L’histoire des Annales pharmaceutiques françaises. 1809–2009

L’histoire des Annales pharmaceutiques françaises. 1809–2009

Annales Pharmaceutiques Françaises (2009) 67, 380—390 REVUE GÉNÉRALE L’histoire des Annales pharmaceutiques franc ¸aises. 1809—2009 The story of Ann...

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Annales Pharmaceutiques Françaises (2009) 67, 380—390

REVUE GÉNÉRALE

L’histoire des Annales pharmaceutiques franc ¸aises. 1809—2009 The story of Annales pharmaceutiques franc¸aises. 1809—2009 F. Chast 1 Service de pharmacie pharmacologie toxicologie, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France Rec ¸u le 3 aoˆ ut 2009 ; accepté le 28 aoˆ ut 2009

MOTS CLÉS Presse pharmaceutique ; Académie nationale de pharmacie ; Histoire de la pharmacie ; Annales pharmaceutiques franc¸aises

KEYWORDS Pharmaceutical press; Académie nationale de pharmacie; History of pharmacy; Annales pharmaceutiques franc¸aises

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Résumé Les Annales pharmaceutiques franc¸aises ont 200 ans. À l’origine, en 1809, le Bulletin de pharmacie fut l’organe de la Société de pharmacie de Paris. Sa création, dans la dynamique créée par la loi de Germinal an XI (1803), permit un formidable essor faisant rapidement de ce périodique le premier journal pharmaceutique dans le Monde. Il devient le Journal de pharmacie et de chimie en 1842 et ce, pendant un siècle. Les Annales pharmaceutiques franc¸aises prennent donc le relais en 1943. Ce périodique est aujourd’hui l’organe de l’Académie nationale de pharmacie. Ses six numéros annuels sont complétés par une diffusion électronique lui assurant des lecteurs dans l’ensemble de la francophonie. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary The Annales pharmaceutiques franc¸aises is 200 years old. Initially, in 1809, the Bulletin de pharmacie was the organ of the Société de pharmacie de Paris. The journal was one of the dynamic events stimulated by the law of Germinal in year XI of the French revolution (1803). Its readership increased tremendously, rapidly making it the first regular journal in the pharmaceutical world. In 1984 it became the Journal de pharmacie et chimie published for a century. It was in 1943 that the journal took on its current name of the Annales pharmaceutiques franc¸aises. The journal is now the official organ of the French National Academy of Pharmacy. The six annual issues are supplemented by an internet diffusion allowing readers access in all French-speaking countries. © 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail : [email protected]. Vice-président de l’Académie nationale de pharmacie.

0003-4509/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pharma.2009.08.001

L’histoire des Annales pharmaceutiques franc¸aises. 1809—2009

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Dès sa création en mars 1796, la Société libre des pharmaciens de Paris, dont la fondation précéda de sept ans la Société de pharmacie de Paris, se consacra au progrès des sciences pharmaceutiques. L’originalité de la démarche fut concrétisée par la création du Journal de la Société des pharmaciens de Paris, acte décisif dans l’organisation de la Société héritière de la corporation des apothicaires. Le règlement initial de la Société prévoyait déjà un objectif éditorial, précisé dans l’article 17 des statuts : « Il sera imprimé un recueil périodique des mémoires et observations tant des membres de la Société libre que des associés, correspondants et autres savants, qui seront relatifs aux sciences dont l’étude et les progrès formant l’objet de l’établissement de cette Société ». Le Journal parut pour la première fois le 3 juin 1797 (15 Prairial an V). C’est un in-quarto de huit pages, imprimé sur deux colonnes. Il paraîtra le 15 et le 30 de chaque mois. En page 7 du premier numéro, un article intitulé « Nouvelles en chimie », insistait sur l’utilité du dialogue naissant entre pharmacie et chimie. Il soulignait aussi l’importance des contacts internationaux : « Il n’y a presque aucun fait nouveau en chimie, aucun travail dans cette science, aucun trait de son histoire qui n’intéresse plus ou moins immédiatement, ou la théorie, ou la pratique pharmaceutique ; on se fera donc un devoir de donner avec exactitude, dans ce journal, la notice des nouvelles et des découvertes, en profitant pour cela de la correspondance assez multipliée que les chimistes franc ¸ais entretiennent avec ceux de la plupart des nations voisines ». À partir du second numéro, il est indiqué que la rédaction du Journal est confiée au citoyen Antoine-Franc ¸ois Fourcroy (Fig. 1) qui n’était pas pharmacien mais qui tenait à ce « que

la revue éclairât la médecine », auquel sont adjoints les citoyens Jacques-Franc ¸ois Demachy et Edme Jean-Baptiste Bouillon Lagrange. Force était de constater, numéro après numéro, que le succès n’était pas là. Le rythme initial de la publication, d’abord bimensuel, devint rapidement mensuel, mais, malheureusement, des problèmes de financement conduisirent à l’extinction de la parution dès août 1798 [1] après une décision courageuse mais douloureuse du Collège : « Le journal de la société, établi depuis environ 16 mois, n’a point réussi comme on l’avait espéré [. . .] la société déclare qu’en arrêtant la publication, elle n’a point entendu se charger du déficit ». N’entendant prendre aucun risque, la Société de pharmacie de Paris, dans sa délibération du 5 Fructidor an VI (22 août 1798), sous-traite avec Fourcroy, non seulement pour le contenu scientifique, mais aussi en termes financiers : « à ses risques, périls et fortune ». Ce qui fut accepté. Certes, la direction du Journal a été offerte à Fourcroy, mais Antoine-Augustin Parmentier, Nicolas-Louis Vauquelin (Fig. 2), Bouillon-Lagrange et Nicolas Deyeux restaient, de fait, les responsables éditoriaux de la publication, même si Fourcroy se plaignait de la modeste contribution scientifique des membres du Collège de pharmacie [2]. Malheureusement, le dévouement et les efforts de Fourcroy et de ses amis pharmaciens furent vains. Le 15 Frimaire an VII (5 décembre 1798), faute de pouvoir réunir les moyens matériels et scientifiques offrant une dynamique à la revue pharmaceutique, il fut décidé d’intégrer dans un même périodique le Journal de pharmacie et les Annales de chimie qui poursuivaient un travail remarquable, apprécié notamment des pharmaciens. Dans la mesure où il arrivait que les auteurs s’autorisassent à publier les mêmes articles dans les deux revues, les réunir en une seule, présentait des avantages pour les uns comme pour les autres, au risque de faire entrer la pharmacie dans le giron de la chimie.

