Une remarque sur les sommes de Ramanujan

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C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 341 (2005) 399–404 http://france.elsevier.com/direct/CRASS1/ Théorie des nombres Une remarque sur les sommes de Raman...

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C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 341 (2005) 399–404 http://france.elsevier.com/direct/CRASS1/

Théorie des nombres

Une remarque sur les sommes de Ramanujan Arnaud Chadozeau Institut de mathématiques, université Bordeaux-I, 351, cours de la libération, 33405 Talence cedex, France Reçu le 1er février 2005 ; accepté après révision le 2 juin 2005

Présenté par Jean-Pierre Serre

Résumé

 On s’intéresse au comportement asymptotique de la quantité A(q) = supx,y | x
 A remark on the Ramanujan sums. We study the asymptotic behaviour of the function A(q) = supx,y | x
Abridged English version  The following article deals with the summatory function sq (x) := 0 1, where cq (n) denotes the Ramanujan sum. From basic properties of Ramanujan sums (periodicity, multiplicativity, etc.) we are able to deduce some relations for sq , in particular its periodicity and a functional identity (Eq. (2))  µ(q  /d  )d  sq (x/d  ) sq  q (x) = d  |q 

valid for relatively prime integers q and q  . We remark that the study can be reduced to the case of squarefree integers q, and we focus our attention on the amplitude function A(q) := supx 1. We Adresse e-mail : [email protected] (A. Chadozeau). 1631-073X/$ – see front matter  2005 Académie des sciences. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.crma.2005.06.014

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set A(1) := 1. By using Eq. (2) we obtain that for every relatively prime integers q and q  , ϕ(q  )A(q)  A(q  q)  σ (q  )A(q) (Proposition 1.1). We now consider the slightly modified function s˜q defined by s˜q (x) := 12 (sq (x) − sq (−x)). This function is odd, so A(q) = 2 sup |˜sq |, and it equals the sum of its Fourier series. Thus for every integer q > 1 and every real α, we have  sin(2πnα) s˜q (qα) = . q πn (n,q)=1

By Parseval’s formula it follows that A(q)  q (Proposition 2.2). However, we have not yet succeeded in proving that A(q)/q  1/2 + o(1). A strong P-convergence theorem due to la Bretèche and Tenenbaum directly provides our Proposition 3.1:  we have s˜qy (qy α)/qy = 1/π sin(2πα) + O(1/ log y) uniformly for y  2 and α real, where qy = p≤y p is set. Consequently we can see that A(qy ) ∼ 2qy /π as y → +∞. With the help of Proposition 1.1 this result leads to our main upper bound (Theorem 3.2):        1 −1  1 −1 1− 1− , A(q)  q min , p p p|q plog q

pq plog q

√ uniformly in q. By Mersenne’s formula it can be shown that A(q)  q log log q for all q. p∈E 1 Let E be a set of primes satisfying py p = κ log log y + O(1) as y → +∞ with κ ∈ (0, 1), and set qy = p∈E min(κ,1−κ) . If we set E = {p ≡ −1[n]} (or py p. As a corollary of Theorem 3.2 we get A(qy )  qy (log log qy ) E = {p ≡ 1[n]}) with n  3, we are able to estimate s˜qy (qy a/n) for every a ∈ Z. From this, we deduce that in both cases we have A(qy ) qy (log log qy )1/ϕ(n) (Proposition 4.2). Hence the exponent min(κ, 1 − κ) is the best possible for κ = 1/ϕ(n) (and for κ = 1 − 1/ϕ(n)), with n ≥ 3 any integer. We also construct for any given κ ∈ (0, 1) a set p∈E of primes E satisfying py p1 = κ log log y + O(1) as y → +∞ and A(qy ) qy (log log qy )min(κ,1−κ) . 0. Introduction  On définit les sommes de Ramanujan pour q ∈ N∗ et n ∈ Z par cq (n) := r∈(Z/qZ)∗ e(nr/q), où e(x) = e2πix .  On considère pour q > 1 la fonction sommatoire sq (x) := 0
1. Propriétés élémentaires La fonction sq hérite des sommes de Ramanujan1 une série de propriétés fondamentales : q (i) Pour x ∈ R  Z, on a sq (x) + sq (−x) + ϕ(q) = 0. Cela provient du fait que la somme n=1 cq (n) est nulle pour q > 1. ¯ q, ¯ où q¯ est le noyau sans facteur carré de q. Cela se déduit de l’iden(ii) Pour α ∈ R, on a sq (qα)/q = sq¯ (qα)/ ¯ q¯ si q | nq¯ et cq (n) = 0 sinon. tité cq (n)/q = cq¯ (nq/q)/ 1 On consultera pour les propriétés classiques de ces sommes l’ouvrage de McCarthy [4, Chapitre 2].

