L’ongle incarné ou onychocryptose

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Pathologie ungue´ ale

en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

Presse Med. 2014; 43: 1230–1239 ß 2014 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Dossier thématique

L’ongle incarné ou onychocryptose Véronique Blatière

CHU de Montpellier, service de dermatologie, 191, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France Disponible sur internet le : 23 octobre 2014

[email protected], [email protected]

Key points Ingrown nails or onychocryptosis Ingrown nails come down to a conflict between the nail plate and the periungual tissue, causing pain, morbidity and impairment. The feet are mainly affected. The treatments are numerous: medical, podiatric, or surgical. Surgical management has two approaches: the techniques focused on the periungual skin and those on the nail plate. Among the latter, partial nail avulsion followed by matrix phenolization, known as ‘‘Boll’s technique’’, is still highly regarded.

D

eux termes synonymes se disputent cette pathologie fréquente, de tous les âges, sous-tendant la pathogénie et des formes cliniques multiples : ongle incarné provenant du latin unguis incarnatus, c’est alors l’ongle le responsable, alors qu’onychocryptose, du grec « l’ongle caché » renvoie la faute au périnychium [1–5].

Les différentes formes cliniques Formes topographiques

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L’ongle incarné est dans la majorité des cas une affection du gros orteil. Mais d’autres orteils peuvent être atteints et parfois même exceptionnellement les doigts.

Points essentiels Il s’agit d’un conflit entre lame et tissus péri-unguéaux, source de douleur, de morbidité et d’impotence fonctionnelle. C’est une affection spécifique des ongles du pied. Les traitements sont nombreux : médico-pédicuriques et chirurgicaux. La prise en charge chirurgicale comprend deux types d’approche thérapeutique : celles s’adressant aux tissus péri-unguéaux et celles concernant la tablette unguéale, parmi lesquelles, l’avulsion partielle de la tablette suivie de phénolisation, ou technique de Boll est toujours plébiscitée.

Incarnation disto-latérale C’est la forme la plus fréquente. Le conflit siège préférentiellement à la partie disto-latérale du gros orteil, par serrage du deuxième orteil sur l’hallux ; mais des formes médiales ou à la fois latérales et médiales ne sont pas rares en cas d’évolution chronique (figure 1). Lorsque la tablette a été trop largement coupée, la partie distale du sillon n’est pas maintenue en place par l’ongle. Le sillon a tendance à se replier vers le lit unguéal. Lors de la pousse, cette rétraction du lit fait que la tablette n’a plus sa place originelle et entre en conflit avec le tissu péri-unguéal distal, en tentant de le repousser. Il se forme une hyperkératose douloureuse d’abord, puis une effraction du sillon par l’éperon unguéal

tome 43 > n811 > novembre 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.09.002

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le contact du drap. À l’examen, il existe un point de suppuration et une effraction du bourrelet antérieur. Incarnation antérieure Elle est souvent secondaire à une onychoptose, qu’elle soit traumatique ou chirurgicale. On peut également l’observer sur une coupe trop généreuse en cas d’onycholyse. La lame unguéale s’oppose normalement aux forces s’exerçant sur la pulpe lors de la marche. En son absence, et donc en l’absence de contre-pression, la pulpe est déformée dorsalement sous forme d’un mur distal. Le bourrelet antérieur sur lequel bute la lame est un obstacle à la repousse de l’ongle. Il existe souvent une hyperkératose à la jonction lame-bourrelet (figure 3).

