L’infection congénitale à CMV : physiopathologie et évidences pour le traitement

L’infection congénitale à CMV : physiopathologie et évidences pour le traitement

L’infection congénitale à CMV : physiopathologie et évidences pour le traitement 48 Mélinda Bénard, Charlotte Casper 48.1 Introduction L’infection ...

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L’infection congénitale à CMV : physiopathologie et évidences pour le traitement

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Mélinda Bénard, Charlotte Casper

48.1 Introduction L’infection congénitale à cytomégalovirus (CMV) (0,6 à 0,7 % des naissances vivantes) est la plus fréquente des infections virales du nouveau-né. Il s’agit de la première cause de séquelles neurosensorielles d’origine virale chez l’enfant. Elle peut donner un tableau d’infection virale congénitale sévère (« maladie des inclusions cytomégalique ») avec un risque de mortalité élevé [1,2].

48.2 Physiopathologie 48.2.1  Le virus Le CMV est un virus à ADN appartenant à la famille des herpèsvirus. Il s’agit d’un virus à tropisme humain et il en existe plusieurs espèces. Comme tous les virus herpès, le CMV reste latent dans le corps humain tout au long de la vie. La réactivation du virus ou la réinfection par un autre type de CMV sont possibles. Les liquides biologiques peuvent périodiquement contenir du CMV (salive, urine, larmes, sécrétions cervicales, lait de mère, sang) et la transmission est strictement interhumaine.

48.2.2  La barrière placentaire La transmission maternofœtale du virus CMV est transplacentaire et hématogène. Le placenta est infecté avant le fœtus, de façon segmentaire (quelques villosités sont atteintes) et focale (quelques foyers d’infection au sein des villosités atteintes). Par contre, les remaniements placentaires indirectement générés par le CMV sont beaucoup plus diffus et importants avec présence de villite, fibrose et nécrose. Le CMV induit une cascade de sécrétion de chémokines, cytokines et autres facteurs solubles pouvant diffuser dans la circulation fœtale. L’infection congénitale à CMV est donc aussi une pathologie placentaire [3].

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48.3  La transmission maternofœtale 48.3.1  L’infection chez la femme enceinte La séropositivité CMV est estimée à environ 60 % en France. Celle-ci augmente avec l’âge, la parité et les conditions socioéconomiques faibles [4]. La primo-infection maternelle survient chez 0,15 à 4 % environ des femmes enceintes (Figure 48.1). La période d’incubation est d’environ un mois. Soixante-quinze pour cent des infections à CMV chez la femme enceinte sont asymptomatiques. Les manifestations sont aspécifiques et modérées (fébricule, asthénie, céphalées, myalgies, syndrome pseudo-grippal) [5]. La réactivation d’une infection CMV latente ou la réinfection avec une nouvelle souche virale sont aussi possibles pendant la grossesse et l’incidence est estimée à 0,5 à 1 %.

48.3.2  L’infection congénitale L’infection congénitale survient lors de primo-infection maternelle (risque de transmission au fœtus environ 40 %) ou lors d’une réactivation d’une infection latente ou réinfection avec une nouvelle souche virale (risque de transmission environ 1 %).

Figure 48.1  Transmission intra-utérine du CMV. D’après S. Stagno, NEJM, 1985.

