Gynécol Obstét Fertil 2002 ; 30 : 383-9 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1297958902003375/FLA
ARTICLE ORIGINAL
Mastite granulomateuse idiopathique : à propos de huit cas avec revue de la littérature B. Belaabidia1*, O. Essadki2, A. El Mansouri3, S. Sqalli1 Département d’anatomie pathologique, hôpital universitaire Ibn Rochd, Casablanca, Maroc ; département de radiologie, hôpital universitaire Ibn Rochd, Casablanca, Maroc ; 3 département de gynécologie-obstétrique, hôpital universitaire Ibn Rochd, Casablanca, Maroc 1 2
(Reçu le 20 juin 2001 ; accepté le 19 décembre 2001)
Résumé Objectif – Les auteurs rapportent huit cas de mastite granulomateuse idiopathique (MGI) avec discussion de ses aspects, épidémiologiques, cliniques, diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs. Matériel et méthode – Étude rétrospective de huit cas colligés en cinq ans, parmi 2 000 examens anatomopathologiques mammaires. Résultats – L’âge moyen des patientes était de 44,3 ans. L’examen clinique notait une tuméfaction mesurant entre 2,5 et 15 cm diamètre. La mammographie objectivait des lésions nodulaires et l’échographie notait des nodules hypoéchogènes. À l’examen histologique, il existait un infiltrat inflammatoire d’organisation nodulaire épithélio-giganto-cellulaire, sans nécrose caséeuse, comportant des lymphocytes, des plasmocytes, des polynucléaires neutrophiles. L’atteinte lésionnelle était essentiellement de topographie lobulo-centrique. L’exérèse chirurgicale des lésions a été associée à une corticothérapie dans cinq cas, à un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien dans deux cas et à une antibiothérapie dans quatre cas. L’évolution à court terme était favorable. Discussion et conclusion – La MGI est une entité rare. Elle pose un problème de diagnostic différentiel avec les autres mastites à l’étape clinique. L‘étude histologique permet de faire le diagnostic de certitude. Le traitement est médical associé à l’exérèse chirurgicale. Le pronostic de cette affection reste favorable. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS sein / inflammation / granulome
Summary – Idiopathic granulomatous mastitis: report of eight cases and review of the literature. Aim of the study. – The authors report eight cases of idiopathic granulomatous mastitis in which the epidemiological, clinical, diagnostic, therapeutic and prognostic features are discussed. Material and methods. – Retrospective study of eight cases registered among 2,000 breast anatomopathological study during 5-years period. Results. – The mead age was 44,3 years. Breast lump measuring 2,5 to 15 cm in size was noted at clinical examination. Mammography noted nodular opacities and ultrasonography showed hypoechoic nodules. Histological findings were consistent on granulomatous inflammation centred on mammary lobules. The inflammatory infiltrate was including leukocytes, lymphocytes, plasma cells as well as epithelioid and giant cells without caseous necrosis in the granuloma.
*Correspondance et tirés à part : laboratoire d’anatomie pathologique, faculté de médecine et de pharmacie, BP 7010 Sidi Abbad 40000 Marrakech, Maroc. Adresse e-mail :
[email protected] (B. Belaabidia).
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B. Belaabidia et al. Discussion and conclusion. – Idiopathic granulomatous mastitis is a rare entity. This entity can clinically mimic other breast mastitis disease. Diagnosis is assessed by histological analysis This disease can be treated with drugs and surgical excision of the lump. The prognostic of this chronic disease is favourable. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS breast / inflammation / granuloma
INTRODUCTION
RÉSULTATS
La mastite granulomateuse idiopathique (MGI) est une entité nosologique rare et peu connue. Son étiopathogenie reste discutée. Elle se caractérise par la présence de lésions inflammatoires amicrobiennes du sein localisées aux lobules. Elle pose un problème de diagnostic différentiel à l’étape clinique avec les autres mastites et surtout avec la mastite carcinomateuse. Le but de ce travail est de rapporter huit nouvelles observations de MGI avec revue de la littérature.