Figure 1. Antoine-Franc ¸ois de Fourcroy. Antoine-Franc¸ois de Fourcroy.

Figure 2. Louis-Nicolas Vauquelin. Louis-Nicolas Vauquelin.

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Figure 3. Charles-Louis Cadet de Gassicourt fut un des fondateurs du Bulletin de pharmacie. Proche de l’Empereur, il s’illustra dans la vie militaire puisqu’on le voit ici aux côtés de Napoléon Ier au moment où le Maréchal Lannes rend son dernier soupir lors de la bataille d’Essling le 31 mai 1808. Il aura l’honneur d’écrire l’article inaugural du Bulletin, quelques mois plus tard. (C.-L. Cadet est représenté ici à droite de la scène du drame). Charles-Louis Cadet de Gassicourt was one of the founders of the Bulletin de pharmacie. Close to the Emperor, he had an active military career since he was at the side of Napoleon 1st when Marechal Lannes died at the Battle of Essling on May 31, 1808. He had the honor of writing the inaugural article for the Bulletin a few months later (C.-L. Cadet is seen here on the right of the scene of the dramatic event).

Pendant 16 mois, le Journal de la Société des pharmaciens aura servi de socle fondateur à l’essor de la presse pharmaceutique du xixe siècle, empruntant une organisation désormais traditionnelle : articles de fond, recensions bibliographiques, informations d’actualité et notices nécrologiques.

La naissance du Bulletin de pharmacie La réorganisation de la pharmacie franc ¸aise par la loi du 11 avril 1803 (loi de Germinal) ne fut pas sans conséquences. Il fallait relever les méthodes et les moyens de la profession : « la langueur qui mine les fondements de cette Société prend sa source dans l’état peu prospère de la pharmacie en France. . . l’intérêt de la Société et l’honneur de la pharmacie exigent que vous preniez de promptes mesures pour sortir de la léthargie dans laquelle vous êtes plongés. Une commission de travaux et un recueil périodique lui ont paru les moyens les plus efficaces de relever vos séances » [3]. Le 15 septembre se tint une réunion de la Société qui rejeta probablement les travaux de la Commission au nom de l’échec antérieur [4]. Mais peu après, le 20 septembre 1808, six pharmaciens de la Société, parmi les plus influents : Antoine-Augustin Parmentier, Charles-Louis Cadet (Fig. 3), Louis-Antoine Planche, Pierre-Franc ¸ois-Guillaume Boullay, Jean-Pierre Boudet et P.-R. Destouches se réunissent chez l’un d’entre eux, Boullay, à Pantin pour établir le procèsverbal fondateur (Fig. 4) visant à la création d’un ouvrage

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Figure 4. Procès-verbal de la réunion fondatrice du 20 septembre 1808. Minutes of the founding reunion on September 20, 1808.

périodique qui prendra le nom de Bulletin de pharmacie. Boullay semble être le plus actif du groupe, il rec ¸oit de Parmentier une lettre enthousiaste datée du 28 mars 1809 : « Mille tendres compliments à mon collègue et ami, Boullay ». Eugène Soubeiran commentera cette initiative, 40 ans plus tard, lors de l’éloge de Boudet : « On était encore au temps où chaque pharmacien avait un laboratoire actif, où le pharmacien avait une trop haute idée des devoirs de sa profession pour aller acheter au dehors, des médicaments dont il acceptait la responsabilité. De ce travail journalier, fait par tant d’hommes formés à l’observation, rien n’allait plus se faire jour ; la pharmacie se trouvait arrêtée dans ses progrès. À ce moment, il se trouva cinq hommes, tous jeunes alors, tous déjà honorablement connus, qui formèrent le projet de rendre à la pharmacie un organe dont elle était dépourvue depuis plusieurs années. » [5]. C.-L. Cadet avait en mémoire l’échec de ses prédécesseurs. Il réserva donc à la Société de pharmacie un programme de travail très précis : « obliger chaque membre de fournir tous les ans un mémoire ou deux observations ou un rapport appuyé d’expérience ; constituer une commission de travail, constituée de trois membres. . ., etc. » Le journal serait divisé en chapitres : « pharmacologie, pharmacie pratique, chimie appliquée, botanique, matière médicale, extraits d’ouvrage pharmaceutiques, nouvelles dans les sciences physiques et naturelles, notices biographiques, actes de l’autorité relatifs à la pharmacie, articles d’hygiène publique, etc. ». Le premier numéro parut en janvier 1809 avec, au frontispice, une devise (Fig. 5 et 6) : major collectis viribus

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383 répandre l’instruction, propager les lumières, établir entre les hommes qui cultivent cette belle partie de l’art de guérir, une correspondance active et féconde ? ». Il insistait sur la nécessité, pour les pharmaciens, « de perfectionner leur art, s’ils veulent être distingués par la considération publique » (Fig. 7). Durant cette première année, les articles parurent sous des rubriques permettant de classer les contributions : « pharmacologie », « pharmacie pratique », « chimie », « matière médicale », « charlatanisme », « hygiène publique », « correspondance », « variétés », « nouvelles scientifiques », « actes de l’autorité » (textes législatifs), « annonces et ouvrages nouveaux ». On constate que l’environnement politique a des conséquences majeures sur les préoccupations de la profession.

