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Communication brève
Leucoencéphalite multifocale progressive en dehors du sida : efficacité de l’association cytarabine–cidofovir Progressive multifocal leukoencephalopathy in a non-AIDS patient: high efficiency of combined cytarabine and cidofovir B. Terriera, A. Hummela,*, F. Fakhouria, M. Jablonskia, T. Hüglea, J. Gasnaultb, M. Sansonc, F. Martinezd a
Service de néphrologie adultes, hôpital Necker–Enfants-malades, Assistance publique–Hôpitaux de Paris (APHP), université Paris–Descartes, 149–161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France b Unité de suite et réadaptation, service de médecine interne et maladies infectieuses, hôpital de Bicêtre, APHP, université Paris-Sud, Le Kremlin-Bicêtre, France c Service de neurologie, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, APHP, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris, France d Service de transplantation rénale, hôpital Necker–Enfants-malades, APHP, université Paris–Descartes, 149–161, rue de Sèvres, 75015 Paris, France Reçu le 19 décembre 2006 ; accepté le 21 mai 2007 Disponible sur internet le 08 juin 2007
Résumé Introduction. – La leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP) est une infection opportuniste du système nerveux central survenant chez les patients immunodéprimés. Son traitement, encore mal codifié, est le plus souvent inefficace avec une évolution rapidement fatale. Fait clinique. – Une femme de 48 ans, traitée par immunosuppresseurs pour un lupus systémique, présenta une LEMP mimant une poussée de neurolupus. Un traitement combinant cytarabine et cidofovir permit une rémission complète. Discussion. – La combinaison de cytarabine et cidofovir semble être une option thérapeutique intéressante au cours des LEMP survenant au cours des maladies systémiques. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Introduction. – Progressive multifocal leukoencephalopathy (PML) is an opportunistic infection of the central nervous system, occurring in immunocompromised patients. Treatment, not codified to date, is more often inefficient with a rapid and fatal deterioration. Case record. – A 48-year-old woman, treated with immunosuppressant agents for systemic lupus, presented with PML mimicking neurolupus flare. A complete remission was obtained with cytarabine and cidofovir. Conclusion. – Combined cytarabine and cidofovir appears a promising therapeutic option in PML associated with autoimmune systemic disorders. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Leucoencéphalite multifocale progressive ; Lupus érythémateux systémique ; Cytarabine ; Cidofovir Keywords: Progressive multifocal leukoencephalopathy; Systemic lupus erythematosus; Cytarabine; Cidofovir
1. Introduction La leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP) est une affection subaiguë du système nerveux central liée à une * Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Hummel).
infection opportuniste par un Polyomaviridae, le virus JC [1,2]. Elle se caractérise par une démyélinisation de la substance blanche. La LEMP survient tardivement au cours de maladies associées à un déficit sévère de l’immunité cellulaire, principalement le syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et les hémopathies malignes comme la maladie de Hodgkin et la leucémie lymphoïde chronique [3]. La LEMP peut également
0248-8663/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2007.05.013
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compliquer des maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux systémique (LES), le plus souvent traitées par immunosuppresseurs [4], ou survenir chez des sujets transplantés [5]. Son traitement, non codifié, est le plus souvent inefficace, avec une évolution rapidement fatale dans la majorité des cas. 2. Fait clinique Une femme de 48 ans, arménienne, est hospitalisée en octobre 2005 pour un tableau neurologique, évoluant depuis un mois et demi, caractérisé par une apathie, un désintérêt, une perte des initiatives, des phases de sommeil fréquentes et des troubles mnésiques avec fabulations. Ses antécédents sont marqués par un LES diagnostiqué en 2000, avec initialement une atteinte cutanée, et traité par une corticothérapie à faibles doses. En août 2004, elle est hospitalisée pour une poussée lupique rénale sévère avec microangiopathie thrombotique et glomérulonéphrite proliférative documentée histologiquement. La créatininémie est à 379 μmol/l et le taux d’IgG anti-ADN à 1802 UI en Elisa. Un traitement par deux bolus de 1 g de méthylprednisolone (Solumedrol®), six bolus de 600 mg de cyclophosphamide (Endoxan®) et six échanges plasmatiques est réalisé, avec un relais par une corticothérapie orale (Cortancyl®) dégressive (jusqu’à 12,5 mg/j) et du mycophénolate mofétil (Cellcept®) (2500 