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Presse Med 2005; 34: 608-11
Rhumatologie
Maladie de Paget, exploration et surveillance
Correspondance : Christian Roux, Institut de rhumatologie, Hôpital Cochin Université René Descartes, 27, rue du Faubourg St Jacques, 75014 Paris Tél. : 01 58 41 25 84 Fax : 01 44 07 01 07
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Christian Roux
Summary
Points essentiels
Paget’s disease, workup and monitoring
• La maladie de Paget est une maladie osseuse évolutive, caractérisée par une hypertrophie des pièces osseuses et une augmentation du remodelage osseux. • Douleurs et déformations qui caractérisent l'évolution clinique de la maladie ne sont pas des paramètres d'évaluation simple. L’aspect radiographique est caractéristique. • Dans la plupart des cas, les marqueurs biologiques du remodelage osseux sont suffisants pour suivre l'effet des traitements. La phosphatase alcaline totale est le marqueur le plus utile et le dosage des molécules de pontage du collagène est utile dans les cas difficiles. • L'objectif du traitement est la normalisation de ces marqueurs biologiques, meilleur garant de la prévention des complications de la maladie.
• Paget's disease is a progressive bone disease, characterized by bone hypertrophy and increased bone resorption. • The pain and deformity that characterize its clinical course are not simple to assess, but it has a characteristic radiographic appearance. • In most cases, treatment can be monitored through biological markers of bone turnover. Total alkaline phosphatase is the best marker and measurement of collagen breakdown products is useful in difficult cases. • The goal of treatment is the normalization of these biological markers, to prevent complications of the disease. C. Roux Presse Med 2005; 34: 608-11 © 2005, Masson, Paris
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a maladie de Paget est une maladie osseuse évolutive, caractérisée par une hypertrophie des pièces osseuses et une augmentation du remodelage osseux. Elle peut atteindre un ou plusieurs os. Elle peut être asymptomatique ou responsable de déformations, de douleurs et de fractures. Son pronostic à long terme est celui des complications articulaires, neurologiques, osseuses. L’objectif du traitement est à court terme de soulager la douleur et de préparer à une éventuelle intervention chirurgicale, et à long terme de prévenir l’appa1,2 rition des complications .
Évaluation clinique
La douleur peut être d’origine osseuse. Son intensité est le plus souvent modérée, mais la douleur peut persister au repos.La douleur d’un membre inférieur,aggravée par l’activité, évoque une lésion ostéolytique ou une fissure, en particulier dans la convexité d’une déformation d’un os long. La douleur peut aussi être articulaire, correspondant à une complication de la maladie,en particulier à la hanche et au genou, du fait de l’apparition prématurée d’une arthrose. La douleur peut être neurologique, 608 - La Presse Médicale
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DOULEUR
Figure 1 Maladie de Paget. Vertèbre d’ivoire 23 avril 2005 • tome 34 • n°8
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par compression tronculaire, radiculaire, ou médullaire. Il est utile d’évaluer la douleur du patient (sur échelle visuelle) et les traitements antalgiques sont souvent indispensables. Ce critère d’évolution est néanmoins peu fiable pour 2 raisons : • un grand nombre de lésions osseuses pagétiques 3 sont indolores ; leur méconnaissance expose le patient au développement de complications locales ; • il est parfois difficile, pour le médecin, comme pour le patient, de distinguer la douleur d’origine osseuse et la douleur d’origine articulaire. Lors de la prescription d’un traitement anti-ostéoclastique, ce point doit être clairement expliqué sous peine d’exposer à des problèmes de compliance.
DÉFORMATION La maladie de Paget a été initialement décrite comme “osteitis deformans”. Ces déformations sont un critère de gravité, en particulier aux membres inférieurs, à la face et au crâne. Elles sont inaccessibles aux traitements. Une 4 seule étude a suggéré la possibilité d’une correction partielle des déformations de la face lors d’un traitement par bisphosphonate.
QUALITÉ DE VIE Selon une enquête réalisée chez 958 patients ayant une maladie de Paget,47% avaient des signes dépressifs,et 21% 5 estimaient “bonne” leur qualité de vie . L’effet des traitements sur ce paramètre n’est pas connu.
COMPLICATIONS De nombreuses complications ont été observées6 : perte d’audition, calcifications vasculaires, insuffisance cardiaque, dégénérescence sarcomateuse des lésions osseuses (exceptionnelle).Il existe un risque d’hypercalcémie chez les patients immobilisés ayant une maladie étendue et non contrôlée.
