Lésions cutanées bulleuses graves induites par l’isoniazide

Lésions cutanées bulleuses graves induites par l’isoniazide

Lettres à la rédaction Lésions cutanées bulleuses graves induites par l’isoniazide Serious Bullous Cutaneous Lesions Induced by Isoniazid Sameh Trabe...

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Lettres à la rédaction

Lésions cutanées bulleuses graves induites par l’isoniazide Serious Bullous Cutaneous Lesions Induced by Isoniazid Sameh Trabelsi,1 Sihem El Aïdli,1 Radhia Amrani,1 Besma Ourari,2 Anis Klouz,1 Mohamed Lakhal,1 Mohamed Hédi Loueslati,1 Riadh Daghfous,1 Majed Beji2 et Chalbi Belkahia1 1 Centre National de Pharmacovigilance, Hôpital Charles Nicolle, Tunis, Tunisie 2 Service de Pneumologie et d’Allergologie, Hôpital la Rabta, Tunis, Tunisie Cas notifié le 26 février 1998 au CNPV de Tunisie Texte reçu le 19 novembre 2004 ; accepté le 28 mai 2005 Mots clés : isoniazide, lésion bulleuse, antituberculeux Keywords: isoniazid, bullous lesion, antituberculosis

Introduction Les effets indésirables (EI) cutanés sont décrits avec tous les antituberculeux : rifampicine, isoniazide, streptomycine, pyrazinamide et éthambutol et sont à type de : urticaire, prurit, éruptions acnéiformes, rash morbiliforme, purpura, vascularite et pellagre. Ces lésions cutanées ne sont pas dangereuses dans la majorité des cas, sont transitoires et disparaissent à l’arrêt du traitement. Les EI cutanés sont plus fréquents avec la rifampicine (5 %) et l’isoniazide (1 %) qu’avec les autres antituberculeux.[1,2] Les lésions bulleuses graves sont exceptionellement décrites avec les antituberculeux. Nous rapportons un cas de lésions bulleuses graves induites par l’isoniazide avec réintroduction positive. Ce cas a été analysé par la méthode française de Bégaud et al.[3] Observation Il s’agissait d’une femme âgée de 31 ans sans antécédents pathologiques médicaux, traitée pour une tuberculose pulmonaire confirmée par la détection de bacilles de Koch dans les crachats, par l’isoniazide, la rifampicine et l’éthambutol. Le traitement a été débuté le 25 février 1998. Six heures après la première prise des 3 antituberculeux, la patiente a présenté une sensation de brûlures cutanées suivie quelques heures après de  2005 Société Française de Pharmacologie

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l’apparition d’un érythème généralisé épargnant les paumes des mains et les plantes des pieds avec des lésions papuleuses et vésiculo-bulleuses, de plusieurs phlyctènes et d’un oedème du visage et des membres inférieurs. La patiente a été hospitalisée immédiatement et les 3 antituberculeux ont été arrêtés. L’état général était conservé et l’examen cutanéo-muqueux n’a pas objectivé de lésions des muqueuses ni de lésions cutanées en cocarde. Trois NFS (numération formule sanguine) ont été réalisées entre le 25 février 1998 et le 5 mars 1998, elles étaient normales. Il n’y a notamment pas d’hyperéosinophilie. Les taux de l’alanine aminotransférase (ALAT) et de l’aspartate aminotransférase (ASAT), dosés le 2 mars 1998, étaient respectivement : ALAT = 43 UI/L (N ≤ 40 UI/L) et ASAT = 33 UI/L (N ≤ 35 UI/L). Les lésions cutanées ont totalement disparu en 2 semaines et la patiente n’a pas gardé de séquelles cutanées. Devant la nécessité thérapeutique (tuberculose pulmonaire évolutive), nous avons recommandé la réintroduction des antituberculeux dans un milieu hospitalier, produit par produit, à 48 heures d’intervalle, en commençant par l’antituberculeux le moins suspect sur le plan bibliographique. L’éthambutol était le premier réintroduit et il n’a pas entraîné de lésions. Quarantehuit heures après, l’isoniazide a été réintroduit et 6 heures après, la patiente a présenté des lésions érythémato-vésiculo-bulleuses généralisées avec oedème du visage et des membres. Les muqueuses étaient indemnes. Les lésions cutanées ont évolué lentement vers la guérison et la patiente a gardé des séquelles cutanées hyperpigmentées. Avant la disparition totale des lésions, la rifampicine a été réadministrée sans aggravation des lésions. L’isoniazide a été définitivement contre-indiquée. Le score d’imputabilité (I) de l’isoniazide était vraisemblable ou I3.