Figure 1 Incarnation distale et proximale

devenu vulnérant (figure 2) ou lors d’une « pédicurie intempestive » par le patient pour se soulager et couper plus en amont, entraînant une blessure avec effraction du sillon. Cet événement accidentel peut rapidement se chroniciser. Un véritable cercle vicieux précipite parfois les stades évolutifs : inflammation, oedème voire surinfection des tissus mous péri-unguéaux avec un tissu de granulation qui tardivement s’épithélialise. C’est le scénario le plus souvent observé chez l’adolescent. Une forme particulière est l’abcès aigu sur esquille. Lors d’une pédicurie, un fragment unguéal distal a été coupé mais est resté dans le sillon, non solidaire du reste de la tablette. Au cours de la pousse unguéale, l’éperon est poussé distalement. Il entraîne une douleur vive antérieure, le patient ne supportant même pas

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Incarnation postérieure ou rétronychie La partie proximale de la lame est incarnée dans la partie ventrale du repli proximal. Il existe alors une perte de l’alignement entre la matrice et la lame. Le tableau clinique est celui d’une paronychie proximale chronique ; l’inflammation étant la conséquence de multiples générations de lames unguéales mal alignées sous le repli proximal (voir l’article sur les rétronychies dans ce dossier). La cause

Figure 2 Coupe d’ongle vulnérante et éperons unguéaux

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Figure 3 Incarnation antérieure

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Vue per opératoire lors d’une avulsion partielle latérale et médiale avant application de phénol.

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supposée en serait un traumatisme avec onychoptose incomplète [6].

Formes selon le terrain Chez l’adolescent et l’adulte L’ongle incarné est très fréquent dans cette population. Les facteurs favorisants à cet âge sont une peau fragile, siège d’une hyperhidrose, le port de chaussures de sport et bien souvent une coupe des ongles pour le moins vulnérante ! La forme distolatérale prédomine, aussi appelée forme sous-cutanée d’après Baran et Haneke [1]. Chez l’enfant L’ongle incarné est rare et présente quelques particularités sémiologiques mais surtout évolutives qu’il faut connaître afin de ne pas intervenir à tout prix, la plupart régressant spontanément. D’exceptionnelles formes congénitales ont été décrites [7]. Les ongles en pince peuvent être une modification tardive, secondaire à la maladie de Kawasaki. Ils apparaissent au bout d’un à deux mois pour disparaître spontanément [8]. Plusieurs entités cliniques sont identifiées [1] :  hypertrophie congénitale d’un seul ou des deux bourrelets latéraux : les bourrelets hypertrophiés enserrent la tablette unguéale qui est souvent koïlonychique, trop « faible » pour repousser les bourrelets, responsables d’une incarnation disto-latérale (figure 4). Inflammation et suintement sont présents, parfois même un abcès distal. La régression est habituelle avec un traitement antiseptique, voire antibiotique. L’abstention de tout geste chirurgical mutilant est de règle ;  désaxation congénitale du gros orteil (figure 5) : la tablette unguéale est déviée latéralement alors que l’axe de l’orteil est normal. Des stries transversales apparaissent sur la

Figure 5 Déviation axiale

 

tablette donnant un aspect de vagues successives quand elles sont nombreuses. L’évolution se fait soit vers la guérison en quelques années, soit vers l’aggravation dans l’enfance ou à l’âge adulte, mais les meilleurs résultats du traitement qui vise à ré-axer l’ongle sont obtenus avant l’âge de 2 ans. La cause réside probablement dans une rétraction de l’expansion dorsale du ligament inter-phalangien distal. Les anomalies ligamentaires de l’articulation inter-phalangienne distale visualisées en imagerie par résonance magnétique (IRM), et l’amélioration lors de la section de l’expansion dorsale du ligament latéral, sont autant d’arguments en faveur de cette hypothèse [9] ; incarnation distale sans désaxation du gros orteil ; ongles en pince congénitaux.