L’incidence de la MGI était de 0,40 % (huit cas sur 2 000 examens de sein). Toutes nos patientes étaient de sexe féminin. L’âge moyen était de 44,3 ans avec des extrêmes allant de 24 à 70 ans (tableau I). Les circonstances de découverte étaient une tuméfaction du sein dans tous les cas, associée à une inflammation locale dans trois cas, à des lésions d’ulcération à la peau dans trois cas, et à une mastodynie dans un cas. Aucun antécédent pathologique n’a été noté en dehors d’un épisode d’abcès mammaire chez une patiente. Six patientes étaient en période d’activité génitale et deux autres étaient ménopausées. Six patientes étaient multipares et deux autres étaient nullipares. La notion d’allaitement et de prise de contraceptifs oraux a été notée chez six patientes. Une patiente était enceinte et présentait une atteinte mammaire bilatérale au moment du diagnostic (observation 1). À l’examen, il existait une fièvre à 39 °C chez une patiente et des conjonctives décolorées chez une autre. Au niveau des seins il existait des signes inflammatoires locaux chez six patientes. Un écoulement mamelonnaire était présent chez deux patientes. L’examen révélait un aspect tuméfié des seins dans sept cas avec présence de nodule dans trois cas. Un empatement mammaire était noté dans deux cas. Les lésions mammaires étaient de consistance ferme dans
MATÉRIEL ET MÉTHODES Il s’agit d’une étude rétrospective de huit cas de MGI colligés entre janvier 1995 et décembre 1999. Ces huit cas de MGI ont été retenus sur 2 000 cas de prélèvement mammaire (biopsies simples et biopsies exérèses) toutes pathologies confondues. Les critères d’inclusion étaient strictement histopathologiques : nous n’avons retenu pour l’étude que les lésions mammaires granulomateuses de localisation lobulaire. Ces lésions granulomateuses sont faites de cellules inflammatoires polymorphes et /ou de cellules épithélioïdes et géantes sans nécrose caséeuse, avec absence d’agents pathogènes : bacille de Koch à la coloration de Ziehl Nielsen ainsi que des autres agents pathogènes au PAS et à la coloration de Gram.
Tableau I. Tableau récapitulatif épidémiologique, clinique des observations. Obs Sexe Âge (ans) Localisation Ecoulement S. infl 1 2 3 4 5 6 7 8
F F F F F F F F
32 24 70 40 42 43 44 60
D+G D QIE D QII G QSE G QSE D QII G QSE D
Non Non Non Oui Oui Non Non Non
Oui Oui Oui Non Oui Oui Oui Non
Taille, lésion (cm)
Consistance
ADP Axillaires
5 15 8 3 10 7 3 2,5
Ferme Dure Ferme Ferme Dure Dure Dure Dure
+ + – + – – – –
ADP : Adénopathies ; D : Sein droit ; F : Féminin ; G : Sein gauche ; Obs : Observation ; QIE : Quadrant inféro-externe ; QII : Quadrant inféro-interne ; QSE : Quadrant supéro-externe ; S. infl : Signes inflammatoires.