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(iii) Pour x ∈ R et pour q > 1 un entier, on a, grâce à la formule cq (n) =   sq (x) = µ(q/d)dx/d = − µ(q/d)d{x/d}, d|q

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d|(q,n) µ(q/d)d,

(1)

d|q

et, pour tout q  entier premier à q, on a  sq  q (x) = µ(q  /d  )d  sq (x/d  ).

(2)

d  |q 

De ces propriétés nous déduisons immédiatement une série de conséquences sur la fonction A. Proposition 1.1. Soit q > 1 un entier. (a) (b) (c) (d) (e)

Pour p un nombre premier, on a A(p) = p − 1. On a les relations 2 supx sq (x) = A(q) − ϕ(q) et 2 infx sq (x) = −A(q) − ϕ(q). On a la relation A(q)/q = A(q)/ ¯ q. ¯ On a l’encadrement ϕ(q)  A(q)  σ (q). Pour tout q  entier premier à q, on a ϕ(q  )A(q)  A(q  q)  σ (q  )A(q).

Démonstration. Les propriétés (a), (b) et (c) découlent des propriétés déjà énoncées. L’encadrement (d) provient pour la minoration de la propriété (b) et pour la majoration de l’Éq. (1). La majoration de la propriété (e) se déduit de la même façon de l’Éq. (2) : il reste à en montrer la minoration. L’Éq. (2) donne pour q  = p un nombre premier ne divisant pas q, l’identité sqp (x) = psq (x/p) − sq (x), donc p supx sq (x)  supx sqp (x) + supx sq (x). À l’aide de la propriété (b), on a bien A(qp)  (p − 1)A(q). La minoration s’en déduit par itération sur les diviseurs premiers de q  et par la propriété (c). 2 Remarque  1. Malgré  sa simplicité, la Proposition 1.1(e) est particulièrement importante. Elle est, avec la relation A( py p)  py p,2 l’ingrédient principal du Théorème 3.2. Cette dernière relation s’établit grâce à un puissant théorème de P-convergence dû à la Bretèche et Tenenbaum [2, Théorème 2.1]. 2. Séries de Fourier et minoration / Z, on a s˜q (x) = sq (x) + 12 ϕ(q) et pour x ∈ Z, On définit la fonction s˜q par s˜q (x) = 12 (sq (x) − sq (−x)). Pour x ∈ + − éventuels points de discontinuité, on a 2˜sq (x) = s˜q (x ) + s˜q (x ). On a donc A(q) = 2 sup |˜sq | et s˜q est somme de sa série de Fourier. On note par la suite B1 la première fonction de Bernoulli. Lemme 2.1. Soient q > 1 un entier et α un réel. On a   s˜q (qα)/q = − µ(d)B1 (dα)/d = sin(2πnα)/(πn). d|q

(n,q)=1

Démonstration. Partant de l’identité (1), il s’agit d’unecombinaison linéaire du développement en série de Fourier de la fonction de Bernoulli 12 ({x} − {−x}) = B1 (x) = n1 sin(2πnx) . 2 πn Remarque 2. Davenport propose dans [1] de déterminer l’éventuel sens analytique de la relation formelle ∞ 

B1 (nα)f (n)/n = −

n=1

2 Cf. Proposition 3.1 infra.

∞  m=1

g(m) sin(2πmα)/(πm),

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 où les fonctions f et g sont liées par g(n) = d|n f (d). Le Lemme 2.1 n’énonce que la convergence ponc tuelle d’un cas très simple d’identité de Davenport, ce qui permet tout de même d’obtenir une minoration. Proposition 2.2. Pour tout entier q > 1 on a A(q)  q √1

3



p|q (1 − p

−2 )1/2 .