Chez le sujet âgé

Figure 4 1232

Hypertrophie des bourrelets latéraux chez l’enfant

Des déformations de la tablette, une xérose cutanée, des troubles trophiques ainsi que des malpositions d’orteils et des troubles statiques de l’avant pied sont souvent observés. L’hypercourbure tend à verticaliser les bords latéraux de la tablette qui appuient plus fortement au fond du sillon, entraînant plutôt une hyperkératose qu’une effraction du sillon, comme chez l’adolescent. On distingue trois types d’hypercourbure (figure 6A, B et C) :  en tuile de Provence. La courbure est régulière, à bords parallèles ;  en volute. Les bords sont convergents, la courbure est plus forte en distal. Le lit unguéal est enserré. Il est encore appelé « ongle en pince » ou « en trompette » (figure 7). Il convient de rechercher une exostose associée ;  la plicature. La lame est normale, un ou les deux bords sont repliés. tome 43 > n811 > novembre 2014

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Figure 7 Ongle en pince

Figure 8 Ongles en pince chez un patient atteint de la maladie de RenduOsler

Différentes formes d’hypercourbure a : en tuile de provence ; b : en volute ; c : plicature. Blatière V, Nabères A. Ongle incarné. EMC podologie; 2001 [27-070-A-50], 11 p. Copyright ß 2001 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

L’état général (diabète, artérite, prothèses valvulaires) peut être aggravé par une incarnation unguéale, porte d’entrée et source des complications qui en résultent (figure 8).

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Formes étiologiques Il ne semble pas exister de cause précise de l’ongle incarné mais plutôt des facteurs favorisants. Dans une étude regroupant 46 cas appariés à des témoins, il n’a pas été trouvé de différence de forme d’ongle chez les patients atteints ou non d’ongles incarnés [10]. De même, les malpositions d’orteils sont classiquement incriminées. Or, une étude récente de 100 cas appariés à des témoins n’a montré aucune corrélation entre malposition des orteils et ongle incarné [11]. En fait, il s’agit plutôt d’une cascade d’événements s’enchaînant et s’aggravant réciproquement.

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Figure 6

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Certains médicaments induisent un tissu de granulation excessif, ou granulome pyogénique, sans qu’il y ait toujours incarnation primitivement :  ciclosporine ;  rétinoïdes ; le mécanisme serait la diminution d’adhésion des kératinocytes, causant une fragilité unguéale et pénétration de fragments entre la lame et les tissus périunguéaux [12] ;  antirétroviraux : indinavir, lamivudine ;  anticancéreux : inhibiteurs de l’EGFR, capécitabine, mitoxantrone, docétaxel. Des cas d’ongles incarnés après guérison d’une onychomycose ont été décrits [13]. Des ongles en pince ont été observés après prise de bêtabloquants (acébutolol, practolol) [1].

Formes évolutives Aiguës Elles sont classiquement divisées en 4 stades : algique simple, inflammatoire, de suppuration, hypertrophique. Ceci permet de rationnaliser la prise en charge thérapeutique. Un traitement médical peut être tenté en première intention dans les deux premiers stades, voire le troisième mais il est inutile en cas d’épidermisation du botryomycome, la seule solution étant chirurgicale. Chroniques Dans les formes anciennes, on assiste à un épaississement important du perinychium. Une forme particulière est l’hypertrophie acquise du bourrelet latéral. L’inflammation siège dans la profondeur des tissus hypertrophiés, il y a rarement une effraction du sillon mais plutôt une hyperkératose. Cette forme est l’apanage de l’adulte et du sujet âgé.

Prévention

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Elle comporte une éducation des patients quant à l’hygiène des pieds qui doivent être lavés quotidiennement. Il n’est pas inutile de recommander le brossage sous unguéal et latéral visant à éliminer les débris kératosiques. Il peut être facilité par l’application d’émollients et/ou de topiques kératolytiques à base d’urée à 10 % ou de vaseline salicylée à 5 %. La coupe unguéale est plus aisément réalisée après la toilette car la lame unguéale est assouplie. Elle ne doit pas être trop courte ni en « V » inversé mais « au carré », avec des angles émoussés [1,2] (figure 9). Le port de chaussures bien aérées, dont le toit et la largeur permettent aux orteils de se mouvoir lors du passage du pas, doit être recommandé. Il faut veiller à choisir un matériau qui évite une transpiration excessive. La chaussure doit être adaptée à la température extérieure ; l’été, elle doit être légère et aérée. De plus, les chaussettes doivent être non contraignantes. Lorsqu’une compression veineuse est indiquée, et chez certains patients, il est préférable de prescrire des chaussettes à bout ouvert ou des bandes pour éviter le serrage des orteils.

