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ÉDITORIAL
Gastroenterol Clin Biol 2006;30:1346-1348
L’infection nosocomiale par le virus de l’hépatite B : un risque à ne pas méconnaître Jean-Pierre BRONOWICKI Hépato-Gastroentérologie, INSERM U724, CHU de Nancy, Vandœuvre-les-Nancy.
L’
tage génomique) [2]. Il correspond à la fenêtre sérologique, période après la contamination pendant laquelle les tests de dépistage demeurent négatifs alors que le sujet est infecté. Le virus de l’hépatite B est un virus relativement résistant qui peut garder son pouvoir infectant après plus de 7 jours dans le milieu extérieur [3]. Il résiste pendant 10 heures à 60 °C et pendant 5 minutes à 100 °C. Après un tel traitement thermique, le pouvoir infectieux est supprimé alors que le pouvoir immunogène de l’antigène HBs est conservé. De même, si l’antigène HBs reste stable à un pH de 2,4 pendant six heures, la contagiosité est supprimée par ce traitement en milieu acide. Le virus de l’hépatite B est généralement résistant à l’éther, à l’alcool à 90° et à la congélation pendant plusieurs années. La simple irradiation aux ultraviolets ne détruit pas le virus lorsqu’il se trouve dans le plasma ou le sérum. Seul le couplage des ultraviolets à la beta propiolactone est efficace. Pour la décontamination de matériels ou objets contaminés, on pourra utiliser un traitement thermique : la chaleur sèche en poupinelle pendant une heure à 170 °C ou la chaleur humide en autoclave (15 minutes à 121 °C ou 20 minutes à 98 °C) permet d’inactiver le pouvoir infectieux du virus. Des moyens chimiques peuvent être employés, comme l’utilisation d’eau de Javel à 10 % pendant 2 heures, de l’oxyde de bethylène à 5 % pendant 30 minutes ou la glutaraldéhyde pendant 2 heures. Les données de la littérature concernant la transmission nosocomiale du VHB en dehors du contexte de la dialyse peuvent être classées en trois groupes. 1) Les études portant sur les facteurs de risque chez les malades ayant une hépatite aiguë ou ayant fait une séroconversion récente. Ces études n’ont en général pas de grande valeur sur le plan épidémiologique car les données ne sont pas confrontées avec une population témoin. 2) Les études cas-témoin basées sur un questionnaire plus ou moins complet portant sur les antécédents. Elles comparent un groupe de malades infectés à un ou plusieurs groupes de témoins non infectés. Ces études ne sont en général pas pertinentes pour évaluer le risque nosocomial résiduel. Par ailleurs, elles ne permettent pas de définir exactement les modes de contamination (acte lui-même, transfusion ignorée, matériels mal décontaminés, anesthésie, éventuellement transmission par le soignant…). L’étude de Mele et al. [4] basée sur le registre italien des hépatites virales aiguës A, B et C entre 1994 et 1999 semble éviter en partie ces écueils. En effet, il s’agit d’une véritable étude cas-témoin portant sur 3 120 cas anti-HBc de type IgM positifs comparés à 7 158 cas d’hépatites aiguës A. Elle montre un lien étroit entre un antécédent récent de chirurgie digestive, orale ou gynécologique et le risque d’infection par le VHB. 3) Les observations de transmission de malade à malade ou de médecin à malade. La transmission est prouvée par l’analyse phylogénétique des séquences d’ADN du VHB retrouvées chez le sujet contaminant et chez les sujets
existence d’une transmission nosocomiale du virus de lhépatite B (VHB) est fortement suspectée. Cependant les données de la littérature sont peu nombreuses et ne permettent pas de quantifier avec exactitude le risque passé et le risque résiduel d’infection par le VHB liés aux actes médicaux invasifs. Cependant, les caractéristiques de ce virus font que ce risque est très probable et doivent rendre attentif les professionnels de santé au strict respect des règles universelles d’hygiène. La contagiosité du virus de l’hépatite B est liée à sa présence dans la plupart des liquides biologiques des sujets infectés. On retrouve des quantités importantes de particules virales dans la circulation sanguine avec, chez un porteur chronique la présence de 108 à 109 virions par millilitres. Ceci souligne l’extrême contagiosité du sérum lorsque l’infection virale est en phase de réplication. On retrouve aussi des quantités importantes de virions dans les sécrétions sexuelles