Rapports — Jeudi 8 octobre 2009 Quoi qu’il en soit, ces échecs ont été lourds d’enseignement. La fin des années 2000 et le début des années 2010 devraient nous permettre de voir arriver sur le marché des molécules proches de l’antithrombotique idéal, synthétiques, de mécanisme d’action spécifique, avec un schéma posologique simple et avec un antidote. Enfin, durant cette même période, nous devrions voir se développer une approche plus individualisée des traitements anticoagulants comme le laissent entrevoir les premiers succès de la pharmacogénétique avec les AVK. doi:10.1016/j.jmv.2009.07.067
Maladie thromboembolique veineuse (MTEV) : recommandations nationales et internationales : contradictions et réalités J.-P. Laroche , D. Brisot , M. Coupé , A. Khau Van Kien , C. Zappula , G. Böge , V. Raczka , J.-P. Galanaud , V. Soulier-Sotto , M. Tapon , M. Dauzat , I. Quéré Médecine vasculaire, hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche, Montpellier, France Mots clés : MTEV ; Recommandations Les recommandations en matière de MTEV sont multiples : anglosaxonnes, national guidelines American family physician (2007) [1], 8◦ Consensus ACCP 2008 [2], National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) à venir juin 2009 [3], American Society of Clinical Oncology 2006 [4] (ASCO), national guidelines en Italie [5] mais aussi franc ¸aises : SOR 2008 [6] et Afssaps 2009 [7].Ceci est un premier point. Le deuxième : sont-elles concordantes entre elles ? À cette question, on peut répondre globalement oui, mais avec quelques discordances qui correspondent à des sensibilités et interprétations différentes d’un pays à l’autre et ce, pour les mêmes études. Enfin, quelle est la place de ces recommandations dans notre exercice quotidien ? Beaucoup de nuances entre les anglo-saxons, certains européens et les franc ¸ais. Aux États-Unis, au Canada, en Hollande, en Suisse, tous les praticiens ont le même réflexe. Dès qu’une recommandation est publiée, chaque praticien évalue comment la plus grande part des patients est en adéquation avec les recommandations. En France, c’est l’inverse, on recherchera d’emblée chez quels patients les recommandations ne peuvent s’appliquer. Cet état d’esprit s’explique aisément. En 1999 apparaissent les références médicales opposables (RMO) et leur « il est inutile de », d’emblée très mal vécu et rejeté par le corps médical. En effet, les RMO avaient pour but une maîtrise médicalisée des coûts de santé, elles ont été ressenties comme des mesures « sanctionnantes », ce qu’elles n’étaient pas mais elles ont été mal présentées. La notion de recommandation s’est substituée aux RMO mais 10 ans après, la cicatrice n’est pas encore complètement fermée. Aujourd’hui, les recommandations ont 3 soucis principaux : améliorer la qualité des soins, augmenter la satisfaction des patients et réduire les dépenses de santé. De plus, elles ont la volonté de recourir à une expertise collective et la volonté enfin de se défaire de l’emprise de l’industrie pharmaceutique sur la formation des prescripteurs. Aujourd’hui, il est difficile de savoir quel est le pourcentage des médecins en général et des médecins vasculaires en particulier qui les suivent. Les enquêtes réalisées en médecine vasculaire montrent cependant qu’en général, une bonne connaissance des recommandations concernant la MTEV, la FMC et les EPP (désormais DPC : développement professionnel continu) ont un rôle important pour les faire connaître et ainsi faire évoluer les pratiques ; mais attention, les recommandations n’ont pas toutes la même valeur. Suivre celles qui sont de grade A ou 1A, 1C est une évidence et les sociétés savantes doivent se battre pour ce challenge ; pour les autres de grade inférieur, il faut être plus circonspect.