CAMPAGNES NAPOLéONIENNES ET PHARMACIE AUX ARMéES

Figure 5. Premier numéro du Bulletin de pharmacie 1, frontipice. The first issue of the Bulletin de pharmacie 1, frontpiece.

Figure 6. Symbolique des trois éléments choisie pour l’illustration du Bulletin de pharmacie, surmonté de la devise de la Société de pharmacie de Paris : major collectis viribus exit. Symbolic of the three elements chosen to illustrate the Bulletin de pharmacie. Above the moto of the Société de pharmacie de Paris: major collectis viribus exit.

exit1 . Charles-Louis Cadet signa cérémonieusement l’article inaugural : « Considérations sur l’état actuel de la pharmacie ». [6] Il assignait au Bulletin un bel objectif sous la forme d’une question : « Comment réveiller l’émulation, 1

Que l’on pourrait traduire par « l’union fait la force ».

Le pharmacien major strasbourgeois Paul-Franc ¸ois Bertrand, qui participe à l’occupation de la Westphalie par l’armée du Rhin, adresse à Parmentier ses observations sur la situation de la pharmacie en Allemagne [7]. Il note que les allemands sont meilleurs galénistes que chimistes. Il réprouve également le culte allemand pour des prescriptions qu’il qualifie de « ridicules ». Cadet, toutefois, commente et approuve (en note) le numerus clausus germanique et souhaite qu’il soit instauré : « [les pharmaciens] disposent de la vie. Ce n’est donc pas assez que d’exiger d’eux des talents et de la probité ; il faut les mettre dans une situation telle qu’ils puissent exercer leur état avec la noblesse et le désintéressement qui doivent caractériser une profession aussi importante par son but et par les connaissances qu’elle suppose ». La quête du « sucre », engagée par Parmentier dans le cadre du Blocus, et dont la fabrication fut tant étudiée à partir de différents fruits et notamment du raisin, fait l’objet de nombreux commentaires y compris le rapport par Boudet de la fabrication du sucre à partir de la betterave, en Silésie [8].

Le Bulletin de pharmacie atteignit son but et réalisa ses objectifs. Sa parution, entre 1809 et 1814, fut imperturbable malgré le départ précipité, dès le troisième mois de vie du journal, de son secrétaire, Cadet, qui, pharmacien de l’Empereur, devait rejoindre la Grande Armée pour la campagne d’Autriche : Eckmühl, Ratisbonne, Essling, Wagram. . . Cette escapade militaire incita le rédacteur à adresser à l’automne de 1809 un rapport sur la Pharmacopée autrichienne non dénué de sévères critiques à l’égard des pratiques austro-allemandes : « pas un flacon ne bouche hermétiquement, pas un vase dont l’ouverture permette de verser un liquide sans le répandre ; des mortiers faits comme des saladiers, des spatules taillées en ébauchoirs de sculpteurs » [9]. Pendant son absence, le comité de rédaction eut à se pencher sur la question de la publicité et ils se montrèrent très réservés, même si l’éditeur, D. Colas, insistait régulièrement pour que des annonces puissent être insérées afin de permettre d’assurer un difficile équilibre budgétaire.

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Figure 7. Première page du numéro inaugural du Bulletin de pharmacie en janvier 1809. First page of the inaugural issue of the Bulletin de pharmacie in January 1809.

Organe de la Société de pharmacie En 1814, le journal changea de titre (Tableau 1) et devint : Bulletin de pharmacie et des sciences accessoires. Le terme de « Bulletin » avait été soufflé par Parmentier peu avant sa mort, sans convaincre les autres rédacteurs. On opta dès janvier 1815 pour Journal de pharmacie et des sciences accessoires. Le journal renforc ¸a son équipe rédactionnelle