avec environ 107 virions par mL. Le virus se retrouve également dans des proportions similaires dans la salive des malades infectés. On peut retrouver aussi de l’ADN viral dans les urines, le lait maternel et dans une moindre mesure dans les larmes, la sueur et les selles [1]. Cependant, seul le sang et ses dérivés : la salive, le sperme et les sécrétions vaginales ont été impliqués dans la transmission, qui peut survenir après exposition percutanée (intraveineuse, intramusculaire, sous-cutané, intradermique) ou muqueuse. Ceci va donc influer sur les modalités de transmission virale et indique que la voie sanguine et sexuelle n’est pas la seule à prendre en compte. Si l’on compare la contagiosité à celle d’autres virus comme le virus de l’hépatite C (VHC) ou le virus de l’immunodéfiscience acquise (VIH), on s’aperçoit qu’en moyenne 106 particules/mL sont présentes chez les malades infectés par le VHC et seulement une à deux particules pour les malades infectés par le VIH. Ceci va donc déterminer le risque de contamination accidentelle par piqûre souillée qui est de l’ordre de 30 % pour le VHB, 3 % pour le VHC et 0,3 % pour le VIH. Le risque de contamination par voie sexuelle peut varier de 30 à 80 % pour le VHB et de 0,1 à 10 % pour le VIH [1]. La transmission par la transfusion de sang et l’utilisation des produits dérivés du sang a été considérablement réduite par l’élimination, dès 1988, des unités de sang contenant des anticorps anti-HBc, par l’élimination en 1992 des donneurs avec des ALAT anormales et par un renforcement de la sélection clinique des donneurs en 1993. Le risque transfusionnel résiduel lié aux produits sanguins labiles a été estimé pour le VHB à 1/640 000 dons en France entre 2001 et 2003, soit un risque résiduel beaucoup plus élevé que pour le VHC (estimé à 1/10 000 000 dons avec le dépistage génomique) et le VIH (estimé à 1/3 150 000 dons avec le dépisTirés à part : J.P. BRONOWICKI, Hépato-Gastroentérologie, INSERM U724, CHU de Nancy, 54500 Vandœuvre-les-Nancy. E-mail :
[email protected]
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contaminés. Ces études n’ont aucune valeur sur le plan épidémiologique mais elles permettent parfois de définir des pratiques à risques et donc de corriger l’erreur et de sensibiliser le personnel aux règles universelles d’hygiène. Ces études ont montré que le VHB pouvait être transmis par exemple par l’intermédiaire d’auto-piqueurs utilisés de manière commune pour l’autocontrôle de la glycémie chez les diabétiques [5], d’aiguilles d’acupuncture [6], de pistolets injecteurs [7], de flacons multi-doses réutilisés [8]. Des études ont démontré également la possibilité d’une transmission du VHB du chirurgien vers les malades [9, 10]. L’étude cas-témoin de Rosenheim et al. publiée dans le numéro 11 [11] décrivant l’épidémie d’infection par le VHB chez des malades greffés cardiaques issus d’un même centre de chirurgie cardiaque français est remarquable car elle a permis d’affirmer la transmission du VHB de malade à malade à l’aide de l’étude phylogénique des différentes souches virales, de définir, par régression logistique, les facteurs de risque indépendants de transmission du VHB et d’évaluer l’impact des mesures de prévention prises sur ce risque de transmission. À partir de la description d’un pourcentage anormalement élevé d’infections par le VHB chez des malades greffés du cœur entre 1982 et 1985 et probablement liés aux biopsies myocardiques trans-veineuses [12], un suivi sérologique prospectif avant et tous les 6 mois après transplantation a été mis en place. Entre 1984 et 1994, 86 sur 770 malades greffés sont devenus antigène HBs positifs. L’étude cas-témoin portant sur la période allant de 1986 à 1992 a permis de montrer que le risque d’infection par le VHB était lié au nombre de malades antigène HBs positifs ayant eu une biopsie myocardique le même jour (OR = 1,17 ; IC 95 % : 1,01 - 1,37, P = 0,02) et au nombre de biopsies myocardiques réalisées le même jour que les sujets HBs positifs (OR = 1,43 ; IC 95 % : 0,97 - 2,1, P = 0,056). Un dépistage du VHB a été effectué parmi le personnel soignant et non soignant. Une seule personne a été testée antigène HBs positive avec une charge virale très faible inférieure à 1 000 copies/mL. Cette personne était responsable de la décontamination