S7 N’oublions pas qu’une recommandation n’est pas une loi. De plus, si elle paraît évidente et pertinente, elle n’est pas toujours applicable. En effet, la décision clinique dans la médecine basée sur les preuves (EBM) [8] repose sur 3 sources : la source scientifique, la source de conditions d’exercice et l’expérience du praticien. La 3e source étant le patient, la prise de décision finale doit tenir compte des préférences du patient et de son entourage. C’est la réunion de ces 3 sources qui fonde l’EBM. Notre décision clinique résulte donc d’un ensemble de paramètres, les recommandations n’étant qu’un de ces paramètres comme les considérations éthiques et les nouveaux savoirs du praticien. On peut présenter la recommandation comme un dispositif de politique professionnelle « top-down » ou du haut vers le bas, expression d’une conception rationnelle et scientifique de la médecine et d’une conception sociétale liée au double impératif de santé publique et d’économie de la santé. En somme, tout se passe comme si les instances professionnelles cherchaient à aller au-devant d’attentes et de pratiques des acteurs de base pour permettre leur expression réglée. Une démarche d’autant plus fondée, a priori, que le médecin est un être à convertir en permanence, tant il est pris entre la réactivation automatique des savoirs appris sur les bancs de l’université lors de sa formation initiale et l’incorporation progressive des enseignements qu’il tire de sa propre pratique. Les praticiens semblent voir une forme d’opposition entre la relation médecin—patient et les données scientifiques issues notamment, de l’épidémiologie et des études scientifiques en général. Selon eux, le lien qui s’établit entre le professionnel de la santé et son patient (le colloque singulier) fait figure de clé de voûte de la consultation et de l’acte médical dans son ensemble. Presque à l’opposé, ils placent la démarche perc ¸ue comme fondée sur la science et les preuves (l’épidémiologie, les études), éventuellement moins soumise à des aléas extérieurs, mais dénuée d’émotions. Cette représentation — qui renvoie au choix potentiel, mais sans doute non fondée, entre bon sens ou statistique — constitue une vraie question d’éthique biomédicale, non seulement par rapport à l’utilisation de recommandations par le médecin, mais au-delà, pour l’appropriation de sa santé par le patient. En effet, même si elle ne correspond pas nécessairement à la réalité — peut-on réellement opposer 2 démarches dont l’objet, le patient et l’intention, sa prise en charge optimale, sont identiques ? — elle constitue néanmoins un facteur potentiel de résistance au changement de pratique. Ces considérations n’ont qu’un but : replacer les recommandations dans le contexte de l’exercice quotidien, la vraie vie. Nous illustrerons ces propos à travers plusieurs exemples ciblés MTEV. De la théorie à la pratique, même si la théorie est issue de la pratique, il y a parfois une difficulté à trouver le bon espace d’exercice médical. Mais les recommandations ne sont-elles pas là justement pour tenter de régler ce problème ? Le praticien espère ainsi remplacer une science molle par une norme dure, l’incertitude par la référence. . . ! Références [1] Practice Guidelines, AAFP and ACP Publish Recommendations on diagnosis and management of VTE, J Am Acad Am Phys 2007;76(8). [2] Kearon C, Kahn SR, Agnelli G, et al. Antithrombotic therapy for venous thromboembolic disease: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines (8th Edition). Chest 2008;133(Suppl. 6):454S—545S. [3] www.nice.org.uk : à paraître en juin 2009. [4] Ltyman Gary H. American Society of Clinical Oncology Guideline: recommendations for venous thromboembolism prophylaxis and treatment in patients with cancer. J Clin Oncol 2007;25:5490—505. [5] Franciscis S, Augus GB, Bisacci R, et al. Guidelines for venous thromboembolism and clinical practice in Italy: a nationwide survey. Ann Vasc Surg 2008;22:319—27.
S8 [6] Farge-Bancel D, Florea L, Bosquet L, Debourdeau P. Traitement de la maladie thromboembolique veineuse chez le cancéreux. Treatment of venous thromboembolic disease in cancer patients. Pathol Biol 2008;56:220—8. [7] www.afssaps.fr : à paraître en juin 2009.
Rapports — Jeudi 8 octobre 2009 [8] Liens EBM : http://www.chu-rouen.fr/ssf/ evidencebasedmedicine.html sur www.chu-rouen.fr. doi:10.1016/j.jmv.2009.07.068