Démonstration. On a, par la formule de Parseval et le Lemme 2.1,      1    s˜q (qα) 2 sup|˜sq | 2 A(q)2 1 ζ (2)  1  dα =  =  = 1 − .  q  q 4q 2 2π 2 n2 2π 2 p2 0

2

p|q

(n,q)=1

√ Remarque 3. On a en particulier A(q)/q  2/π ≈ 0,450. Puisque A(2p) = p + 1 pour tout p premier impair, on ne√peut espérer une meilleure constante que 1/2. D’autre part, pour les nombres impairs, on a A(q)/q  2π −1 2/3 ≈ 0,520. 3. P-convergence et majoration Le théorème de P-convergence de [2, Théorème 2.1], qui établit uniformément en y  2 et en α ∈ R l’inégalité  µ(n) 1 sin(2πα) B1 (nα) +  , (3) n π log y P (n)y

où P (n) := max{p | n, p premier}, se traduit directement, grâce au Lemme 2.1, en termes de la fonction s˜q .  Proposition 3.1. Posons qy = py p. On a s˜qy (qy α)/qy = en α ∈ R. Par conséquent, A(qy ) ∼ π2 qy pour y → +∞.

1 π

sin(2πα) + O(1/ log y) uniformément en y  2 et

Remarque 4. Un argument de P-sommation supplémentaire permet de généraliser le résultat de la proposition : on a, uniformément pour q > 1, α ∈ R et y  P (q),     sin(2πnα) s˜q (qα) 1 −1 1 1− = +O . (4) q πn p log y (n,q)=1 P (n)y

pq py

Théorème 3.2. On a, uniformément pour q > 1,        1 −1  1 −1 A(q)  q min 1− 1− . , p p pq plog q

p|q

plog q

 En particulier, on a A(q)  q log2 q. Lemme 3.3. On a, uniformément pour q  3 entier,

p|q

−1 log q


= 1 + O(1/log2 q).

Démonstration du Théorème 3.2. On peut, par la Proposition 1.1(d), supposer q sans facteur carré. On note Q =  p. En utilisant la Proposition 1.1(b) puis le Lemme 3.3, on a pP (q)      1 −1 1 −1 1− 1− A(q)  σ (q) q ∼q , p p p|q

p|q plog q

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et en utilisant la Proposition 1.1(e), la Proposition 3.1 puis le Lemme 3.3, on a       1 −1 1 −1 A(Q) 1− 1− q ∼q . A(q)  ϕ(Q/q) p p pq pP (q)

pq

plog q

  L’encadrement A(q)  q( plog q (1 − 1/p)−1 )1/2  q log2 q en résulte par la formule de Mertens.

2

4. Quelques exemples Nous commençons par donner une version réduite du Théorème 3.2, qui nous paraît plus « visuelle ». On dit qu’un ensemble d’entiers premiers E possède une densité logarithmique forte κ ∈ [0, 1] (ou plus sommairement, p∈E que E est de densité κ) si l’on a py p −1 = κ log2 y + O(1) pour y → +∞. Proposition 4.1. Soit E ⊂ P un ensemble d’entiers premiers de densité κ ∈ [0, 1]. Posons qy = A(qy )  qy (log2 qy )min(κ,1−κ) . Proposition 4.2. Soit n  3 un entier. Posons qy = A(qy ) qy (log2 qy )1/ϕ(n)

py

p≡−1[n] p

et qy =

py

p ≡1[n] p.

p∈E py

p. On a

On a, pour y  3,

et A(qy ) qy (log2 qy )1/ϕ(n) .

Lemme 4.3. Soit n  3 un entier. – Soient p1 < p2 < · · · < pk des entiers premiers congrus à −1 modulo n. Posons q = p1 p2 · · · pk . On a pour tout a ∈ Z s˜q (qa/n) = −σ (q)B1 (a/n).

