Annales de pathologie (2008) 28, 41—44
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
CAS ANATOMOCLINIQUE
Lymphome composite : association d’un lymphome folliculaire et d’une leucémie lymphoïde chronique Composite lymphoma: Association of a follicular lymphoma and a chronic lymphocytic leukemia Florian Rabiller a, Marc-Antoine Belaud-Rotureau a, Olivier Fitoussi b, Pierre Dubus a, Jean-Philippe Merlio a, Antoine de Mascarel a, Marie Parrens a,∗ a
Service d’anatomie et cytopathologie, département de pathologie et biologie moléculaire, hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan, 33604 Pessac, France b Service d’oncologie médicale, clinique Bordeaux-Nord, Bordeaux, France Accepté pour publication le 25 septembre 2007 Disponible sur Internet le 16 mai 2008
MOTS CLÉS Lymphome composite ; FISH ; PCR
KEYWORDS Composite lymphoma; PCR; FISH
∗
Résumé Nous rapportons un cas de lymphome composite (LC) comportant un lymphome folliculaire (LF) et une leucémie lymphoïde chronique, développé chez une femme de 71 ans. Les LC sont des lymphoproliférations rares caractérisées par au moins deux composantes de morphologie et phénotype différents localisées dans un même site anatomique, le plus souvent issues sur le plan moléculaire de clones différents. Ils ne doivent pas être confondus avec des lymphomes de bas grade en transformation agressive, et avec des lymphomes présentant une différenciation comme les LF à différenciation marginale. Dans ce contexte, l’analyse moléculaire du réarrangement des immunoglobulines, le séquenc ¸age et l’analyse par FISH à la recherche de translocations spécifiques sont déterminants. Les techniques de microdissection tissulaire rendent d’autant plus significatifs ces résultats. En pratique, il ne faut pas négliger ce diagnostic, compte tenu de son implication pronostique et thérapeutique. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary We report the case of a 71-year-old woman presenting with composite lymphoma (CL) composed of a follicular lymphoma and a B-cell chronic lymphocytic leukemia. CL is a rare lymphoproliferative disorder, characterized by two distinct morphological and immunophenotypical patterns in the same anatomical site, most frequently of biclonal origin. This entity must be distinguished from transformation of low-grade lymphoma into high-grade lymphoma and from lymphoma with differentiation such as follicular lymphoma with marginal differentiation.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. Parrens).
0242-6498/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2007.09.001
42
F. Rabiller et al. In this context, molecular analysis including immunoglobulin rearrangement, sequencing and FISH analyses is determinant and can be improved by tissue microdissection. Routinely, CL must not be misdiagnosed because of its prognosis and treatment implication. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Observation En 2001, une patiente de 68 ans présentait une polyadénopathie cervicale isolée. La biopsie ganglionnaire réalisée montrait un lymphome folliculaire (LF) de grade 1, selon l’OMS. Le bilan d’extension (TDM thoraco-abdomino-pelvien et biopsie ostéomédullaire) restait négatif concluant à un stade 1, selon Ann Arbor. L’absence de facteurs de mauvais pronostic, clinique et biologique (LDH et 2 microglobuline normales) ont conduit à une abstention thérapeutique assortie d’une surveillance clinique et biologique. Pendant trois ans, aucune évolution ne fut notée. En 2005, à l’âge de 71 ans, devant une altération de l’état général et une majoration du syndrome tumoral cervical, une biopsie ganglionnaire fut réalisée à la recherche d’une transformation du LF. La biologie révélait une inversion de formule avec un taux de lymphocytes circulants de 13 000 par millimètre cube sans élévation des LDH et 2 microglobuline.