mg/j). L’évolution est favorable avec stabilisation de la créatininémie à 150 μmol/l. À son admission en octobre 2005, l’examen clinique est limité par la barrière linguistique mais retrouve un trouble des séries frontales, et un comportement d’imitation sans grasping, sans atteinte des voies longues, sans syndrome cérébelleux. Le bilan biologique est normal en dehors d’une aggravation de la fonction rénale avec créatininémie à 290 μmol/l, associée à la bandelette urinaire à une protéinurie supérieure à 3 g/l et une hématurie à 200 globules rouges/μl. La recherche d’anticorps anti-ADN natif est négative (test de Farr : 18 % pour une normale < 20 %). Le scanner cérébral sans injection montre des hypodensités de la substance blanche sous-corticale frontale. L’électroencéphalogramme met en évidence la présence d’ondes lentes bifrontales. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale objective de larges plages en hyposignal T1 et hypersignal T2 et Flair, bifrontales asymétriques, pariétales et temporales droites et cérébelleuses, corticales et sous-corticales, avec atteinte de la substance blanche profonde, et rehaussement à la périphérie des lésions après injection de gadolinium (Fig. 1). L’examen du liquide céphalorachidien (LCR) est normal hormis une protéinorachie à la limite supérieure de la normale à 0,63 g/l. Un diagnostic de microangiopathie thrombotique cérébrale et rénale est évoqué, motivant la réalisation de deux bolus de 500 mg de méthylprednisolone et d’un échange plasmatique. La fonction rénale s’améliore après hydratation, avec stabilisation de la créatininémie à 120 μmol/l. La positivité de la PCR JC virus dans le LCR obtenue secondairement permet de poser en association avec les données clinique et neuroradiologique le diagnostic de LEMP. Les autres PCR virales (EBV, CMV,
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HSV, VZV) et la PCR Toxoplasma gondii étaient négatives. L’immunophénotypage des lymphocytes circulants ne montre pas de déficit quantitatif sévère de l’immunité cellulaire, avec des CD4 à 461/mm3. La sérologie VIH est négative. Le traitement immunosuppresseur est diminué avec interruption du mycophénolate mofétil et baisse de la corticothérapie à 10 mg/j. Un traitement associant cytarabine (Aracytine®) [2 mg/kg par jour pendant cinq jours toutes les trois semaines] et cidofovir (Vistide®) [5 mg/kg toutes les deux semaines] par voie intraveineuse est débuté. L’évolution neurologique est marquée par une nette amélioration clinique dès la fin de la deuxième cure de traitement. Après un total de six cures de cytarabine et cidofovir, l’évolution est spectaculairement favorable, tant au plan clinique avec une disparition des troubles neurologiques, que microbiologique avec négativation de la PCR JC virus dans le LCR et radiologique avec une très
Fig. 1. Imagerie par résonance magnétique du cerveau (séquences en pondération T2). Les images au diagnostic de la LEMP sont à gauche, les images après traitement sont à droite. On constate une très nette régression des hypersignaux des hémisphères cérébraux après traitement par cytarabine et cidofovir.
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nette régression des hypersignaux frontaux et cérébelleux (Fig. 1). Après un suivi de 12 mois, la patiente est en rémission persistante de son lupus (test de Farr : 9 %) et de sa LEMP. 3. Discussion Au cours des maladies systémiques, le traitement immunosuppresseur au long cours est associé à une importante morbidité infectieuse. Parmi ces complications, des infections opportunistes peuvent survenir, comme la LEMP qui reste néanmoins exceptionnelle en dehors de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine, avec seulement quelques dizaines de cas rapportés dans la littérature. Ces cas de LEMP sont principalement décrits au cours du LES traité par immunosuppresseurs [4], mais aussi au cours de la polyarthrite rhumatoïde, la sarcoïdose, la granulomatose de Wegener [6] ou les myosites inflammatoires. Le diagnostic de LEMP repose sur une terminologie consensuelle définissant des critères diagnostiques cliniques, radiologiques, virologiques et neuropathologiques [7]. Le diagnostic histologique est la méthode de référence, mais il est très peu utilisé compte tenu de son caractère invasif. Ainsi, la détection du génome du virus JC dans le LCR par PCR représente, en association avec un contexte clinique et radiologique évocateur, la méthode diagnostique la plus utilisée. En effet, cette technique a une sensibilité de 72 à 92 % et une spécificité de 92 à 100 % [2]. Chez notre patiente, la terminologie exacte est celle de LEMP virologique devant les anomalies cliniques et radiologiques compatibles et la PCR JC positive dans le LCR, en l’absence de donnée neuropathologique. La LEMP est un diagnostic important à évoquer devant des troubles