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Le fœtus s’infecte par voie transplacentaire et hématogène dans les trois à quatre semaines qui suivent l’infection maternelle. Les signes sont polymorphes : mort fœtale, oligoamnios, anses intestinales hyperéchogènes, hépatosplénomégalie, retard de croissance intra-utérin (RCIU), anomalies cérébrales (lissencéphalie, hypoplasie cérébelleuse, ventriculomégalie, calcifications périventriculaires, retard de myélinisation, micropolygyrie, microcéphalie, vascularite des vaisseaux thalamiques et noyaux gris centraux formant la classique image en candélabre) [6]. À la naissance, 10 % environ des enfants sont symptomatiques. La maladie cytomégalique est rare. Elle se manifeste par un ictère cholestatique, un purpura, une pneumopathie interstitielle, une atteinte neurologique (convulsions, hypotonie, microcéphalie, choriorétinite). Le plus souvent les signes sont plus frustres (cutanés, ex. blue berry muffin), hématologiques (pétéchies, pâleur), hépatiques (hépatomégalie, ictère, splénomégalie), neurologiques (microcéphalie, difficultés à téter, hypotonie), sensoriels (surdité). Les signes biologiques sont la cholestase, la cytolyse hépatique, la thrombopénie. Les enfants symptomatiques à la naissance ont un risque de séquelles neurodéveloppementales élevé [7]. La plupart des enfants infectés sont asymptomatiques en période néonatale (90 %). Cependant, 5 à 15 % de ces enfants asymptomatiques à la naissance présenteront des signes cliniques dans l’enfance. L’atteinte neurosensorielle (la surdité neurosensorielle et l’atteinte vestibulaire) est la plus fréquente et peut survenir tardivement, jusqu’à l’âge de six ans. Les otoémissions acoustiques (OEA), effectuées de façon systématique dans les maternités, ne permettent pas un dépistage de la surdité neurosensorielle rétrocochléaire impliquée dans l’infection CMV. Il est donc important de compléter le bilan par des potentiels évoqués auditifs (PEA) en cas de suspicion ou de suivi d’une infection congénitale à CMV.

48.4  Le diagnostic Le diagnostic d’infection maternelle en cours de grossesse se fait par la sérologie CMV en fonction de signes d’appel cliniques et/ou échographiques. La mesure de l’index d’avidité peut aider à confirmer ou infirmer le diagnostic de séroconversion récent. Six à huit semaines après l’infection maternelle, les fœtus infectés excréteront du virus dans leurs urines. En cas de points d’appel échographiques, une PCR sur liquide amniotique peut être réalisée. À la naissance, le diagnostic d’infection congénitale doit être confirmé dans un délai maximum de 15 jours par PCR sur les urines du nouveau-né [8]. Au-delà, il peut s’agir d’une infection périnatale ou post-natale par le lait de mère. La recherche de l’ADN viral dans la salive a été proposée comme alternative au prélèvement d’urine. La quantification de l’ADN CMV dans le sang à la naissance ne permet de détecter que 80 % des nouveau-nés infectés. La sérologie virale ne présente pas d’intérêt chez le nouveau-né. Chez l’enfant, une recherche de CMV pourra être réalisée de manière rétrospective sur le buvard prélevé en période néonatale en présence de signes cliniques compatibles avec une infection congénitale à CMV.

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48.5 Faut-il traiter une infection congénitale à CMV ? Le traitement en période néonatale (Tableau 48.1) repose sur le ganciclovir par voie intraveineuse (6 à 7,5 mg/kg/12 h pendant 6 semaines). Il a montré un effet protecteur sur la perte auditive chez des enfants avec une infection congénitale et présentant une atteinte cérébrale à la naissance (anomalies à l’IRM cérébrale, PCR CMV positive dans le LCR) [9,10]. Les hyperéchogénicités périventriculaires et/ou parenchymateuses dont les vaisseaux lenticulostriés ou image en « candélabre », les calcifications visibles à l’ETF ne constituent pas un argument pour débuter un traitement antiviral, mais l’investigation nécessite d’être approfondie par une IRM. Le traitement est également possible en cas d’atteinte focale sévère (thrombopénie, neutropénie ou anémie sévère, pneumopathie, colite) pour baisser la virémie. Une charge virale élevée a également été incriminée dans un pronostic neurosensoriel sévère (1000 à 10 000 copies/mL de sang total à la naissance), mais que sur de petites séries de cas [11]. Il ne s’agit pas actuellement d’une indication de traitement avec un niveau de preuve suffisant. Les indications restent débattues et décrites dans le Tableau 48.1. Le ganciclovir est un analogue nucléosidique freinant la réplication virale, ayant comme effet secondaire principal la neutropénie, résolutive à l’arrêt du traitement. Les effets au long cours sont mal connus chez l’enfant. Le valganciclovir administré per os à la posologie de 12 mg/kg/12 h permettrait d’améliorer le pronostic auditif sur le long terme [12].

