Leucémies à tricholeucocytes révélées par des manifestations articulaires

Leucémies à tricholeucocytes révélées par des manifestations articulaires

Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711 Fait clinique Leucémies à tricholeucocytes révélées par des manifestations articulaires夽 Hairy-cell leukemia w...

253KB Sizes 1 Downloads 95 Views

Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711

Fait clinique

Leucémies à tricholeucocytes révélées par des manifestations articulaires夽 Hairy-cell leukemia with inaugural joint manifestations Judith Raimbourg a , Grégoire Cormier a,∗ , Stéphane Varin a , Gilles Tanguy a , Yves Bleher b , Hervé Maisonneuve c b

a Service de rhumatologie, CHD Les-Oudairies, 85000 La-Roche-sur-Yon, France Service de médecine posturgence, CHD Les-Oudairies, 85000 La-Roche-sur-Yon, France c Service d’oncohématologie, CHD Les-Oudairies, 85000 La-Roche-sur-Yon, France

Accepté le 12 novembre 2008 Disponible sur Internet le 11 juin 2009

Résumé La leucémie à tricholeucocytes est un syndrome lymphoprolifératif B chronique rare de l’adulte évoqué devant une splénomégalie, une pancytopénie et une diminution caractéristique des monocytes. Le diagnostic est confirmé devant la présence dans le sang ou la moelle de cellules à « cheveux » CD19+ CD20+ CD25+ CD11c+. La leucémie à tricholeucocytes est dans de rares cas révélée par des arthrites. Ces atteintes articulaires sont rapportées soit à la leucémie à tricholeucocytes, soit à des pathologies dysimmunitaire. C’est ainsi que la polyarthrite rhumatoïde réalise parfois des tableaux polymorphes susceptibles d’égarer le diagnostic. La monocytopénie est un élément fondamental d’orientation. La découverte de cellules tricholeucocytaires dans le liquide articulaire confirme l’arthrite leucémique. Le traitement repose sur les analogues des purines. L’un des principaux diagnostics différentiels est le syndrome de Felty associant polyarthrite rhumatoïde, neutropénie et splénomégalie et correspondant le plus souvent à un syndrome lymphoprolifératif T. Nous rapportons sur une série de 27 cas, un cas de leucémie à tricholeucocytes révélé par des manifestations articulaires. © 2009 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Leucémie a tricholeucocyte ; Arthrite ; Monocytopénie ; Syndrome de Felty Keywords: Hairy-cell leukemia; Arthritis; Monocytopenia; Felty syndrome

1. Introduction La leucémie à tricholeucocytes est un rare syndrome lymphoprolifératif chronique de type B, représentant 2 % des leucémies. C’est une maladie qui frappe uniquement l’adulte, essentiellement masculine. Elle est évoquée devant l’association : splénomégalie sans adénopathie palpable, pancytopénie et diminution caractéristique des monocytes. Le diagnostic est porté sur le frottis sanguin, le myélogramme ou la biopsie ostéomédullaire devant la présence de cellules caractéristiques à 夽

Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2008.11.011). ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Cormier).

noyau légèrement excentré, au cytoplasme basophile, avec présence d’extensions cytoplasmiques réalisant l’aspect dit de « cheveux » et une activité granulaire phosphatase acide non inhibée par l’acide N tartrique. L’immunophénotypage confirme le diagnostic [12,13], la leucémie à tricholeucocyte typique étant CD19+ CD20+ CD5− CD23– et CD25+ CD11c+, la forme variante CD25− CD11c+. Sur le plan clinique, les manifestations les plus fréquentes sont celles liées à la pancytopénie. Parmi elles, des manifestations infectieuses graves peuvent être révélatrices. Des manifestations cutanées à type de rash, de nodules, de purpura peuvent compléter le tableau ainsi que des manifestations tumorales osseuses le plus souvent ostéolytiques [15] et une ostéopénie. Sont décrites également des manifestations auto-immunes de types vascularites leucocytoclastiques, voire panartérite noueuse [12,13] ainsi que des manifestations articulaires à type de polyarthrite ou de polyarthralgie.

