Journal de pédiatrie et de puériculture (2010) 23, 112—113
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Maladie cœliaque et introduction du gluten chez le nourrisson夽 P. Molkhou Service de gastro-entérologie et nutrition, hôpital Saint Vincent de Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France
Introduction Au mois de juin dernier s’est tenu à Toulouse le Congrès de la société franc ¸aise de pédiatrie (SFP), au cours duquel le problème de la maladie cœliaque (MC) a été largement abordé, et, en particulier, sur l’importance des modalités d’introduction du gluten chez le nourrisson. La maladie cœliaque, une maladie générale avec une entéropathie et une atrophie villositaire, est associée à des manifestations auto-immunes. Il s’agit d’une intolérance à la gliadine du blé et aux prolamines, dont le caractère définitif ou permanent n’est pas totalement établi et qui survient chez des sujets génétiquement déterminés. La maladie cœliaque est une affection auto-immune avec, comme principal auto-antigène, la transglutaminase tissulaire. Les sujets porteurs des gènes HLADQ2 ou HLADQ8 développent des réactions multiples si leur alimentation contient des céréales contenant du gluten ou des prolamines. Les causes de la maladie cœliaque sont multifactorielles (génétiques, environnementaux), étant donné qu’un nombre relativement faible d’individus porteurs de ces gènes développe une intolérance au gluten. C’est entre quatre et 18 mois, souvent après le sevrage, lorsque les céréales sont introduites pour la première fois, qu’apparaissent les manifestations auto-immunes, ce qui
夽 D’après un article de Jean-Pierre Olives intitulé Introduction du gluten dans l’alimentation du nourrisson. Quand ? Combien ? Comment ? paru dans Archives de pédiatrie 2009;16:10—3. Adresse e-mail :
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0987-7983/$ — see front matter doi:10.1016/j.jpp.2010.02.004
fait suspecter qu’une alimentation précoce contenant du gluten joue un rôle majeur dans le développement de la maladie et de ses formes cliniques.
Période cruciale La période cruciale correspond après l’allaitement maternel au moment du changement du régime, avec la diversification alimentaire. Cette diversification correspond à l’introduction du gluten et à d’autres allergènes alimentaires (protéines lactées bovines), à l’état de la muqueuse intestinale, aux infections virales fréquentes à cette époque. Une étude suédoise [1] a montré l’influence de la quantité de gluten ingéré sur la prévalence de la maladie cœliaque dans quatre populations (suédoise, finlandaise, danoise et italienne). Cette étude a montré que lorsque les quantités de céréales avaient été augmentées d’environ quatre fois, une multiplication par trois de la prévalence de l’intolérance du gluten en 15 ans avait été constatée. Une nouvelle modification des recommandations à la baisse quant aux quantités de gluten avait été suivie d’un retour aux chiffres antérieurs. Le lait maternel qui contient de nombreux facteurs immunologiques contribuant à des mécanismes de protection est lui aussi porteur de gluten puisqu’on en retrouve des quantités variant de 5 à 1200 ng/mL dans le lait mature d’une femme qui allaite. Les concentrations sont six fois plus élevées dans le colostrum. On retrouve des complexes gliadines antigliadine dans le lait maternel. Le transfert de gliadine et de complexes
Maladie cœliaque et introduction du gluten chez le nourrisson immuns de la mère à l’enfant via le lait maternel joue un rôle déterminant dans le développement d’une réponse immune adaptée au moment de l’introduction du gluten dans l’alimentation. Plusieurs études suédoises ont montré le rôle protecteur de l’allaitement maternel vis-à-vis de la maladie cœliaque, en fonction de la durée de l’allaitement (sept mois pour les non-intolérants au gluten au lieu cinq pour ceux qui sont devenus cœliaques) ; la date d’introduction des aliments non lactés un peu plus tardive (quatre mois au lieu de trois) joue également un rôle. Une méta-analyse a confirmé que l’allaitement maternel a un rôle protecteur contre la maladie cœliaque, surtout s’il est associé à l’introduction du gluten et qu’il est prolongé. Il est cependant difficile à travers les études actuelles de déterminer si l’allaitement maternel n’a qu’un effet suspensif, c’est-à-dire en retardant l’apparition des symptômes, ou un véritable effet protecteur permanent. D’autres études seront nécessaires pour confirmer ces résultats.
Quelle est la date d’introduction du gluten ? Elle dépend du terrain, de la génétique et de l’environnement. Ce n’est que vers l’âge de trois mois, lorsque la muqueuse intestinale est suffisamment mature que les aminopeptidases des entérocytes sont capables d’hydrolyser des protéines et des peptides toxiques qui joueraient un rôle dans les mécanismes d’apparition de la maladie cœliaque. La perméabilité de la muqueuse intestinale peut être augmentée à l’occasion de différentes pathologies, comme la malnutrition avec atrophie villositaire ou après des infections à adénovirus 12 ou rotavirus, fréquentes chez des enfants jusqu’à deux ans ou encore dans l’allergie aux protéines lactées bovines. Cette modification de la trophicité et de la perméabilité de la muqueuse permet le passage en plus grande quantité des molécules comme la gliadine à travers les espaces intercellulaires et, sa pénétration dans la lamina propria et ensuite dans le plasma [2].
113 La maturité digestive intervient aussi, comme le suggère une étude américaine qui met en évidence le risque d’une introduction trop précoce avant trois mois. En effet, le risque serait multiplié par trois par rapport à une introduction entre quatre et six mois ; le risque serait multiplié par quatre en cas d’introduction tardive après sept mois. La date idéale d’introduction du gluten serait donc quatre et six mois. C’est du moins ce que confirme récemment une étude suédoise qui préconise l’introduction du gluten en petites quantités et à doses progressives à partir de quatre mois.
Les recommandations du comité de nutrition de la société européenne (ESPGHAN) Le Comité de nutrition de la société européenne (ESPGHAN) a publié des recommandations qui précisent la date et les modalités d’introduction du gluten dans l’alimentation du nourrisson. L’allaitement est fortement conseillé chez tous les enfants, en particulier chez ceux à risque d’intolérance. Il est recommandé de le poursuivre pendant la diversification. La meilleure période d’introduction du gluten est entre quatre et six mois. Les quantités modérées et progressives sont conseillées. L’intérêt d’un enfant nourri au sein vient qu’il rec ¸oit journellement des quantités de gluten associées à des facteurs immunologiques. Il faut donc retenir que le gluten doit être introduit ni trop tôt ni trop tard en principe à partir de 4 mois.
Références [1] Ascher H, Krantz I, Rydberg L, Nordin P, Kristiansson B. Influence of infant feeding and gluten intake in coeliac disease. Arch Child Dis 1997;76:113—7. [2] Dupont C, Barau E, Molkhou P, Raynaud F, Barbet JP, Dehennin L. Food induced alterations of intestinal permeability in children with cow’s milk sensitivity enteropathy and atopic dermatitis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1989;8:459—65.