  – Soient p1 < p2 < · · · < pk des entiers premiers congrus à 1 modulo n. Posons q = ( ppk p)/( ki=1 pi ). On a s˜q (qa/n) = π −1 q

k 

(1 − 1/pi )−1 sin(2πa/n) + O(1/log pk ) i=1

pour tout a ∈ Z, où la constante implicite ne dépend que de n. Démonstration. Les deux parties se démontrent de façon similaire et symétrique. – Puisque pi ≡ −1[n], on a d ≡ µ(d)[n] pour tout d | q, donc d an ≡ µ(d) an [1] pour tout a ∈ Z. Par imparité et 1-périodicité de la fonction B1 , on obtient, en partant de l’égalité du Lemme 2.1,         q a  a a a q s˜q q =− =− B1 = −σ (q)B1 . µ(d) B1 d n d n d n n d|q

d|q

– De l’Éq. 4, on déduit que, pour tout a ∈ Z,         sin(2πm a ) a 1 −1 1 n =q +O q 1− . s˜q q n πm p log pk (m,q)=1 P (m)pk

pq ppk

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Les nombres premiers p intervenant dans le produit sont exactement les pi ; de même, les entiers m intervenant dans la somme sont des produits de ces pi , donc vérifient m ≡ 1 [n] et m an ≡ an [1]. On conclut grâce à la 1-périodicité de la fonction x → sin(2πx). 2  py Démonstration de la Proposition 4.2. Si qy = p≡−1 [n] p, le Lemme 4.3 donne pour a = 1 la minoration       1 1 1+ A(qy )  qy qy exp qy (log2 qy )1/ϕ(n) , p p p≡−1[n]

p≡−1[n] plog qy

py

où le Lemme 3.3 fournit la seconde estimation ; l’estimation de la somme harmonique est classique.3 La majoration py est due au Théorème 3.2. Le cas qy = p ≡1 [n] p se traite de façon similaire. 2 Remarque 5. Ces exemples fournissent l’optimalité de l’exposant min(κ, 1 − κ) dans la Proposition 4.1 pour des ensembles d’entiers premiers de densité 1/ϕ(n) et 1 − 1/ϕ(n) pour n  3, par exemple κ = 1/6, 1/4, 1/2, 3/4, 5/6, . . . . Mais le Lemme 4.3 permet de choisir plus généralement des sous-ensembles de {p, p ≡ −1 [n]} ou des sur-ensembles de {p, p ≡ 1 [n]}. Grâce au lemme suivant, on peut construire, pour tout κ ∈ [0, 1], des ensembles d’entiers premiers de densité κ tels que A(qy ) qy (log2 qy )min(κ,1−κ) . Lemme 4.4. Soit E ⊂ P un ensemble d’entiers premiers de densité logarithmique forte κ ∈ [0, 1]. Pour tout κ  tel que 0 < κ  < κ, il existe E  ⊂ E un ensemble d’entiers premiers de densité logarithmique forte κ  . Ce lemme se prouve en définissant récursivement

      e0 := min E, en+1 := min e ∈ E, e > en , κ log2 e  1/ei , in

et en montrant que l’ensemble

E

:= {en ;

n ∈ N} possède effectivement la densité κ  voulue.

5. Questions ouvertes Au cours de notre étude, nous sont apparues différentes questions auxquelles nous n’avons pu répondre. – A-t-on lim infq A(q)/q = 1/2 ? p|q pq – A-t-on A(q) q min( plog q (1 − p1 )−1 , plog q (1 − p1 )−1 ) uniformément pour q > 1 ? – À l’inverse, existe-t-il pour tout κ ∈ ]0, 1[ un ensemble de nombres premiers E de densité logarithmique forte κ avec A(qy ) qy ?

Références [1] [2] [3] [4]

H. Davenport, On some infinite series involving arithmetical functions, Quart. J. Math. Oxford 8 (1937) 8–13. R. de la Bretèche, G. Tenenbaum, Séries trigonométriques à coefficients arithmétiques, J. Anal. Math. 92 (2004) 1–79. E. Landau, Handbuch der Lehre von der Verteilung der Primzahlen, 3e éd., Chelsea, New York, 1974. P.J. McCarthy, Introduction to Arithmetic Functions, Springer-Verlag, New York, 1986.

3 Voir par exemple Landau [3, §111].