48.6  La prévention de l’infection congénitale Le dépistage systématique du CMV chez les femmes enceintes ou le dépistage ciblé sur une population à risque n'étaient pas recommandés en 2004 par l’HAS, puisqu’il n’existe pas de traitement validé à proposer chez la mère, ni de marqueurs pronostiques fiables durant la grossesse [13]. Des essais thérapeutiques sont en cours. L’efficacité des immunoglobulines spécifiques (Cytotect®) chez des femmes présentant une primo-infection en cours de grossesse n’a pas été démontrée pour prévenir la transmission virale ou la gravité des lésions fœtales [14]. La prévention de la primo-infection chez la femme enceinte repose sur une bonne hygiène des mains, surtout en cas de travail au contact de jeunes enfants véhiculant le virus. L’éviction du lieu de travail par les femmes enceintes séronégatives n’est pas recommandée. Il n’y a pas de vaccin disponible.

48.7  L’infection périnatale et post-natale par le CMV L’infection périnatale peut survenir au cours de l’accouchement (excrétion génitale asymptomatique de CMV chez les femmes séropositives) ou peut survenir en période post-natale par le lait de mère. Le CMV est réactivé localement dans le lait de mère

Atteinte du CMV

Traitement à débuter dans les 28 jours de vie

Surveillance biologique hebdomadaire

Surveillance clinique

Atteinte neuro-sensorielle (surdité, choriorétinite)

Ganciclovir (Cymévan®) 6 à 7,5 mg/kg/12 h IVL 1 heure pendant 6 semaines

NFS, plaquettes Si les PNN < 0,5 × 109/L, arrêt du traitement jusqu’à un taux de 0,75 × 109/L Si les plaquettes < 50 × 109/L, arrêt du traitement jusqu’à un taux supérieur à 50 × 109/L

Suivi neurologique (intégration dans le réseau de suivi des enfants vulnérables) tous les 3 à 6 mois jusqu’à 3 ans puis une fois par an jusqu’à 6 ans

Malformations cérébrales (microcéphalie, polymicrogyrie, dysplasie cérébelleuse ou de l’hippocampe, ventriculomégalie, kystes parenchymateux) PCR CMV positive dans le LCR Infection sévère d’organe Hépatite sévère Anémie sévère Neutropénie sévère Thrombopénie sévère Cotite sévère Pneumopathie intertielle sévère Infection asymptômatique (PEA, FO, ETF, bilan biologique normaux)

ou Valganciclovir (Rovalcyte®) 15 mg/kg/12 h PO pendant 6 semaines, à discuter au cas par cas (peut être utilisé en relais du Ganciclovir IV, ou débuter le traitement PO)

Pas de traitement

Créatinine, urée Bilan hépatique complet Virémie CMV

Pas de surveillance biologique

Suvi ophtalmologique une fois par an jusqu’à 5 ans Suivi auditif tous les 3 à 6 mois jusqu’à 3 ans puis une fois par an jusqu’à 6 ans

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Tableau 48.1  Conduite à tenir devant une infection congénitale à CMV

Infection peu symptômatique (calcifications cérébrales, image en candélabre, ventriculomégalie mineure isolée) 637

PEA : potentiel évoqué auditif ; FO : fond d’œil ; ETF : échographie transfontanellaire.

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des femmes séropositives et a une excrétion maximale vers trois à quatre semaines en post-natale. Le temps d’incubation chez le nouveau-né est d’un à trois mois. La plupart des nouveau-nés sont asymptomatiques, probablement à cause du transfert des anticorps maternels au cours du troisième trimestre. Des cas cliniques de pneumopathie sévère ou de sepsis ont été rapportés mais sont souvent en lien avec un déficit immunitaire congénital surajouté. Les enfants très grands prématurés (< 28 SA) et/ou très hypotrophes (< 1000 g) sont un groupe à risque, puisque le transfert des anticorps maternels a été incomplet et que l’immunité de l’enfant est particulièrement immature. La pasteurisation du lait de mère permet d’inactiver le CMV, mais implique également la diminution de multiples substances bioactives du lait. Les perspectives de recherche sont la nécessité d’identifier les facteurs de risque d’infection symptomatique sévère (type sepsis-like syndrome) chez les grands prématurés ainsi que de trouver des techniques de suppression virale du lait, sans inactivation des substances bioactives.

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