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Mastite granulomateuse idiopathique
trois cas et dure dans cinq cas. Ces lésions étaient fixes par rapport aux plans superficiel et profond chez deux patientes et mobiles chez les six autres patientes. La taille moyenne des lésions était de 6,5 cm avec des extrêmes entre 2,5 et 15 cm de diamètre. L’atteinte du quadrant supéro-externe était prédominante (tableau I). Les adénopathies axillaires étaient présentes chez trois patientes. La mammographie réalisée chez sept patientes objectivait une opacité mammaire bien limitée dans trois cas, mal limitée dans quatre cas et à bords spiculés dans un cas. Un épaississement cutané et des microcalcifications d’allure bénigne étaient présents dans un cas, successivement observation no 1 et 4. L’échographie réalisée chez quatre patientes, a objectivé des images circonscrites hypoéchogènes et homogènes dans deux cas, hypoéchogènes et hétérogènes dans deux cas. L’examen bactériologique réalisé chez cinq patientes a été pratiqué soit sur le liquide d’écoulement mamelonnaire soit sur des échantillons de prélèvement mammaire. Cet examen a objectivé la présence de cocci gram(+) et de staphylocoque chez deux patientes. La cytoponction a été réalisée dans deux cas et a objectivé des cellules inflammatoires polymorphes. La biopsie simple a été pratiquée chez quatre patientes qui présentaient des tuméfactions de grande taille (entre cinq et 15 cm). La biopsie exérèse du nodule ou de la tuméfac-
tion a été pratiquée chez les quatre autres patientes qui présentaient des lésions de taille plus petite. La patiente de l’observation no 5 a bénéficié d’une quadrantectomie après examen extemporané. L’examen histologique montrait un parenchyme mammaire régulier mais remanié par une fibrose plus ou moins extensive associée à un infiltrat inflammatoire polymorphe fait de lymphocytes, de plasmocytes, de polynucléaires neutrophiles, d’histiocytes, de cellules épithélioïdes et de cellules géantes sans nécrose caséeuse (figure 1 et 2). Cette réaction inflammatoire granulomateuse était disposée essentiellement autour des lobules mammaires, et a été retrouvée sur tous les prélèvements mammaires réalisés (figure 3). Le traitement comportait deux volets : médical et chirurgical. Le traitement médical était basé sur la corticothérapie dans cinq cas, les anti- inflammatoires non stéroïdiens dans deux cas et sur l’antibiothérapie dans quatre cas. Le traitement chirurgical était basé sur l’évacuation de l’abcès dans deux cas, une tumorectomie dans quatre cas où le nodule était de petite taille. Une quadrantectomie a été réalisée dans le cas d’une lésion de taille moyenne, une mastectomie abusive dans un cas de suspicion de processus malin au stade avancé (observation no 2) (tableau II). L’évolution, à court et moyen terme, était bonne avec un recul allant de trois à huit mois. Une récidive récurrente à deux reprises a été
Tableau II. Tableau récapitulatif paraclinique, thérapeutique et évolutif des observations. Obs Mammographie Echographie Dg initial Bactériologie Cytologie 1
Opacité mal limitée
2
Non faite
3
Opacité mal limitée
4 5
Opacité bien limitée + microcal. bénigne Opacité mal limitée
6
Opacité mal limitée
7
Opacité bien limitée
8
Opacité bien limitée
Epaississement cutané + LC Hypoéchogène et hétérogène Non faite L.C. Hypoéchogène et hétérogène Non faite LC Hypoéchogène et homogène Non faite LC Hypoéchogène et homogène Non faite
Traitement
Evolution
Abcès du sein
Absence de germe
Non faite
Corticothérapie
Cancer inflammatoire Abcès du Sein
Non faite
Non faite
AINS + mastectomie
Bonne, recul trois mois après dernière récidive puis PDV Perdue de vue
Cocci gram(+) + staphy Absence de germe
Cellules inflammatoires polymorphes Non faite
AINS + ATB
Bonne , recul de quatre mois
Tumorectomie Puis ATB + corticothérapie
Bonne , recul de sept mois
Cocci gram(+) + staphy Absence de germe
Non faite
Evacuation Abcès + ATB quadrantectomie + corticothérapie Tumorectomie +ATB + corticothérapie
Perdue de vue Bonne , recul de quatre mois
Tumorectomie + corticothérapie
Bonne , recul de six mois
Tumorectomie
Bonne , recul de huit mois
Cancer inflammatoire Cancer inflammatoire Cancer inflammatoire Lésions inflammatoire
Non faite
Processus malin
Absence de germe
Cellules inflammatoires polymorphes Non faite Non faite
ATB : Antibiotique ; AINS : Anti-inflammatoires non stéroïdiens ; Dg : Diagnostic ; LC : Lésion Circonscrite ; Microcal : Microcalcification ; Obs : Observation ; PDV : Perdue de vue ; Staphy : Staphylocoque.