Évaluation radiologique RADIOGRAPHIES STANDARD ❚ L’aspect caractéristique de la maladie de Paget associe à des degrés variables les signes osseux suivants: lésions ostéolytiques, hypertrophie, épaississement cortical des os longs,remaniement architectural avec aspect désorganisé des travées osseuses, dédifférenciation cortico-médullaire. Certains aspects sont particuliers à la maladie: ostéoporose circonscrite du crâne, vertèbre d’ivoire (figure 1) (condensée et élargie), aspect ostéolytique de la corticale des os longs dessinant un “V”de résorption. Le diagnostic de la maladie de Paget est ainsi fait le plus souvent sur les radiographies standard des os.Au moment du diagnostic, il est utile de radiographier toutes les zones hyperfixantes en scintigraphie (figure 2). Ceci a pour but 23 avril 2005 • tome 34 • n°8
de ne pas méconnaître une autre affection qui pourrait s’accompagner d’une hyperfixation,et de confirmer le diagnostic de localisation pagétique.
❚ Il n’est pas justifié de pratiquer une radiographie de la totalité du squelette au cours de la maladie de Paget. ❚ La maladie est caractérisée par son évolutivité et le processus ostéolytique (figure 3) sur les os longs progresse à la vitesse de 0,8 à 1 cm par an.Ceci permet de dater l’âge de survenue de la maladie,et surtout d’en suivre l’évolution.Le suivi radiographique est important lorsque la maladie intéresse un os long des membres inférieurs.Les clichés doivent être strictement comparables, pour retrouver des repères anatomiques simples et réaliser des mesures reproductibles. Les traitements doivent stopper cette progression et l’on peut observer des images de comblement des lésions lytiques. Il a été rapporté une progression radiologique sur 7 les os longs malgré une évolution biochimique favorable . Par conséquent, cette surveillance nous semble indispensable,sur un rythme annuel. ❚ Sur les autres lésions radiologiques, il a été proposé des systèmes de score d’aggravation de 1 à 5, 1 indiquant une amélioration nette et 5 une aggravation nette. Les grades sont additionnés et divisés ensuite par le nombre de lésions mesurées.Ce système est très subjectif,sa reproductibilité et sa sensibilité sont inconnues,et nous ne pou8 vons le recommander en pratique .
SCINTIGRAPHIE OSSEUSE La scintigraphie osseuse n’est pas utile au diagnostic de la maladie, mais elle permet d’évaluer son étendue, participant donc au diagnostic de sévérité.Il est inutile de répéter cet examen au cours du suivi.
Évaluation histologique Dans la plupart des cas,la biopsie osseuse n’est pas utile au diagnostic. Elle ne sert jamais au suivi.
Évaluation biologique Il est possible par des marqueurs biologiques, sériques et/ou urinaires, d’évaluer l’activité cellulaire osseuse de la maladie de Paget.
MARQUEURS DE RÉSORPTION OSSEUSE ❚ Le traditionnel dosage de l’hydroxyproline urinaire, qui reflète la destruction des molécules de collagène,peut être abandonné.Ce dosage nécessite un régime sans collagène dans les jours qui précèdent et un recueil soigneux des urines.
❚ Le dosage des molécules de pontage du collagène, dans les urines ou le sérum, est considéré comme un marqueur plus simple, plus sensible et plus spécifique de la résorption osseuse. La Presse Médicale - 609
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Neurologie
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• Les molécules peuvent être : - libres (pyridinoline et déoxypyridinoline libres) ; - liées à des peptides (N-télopeptide et C-télopeptide). Ces marqueurs sont augmentés au cours de la maladie de Paget, reflétant de manière sensible l’hyper-résorption 9 osseuse .Certaines isoformes pourraient même permettre d’évaluer le degré de bêta-isomérisation du collagène de type 1,permettant d’évaluer la proportion d’os tissé et d’os 10 lamellaire au cours des traitements . • Ces dosages ont 2 intérêts pratiques : – ils ont une place dans la surveillance des formes monostotiques où les autres paramètres sont normaux ; – leur réponse au cours des traitements est plus rapide.
l’activité d’ostéoformation.Dans la maladie de Paget,en l’absence d’anomalies hépatiques,son augmentation et ses variations sont souvent caricaturales. • La reproductibilité de la mesure des phosphatases est inférieure à 10 % et on estime qu’une variation de 25% 11 du taux circulant est une variation significative . • Il existe une bonne corrélation entre l’augmentation de cette enzyme et les données scintigraphiques. •À l’inverse, 10 % des patients ayant une atteinte osseuse pagétique certaine ont des valeurs de phospha11 tases dans les limites de la normale du laboratoire . Dans un tel cas, on peut : - considérer la variation des phosphatases au sein de la“normale”; - utiliser la phosphatase alcaline osseuse, dosage plus sensible mais plus cher.