1169-8330/$ – see front matter © 2009 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2008.11.012

708

J. Raimbourg et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711

Dans une série personnelle de 27 patients atteints de leucémie à tricholeucocytes, nous n’avons retrouvé qu’un seul cas révélé par un tableau ostéoarticulaire.

2. Observation Un homme de 47 ans, sans antécédent personnel ou familial, a été hospitalisé dans notre service pour un tableau de polyarthrite intéressant les chevilles, les poignets et les genoux associé à des fessalgies et amélioré par les AINS. Progressivement s’étaient installées des arthralgies migratrices intéressant les poignets, les métacarpophalangiennes et des interphalangiennes proximales associées à une éruption diffuse de type purpurique prédominant aux membres inférieurs. À l’examen clinique l’état général était conservé. Des synovites des métacarpophalangiennes, des interphalangiennes et du genou droit étaient observées, associées à un purpura des membres inférieurs de type vasculaire et une splénomégalie sans adénopathie palpable. Biologiquement on observait une pancytopénie avec 2,4 G/l leucocytes (0,8 G/l polynucléaires neutrophiles, 0,9 G/l lymphocytes, 11 g/dl d’hémoglobine et 70 G/l plaquettes) et une disparition des monocytes (0 G/l monocyte). Il existait un syndrome inflammatoire avec CRP à 47 mg/l, vitesse de sédimentation à 70 mm à la première heure. L’électrophorèse des protides était normale, les sérologies (cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, Parvovirus, hépatites B et C, virus de l’immunodéficience humaine) et le bilan immunologique étaient négatifs (facteurs rhumatoïdes, ANCA, facteurs antinucléaires et anti-antigène soluble, cryoglobuline). Les radiographies des mains, des pieds, du bassin et le cliché thoracique étaient normaux. L’échographie abdominale confirmait la splénomégalie (20 cm de grand axe) associée à deux adénopathies épigastriques et une hépatomégalie modérée. La TDM abdominale révélait, en plus, des données échographiques, des adénopathies cœliomésentériques et rétropéritonéales centimétriques ainsi qu’une formation nodulaire de la pointe de la rate. La ponction articulaire du genou ramenait un liquide mécanique avec 1110 éléments/mm3 , stérile dont l’analyse cytologique retrouve 36 % de polynucléaires neutrophiles, 46 % de lymphocytes, 15 % de macrophages et 3 % de polynucléaires éosinophiles. Il n’y a pas eu de phénotypage des lymphocytes. La biopsie cutanée ne mettait pas en évidence de cellules tricholeucocytaires, ni de lésions spécifiques de vascularite. Le myélogramme objectivait une lymphocytose à tricholeucocytes (31 %), confirmée par l’immunophénotypage. La biopsie ostéomédullaire montrait une moelle pauvre avec un infiltrat diffus à tricholeucocytes. Le patient a bénéficié d’un traitement par analogue des purines type 2 CDA (2 chlorodésoxyadénosine) [11] associé à une chimioprophylaxie par sulfaméthoxazole-triméthoprime, valaciclovir et phénoxyméthylpénicilline. Ce traitement a permis l’obtention d’une rémission clinique et hématologique (avec trois ans de recul). Il persistait uniquement une hypogammaglobulinémie (2,7 G/l) non présente au diagnostic et qui a nécessité la poursuite de la prophylaxie par phénoxyméthylpénicilline et valaciclovir.