du matériel de biopsie et probablement pas à l’origine des infections. Il est intéressant de noter que l’utilisation d’aiguille à biopsie à usage unique à partir de juin 1991 n’a pas empêché de nouveaux cas d’infection par le VHB. Comme cela a été suggéré par d’autres études, des aérosols de microgouttelettes de sang peuvent contaminer les surfaces inertes avoisinantes et être à l’origine des infections lors des cathétérismes artériels. Cela a conduit à séparer, à partir de mai 1994, les sujets antigènes HBs positifs et négatifs avec des jours de biopsie dédiés à chaque population. De plus, une vaccination anti-VHB à double dose a été proposée à tous les candidats à une greffe cardiaque. De manière intéressante, il a également été proposé une vaccination anti-VHB chez le personnel soignant ou non soignant après vérification du titre des anticorps anti-VHB. Après la mise en place de ces mesures, aucun nouveau cas d’infection par le VHB n’a été décrit parmi les greffés cardiaques.
sans préciser si des mesures d’éviction ou de reclassement allaient être prises en faveur ou à l’encontre des personnes dépistées positives. Entre-temps, la canicule est passée par là et depuis cette mesure est restée (heureusement ?) dans un tiroir. Il faut néanmoins savoir que le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France a émis plusieurs avis relatifs à la prévention de la transmission du VIH (séance du 17 juin 2005), du VHC (séance du 26 septembre 2003) et du VHB (séances du 27 juin et du 7 novembre 2003) aux malades par les professionnels de santé. Dans ce dernier cas, le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France préconise, chez les personnels de santé avec un antigène HBs détectable dans le sérum, que l’aptitude professionnelle soit déterminée en fonction de l’infectiosité. Sont considérés comme signes d’infectiosité : (i) la détection de l’antigène HBe dans le sérum ; et (ii), si l’antigène HBe est indétectable, une concentration de l’ADN du VHB dans le sérum supérieur à un seuil de référence (1 000 copies/mL en 2003). Lorsque les signes d’infectiosité sont présents, l’aptitude du professionnel doit être déterminée en fonction de la nature des gestes invasifs effectués au cours de l’exercice professionnel et notamment du niveau de risque de transmission d’agents infectieux circulants auquel ils exposent. La présence de signe d’infectiosité implique que les gestes associés à un haut risque de transmission (c’est-à-dire correspondant aux « exposure-prone procedures » dans la classification élaborée par les Centers for Disease Control des Etats Unis d’Amérique) ne peuvent être autorisés. Les possibilités de traitement par les antiviraux et la réponse à ces traitements doivent également être prises en compte dans l’évaluation de l’aptitude du professionnel. La nécessité de suspendre ou de modifier l’exercice d’un professionnel de santé, (transitoirement ou de façon prolongée) en raison des risques encourus par les malades doit être évaluée par une commission spécifique qui à ma connaissance n’a pas encore été créée. Les avis du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.sante. gouv.fr/htm/dossiers/cshpf/cs231.htm RÉFÉRENCES
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Pour diminuer le risque d’infection nosocomiale, la direction générale de santé et la direction des hôpitaux ont publié différentes circulaires qui redéfinissent le bon usage des dispositifs médicaux à usage unique (1994), la désinfection des endoscopes (1996), la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé (1997), la prévention de la transmission des agents infectieux véhiculés par le sang ou d’autres liquides biologiques lors de soins (1999). Il est très probable que le risque de transmission nosocomiale des virus de l’hépatite B et de l’hépatite C est quasi nul si ces règles sont strictement respectées. Une expertise collective de l’INSERM réalisée en 2003 [13] a montré que l’infection nosocomiale par le VHC était due dans la majorité des cas à un non-respect des règles universelles d’hygiène. À la suite de la publication de cette expertise le directeur de la santé de l’époque avait préconisé la réalisation d’un dépistage systématique du VHC, du VHB et du VIH parmi les personnels soignants
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