Tableau 1

avec Bouillon-Lagrange, Vauquelin et Noël-Étienne Henry, puis Pierre-Joseph Pelletier, Julien-Joseph Virey et Vogel. Le journal continua de publier un compte rendu assez complet des séances de la Société de pharmacie de Paris, même s’il ne s’agissait pas de la publication sensu stricto des actes de la Société. Un compromis intervint entre les rédacteurs du Journal et les membres de la Société, en particulier son secrétaire général depuis 1817, Pierre-Jean Robiquet. En effet, celui-ci fut chargé de rechercher les moyens les plus convenables pour publier régulièrement les actes de la société et les travaux de ses membres. Le Journal devait vraiment devenir l’organe de la Société de pharmacie de Paris. Il insérait les programmes des prix proposés, publiant un compte rendu souvent détaillé des séances, etc. C’est ce qu’il obtint à partir de 1821 avec l’insertion d’une partie intitulée « Bulletin des travaux de la Société de pharmacie ». Le titre se compliqua donc singulièrement puisque les deux publications étaient rassemblées dans la même parution : Journal de pharmacie et des sciences accessoires et Bulletin de la Société de pharmacie de Paris. Outre Robiquet, secrétaire de la Société, une commission chargée de la rédaction du Bulletin fut mise en place, composée de Charles-Jean Laubert, Jacques Clarion et Jean-Franc ¸ois Derosne. Il y avait là matière à conflit, d’autant plus qu’à cette époque, les communications à la Société de pharmacie concernaient non seulement les travaux personnels, mais aussi les rapports de communications effectuées auprès d’autres sociétés savantes : Académie des sciences, Académie de médecine, etc. Ainsi, jusqu’en 1834 on observa la coexistence des deux éléments avant qu’ils ne fusionnent. Le comité de rédaction de neuf membres fut porté à 15, l’année suivante avec l’arrivée de six membres de la Société de pharmacie : Boudet, Boullay, Louis René Le Canu, PaulAntoine Cap, Antoine-Franc ¸ois Boutron-Charlard et Vallet (en charge de suivre les travaux publiés dans la presse scientifique allemande : Annalen des Pharmazie, Annalen der Physik und Chemie, etc.). Les relations internationales devenant un souci majeur, il fut décidé d’associer des scientifiques étrangers comme correspondants : Heinrich August Vogel et Johann Andreas Buchner à Münich, Justus Von Liebig à Giessen, Gioachino Taddei à Florence, Francisco Carbonell à Barcelone, Elias

L’histoire du titre des Annales pharmaceutiques franc¸aises.

The story of title Annales pharmaceutiques franc¸aises.

1797 20 septembre 1808 Janvier 1809 1814 Janvier 1815 1823 1840 1842 1899 7 novembre 1942 Janvier 1943

Projet de création du Journal de la Société des pharmaciens de Paris Réunion à Pantin entre Parmentier, Cadet (C.-L.), Planche, Boullay, Boudet, Destouches, visant à créer un Bulletin de la Société de pharmacie. Création du Bulletin de pharmacie Modification du titre : Bulletin de pharmacie et des sciences accessoires Modification du titre : Journal de pharmacie et des sciences accessoires Modification du titre : Journal de pharmacie et des sciences accessoires et Bulletin de la société de pharmacie de Paris Modification du titre : Journal de pharmacie et des sciences accessoires et Bulletin des travaux de la Société de pharmacie de Paris Modification du titre : Journal de pharmacie et de chimie Création du Bulletin des sciences pharmacologiques Décision de « fusionner » le Journal de pharmacie et de chimie avec les Bulletin des sciences pharmacologiques Création des Annales pharmaceutiques franc¸aises

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385 Jusqu’en 1885, le journal était mensuel, mais le développement des connaissances scientifiques et la publication de plus en plus fréquente d’informations scientifiques dans la presse quotidienne rendaient ce rythme d’édition insuffisant. Le Journal paraîtra, dès lors, deux fois par mois, ce qui permit, entre autres avantages, d’insérer presque immédiatement le procès verbal des séances de la Société. Chaque année, c’est largement plus d’un millier de pages qui étaient publiées : 1304 pages en 1885 ! Afin de simplifier la tâche des rédacteurs, il fut décidé de bien séparer la partie « scientifique » et la partie « vie professionnelle », imprimée en plus petits caractères. Les nécessités éditoriales conduisirent progressivement les rédacteurs à favoriser les informations pharmaceutiques au détriment des publications strictement chimiques. Mais ce qui frappe c’est la capacité du groupe de ces rédacteurs à résumer et diffuser des informations en provenance de nombreuses sociétés savantes : Académie des sciences, Société de thérapeutique, Société de biologie.

DE LA PHARMACIE À LA THéRAPEUTIQUE

Figure 8. Frontispice du Journal de pharmacie et de chimie au moment du centenaire (1909). Cover of the Journal de pharmacie et de chimie at its hundredth anniversary (1909).

Durand à Philadelphie, Antoine Morin à Genève et A. Thompson à Londres. Les rédacteurs franc ¸ais n’eurent qu’à se féliciter de cette initiative, car dès lors, ces prestigieuses signatures décidèrent d’adresser le fruit de leurs recherches à la revue parisienne (travaux de Buchner sur la berbérine, de Morin sur les eaux minérales).

Le Journal de pharmacie et de chimie C’est en 1842 que le titre « Journal de pharmacie et de chimie » (Fig. 8) fut retenu2 et maintenu pendant un siècle. Le changement de titre ne suffisait pas, il fallait également augmenter la pagination. Jusqu’alors de 48 pages, paraissant 12 fois par an, le volume des fascicules mensuels serait augmenté pour former un cahier de 80 pages, format luimême rapidement dépassé puisque dès la première année (1842), deux volumes de 564 et 576 pages furent constitués. Le titre fut d’abord suivi de la mention : « contenant une revue de tous les travaux publiés en France et à l’étranger sur les sciences physiques, naturelles, médicales et industrielles, ainsi que le Bulletin des travaux de la Société de pharmacie », à quoi on ajouta en 1845 : « et de la Société d’émulation pour les sciences pharmaceutiques » (mention supprimée en 1847). 2

Bimensuel depuis 1875.

De 1880 à 1894, le Journal se hasarde parfois à la pharmacologie clinique ou à la thérapeutique : Paul Georges Dieulafoy décrit le traitement de l’asthme, Gilles de la Tourette propose une approche de la nutrition dans l’hystérie, Georges Hayem décrit les éléments figurés du sang dans les anémies, Arnold Netter décrit le traitement antituberculeux du Dr. Koch. Léon Grimbert propose au lecteur une série de travaux de biologie clinique. Ce qui n’empêche pas les chimistes Arsène D’Arsonval avec l’apport de la filtration comme méthode stérilisante des liquides organiques, Henri Moissan, Camille Poulenc, Paul Sabatier ou Charles Tanret, d’être des collaborateurs réguliers et Louis Pasteur de faire le rapport de l’essentiel de ses travaux.