Examen microscopique La biopsie réalisée en 2005 montrait une prolifération lymphomateuse d’architecture en partie folliculaire en partie diffuse (Fig. 1a et b). Les follicules étaient composés majoritairement de centrocytes associés à quelques centroblastes comptés en moyenne inférieurs à cinq par champ sur dix champs à l’objectif 40 (Fig. 1c). La zone interfolliculaire était composée d’une prolifération monotone de lymphocytes matures (Fig. 1d). L’étude immunohistochimique montrait le phénotype B CD20+ (Fig. 2a), Bcl2+ (Fig. 2b) des deux composantes avec un phénotype CD10+ (Fig. 2c), Bcl6+ (Fig. 2d), CD5−, CD23−, CD43− des follicules tumoraux. L’infiltrat interfolliculaire comportait de rares lymphocytes T CD3+ résiduels (Fig. 2e) et apparaissait essentiellement formé de cellules B CD5+ (Fig. 2f), CD23+ (Fig. 2g), CD43+ (Fig. 2h), CD10-, Bcl6- permettant
de conclure sur le plan morphologique et phénotypique à un LC associant un LF et un lymphome lymphocytique. La biologie moléculaire, à la recherche d’un réarrangement du gène codant pour la chaîne lourde des immunoglobulines (IgH) (FR3-JH), retrouvait une bande monoclonale en 2001 et deux bandes en 2005 dont l’une similaire en taille à celle du diagnostic, suggérant l’apparition d’un nouveau réarrangement (Fig. 3a). Des coupes de tissus ont été étudiées par hybridation in situ fluorescente (FISH) avec des sondes de split pour BCL2 et des sondes IGH-BCL2 double fusion double couleur. L’analyse a été ciblée sur les noyaux des follicules tumoraux repérés après coloration au DAPI (Fig. 3b). Les profils d’hybridation des noyaux présentaient un signal de split de la région BCL2 (18q21) (Fig. 3c) correspondant au réarrangement IGH-BCL2 d’une t(14;18)(q32;q21).
Discussion Le lymphome composite (LC) se définit comme au moins deux composantes lymphomateuses distinctes par leur morphologie et leur phénotype dans un même site tumoral, issues le plus souvent de clones différents [1—4]. Nous rapportons un cas présentant les caractéristiques morphologiques et phénotypiques définies, selon l’OMS [5], d’un lymphome folliculaire et d’un lymphome/leucémie lymphocytique. La plupart des cas de lymphomes présentant des composantes morphologiques et phénotypiques différentes correspondent soit à une transformation agressive d’un lymphome de bas grade [1], soit à un lymphome avec différenciation [6—8]. Les LC sont rares. Leur fréquence varie de 1 à 5 %, selon les séries [1,3]. Ils associent soit un lymphome hodgkinien (LH) et un lymphome non hodgkinien (LNH) (folliculaire, lymphocytique, manteau ou marginal) [1], soit deux LNH B, comme dans notre cas [1,2,4] ; soit un LNH B et un lymphome T périphérique [9]. La mise en évidence d’une biclonalité permet d’exclure dans la plupart
Figure 1. (a-b) : lymphoprolifération d’architecture folliculaire associée à une monotonie du tissu interfolliculaire. (HE × 40 et × 100). (c-d) : cytologie centrocytique et centroblastique des follicules (c) et lymphocytaire mature des zones interfolliculaires (d) (HE × 400). (a-b): lymphoproliferation with follicular architecture associated with monotonous interfollicular infiltrate. (HE × 40, × 100). c-d: centrocytic and centroblastic cytology of the tumoral follicles (c) and lymphocytic cytology of the interfollicular area (d) (HE × 400).
Lymphome composite
43
Figure 2. (a-b) : positivité du CD 20 (a) et du Bcl2 (b) des deux composantes lymphomateuses. (c-d) : positivité du CD 10 (c) et du Bcl6 (d) de la composante lymphomateuse folliculaire. (E-F) : rares cellules CD 3 + (e) et positivité du CD 5 sur la composante lymphomateuse lymphocytique (f). (g-h) : positivité du CD 23 (g) et CD 43 (h) sur la composante lymphocytique. (a-b): positivity of CD 20 (a) and Bcl2 (b) in both of the lymphomatous components. (c-d): positivity of CD 10 (c) and Bcl6 (d) of the follicular component. (e-f): scattered residual CD 3+ cells (e) and positivity of CD 5 of the lymphocytic component (f). (g-h): positivity of CD 23 (g) and CD 43 (h) by the lymphocytic cells.