3. Discussion Vingt-sept cas de leucémie à tricholeucocytes ont été répertoriés au CHD de La-Roche-sur-Yon au cours des 15 dernières années. La série comporte 23 hommes et quatre femmes avec un sex-ratio de 5,75, les âges s’étalent de 30 à 81 ans pour une médiane de 62,44 ans. Pour 24 patients, les signes ayant abouti au diagnostic sont des anomalies de la numération formule sanguine, symptomatiques dans neuf cas (sept infections, un infarctus du myocarde, une épistaxis) et asymptomatiques dans 15 cas. Les anomalies étaient caractérisées par une pancytopénie chez neuf patients, une bicytopénie dans dix cas (cinq cas : leuconeutropénie et thrombopénie, deux cas : anémie et leuconeutropénie, un cas : anémie et thrombopénie et deux cas : non précisés) une thrombopénie isolée dans deux cas, deux cas de leuconeutropénie et un cas de neutropénie. Par ailleurs, tous les patients sauf deux (dossiers non retrouvés) présentaient une diminution authentique des monocytes au diagnostic (20 patients < 0,05 G/l et quatre patients = 0) comme chez notre patient. Pour une patiente le diagnostic a été confirmé au cours d’une exploration d’une tumeur du pancréas dont nous n’avons pas l’histologie. Dans un cas les signes de découverte ne sont pas décrits. Notre cas est le seul révélé par une polyarthrite. Notre série est comparable à celles décrites dans la littérature (Tableau 1) [16–19] : les patients sont majoritairement des hommes d’âge moyen. Les symptômes initiaux sont en rapport avec les anomalies des lignées sanguines (fatigue, infections et hémorragie cutanéomuqueuse) ainsi que la splénomégalie qui est le signe clinique le plus fréquent. Les anomalies de la numération sont quasi constante en particulier la neutropénie même dans les formes leucémiques hyperleucocytaires. Il n’est pas noté de manifestations articulaires, ni de manifestations auto-immunes en dehors d’anémies hémolytiques. Seule une vascularite leucémique à été constatée sur une biopsie cutanée d’un purpura vasculaire (Tableau 1). Dans la littérature une douzaine de cas décrivent des manifestations articulaires associées à une leucémie à tricholeucocytes (Tableau 2). Il existe une majorité de femmes, les âges varient de 31 à 88 ans avec une moyenne de 48,23 ans. Neuf observations rapportent des cas de polyarthrites bilatérales et symétriques [1,2,4,6–8,10], sept sont des polyarthrites séropositives pour les facteurs rhumatoïdes associées à des atteintes radiologiques érosives compatibles qui ont fait porter le diagnostic de PR selon les critères de l’ACR. Un cas rapporte des manifestations polyarticulaires dans le cadre d’un lupus [5] associé à une leucémie à tricholeucocytes et le dernier rapporte une polyarthrite dont l’origine n’est pas donnée [4], les facteurs rhumatoïdes n’étant pas précisés et les anticorps antinucléaires positifs au 1/160 seulement. Les sept observations de polyarthrite rhumatoïde ne sont pas toutes superposables : dans trois cas [2,4,8], concernant des femmes âgées de 33, 55 et 73 ans, la polyarthrite précède de nombreuses années la leucémie : huit, 18 et 25 ans et le lien entre les deux est difficile à affirmer. Pour les quatre autres cas, la polyarthrite rhumatoïde survient après des délais brefs, maximum cinq ans, et concerne trois femmes et un homme. Le lien entre les deux serait peut-

J. Raimbourg et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711

709

Tableau 1 Manifestations initiales des leucémies à tricholeucocytes.

Buroncle et al. [16]

Patients

Sexe/âge

Symptômes initiaux

Clinique

Biologie

Histologie

Manifestations auto-immunes

26 sur 8 ans

21 H/5 F

Asthénie 12/26

Cytopénie 25/26

Myélogramme + BOM

Anémie hémolytique

> 30 ans

Infection 5/26

96 % splénomégalie 58 % hépatomégalie 12 % adénopathie superficielle 3 % de lésions cutanées infiltrées

Monocytopénie présente chez 2 patients, non précisée pour les autres Tricholeucocyte circulant 24/26 Anomalie numération 100 % Cytopénie »

Myélogramme + BOM

Anémie hémolytique

Pancytopénie quasi systématique

NP

Anémie hémolytique

Anomalie numération 100 % 59 % pancytopénie 14 % une ou deux lignée atteinte

Myélogramme + BOM biopsie cutanée : infiltrat de cellules malignes

Anémie hémolytique

Douleur hypochondre gauche 4/26 Hémorragie cutanéomuqueuse 4/26

Buroncle [17]

82 sur 20ans

67H/15F De 22 à 76 ans

Flandrin et al. [18]

55 sur 13 ans

Lésion cutanée infiltrante 1/26 Asthénie 51 % Manifestations hémorragique 9 % Infection 17 %

43 H/12 F

Symptôme lié à la splénomégalie 14 % Asthénie51 %

De 23 à 79 ans

Hémorragie

Cutanéomuqueuse 18 % Infection 22 % Golomb et al. [19]