Alfred Riche (Fig. 9) qui aura été membre du comité de rédaction pendant 30 ans sera même « rédacteur principal » de 1883 à 1907. Il eut pour successeurs Émile Bourquelot (Fig. 10), Léon Grimbert (Fig. 11) et Joseph Bougault. En 1906, Henri Martin fut chargé d’une chronique professionnelle qui passionna les lecteurs ; il faut dire qu’elle avait souvent des accents syndicaux qui contrastaient singulièrement avec la tonalité scientifique de la publication. Du côté des éditeurs, Victor Masson, est devenu directeur général, en 1865, avant que son fils, Georges Masson, ne lui succède, et en 1899, c’est O. Doin qui prend les rênes du Journal de pharmacie et de chimie. De manière totalement indépendante de la Société de pharmacie de Paris et de son Journal, le Bulletin des sciences pharmacologiques avait été créé en 1899 par un groupe d’universitaires, pharmaciens et médecins, d’industriels et de praticiens. Son fondateur et animateur avait été le Pr Émile Perrot, membre de l’Académie de médecine et surtout professeur de matière médicale à l’École de pharmacie de Paris ainsi qu’infatigable botaniste voyageur.

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LA GRANDE GUERRE C’est un évènement majeur pour la nation qui marqua cruellement de nombreux membres de la Société de pharmacie, tant les familles furent éprouvées par le conflit. Les circonstances de la guerre influencèrent l’exercice professionnel, donc le contenu éditorial. Outre les nombreuses annonces nécrologiques de confrères ou de fils de confrères, morts au champ d’honneur, de nombreux articles furent plus ou moins directement en rapport avec la problématique du front. C’est par exemple le cas pour la recherche de succédanés nécessaires à l’économie : pâte à papier, valorisation des déchets, la désinfection et la dératisation des tranchées, les soins apportés aux blessés, en particulier la désinfection des plaies ou la prévention de la surinfection des blessures. Avant la guerre de 1914—1918, les chercheurs allemands publiaient régulièrement dans les colonnes du Journal. C’est le cas d’Emil Fischer (une vingtaine de publications essentiellement consacrées à la chimie des glucosides, dont une pendant la guerre et deux, après). Peu avant la guerre, Fritz Haber, Prix Nobel de chimie en 1918, le chimiste allemand à l’origine de l’ypérite, avait publié un procédé de préparation de l’ammoniaque à partir de l’azote et de l’hydrogène. Une fois la Guerre déclarée, les Allemands, ne furent pas, pour autant, exclus de la publication. Ainsi, Richard Willstätter, Prix Nobel de chimie en 1915, publia avant, pendant et après la Guerre dans le Journal. Il faut dire que ses liens avec Tiffeneau ont probablement facilité les choses. La guerre ce fut aussi, les gaz de combat, mentionnés en 1915, année de la terrible offensive du gaz moutarde à Ypres (Belgique). En France, l’étude des gaz menée par l’équipe de Charles Moureu resta totalement secrète malgré l’intense activité de ce pharmacien chimiste au sein de son laboratoire, ce qui favorisa la décision d’élever l’école de pharmacie de Paris au rang de « faculté », au lendemain des hostilités (décret du président de la République, Paul Deschanel, 14 mai 1920).

Tout au long de la guerre 1914—1918, le Journal de pharmacie et de chimie publie la longue liste des pharmaciens, des internes ou des étudiants en pharmacie qui tombent sur les théâtres d’opérations. De Louis Moissan, le fils du Prix Nobel de chimie, frappé mortellement le 10 août 1914, premier pharmacien mort pour la France, à Georges Doillon, tué à Souain, le 15 juillet 1918. Sans compter les blessés et gazés, définitivement handicapés. . . Pendant les quatre années de guerre, le Journal égrène le nom des pharmaciens ou de proches de pharmaciens morts au combat. L’année 1916 fut ravageuse (Fig. 12). Le Bulletin a poursuivi son œuvre jusqu’à la fin de l’année 1942, sans interruption, mêlant de manière très équilibrée les aspects professionnels et scientifiques. Les rédacteurs principaux furent successivement après Émile Perrot, Marcel Delépine (Fig. 13), Augustin Damiens et Marcel Mascré et, pour la partie professionnelle, Léon-Gabriel Toraude.

Figure 9. Alfred Riche, chimiste des métaux et des organométalliques. Alfred Riche, metal and organometallics chemist.

Journal de pharmacie et de chimie et Bulletin des sciences pharmacologiques avaient un passé suffisamment glorieux pour que leur histoire puisse se confondre et relever le flambeau de la pharmacie franc ¸aise. Les parcourir permet de revivre cette époque riche en découvertes et remarquer surtout le rôle joué par les pharmaciens dans l’évolution de la chimie moderne. À la fin des années 1930, la proportion des pharmaciens abonnés aux deux publications était jugée comme « relativement faible » par les rédacteurs, mais ferait rêver aujourd’hui. Elle correspondait à peu près pour chacune

Figure 10. Émile Bourquelot, secrétaire de rédaction du Journal de pharmacie et de chimie. Émile Bourquelot, Editor of the Journal de pharmacie et de chimie.

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Figure 11. Léon Grimbert, un des principaux contributeurs du Journal de pharmacie et de chimie au début du xxe siècle. Léon Grimbert, one of the main contributors to the Journal de pharmacie et de chimie early in the 19th century.