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B. Belaabidia et al.
notée chez la patiente de l’observation no 1 dans un délai successif de deux puis six mois (cette observation a fait l’objet d’un cas clinique publié en J Gynécol Obstét Biol Reprod). DISCUSSION
Figure 1. Granulome inflammatoire à localisation lobulaire sans cellules épithélioïdes et géantes. Présence d’une fibrose importante. Grossissement (× 32), hématèine éosine (HE).
Figure 2. Même granulome inflammatoire à cellularité élevée (lymphocytes, plasmocytes et polynucléaires neutrophiles) avec discrète réaction épithélio-gigantocellulaire. Grossissement (× 40) (HE).
Figure 3. Présence de nombreuses cellules épithélioïdes et géantes autour d’un lobule mammaire. Grossissement (× 80) (HE).
La MGI a été décrite pour la première fois par Veyssiere et al. en 1967 [1]. Elle a été réellement individualisée par Kessler et Wolloch [2-6] en 1972. De nombreuses publications ont été rapportées depuis sous différentes dénominations : « mastite granulomateuse idiopathique » [2, 7-10], « mastite granulomateuse lobulaire » [11-15], « mastite périgalactophorique » [16]. L’étiopathogenie de la MGI demeure encore inconnue, cependant plusieurs hypothèses sont évoquées : la théorie inflammatoire relative à des facteurs mécaniques, traumatiques, hormonaux, contraceptifs, métaboliques est retenue par certains auteurs. La lésion commune serait une agression de l’épithélium canalaire à l’origine d’une extravasation des secrétions glandulaires dans le tissu conjonctif du lobule responsable des lésions inflammatoires granulomateuses [11, 12, 16-20]. Pour d’autres, la MGI entrerait dans le cadre de désordres immunologiques plus généraux avec manifestations locales, puisqu’elle présente des analogies histologiques avec des lésions observées au cours de la thyroïdite, de l’orchite ou de la prostatite granulomateuse. En effet, il semblerait exister une réaction d’hypersensibilité retardée entre le contenu protéique normal des canaux galactophores et les cellules immunocompétentes du tissu palléal [2, 6, 19, 21-23]. Environ 120 cas de MGI ont été rapportés dans la littérature entre 1972 et 1999. Mais ce chiffre est vraisemblablement sous estimé [2]. L’âge de survenue au moment du diagnostic varie selon les séries entre 17 et 78 ans [2, 6, 18, 24]. Elle touche surtout les femmes en période d’activité génitale, mais peut être observée en postménopause [13, 19, 20, 24]. Ceci a été observé dans notre série (six femmes étaient en activité génitale et deux étaient ménopausées). Sur le plan clinique, l’état général reste conservé mais comme dans toute pathologie inflammatoire chronique, l’anémie peut parfois être constatée. La fièvre est la plupart du temps absente. Une élévation de la température peut être rencontrée en cas d’abcédation ou en cas d’érythème noueux ou d’oligoarthrite associés [21, 25]. Dans notre série, nous avons noté un cas de conjonctives décolorées, un cas de fièvre à 39,2 °C chez la patiente qui présentait un abcès (observation no 5). La MGI est caractérisée par l’atteinte
Mastite granulomateuse idiopathique
inflammatoire globale ou localisée du sein. Dans notre série, six patientes avaient des signes inflammatoires locaux au moment de l’examen clinique. Les lésions (nodules / tuméfactions) peuvent être bien ou mal limitées, de consistance dure ou ferme [20, 23, 24]. La consistance des lésions dans notre série était dure chez cinq patientes et ferme chez trois autres. La taille des lésions est variable de 0,5 à 10 cm [10, 20, 26], avec une moyenne allant de 5 à 8 cm [24, 27]. Chez nos patientes, la taille moyenne des lésions était de 6,5 cm et variait entre 2,5 et 15 cm de diamètre. La rétraction et l’affaissement mamelonnaire sont rarement rapportés dans la littérature, c’est un argument supplémentaire dans la démarche du diagnostic différentiel avec un processus malin. Nous avons observé un cas de rétraction et d’affaissement mamelonnaire chez une patiente qui présentait une volumineuse tuméfaction abcédée du quadrant supero-externe du sein (observation no 6). Cette rétraction mamelonnaire pourrait s’expliquer par l’extension de la fibrose présente dans les formes évoluées de la MGI. La MGI est souvent unilatérale, mais