71

Splénomégalie 93 % Hépatomégalie 40 % Adénopathie périphérique 23 %

Dont neutropénie 24/26 Hyperleucocytose 6/26

Hyperleucocytose Tricholeucocyte circulant 100 %

78 % splénomégalie 50 % hépatomégalie modérée 18 % adénopathie Superficielle

56 H/15 F

Asthénie 34 %

Splénomégalie

De 22 à 79 ans

Infection 38 %

> 80 %

Trouble digestif 24 %

Hépatomégalie > 19 % Adénopathie superficielle < 20 % Rash cutané 10 patients

17 % en phase leucémique Monocyte exprimé en pourcentage difficile à interpréter Tricholeucocyte Circulant 90 %

BOM : biopsie ostéomédullaire ; NP : non précisé.

être la communauté antigénique entre tricholeucocytes et tissu synovial, avec des modifications du système immunitaire et stimulation antigénique par les tricholeucocytes observés dans les vascularites. Trois cas rapportent des lésions articulaires imputées directement à la leucémie à tricholeucocytes [3,6,9]. Ces lésions étaient plus polymorphes : oligoarticulaires et asymétriques avec des lésions transitoires et récidivantes malgré les corticoïdes dans deux cas, polyarticulaires avec rash cutané dans un cas. Ces cas étaient séronégatifs, sans lésions radiologiques érosives ou avec des lésions qui ne correspondaient pas aux atteintes de la polyarthrite rhumatoïde à l’IRM. Le diagnostic

d’arthrite leucémique a pu être affirmé par deux fois devant la présence de cellules caractéristiques dans le liquide synovial de ponction et à la biopsie cutanée. Cela n’a pas été le cas dans notre observation puisque nous retrouvions un liquide mécanique. Notre patient présentait comme pour Zervas et al. [6], des manifestations polyarticulaires asymétriques associées à des manifestations cutanées dont la biopsie n’était pas concluante (Tableau 2). La leucémie à tricholeucocytes typiques est associée à d’autres manifestations auto-immunes dont les plus classiques sont les vascularites (panartérite noueuse, vascularites leuco-

710

J. Raimbourg et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711

Tableau 2 Manifestations articulaires associées aux leucémies à tricholeucocytes. Âge/sexe

Début arthrite

Début LT

Signes cliniques

Biologie

Signes radiologiques

Liquide synovial

Diagnostic

Crofts

39/F

+2 ans

Polyarthrite

FR négatif FAN 1/640

Érosions mains et pieds

NP

PR

Conlon

55/H

+1,5 ans

0 Hépatosplénomégalie Pancytopénie Tricholeucocytes circulant 0

Polyarthrite

NP

NP

Polyarthrite

Conlon

55/F

0

+25 ans

Polyarthrite

NP

NP

PR

Strickland

31/H

0

0

Polyarthrite

FAN 1/160 Anticorps anti-ADN natif négatif FR et FAN négatifs FR 1/40 FAN 1/640

NP

Lupus

Zervas

56/F

+5 ans

0

Polyarthrite bilatérale et symétrique

Zervas

38/F

+2 mois

0 Fièvre splénomégalie NFS : anémie et neutropénie 11 % de tricholeucocytes

Polyarthrite vascularite

Latex 1/160 FAN et anticorps anti-ADN natif négatif FR négatif FAN négatif Anticorps anti-ADN natif négatif

Érosions bilatérales 3 et 4e MCP droit et 5e gauche NP

486 éléments 80 % de PNN pas de cellule anormale NP

Taylor

50/F

+2 ans

0

Polyarthrite

Absents

Facchini

43/F

0

Polyarthrite

NP

NP

PR

Sattar

65/H

0

Oligoarthrite

FR et FAN négatifs

Pas d’érosions

Tricholeucocyte

Arthrite leucémique

Castelino

73/F

0

+5 ans Splénomégalie NFS : Anémie et 51 % de tricholeucocytes +15 ans Hépatosplénomégalie Adénopathie NFS : pancytopénie Tricholeucocytes +18

FR 1/320 FAN 1/80 FR 1/160 FAN négatif

Tricholeucocytes Arthrite NB : tricholeuleucémique cocyte retrouvé sur la biopsie cutanée NP Polyarthrite