Figure 9 Coupe d’ongle normale Blatière V, Nabères A. Ongle incarné. EMC podologie; 2001 [27-070-A-50], 11 p. Copyright ß 2001 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Traitements conservateurs Les antiseptiques sont recommandés sous la forme de bains de pieds quotidiens, avant et après traitement. L’antibiothérapie ne doit pas être systématiquement prescrite. Le tissu de granulation n’est pas une infection mais il est réactionnel à l’éperon unguéal qui blesse le sillon. Lors de la réalisation de certaines techniques chirurgicales à la lame froide mettant en contact tissu de granulation surinfecté et os, Haneke [3] considère qu’une antibiothérapie peut être justifiée. Elle peut l’être également en cas de terrain débilité (diabète, artérite, porteurs de prothèse valvulaire). Il est préférable dans ces conditions de pratiquer un prélèvement bactériologique préalablement à toute thérapeutique et de demander un antibiogramme.

Technique du pansement Développée par Arai et al. [14], elle a pour but de « tirer » le repli latéral pour permettre la cicatrisation du fond du sillon. tome 43 > n811 > novembre 2014

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L’éperon unguéal ne s’incarne plus, jusqu’à ce qu’il ait repoussé jusqu’au bord distal. Une gouttière acrylique peut être associée, elle isole de la peau le côté vulnérant de l’ongle. Une tubulure de perfusion ou de cathéter est utilisée, souvent fixée par une colle cyanoacrylate pour la maintenir en place durant la pousse de l’ongle.

Techniques médico-podologiques Le podologue peut intervenir à tous les stades de l’affection. La législation codifiant leur domaine d’intervention est différente d’un pays à l’autre. Soulagement de la douleur au moment d’épisodes aigus Divers méthodes sont employées : pose de mèches aux bords distaux, coupe large pour retirer l’éperon unguéal, application de crayon au nitrate pour lyser le bourgeon charnu, pose d’une onychoplastie pour éviter l’incarnation antérieure. Correction de l’hypercourbure grâce à l’orthonyxie

Figure 10

Traitements chirurgicaux

Différents types d’orthonyxie : agrafes (A2), lamelles stratifiées (B2) ; à plots de fil de titane (C2)

Ils sont nombreux. Alors que certains font référence depuis plusieurs années, d’autres sont devenus obsolètes, obérés d’un

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Elle est basée sur le principe du ressort, qui, déformé, tend à reprendre sa position initiale. Ici, l’orthonyxie entraîne avec elle la tablette qui lui est solidaire. Si l’indolence est rapidement obtenue, le plus souvent dès sa pose, il faut des mois pour modifier la courbure unguéale. Une interruption trop rapide est suivie de récidive. On distingue classiquement trois types d’orthonyxie (figure 10) :  l’orthonyxie à fil a pour avantage une excellente efficacité, une indolence rapide. Elle permet de traiter toutes les hypercourbures mais c’est une technique délicate qui nécessite un accès aux sillons pour glisser l’agrafe et qui est contreindiquée en cas de mycose (figure 11) ;  l’orthonyxie par lamelles stratifiées en fibres de carbone et résine époxy ou lamelles métalliques. Les lamelles se fixent à l’aide de colle cyanoacrylate sur la surface de l’ongle après fraisage. Leur action est limitée par leur capacité d’adhérence, et leur utilisation restreinte en cas d’hypercourbure majeure et d’hyperhidrose ;  l’orthonyxie à plots et à fil de titane. Il n’y a aucun élément dans les sillons, le fil est fixé par des plots de résine dentaire. De nombreuses variantes existent. Okada et Okada [15], dans une série de 106 patients, ont associé l’acide thioglycolique à 5 % à une orthonyxie à fil passant sous l’ongle grâce à un forage latéral. L’acide thioglycolique fragilise les liaisons disulfures et entraîne un ramollissement de la tablette qui se laisse plus facilement et rapidement déformer par l’orthonyxie. L’ongle est remis en bonne position. Le choix de l’orthonyxie dépend du type d’hypercourbure, de la fragilité de la lame, de l’accès aux sillons et de l’opérateur. Les plicatures sont très difficiles à faire disparaître.