❚ Toutefois, dans la plupart des cas, les variations des phosphatases alcalines sont assez caricaturales pour être suffisantes au suivi thérapeutique.
❚ L’augmentation des phosphatases alcalines reflète 2 phénomènes indépendants :
MARQUEURS DE FORMATION OSSEUSE ❚ La phosphatase alcaline totale circulante sérique a plu-
• l’extension de la maladie, c’est-à-dire le nombre et la taille des os atteints ; • l’activité de la maladie, c’est-à-dire son évolution locale, qui peut être variable d’un os à l’autre.
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sieurs origines,mais la moitié environ est issue de l’os.Cette enzyme membranaire des ostéoblastes est indispensable à
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Figure 2 Maladie de Paget. Aspects scintigraphiques.
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Figure 3 Maladie de Paget. Noter le front de résorption (flèches) surmontant un aspect caractérisque de la maladie de Paget du fémur avec épaississement cortical et trabéculaire. 23 avril 2005 • tome 34 • n°8
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En théorie, par conséquent, la valeur des phosphatases alcalines doit être interprétée en fonction de l’étendue de la maladie. Il a été proposé des calculs de l’étendue radiologique de la maladie de Paget par application d’un 12 coefficient pour chaque os du squelette. Coutris et al. ont proposé cette pondération à partir de résultats 13 scintigraphiques et Rénier et al. ont proposé une pondération à partir de données issues du poids des os d’un cadavre, de données anatomiques et de résultats de densitométrie de squelette complet.Ainsi, on apprécie l’activité de la maladie par le rapport de l’excès des phosphatases (par rapport à la normale) sur l’étendue de l’at14 teinte osseuse . Cet index, logique, n’a pas été repris dans la plupart des études évaluant les traitements et,de fait, il est peu utilisé dans la pratique quotidienne. ❚ L’ostéocalcine est une protéine non collagénique de l’os synthétisée par les ostéoblastes.Elle augmente au cours de la maladie de Paget dans des proportions moins importantes que celles de la phosphatase et aucune indication de 15 dosage n’existe,ni pour le diagnostic,ni pour le suivi . ❚ En pratique, dans la plupart des cas, la variation des phosphatases alcalines sériques totales est telle que le dosage de ce marqueur unique est suffisant au suivi de la maladie.
MÉTABOLISME PHOSPHOCALCIQUE ❚ La calcémie et la phosphorémie sont normales au cours de la maladie de Paget.
❚ Dans la perspective de l’usage de bisphosphonates puissants, chez des sujets parfois âgés, il peut être
utile de vérifier le métabolisme phosphocalcique, en particulier afin d’envisager une supplémentation vitamino-calcique.
LE SUIVI BIOLOGIQUE ❚ Une réponse au traitement est obtenue si les phosphatases alcalines diminuent d’au moins 25%. Des
seuils plus stricts ont été proposés dans les essais thérapeu16 8 tiques :50 et 60% .Une rechute est la situation inverse.
❚ La zone des valeurs normales des phosphatases alcalines est large pour tous les laboratoires et,parfois, l’augmentation de 25 % des phosphatases chez les patients peut être considérée comme une rechute même si, la valeur initiale étant basse, cette ascension aboutit à une valeur peu supérieure à la normale.
❚ Il est habituel de surveiller les traitements en dosant les phosphatases au début et en fin de cure, puis 3 et 6 mois après. Les meilleurs déterminants de la rémission biochimique sont les valeurs pré- et post-thérapeutiques des phosphatases alcalines, et peut-être le pourcentage 17 de diminution à court terme . ❚ Il existe des arguments indirects et des observations laissant penser qu’un meilleur contrôle biologique per14 met de diminuer l’incidence des complications . C’est ainsi que,pour certains auteurs,la surveillance de la maladie de Paget est “cancérologique”:la masse totale (inconnue) d’ostéoclastes est assimilée à une masse tumorale à contrôler, les phosphatases alcalines à des marqueurs “tumoraux” à normaliser. La normalisation des phosphatases alcalines est possible avec les bisphosphonates. ■
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