Polyarthrite

Érosions

NP

PR

L’Hirondel

44/F

0

Oligoarthrite fugace

Déminéralisation pommelée genou

900 éléments 20 % PNN sans cellules anormales

Arthrite leucémique

Vernhes

88/H

+ 10 mois

0 Splénomégalie adénopathies profondes Pancytopénie Pancytopénie

FR 302 UI FAN négatif FR négatif FAN 1/40

Carpite érosive

Pas de liquide

PR

Raimbourg

47/H

0

0 Splénomégalie Pancytopénie

Polyatrhrite

Latex 400 U/ml WR 32 FAN 1/40 ANCA cryoglobuline Anticorps anti-ADN natif négatif FR et FAN négatifs

NP

Pas de tricholeucocytes

Arthrite leucémique

Polyarthrite

PR

LT : leucémie à tricholeucocyte ; PR : polyarthrite rhumatoïde ; FAN : facteur antinucléaire ; FR : facteur rhumatoïde ; WR : Waaler-Rose ; NP : non précisé ; PNN : polynucléaire neutrophile.

cytoclasiques) qui peuvent entraîner des atteintes articulaires. Hasler et al. [13] reprennnent 42 cas de vascularite décrits dans la littérature. Ces vascularites peuvent survenir à tout moment et être à l’origine parfois du diagnostic de la leucémie. Elles sont

souvent associées à des infections favorisées par la neutropénie, la monocytopénie et la splénectomie qui était le traitement de référence jusqu’en 1984. À l’instar des atteintes articulaires, de véritables vascularites leucémiques sont décrites par enva-

J. Raimbourg et al. / Revue du Rhumatisme 76 (2009) 707–711

711

beaucoup plus exceptionnels et nécessitent les mêmes investigations complémentaires. Cependant, devant des manifestations articulaires associées à des anomalies hématologiques et une splénomégalie, on peut évoquer le syndrome de Felty comme principal diagnostic différentiel. Ce syndrome associe leuconeutropénie, splénomégalie et polyarthrite rhumatoïde séronégative. Il correspond le plus souvent à une prolifération clonale de lymphocytes à larges grains, dont l’identification sera assurée par l’analyse cytologique, l’immunophénotypage sanguin et/ou médullaire et la recherche de clonalité T [14]. Les thérapeutiques seront alors celles appliquées à la prolifération lymphocytaire, parmi lesquelles la corticothérapie et le méthotrexate conservent une place de choix. Fig. 1. Deux tricholeucocytes avec membrane externe hérissée de fins prolongements.

hissement vasculaire par les cellules tricholeucocytaires sur les biopsies cutanées. La sérologie rhumatoïde de notre patient était négative et il n’a pas présenté de vascularite. Cela a permis de ne pas égarer le diagnostic qui peut être difficile devant ces tableaux trompeurs associant vascularite, douleurs articulaires et syndromes infectieux. Les anomalies hématologiques et la présence de tricholeucocytes dans les différents prélèvements (liquide synovial, biopsie cutanée, frottis sanguin [Fig. 1] et biopsie ostéomédullaire) permettent le diagnostic et l’imputation des symptômes à la leucémie. Au plan thérapeutique, le traitement par analogue des purines a permis d’obtenir une rémission clinique et hématologique. Les autres cas décrits ont été traités par de l’interféron de manière efficace dans les arthrites leucémiques avec une disparition des manifestations articulaires, mais un effet variable sur la PR. À notre connaissance, il n’a pas été décrit de cas amélioré par analogue des purines mais l’amélioration sous ces traitements est probablement un critère de plus en faveur d’une arthrite leucémique. Dans les cas de résistance des leucémies à tricholeucocytes typiques, le rituximab peut être utilisé et a permis d’obtenir des rémissions complètes ou partielles. Les syndromes lymphoprolifératifs dont fait partie la leucémie à tricholeucocyte ne sont pas les seuls pourvoyeurs d’atteintes auto-immune et articulaire. Certaines myélodysplasies, dont la leucémie myélomonocytaire chronique et certains syndromes myéloprolifératifs (myélofibrose primitive), peuvent être associées à ces manifestations [20]. Une myélodysplasie peut être évoquée dans un contexte de cytopénies avec manifestation articulaire, mais la présence d’une splénomégalie n’est pas une manifestation fréquente au cours de ces tableaux. Le diagnostic repose sur le myélogramme, dans certains cas, aidé par la réalisation d’une biopsie médullaire et d’un examen cytogénétique médullaire. Les tableaux de myélofibrose primitive nécessitent la réalisation d’une biopsie médullaire pour être affirmés, parfois complétée également par la réalisation d’une culture des précurseurs médullaires, la réalisation d’un caryotype et plus récemment la recherche de la mutation du gène Jak2. Les tableaux d’aplasie médullaire sont