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Chirurgie des parties molles Technique de Dubois Elle s’adresse surtout à la correction d’une incarnation antérieure, et peut être la première étape de la re-axation de l’appareil unguéal. La résection « en quartier d’orange » de la pulpe du gros orteil crée un aspect en « gueule de requin ». La suture des deux berges après la perte de substance a pour effet de « désenclaver » la partie distale de la lame. Si elle est de réalisation facile, les suites sont douloureuses [21] (figure 12A, B). Lambeau de transposition décrit par Tweedie

Figure 11

C’est le traitement préconisé pour l’hypertrophie acquise du bourrelet latéral. Le lambeau est incisé entre le bourrelet et le bord de l’ongle dans l’axe du gros orteil. Il est ensuite abaissé et suturé (figure 13).

Orthonyxie à agrafes

Technique de Vandenbos [3]

taux inacceptable de récidives ou par trop mutilants, telle l’intervention de Zadik ou l’amputation de la pointe de l’orteil décrite par Syme [1,3]. Ces traitements s’adressent soit aux parties molles soit à la lame unguéale selon ce qui est à corriger.

Anesthésie Dans la majorité des cas, la chirurgie de l’ongle incarné se pratique sous anesthésie locale. Produits utilisés Dans la chirurgie des extrémités, la lidocaïne (1 ou 2 %) sans adrénaline a été le produit de référence (l’adrénaline étant contre-indiquée). Mais depuis quelques années, de nombreuses études montrent que l’adrénaline ne doit plus être une contre-indication [16–20]. Il peut être intéressant d’utiliser des anesthésiques à longue durée d’action tels bupivacaïne ou ropivacaïne, et même de les associer à la lidocaïne. L’anesthésie est rapidement installée avec la lidocaïne ; la ropivacaïne assure une analgésie postopératoire prise en relais par les antalgiques. Techniques

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Certains auteurs sont partisans des blocs proximaux effectués à la base de l’orteil, il est nécessaire d’attendre une dizaine de minutes pour avoir une anesthésie de la partie distale de l’orteil. D’autres préfèrent les blocs distaux, à la base de la dernière phalange. Il convient d’utiliser des aiguilles fines (30 Gauge) et d’injecter lentement. Chez certains enfants, l’application de crème EmlaW peut être intéressante ; de même que l’association à l’anesthésie locale de l’inhalation de MEOPA (mélange équimoléculaire d’oxygène et de protoxyde d’azote).

Elle est destinée à traiter l’épaississement du périnychium séquellaire d’une inflammation chronique et à l’évolution fibrosante [22,23]. Il faut retirer une importante portion de peau péri-unguéale latérale et médiale en commençant au niveau du repli proximal par une incision oblique et en terminant à l’hyponychium. L’exérèse va jusqu’au contact osseux. La perte de substance fait environ 3 cm  1,5 cm, elle est laissée en cicatrisation dirigée. La cicatrisation se fait entre 6 et 8 semaines. D’autres variantes techniques ont été décrites [24].

