la réforme, se dégager pour déterminer le champ dans lequel les différentes USLD évolueront. Parmi ce faisceau d’indices retenu : des données relatives à la structure (implantation géographique, plateau technique, permanence infirmière 24 h/24 et permanence des soins organisée), aux besoins de santé et médicosociaux de la population du territoire de santé, à l’articulation avec les SROS et les PRIAC8 (la conduite d’opération de recomposition et la répartition territoriale et démographique), aux projections démographiques (évolution démographique). 5 Circulaire DHOS/O2/DGS/SD5D/n◦ 2002/157 du 18 mars 2002 relative à l’amélioration de la filière de soins gériatriques ; renforce l’accès à des soins de proximité, développe les unités ou services de courts séjours gériatriques et encadre les filières d’admission dans le dispositif gériatrique. 6 Plan « solidarité grand âge », présenté en juin 2006 par Philippe BAS. 7 Circulaire DHOS/O2/DGAS/2C/2006/212 du 15 mai 2006 relative à la mise en œuvre de l’article 46 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 concernant les unités de soins de longue durée. 8 Programmes interrégionaux d’accompagnement des handicaps et pertes d’autonomie.
D. Tourmente / Droit D´eontologie & Soin 7 (2007) 338–342
341
Enfin, d’autres données pourraient influer sur le positionnement de l’USLD comme le nombre de places par unité (une taille minimale de 30 lits par USLD est avancée) et la distance à parcourir par les familles pour visiter leurs aînés (moins de 30 minutes de trajet aller est évoqué). 4. Un scénario mal ficelé et une réforme qui s’enlise. . . Au regard de ces diverses données, un premier travail de « redistribution » des capacités existantes devait s’effectuer afin de fixer l’arrêté destiné à une répartition médicosociale et sanitaire de celles-ci. Dans un second temps, une phase de « planification » devait générer un avenant au schéma régional d’organisation sanitaire de troisième génération. Puis, les conseils d’administration des établissements de santé auraient été appelés, à valider les choix d’orientation avant le 30 novembre 2006. Enfin, et au plus tard le 1er janvier 2007, un arrêté conjoint du directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation et du préfet de département aurait fixé la part des unités de soins de longue durée redéfinies demeurant ainsi dans le champ sanitaire. Ce scénario idyllique ne se déroula pas comme prévu. In fine, devant une réforme dont les aboutissants demeurent incertains, les tutelles ont repoussé aux calendes grecques9 , les directives à donner sur les évolutions à mettre en œuvre. De facto, les établissements demeurent seuls face à leur problématique ; « sanitaire ou médicosocial ? ». L’absence de concertations et d’orientations conduit les établissements à procéder, en catimini, à des transformations qui pourraient aboutir à court terme à un déficit de structures hospitalières pour personnes âgées polypathologiques sur le territoire national. La réforme engagée a, toutefois, permis de mieux prendre en compte la charge de soins, via Pathos, dans la détermination des ressources d’assurance maladie à allouer aux EHPAD. 5. Une revalorisation de la Dominic par sa « pathossification » Le financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes se caractérise par la mise en place de sections ternaires10 (soins, hébergement et dépendance). La dotation soins se calcule à partir de la Dominic qui repose sur le GIR moyen pondéré (GMP), issu d’une valorisation des GIR des résidants accueillis. Or, le GMP est un indicateur mesurant la dépendance. Ainsi, la charge de soins n’est prise en compte que de manière forfaitaire. La note technique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie explicitant la circulaire relative à la répartition des enveloppes de médicalisation11 précise que les établissements renouvelant leur convention tripartite ou ayant un GMP supérieur à 800 verront leur dotation soins abondée. En effet, outre le niveau de dépendance pris en compte (par le GMP), pour le calcul de la dotation versée par l’assurance maladie, désormais, la charge en soins (mesuré par le Pathos moyen pondéré issu de l’étude Pathos) sera intégrée dans la formule mathématique pour déterminer la nouvelle dotation « soins ». Cette formule de calcul varie en fonction de l’option tarifaire retenue lors de la signature de la convention tripartite, des normes de ressources des EHPAD calculées à partir du GMPS12 , 9 La loi de financement de la Sécurité sociale 2007 fixe, dans son article 42, la date du 30 juin 2009, pour obtenir la répartition des capacités d’accueil et des ressources d’assurance maladie. 10 Décret du 26 avril 1999. 11 Circulaire DGAS/DHOS/DSS/CNSA n◦ 447 du 17 octobre 2006 relative à la répartition des enveloppes de médicalisation. 12 Résulte de la combinaison du GMP et du PMP, un point de GMP équivaut à 2,59 points de PMP, donc GMPS = GMP × 2,59.
342
D. Tourmente / Droit D´eontologie & Soin 7 (2007) 338–342
de la valorisation du point GMPS et de la capacité exploitée (valorisation du point x GMPS x nombre de lits). Si la nouvelle dotation soins est inférieure à la norme de ressources, l’établissement verra sa dotation abondée. Dans le cas contraire, deux hypotheses : soit l’établissement verra un maintien de sa dotation soins mais devra au cours de l’année revoir le profil sanitaire des patients accueillis, soit il ne souhaite pas corriger son recrutement de résidants, et la dotation soins sera calculée par ajustement de ses moyens au plafond de ressources d’assurance maladie résultant des valeurs de points GMPS. 6. Conclusion Cette réforme est, semble-t-il, le point de départ d’une conscientisation des problèmes d’accueil de nos aînés malades et handicapés souvent obérés. Pour preuve, celle-ci va s’étendre aux autres EHPAD médicosociaux qui devront, dès 2007, mettre en œuvre la coupe Pathos. À l’issue de ces résultats, la lumière doit être faite sur l’évolution des USLD vers des unités hospitalières stricto sensu, en accompagnant une remédicalisation des autres EHPAD médico-sociaux. Enfin, au-delà de l’amélioration de l’accueil des personnes âgées, cette réforme permettra-t-elle d’engager une véritable réflexion sur le financement des soins de longue durée initié par la mise en place de Caisse nationale de solidarité à l’autonomie ?