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Figure 13. Marcel Délépine, conscience scientifique du Journal. Marcel Délépine, the journal’s ‘‘science’’.

Les « encarts » de la firme Byla ne la mentionnent jamais alors que ce laboratoire commercialisait l’insuline depuis le milieu des années 1920.

Depuis 1943, les Annales pharmaceutiques franc ¸aises

Figure 12. La guerre, 1er septembre 1916 ; notice dans les Annales (p. 160) War, September 1, 1916: notice in the Annales (p. 160).

d’elles au dixième des praticiens en exercice3 . Ce chiffre nous semble aujourd’hui considérable, mais il était ressenti par nos prédécesseurs comme trop modeste, et, disaient-ils, en raison de l’indifférence et de l’incompréhension de ceux auxquels ces publications étaient destinées. Cette situation contraignit à demander une partie des ressources à des annonces publicitaires, ce qui ne manque pas, rétrospectivement, d’intérêt car la publicité pharmaceutique apparaît comme un précieux témoignage de l’actualité thérapeutique d’une époque. La publicité insérée apparaît davantage comme le soutien d’institutions amies, plutôt qu’une information précoce de la mise à disposition d’un médicament innovant. Ainsi l’insuline, dont la découverte est signalée dans le Journal dès le 16 novembre 1923, ne fait-elle l’objet de publicité qu’en 1939 par le laboratoire Choay. 3 Soixante-dix ans plus tard, ce chiffre tomberait probablement à un niveau de l’ordre de 1 %.

Les membres de la Société de pharmacie considèrent que cette dualité des organes de presse était une faiblesse pour le dynamisme de la diffusion des connaissances scientifiques. Les membres de la Société arguèrent de la période de l’Occupation et des conditions nouvelles créées par la loi du 11 septembre 1941 pour remettre en selle ce projet de fusion des deux journaux, jusqu’alors reconnu comme souhaitable, sinon indispensable. L’accord a été facilité par les circonstances dramatiques de la période, ce qui n’empêcha pas un certain enthousiasme : « L’œuvre à réaliser apparaissait d’ailleurs si belle qu’elle ne pouvait être entreprise que dans l’enthousiasme ». Très vite, un titre fut choisi et accepté : Annales pharmaceutiques franc¸aises. Le triptyque qu’il constituait symbolisait par le mot Annales l’étendue du programme. Les qualificatifs qui s’y ajoutent et qui l’ornent évoquent la pharmacie à laquelle il est destiné et la France elle-même, en raison de son caractère national. Les auteurs du projet rassuraient toutefois leurs lecteurs respectifs pour affirmer que le Journal de pharmacie et de chimie et le Bulletin des sciences pharmacologiques ne disparaîtraient pas, ils continueraient l’un et l’autre sous un titre commun, les Annales n’ayant d’autre prétention que de poursuivre l’œuvre commencée ». L’organisation financière adoptée consistait à prélever sur les fonds dont disposait le comité d’organisation, une cotisation par pharmacien inscrit. Cette cotisation était minime et par ailleurs le nombre des abonnés était assez

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ACTE DE NAISSANCE DES ANNALES PHARMACEUTIQUES Joseph Bougault et Paul Fleury faisaient part dans le dernier numéro du Journal de pharmacie et de chimie de l’acte de naissance des Annales (1942, no 12, 353) : « Le présent fascicule constitue le dernier numéro du Journal de pharmacie et de chimie dans son état actuel. Dorénavant, le Journal de pharmacie et de chimie, qui a paru sans interruption depuis 134 ans, poursuivra sa carrière réuni au Bulletin des sciences pharmacologiques, sous le nom d’Annales pharmaceutiques franc¸aises. Sous cette forme rajeunie, plus complète et mieux adaptée aux besoins actuels, il continuera, comme son confrère le Bulletin des sciences pharmacologiques, à servir de son mieux la cause pharmaceutique en s’adressant, grâce à l’appui des nouveaux organismes dirigeants, à un public beaucoup plus large. Nous espérons que nos lecteurs qui, si fidèlement, ont soutenu d’une manière constante nos efforts au cours de croissantes difficultés, voudront bien accorder au nouveau périodique la confiance et l’estime dont de longues générations de pharmaciens ont honoré notre journal. Ainsi restera toujours vraie la devise que les fondateurs de 1809, J.-A.-A. Parmentier, J.-P. Boudet, P.-F.-G. Boullay, L.-A. Planche, P.-R. Destouches et C.L. Cadet, avaient tenu à inscrire au frontispice de leur publication naissante : major collectis viribus exit. ». Le comité

élevé pour constituer immédiatement un budget qu’aucune publication du même genre n’avait encore connu en France. Quant au plan de travail mis en œuvre, il était fondé essentiellement sur la contribution des personnels enseignants des facultés et des écoles qui ne pouvaient qu’accepter avec satisfaction la tâche qui leur était proposée. Il faut reconnaître que la loi de 1941 entretenait une certaine confusion quant à l’organisation de la profession. Les rédacteurs des Annales évoquaient la constitution imminente d’une Société scientifique pour permettre les liaisons nécessaires et coordonner les efforts. Tous les pharmaciens de France en feraient partie d’office4 . Les communications et les discussions feraient l’objet de procès-verbaux que publieraient les Annales, et celles-ci auraient ainsi le moyen de favoriser les recherches en procurant aux résultats obtenus la diffusion qu’ils méritaient. Devenant l’organe officiel des Sociétés de pharmacie de Paris et des sociétés de province, les Annales donnèrent 4 La loi de 1941 est issue d’un rapport du Doyen Augustin Damiens sur l’exercice de la pharmacie, proposant la création d’un Ordre des pharmaciens. Dans son texte initial, elle décrivait une organisation pharmaceutique inspirée de la doctrine Vichyste des « corporations ». Mais il fallut attendre le 15 septembre 1944, pour qu’une ordonnance rétablisse les organisations syndicales. Ce qui n’empêcha pas l’ordonnance du 5 mai 1945 de créer l’Ordre national des pharmaciens.