quelque cas d’atteinte bilatérale ont été rapportés [4, 18, 28-30]. C’était le cas chez une de nos patientes (observation no 1). Les adénopathies axillaires ont été observées dans 60 % des cas (9 /16) par Sellami et al. [24]. Dans notre série, les adénopathies axillaires ont été retrouvées dans trois cas (37,5 %). La mammographie au stade d’inflammation montre une augmentation globale de la densité du sein associée à un épaississement du revêtement cutané. On peut parfois observer une simple opacité nodulaire homogène bien limitée ou une désorganisation des travées donnant des images de tractus divergents [10, 31, 32]. Des microcalcifications bénignes sont parfois notées [31], c’était le cas de l’observation no 4 de notre série. L’échographie est un examen morphologique complétant les données de la mammographie. La MGI se présente sous forme d’image nodulaire hypoéchogène, homogène ou hétérogène [31, 32]. La présence de désordres biologiques au cours de la MGI est fréquemment signalée puisqu’il s’agit d’une pathologie d’allure inflammatoire. En cas de MGI, le bilan étiologique et immunologique comprenant la C3, la C4, la CH50, l’anticorps antinucléaire, l’anti-ADN, le dosage anti-streptolysine et la sérologie syphilitique s’avère normal [33]. Ce bilan peut montrer des anomalies lorsque la MGI est associée à des maladies systémiques. Le bilan immunologique n’a pas été fait dans notre série par défaut de moyens. L’analyse bactériologique à
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la recherche des germes banals chez les patientes dont l’évolution s’est faite vers l’abcédation demeure presque tout le temps négative [27, 33]. Le bilan bactériologique réalisé dans notre série chez les deux patientes dont l’évolution s’est faite vers l’abcédation, a objectivé la présence de staphylocoque et de cocci gram(+) (observations no 3 et 5). L’examen histologique minutieux des deux cas était en faveur de MGI et non de MG infectieuse. La cytoponction est une technique intéressante, mettant en évidence, les cellules épithélioïdes de type Langhans ou de type Müller. À celle-ci s’ajoutent en proportion variable des cellules macrophagiques, des cellules spumeuses, des lymphocytes et des plasmocytes. Des cellules épithéliales peuvent être présentes et comportent parfois de légères atypies de régénération pouvant à tort évoquer la malignité [8, 20, 34-37]. Sur les prélèvements cytologiques, des colorations spéciales (PAS, Grocott…) à la recherche d’agents pathogènes peuvent être effectuées. L’examen bactériologique du prélèvement permet d’isoler le germe. La cytoponction présente des limites liées à des problèmes techniques et /ou d’interprétation. Cependant la biopsie assure le diagnostic de certitude de la MGI [8, 20, 33-39]. L’étude histologique montre un parenchyme mammaire remanié par des foyers de fibrose, siège d’un infiltrat inflammatoire polymorphe. Les foyers de fibrose sont essentiellement périlobulaires et s’étendent parfois vers les canaux galactophoriques. La fibrose peut avoir une disposition radiaire en s’étendant vers la peau, elle est responsable de la rétraction mamelonnaire. L’infiltrat inflammatoire est assez polymorphe, hétérogène et de localisation lobulaire. Il est riche en lymphocytes, en plasmocytes, en polynucléaires neutrophiles et en histiocytes. Il existe parfois associé à cet infiltrat inflammatoire des granulomes épithéliogigantocellulaires sans nécrose caséeuse. Les colorations de Ziehl-Nielsen, de Gram et de PAS à la recherche de micro-organismes sur les coupes histologiques demeurent négatives [18, 35]. Les lésions granulomateuses sont habituellement confinées aux lobules. Elles peuvent parfois dépasser les territoires lobulaires dans les stades avancés. À l’infiltrat inflammatoire cellulaire, peuvent être associés des foyers de nécrose au sein des acini et des canaux intra-lobulaires ; des foyers de suppuration amicrobiens peuvent aussi se constituer. La suppuration serait plutôt liée à un processus inflammatoire non infectieux comme en témoigne l’absence d’agent pathogène rapporté par la majorité des auteurs [18, 35]. L’étude immuno-histochimique permet l’étude du phénotype
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B. Belaabidia et al.