neurologiques centraux au cours des maladies systémiques, quel que soit le niveau d’immunosuppression, car elle peut mimer une atteinte spécifique du système nerveux central, fréquente au cours de ces maladies, notamment le LES. En effet, dans notre observation, le diagnostic initial des troubles neurologiques fut celui de poussée lupique sévère avec atteinte cérébrale et rénale, justifiant un traitement immunosuppresseur à forte dose. Cette distinction diagnostique est d’autant plus importante à faire précocement que les traitements sont diamétralement opposés : immunosuppression thérapeutique en cas d’atteinte spécifique sévère, reconstitution de l’immunité avec arrêt des immunosuppresseurs en cas de LEMP. Cette observation rapporte également l’efficacité importante et rapide de la reconstitution de l’immunité et d’un traitement adjuvant combinant la cytarabine et le cidofovir en injection intraveineuse. À ce jour, le traitement des LEMP n’est pas défini et le plus souvent inefficace, avec une évolution fatale dans la majorité des cas. La rareté des cas de LEMP non associées à l’infection par le VIH rend la réalisation d’essais thérapeutiques très difficile. La seule thérapeutique faisant l’unanimité est la reconstitution de l’immunité cellulaire, soit au cours du sida par mise en route d’une thérapie antirétrovirale efficace, soit au cours des formes non liées au VIH par diminution ou arrêt d’un traitement immunosuppresseur. Plusieurs molécules adjuvantes, notamment la cytarabine, le cidofovir ou l’interféron, ont été essayées. La cytarabine est un
agent antinéoplasique, de la classe des antimétabolites (analogue de la pyrimidine), pour laquelle une efficacité antivirale in vitro a été retrouvée [8]. Le cidofovir est un antiviral de la famille des analogues nucléotidiques, ayant une activité sur le cytomégalovirus (CMV) et à moindre degré sur les autres Herpesviridae. Son indication principale est le traitement des rétinites à CMV chez les patients atteints du sida. Il inhibe également la réplication virale in vitro des Polyomaviridae [9], expliquant son intérêt théorique dans le traitement des LEMP. L’efficacité de la cytarabine [10,11] ou du cidofovir [12,13] a été rapportée occasionnellement. Cependant, les études réalisées sur un grand nombre de patients atteints de LEMP associées au sida n’ont pas retrouvé de bénéfice [14]. L’association de cytarabine et cidofovir, comme dans notre observation, a quant à elle été rarement rapportée dans la littérature. Sous cette combinaison thérapeutique, trois cas, dont le nôtre, ont eu une évolution favorable [15,16] et deux cas une évolution défavorable [17,18]. Il est cependant difficile de dissocier l’efficacité de la combinaison thérapeutique par cytarabine et cidofovir de l’allégement du traitement immunosuppresseur. En effet, les évolutions favorables rapportées dans la littérature avec ces deux molécules, seules ou en association, sont presque toujours survenues dans un contexte où on est parvenu aussi à lever l’immunosuppression. Ainsi, la baisse du traitement immunosuppresseur doit toujours être réalisée si l’évolution de la maladie auto-immune le permet. De plus, et en dépit du faible nombre de patients, la combinaison de cytarabine et cidofovir est une option thérapeutique adjuvante intéressante et efficace en association avec la baisse de l’immunosuppression, avec un possible effet synergique entre les deux molécules [16]. L’efficacité clinique semble être rapide, survenant dans les trois premiers mois. La toxicité est principalement médullaire, marquée par la survenue de neutropénie, parfois fébrile, pouvant nécessiter l’hospitalisation pour antibiothérapie intraveineuse et l’espacement des cures. La LEMP est donc un diagnostic à évoquer devant des troubles neurologiques centraux au cours de maladies systémiques, surtout traitées par immunosuppresseurs. En dépit de l’absence de traitement avec une efficacité prouvée en dehors de la reconstitution de l’immunité, la combinaison de cytarabine et cidofovir semble être une option thérapeutique adjuvante. La réalisation d’essais thérapeutiques pour valider ce traitement semble cependant difficilement réalisable. Références [1] Gallia GL, Houff SA, Major EO, Khalili K. Review: JC virus infection of lymphocytes-revisited. J Infect Dis 1997;176:1603–9. [2] Gasnault J, Taoufik Y. New trends in progressive multifocal leukoencephalopathy. Rev Neurol (Paris) 2006;162:43–56. [3] Hou J, Major EO. Progressive multifocal leukoencephalopathy: JC virus induced demyelination in the immune compromised host. J Neurovirol 2000;6(Suppl 2):S98–S100. [4] Itoh K, Kano T, Nagashio C, Mimori A, Kinoshita M, Sumiya M. Progressive multifocal leukoencephalopathy in patients with systemic lupus erythematosus. Arthritis Rheum 2006;54:1020–2.
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