Figure 14. L’infatigable René Weitz. The untirable René Weitz.

une large audience aux travaux qui étaient présentés aux séances de ces Sociétés. Il faut dire que l’accession, en 1946, au statut d’Académie de pharmacie5 , pour la Société de pharmacie de Paris, plac ¸a les Annales à un niveau de responsabilité que les rédacteurs de l’époque eurent à cœur d’honorer. Les animateurs de la nouvelle revue espéraient à juste titre qu’elle trouverait place dans toutes les bibliothèques et dans les laboratoires pharmaceutiques, franc ¸ais et étrangers, scientifiques ou non, et qu’elles serviront de trait d’union entre les uns et les autres [10]. Certes, Damiens sera le directeur de la revue jusqu’à sa mort en août 1946, mais c’est Maurice-Marie Janot qui eut un rôle déterminant dans les premières années de la publication des Annales, jusqu’à la fin des années 1970. Il en était le secrétaire général alors que Joseph Bougault avait le titre de rédacteur en chef. Les trois premières années furent, bien sûr, très difficiles à bien des titres, mouvementées même [11]. Bougault et Damiens cosignaient le premier éditorial en débutant ainsi : « La France connaît les heures les plus sombres de son histoire » [12]. On savait les animateurs de la revue, ambitieux. Ils l’étaient effectivement puisque leur objectif visant un tirage de 14 000 exemplaires était considérable (chaque pharmacien devant recevoir la publication). Malheureusement, les Annales se heurtaient à de dures réalités, en particulier la difficulté d’un approvisionnement en papier extrêmement contingenté. Ce fut d’abord, en 1943, un tirage trimestriel, puis, l’année suivante, alors qu’on avait prévu d’éditer six numéros, les espoirs de ce rythme de publication furent déc ¸us. Les restrictions s’opposèrent à la réalisation de cet objectif. 5 Le statut d’Académie nationale de pharmacie ne fut concédé qu’en 1976.

L’histoire des Annales pharmaceutiques franc¸aises. 1809—2009

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Figure 15. Le comité de rédaction des Annales pharmaceutiques franc¸aises le 2 septembre 2009 : de gauche à droite : Michel Arock, Stéphane Gibaud, Alain Astier (rédacteur en chef), Michel Paris, Lydie Vadot, Jean-Claude Chaumeil, Claude Monneret, Mathilde Docquin. Manquent : Michèle German et Franc ¸ois Chast (photographe). The Editorial Committee of the Annales pharmaceutiques franc¸aises on September 2, 2009: from left to right: Michel Arock, Stéphane Gibaud, Alain Astier (editor in chief), Michel Paris, Lydie Vadot, Jean-Claude Chaumeil, Claude Monneret, Mathilde Docquin. Absent: Michèle German and Franc¸ois Chast (photographer).

La Libération fut saluée par le directeur de la revue dans les colonnes du numéro de septembre à décembre 1944 : « La révolution qui suivit sans délai la libération porta aussitôt ses effets dans le domaine du ministère de la Santé publique (. . .). Après des années d’obscurité, la France est entrée dans une ère nouvelle, qui sera sans aucun doute lumineuse pour elle et caractérisée par la grandeur de son nouveau destin. Puisse la pharmacie jouer à son rang le rôle qui doit être le sien pour contribuer au relèvement de la Patrie meurtrie et à son rayonnement dans un monde rénové » [13]. Le même Augustin Damiens, au printemps 1945, célébrant la « Victoire », écrivait pour conclure son éditorial : « Ce sera le rôle des Annales pharmaceutiques franc¸aises de mettre les pharmaciens travaillant dans toutes les branches de la profession, au courant de l’évolution des recherches et des progrès qui les intéressent. Elles seront prêtes, lorsque les conditions économiques seront de nouveau normales, lorsque l’approvisionnement en papier sera facile, à diffuser une documentation soigneusement recueillie dans tous les périodiques franc ¸ais et étrangers. Elles peuvent ainsi devenir l’une des publications scientifiques de langue franc ¸aise les plus importantes et contribuer fort utilement au redressement de notre pays » [14]. Dès 1950, René Weitz (Fig. 14) fut un passionné secrétaire de rédaction. Il avait été chargé, avec René Soueges, du secrétariat de la rédaction du Bulletin des sciences pharmacologiques de 1930 à 1942. Il conservera le secrétariat des Annales jusqu’en 1979 ; il avait alors 97 ans ! Il se fit aider de Melle S. Choix, à partir de 1960. Guy Deysson succéda à Maurice-Marie Janot en 1979. L’infatigable Jacques Saint-Blancard, pharmacien chimiste des armées, reprit le « flambeau » en 1993, épaulé par un Comité de rédaction présidé par Franc ¸ois Bourrillet assisté de Michel Hamon. Jean-Cyr Gaignault et Guy Raynaud, mais aussi Danielle Roquier-Charles, rédactrice en chef adjointe furent particulièrement efficaces autour du rédacteur en chef. Avec Jacques Saint-Blancard, ils se virent confier la

mission de moderniser les Annales, ce qui allait aboutir à l’adoption d’un nouveau format d’édition, le « format européen ».