Références [1] Crofts MA, Sharp JC, Joyner MV. Rheumatoid arthritis and hairy-cell leukaemia. Lancet 1979;2:203–4. [2] Facchini A, Mariani E, Ferrolli A, et al. Hairy-cell leukemia and rheumatoid arthritis: cause or effect? Arthritis Rheum 1981;24:1587. [3] Sattar MA, Cawley MID. Arthritis associated with hairy-cell leukaemia. Ann Rheum Dis 1982;41:289–91. [4] Conlon KC, Urba WJ, Smith JW, et al. Exacerbation of symptoms of autoimmune disease in patients receiving alpha-interferon therapy. Cancer 1990;65:2237–42. [5] Strickland RW, Limmani A, Wall JG, et al. Hairy-cell leukaemia presenting as a lupus-like illness. Arthritis Rheum 1988;31:566–8. [6] Zervas J, Vayopoulos G, Kaklamanis PH, et al. Hairy-cell leukaemiaassociated polyarthritis: a report of two cases. Br J Rheumatol 1991;30:157–8. [7] Taylor HG, Davis MJ, Hothersall TE. Hairy-cell leukaemia and rheumatoid arthritis. Br J Rheumatol 1991;30:391–2. [8] Castelino D, Snibson G, Clemens L, et al. Felty’s syndrome and hairy-cell leukaemia. Br J Rheumatol 1994;33:499–500. [9] L’Hirondel JL, Troussard X, Macro M, et al. Polyarthrite révélatrice d’une leucémie à tricholeucocytes. Rev Rhum Mal Osteoartic 1992;59: 749–53. [10] Vernhes JP, Schaeverbeke T, Fach J, et al. Chronic immunity-driven polyarthritis in hairy-cell leukaemia. Report of a case and review of the literature. Rev Rhum Engl Ed 1997;64:578–81. [11] Tallman M. Current treatment strategies for patients with hairy-cell leukaemia. Rev Clin Exp Hemato 2002;6:389–400. [12] Malfuson JV, Gisserot O, Cremades S, et al. La leucémie à tricholeucocyte. Ann Med Interne 2003;154:435–40. [13] Hasler P, Kistler H, Gerber H. Vasculitides in hairy-cell leukemia. Semin Arthritis Rheum 1995;25:134–42. [14] Lamy T, Loughran Jr TP. Clinical features of large granular lymphocyte leukemia. Semin Hematol 2003;40:185–95. [15] Filippi A, Franco P, Marinone C, et al. Treatment options in skeletal localization of hairy-cell leukemia: a systematic review of the role of radiation therapy. Am J Hematol 2007;82:1017–21. [16] Bouroncle BA, Wisema BK, Doan CA. Leukemic reticuloendotheliosis. Blood 1958;13:609–30. [17] Buroncle BA. Leukemic reticuloendotheliosis (hairy-cell leukemia). Blood 1979;53:412–36. [18] Flandrin G, Daniel MT, Fourcade M, et al. Leucémie à tricholeucocyte: étude clinique et cytologique de 55 observations. Nouvelle Revue Franc¸aise d’Hématologie 1973;13:609–40. [19] Golomb HM, Catovsky D, Golde DW, et al. Hairy-cell leukemia: a clinical review based on 71 cases. Annals of Internal Médicine 1978;89:677–83. [20] Saif MW, Hopkins JL, Gore SD. Autoimmune phenomena in patient with myelodysplastic syndromes and chronic myelomonocytic leukemia. Leuk Lymphoma 2002;43:2083–92.