Techniques agissant sur la tablette et/ou la matrice L’avulsion unguéale simple doit être récusée voire bannie. Elle aboutit inéluctablement à une récidive avec la complication qui lui est propre : l’incarnation antérieure. Il en va de même pour la résection cunéiforme qui a un taux de complication élevé [3]. La matricectomie est le plus souvent partielle. Il faut absolument retirer les cornes matricielles pour éviter une esquille unguéale. Elle peut être effectuée :  à la lame froide ;  avec une électrode semi isolée côté dorsal ;  au laser CO2 ;  chimiquement. Le produit toujours plébiscité aujourd’hui est le phénol à saturation. Une étude récente a permis de rassurer quant à sa toxicité pour le personnel [25]. Certains opérateurs lui préfèrent une solution de soude à 10 % ou d’acide trichloracétique (TCA) à 80 % [26–28]. Déroulement de la technique de matricectomie partielle suivie d’application de phénol (figure 14A, B, C) : après anesthésie locale et mise en place d’un garrot, on procède à la libération de la lame unguéale sur la surface préalablement déterminée, constituant l’avulsion partielle. Un décolleur de Freer est utilisé qui passe sous le repli proximal puis entre le lit et l’ongle. Il doit permettre de libérer la tablette également au niveau de la corne matricielle correspondante. La lame unguéale est découpée jusque sous le repli proximal, à l’aide d’une pince tome 43 > n811 > novembre 2014

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Figure 13 Lambeau de Tweedie pour la correction de l’hypertrophie du bourrelet latéral Blatière V, Nabères A. Ongle incarné. EMC podologie; 2001 [27-070-A-50], 11 p. Copyright ß 2001 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Chirurgie de l’incarnation antérieure par la technique de Dubois A. Exérèse en quartier d’orange. B. En fin d’intervention, la partie distale de l’ongle est désenclavée.

anglaise, dont une des parties est plane, ce qui évite de blesser le lit unguéal lors de sa progression. La portion d’ongle coupée à l’aide d’une pince est dégagée d’un mouvement de rotation antihoraire. Il faut vérifier qu’il ne reste aucun débris unguéal. Ensuite, avec un porte-coton imbibé de phénol sont effectués des mouvements de va et vient et de prono-supination pour

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Complications Il convient, pour éviter toute complication ischémique, de ne pas oublier le garrot. Les complications infectieuses peuvent survenir dans les deux types de chirurgie : infection secondaire, ostéite. Les récurrences peuvent se manifester sous forme de

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Figure 12

déposer le produit dans le cul de sac matriciel. Le phénol peut également permettre de détruire le botryomycome. Il faut veiller à ne pas avoir un coton trop imbibé pour qu’il n’y ait pas de coulure de phénol vers la lame adhérente, ce qui entraînerait une onycholyse. De même, le perinychium est protégé par une application de vaseline avant la phénolisation. Le champ doit être exsangue pour éviter toute diffusion de phénol dans la circulation générale et pour empêcher son inactivation par les protéines du sang. Le garrot est retiré. La neutralisation du phénol par l’alcool, classiquement décrite, n’est plus pratiquée.

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spicules unguéaux. Ils sont plus fréquents lors de matricectomies à la lame froide qu’avec une matricectomie chimique au phénol. Des périostites ont été imputées au curetage de la phalange, préalablement à l’application du phénol, ce qui est contre-indiqué. Dans les techniques s’adressant aux tissus mous, désunion, sphacèles et dysesthésies sont possibles [1–4].

Conclusion La prise en charge d’un ongle incarné dépend de son aspect clinique et évolutif, de l’âge de survenue et des pathologies associées. La priorité est donnée aux traitements conservateurs. Parmi les différentes techniques, la matricectomie partielle suivie d’application de phénol est la plus utilisée. Elle est simple et reproductible quoique opérateur-dépendant. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Figure 14 Avulsion partielle et phénolisation matricielle a : décolleur de Free introduit entre lame et lit ; b : sous le repli proximal pour libérer la corne matricielle ; c : application de phénol.

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