Discussion La responsabilité de l’isoniazide a été retenue avec un score d’imputabilité vraisemblable devant : un délai d’apparition compatible (6 heures), une évolution favorable des lésions à l’arrêt du médicament, la réintroduction négative de la rifampicine et de l’éthambutol, et surtout la réintroduction positive de l’isoniazide. Dans la littérature, les lésions bulleuses avec les antituberculeux ont été décrites surtout avec la rifampicine : 2 cas de nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell,[4,5] 1 cas de syndrome de Stevens Johnson,[6] 1 cas de dermatite exfoliative,[7] et 3 cas de pemphigus.[2,8,9] Les lésions bulleuses ont été décrites avec l’isoniazide dans 3 cas seulement : 1 cas de dermatite exfoliative,[10] 1 cas de syndrome de Stevens Johnson[11] et 1 cas de lésions bulleuses non identifiées.[12] A notre connaissance, les lésions bulleuses n’ont pas été décrites avec l’éthambutol. Thérapie 2005 Nov-Déc; 60 (6)

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En l’absence de biopsie cutanée, la clinique et la biologie étaient insuffisantes pour classer les lésions bulleuses observées chez notre patiente parmi les toxidermies bulleuses connues, à savoir le syndrome de Lyell et le syndrome de Stevens Johnson, l’érythème polymorphe bulleux et l’érythème pigmenté fixe bulleux. L’étendue et la gravité des lésions plaident en faveur d’un syndrome de Lyell ou d’un syndrome de Stevens Johnson, mais plusieurs éléments sont contre ce diagnostic. En effet, le délai d’apparition des lésions – aussi bien au cours de la première exposition qu’au cours de la réintroduction – est trop court. Généralement, le syndrome de Lyell et le syndrome de Stevens Johnson apparaissent 7–21 jours après le début du traitement, mais des délais d’apparition plus courts (allant jusqu’à quelques heures) ont été décrits, en particulier en cas de prise antérieure du médicament.[13] Notre interrogatoire n’a pas objectivé la notion de contact antérieur avec l’isoniazide chez cette patiente. L’absence de signes généraux, d’atteintes muqueuses et de lésions viscérales est exceptionnelle au cours du syndrome de Lyell et du syndrome de Stevens Johnson.[14,15] Le bon pronostic des deux épisodes est aussi contre le syndrome de Lyell et le syndrome de Stevens Johnson, puisque ces deux syndromes exposent à des complications qui peuvent être mortelles dans 30– 60 % des cas.[16-18] L’absence de lésions en cocarde et d’atteintes des muqueuses (fréquentes au cours de l’érythème polymorphe) rend le diagnostic d’érythème polymorphe bulleux peu probable.[19] Malgré une sémiologie peu évocatrice d’un érythème pigmenté fixe, plusieurs éléments chronologiques sont en faveur de ce diagnostic : un délai inférieur à 48 heures, l’absence de signes généraux et d’atteintes muqueuses et viscérales, le bon pronostic des lésions, et surtout les séquelles hyperpigmentées. L’érythème pigmenté fixe est caractérisé par des lésions d’assez grande taille (1–10 cm de diamètre), inflammatoires, érythémateuses et prurigineuses. L’extension progressive du nombre et de la surface des lésions, en particulier lors des récidives, peut conduire à une dermatose bulleuse sévère. L’érythème pigmenté fixe a la particularité de récidiver toujours dans le même endroit et d’entraîner une hyperpigmentation résiduelle. C’est au cours des réintroductions que le risque de forme généralisée s’accentue et donc la confusion avec le syndrome de Lyell devient possible.[20] Dans notre cas, il pourrait s’agir d’un érythème pigmenté fixe qui était bulleux et généralisé dès le premier épisode.

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Correspondance et offprints : Mohamed Hédi Loueslati, Centre National de Pharmacovigilance, Hôpital Charles Nicolle, boulevard 9 avril, 1006 Tunis, Tunisie. E-mail : [email protected]

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