Ces dix dernières années Depuis 1999, l’esprit des « articles phares » souffle sur les Annales rénovées sous la forme de comptes rendus des séances thématiques organisées par l’Académie nationale de pharmacie en association ou non avec l’Académie nationale de médecine, des rapports académiques, des revues générales. Une place est également réservée aux mises au point, aux travaux ou articles originaux, aux questions d’actualité, voire à certaines publications pouvant entrer dans une rubrique Miscellanea [15]. Épuisé par la maladie, Jacques Saint-Blancard mit fin à ses responsabilités en mars 2008, quelques mois avant sa mort. Depuis 2008, c’est Alain Astier, pharmacien des hôpitaux de Paris (CHU Henri Mondor, Créteil), qui remplit les fonctions de rédacteur en chef. Voilà quelques années que la fusion des sociétés éditrices, Masson et Elsevier, qui formaient désormais le groupe Elsevier-Masson nécessitait une organisation plus moderne de la rédaction. C’est probablement la raison pour laquelle des fonctions remplies autrefois par des membres de l’Académie de pharmacie, sont, en 2009, dévolues à des collaborateurs salariés de l’éditeur. Le directeur de la publication est Daniel Rodriguez, l’éditeur, Mathilde Docquin et la secrétaire de rédaction, Lydie Vadot. Aucun d’entre eux n’est pharmacien, ni membre de l’Académie. Cet environnement professionnalisé facilite la mise en forme électronique des articles, leur suivi rédactionnel, leur correction, selon des modalités où le papier et l’encre n’ont plus guère de place. De ce point de vue, la lecture même de la revue peut être dématérialisée grâce à l’accès électronique à partir du site www.sciencedirect.com. Néanmoins,

390 divers aspects traditionnels du journalisme scientifique ont conservé leurs droits : autour du rédacteur en chef, Alain Astier, un comité de rédaction resserré de sept membres, a été installé (Fig. 15) et un nouveau comité scientifique, largement ouvert à d’éminents collègues franc ¸ais et étrangers, témoigne du souhait des responsables éditoriaux d’objectifs d’excellence et d’internationalisation de la revue, avec, par exemple, l’abandon de l’exclusivité de la langue franc ¸aise. L’indexation de la revue dans les principales bases de données bibliographiques6 est une grande satisfaction tant pour l’équipe éditoriale que pour les auteurs dont les travaux peuvent être lus on line par une multitude d’abonnés « électroniques ». Le journal paraît six fois par an, mais sa diffusion électronique lui assure une notoriété internationale. Deux siècles après la création de son ancêtre, le Bulletin de pharmacie, les Annales pharmaceutiques franc¸aises ont connu un parcours suffisamment glorieux pour représenter, aujourd’hui, une image incontestable de la permanence des sciences pharmaceutiques franc ¸aises. Certes, l’internationalisation de la recherche, notamment dans les sciences de la santé, encourage, à juste titre, de nombreuses équipes à publier leurs travaux et en particulier les résultats originaux, dans des périodiques spécialisés dans leur domaine d’excellence. Toutefois, les Annales restent un média important, notamment pour les chercheurs souhaitant publier en langue franc ¸aise. Les Annales conservent également le rôle de vecteur privilégié de diffusion des travaux de l’Académie nationale de pharmacie.

6 Les Annales pharmaceutiques franc ¸aises sont indexées dans les bases bibliographiques : BIOSIS (Biological Abstracts), Chemical Abstracts, EMBASE (Excerpta Medica), Medline (Index Medicus), Pascal (INIST/CNRS).

F. Chast

Références [1] Réunion du 5 fructidor an VI, 22 août 1798, (Archives de l’école de pharmacie, registre 24, p. 315). [2] Délibération du comité de la Société de pharmacie de Paris du 5 fructidor an VI, 22 août 1798, (Archives de l’école de pharmacie, registre 24, p. 342). [3] Archives de l’école de pharmacie, registre 59, no 7. [4] Guitard E. Deux siècles de presse au service de la pharmacie et cinquante ans de l’union pharmaceutique. Paris: Pharmacie Centrale; 1913. p. 100—6. [5] Soubeiran E. Éloge de Jean Pierre Boudet. J Pharm Chimie 1849;16(3):417. [6] Cadet C-L. Considérations sur l’état actuel de la pharmacie. Bull Pharm 1809;1:5—12. [7] Bertrand P-F. Quelques idées sur la pharmacie en Allemagne. Bull Pharm 1809;2:49—58. [8] Boudet J-P. Extrait d’un mémoire de M. Boudet, Pharmacien en chef de l’Armée du Rhin, sur une fabrique de sucre de Betteraves, en Silésie. Bull Pharm 1809;2:76—85. [9] Cadet C-L. De la Pharmacopée autrichienne. Bull Pharm 1809;10:446—67. [10] Bougault J, Damiens A. Ann Pharm Fr 1943:1—3. [11] Bourrinet P. La création des Annales pharmaceutiques franc¸aises. In: L’Académie nationale de pharmacie de 1803 à 2003. Paris: Pharmathèmes édition; 2003. p. 102—7. [12] Bougault J, Damiens A. Ibid. p. 3. [13] Damiens A. Libération. Ann Pharm Fr 1944;7:137—8. [14] Damiens A. Victoire. Ann Pharm Fr 1944;9:49—50. [15] Saint-Blancard J. La rénovation des Annales pharmaceutiques franc¸aises. In: L’Académie nationale de pharmacie de 1803 à 2003. Paris: Pharmathèmes édition; 2003. p. 108—10.