des cas les diagnostics différentiels que sont les transformations ou les lymphomes à différenciation [2]. Seul un cas, à notre connaissance, associant un LNH folliculaire et un LNH du manteau, a été rapporté clonal identique après analyse moléculaire incluant un séquenc ¸age [4]. Dans le cas des transformations, l’analyse des réarrangements des Ig retrouve soit des clones identiques, soit des modifications géniques mineures correspondant alors le plus souvent à une évolution clonale du lymphome, soit des clones différents [10]. Dans le cas où toutes les cellules sont issues d’un même clone et possèdent des liens physiologiques de maturation lymphocytaire B, il s’agira d’un lymphome avec différenciation dont le prototype est représenté par le LF à différenciation marginale. Dans ce cas, il a été démontré non seulement un clone identique dans les deux contin-
gents mais également la présence d’une t(14;18) [6,8]. Dans toutes ces situations, il est intéressant, si possible, de réaliser l’analyse moléculaire après microdissection tissulaire des différentes composantes afin d’isoler et de séquencer leurs réarrangements respectifs. En effet, cette même analyse sur l’ensemble de la tumeur ne montre au mieux que la présence de deux réarrangements sans corrélation avec leur origine morphologique et phénotypique [2,4]. Cette technique est d’autant plus intéressante que le lymphome est diagnostiqué au stade composite, sans premier clone référencé. Cette observation souligne l’importance de documenter les récidives lymphomateuses afin de ne pas manquer le diagnostic d’un second lymphome indiquant éventuellement la modification du pronostic et du traitement. Notre patiente est actuellement en rémission
Figure 3. (a) : réarrangement IgH : en 2001 présence d’une bande clonale (I), en 2005 apparition d’une seconde bande (II). (b-c) : ciblage des follicules tumoraux (*) sur la contre-coloration au DAPI (b). Détection d’un signal de split correspondant à un réarrangement BCL2 (c). (a): IgH rearrangement: in 2001 presence of a single clonal band (I), in 2005 appearance of a second band of different size (II). (b-c): FISH analysis: (b): follicular spotting on DAPI counterstaining (*). (c): detection of a split signal corresponding to BCL2 rearrangement.
44
F. Rabiller et al.
complète après avoir rec ¸u une polychimiothérapie associée à de l’anti-CD20. [5]
Remerciements Nous remercions pour leurs aides techniques F. Boiteau, A. Charpentier, A-M Gaüzere, J. Ferrer, C. Bartholy, M. Fauchon et M.-C. Gavello.
Références [1] Copur MS, Ledakis P, Novinski D, Fu K, Hutchins M, Frankforter S, et al. An unusual case of composite lymphoma involving chronic lymphocytic leukemia follicular lymphoma and Hodgkin disease. Leuk Lymphoma 2004;45:1071—6. [2] Fend F, Quintanilla-Martinez L, Kumar S, Beaty MW, Blum L, Sorbara L, et al. Composite low grade B-cell lymphomas with two immunophenotypically distinct cell populations are true biclonal lymphomas. A molecular analysis using laser capture microdissection. Am J Pathol 1999;154:1857—66. [3] Kim H. Composite lymphoma and related disorders. Am J Clin Pathol 1993;99:445—51. [4] Tsang P, Pan L, Cesarman E, Tepler J, Knowles DM. A distinctive composite lymphoma consisting of clonally related mantle
[6]
[7]
[8]
[9]
[10]
cell lymphoma and follicle center cell lymphoma. Hum Pathol 1999;30:988—92. Harris NL, Jaffe ES, Diebold J, Flandrin G, Muller-Hermelink HK, Vardiman J, et al. World Health Organization classification of neoplastic diseases of the hematopoietic and lymphoid tissues: report of the Clinical Advisory Committee meetingAirlie House, Virginia, November 1997. J Clin Oncol 1999;17: 3835—49. Dogan A, Du MQ, Aiello A, Diss TC, Ye HT, Pan LX, et al. Follicular lymphomas contain a clonally linked but phenotypically distinct neoplastic B-cell population in the interfollicular zone. Blood 1998;91:4708—14. Schmid U, Cogliatti SB, Diss TC, Isaacson PG. Monocytoid/marginal zone B-cell differentiation in follicle centre cell lymphoma. Histopathology 1996;29:201—8. Yegappan S, Schnitzer B, Hsi ED. Follicular lymphoma with marginal zone differentiation: microdissection demonstrates the t(14;18) in both the follicular and marginal zone components. Mod Pathol 2001;14:191—6. Martinez A, Pittaluga S, Villamor N, Colomer D, Rozman M, Raffeld M, et al. Clonal T-cell populations and increased risk for cytotoxic T-cell lymphomas in B-CLL patients: clinicopathologic observations and molecular analysis. Am J Surg Pathol 2004;28:849—58. Matolcsy A, Inghirami G, Knowles DM. Molecular genetic demonstration of the diverse evolution of Richter’s syndrome (chronic lymphocytic leukemia and subsequent large cell lymphoma). Blood 1994;83:1363—72.