de la population lymphocytaire présente dans la MGI [5, 11, 22, 38, 40]. La nature B ou T de l’infiltrat lymphocytaire varie en fonction de sa topographie et de l’âge de la mastopathie. Dans un stade précoce de la maladie, l’infiltrat lymphocytaire essentiellement intraépithélial, est de nature B. À un stade plus tardif comme en atteste l’étendue de la fibrose, il existe un afflux massif au niveau du stroma lobulaire de lymphocytes T. Ceci peut suggérer une origine inflammatoire de la réaction granulomateuse [17, 40]. Cependant, des études réalisées sur matériel congelé ont mis en évidence une expression anormale des antigènes HLA de classe II par les cellules épithéliales appuyant ainsi la théorie auto-immune qui reste actuellement la plus admise [40]. Le diagnostic différentiel de la MGI se pose cliniquement avec la mastite carcinomateuse avec rétraction mamelonnaire, dureté, fixité, peau d’orange et adénopathies. Le diagnostic de la MGI peut également se poser avec les mastites infectieuses bactériennes, parasitaires et mycotiques ainsi qu’avec les lésions granulomateuses non infectieuses (granulome lipophagique ou cytostéatonécrose, sarcoïdose, mastite à plasmocyte, mastite lymphocytaire etc.). L’examen histologique permet de différencier entre ces pathologies. Le traitement de la MGI est chirurgical par exérèse large des lésions associée à un traitement médical. Ce dernier est à base d’une corticothérapie (30 à 60 mg/j) pendant plusieurs semaines [4, 22, 24, 26, 41]. L’antibiothérapie peut se justifier en cas d’abcédation en attendant les résultats bactériologiques. L’évolution est la plupart du temps favorable en quelques semaines à quelques mois [24, 41], avec régression des signes cliniques, biologiques et histologiques. Des cas de rechutes ou de récidives ont été rapportés plusieurs années après la période de guérison [18, 26, 29]. Ceci impose une surveillance sur une période relativement longue après guérison de la maladie. L’incidence des récidives reste faible et doit être traitée par la corticothérapie [13, 20, 33]. Cinq de nos patientes ont été mises sous corticothérapie avec exérèse de la lésion. La majorité de nos patientes ont été perdue de vue avec un recul de trois à huit mois ce qui ne nous permet pas d’apprécier l’évolution à long terme. CONCLUSION La MGI est une entité peu connue et pose un véritable problème de diagnostic différentiel avec les autres mastites, notamment avec la mastite carcinomateuse. C’est souvent au pathologiste qu’appartient le diagnostic défi-
nitif, tant l’anamnèse que l’aspect radiologique peuvent égarer le sénologue. La suspicion clinique d’une MGI justifie une exploration chirurgicale avec une analyse histologique et bactériologique du prélèvement tissulaire. Une fois le diagnostic confirmé, le traitement de choix est une exérèse large des lésions, associée à une corticothérapie pour éviter toute récidive. RE´FE´RENCES 1 Veyssiere C, Vives M, Smadja A. Difficultés diagnostiques de la tuberculose mammaire. Le problème de la mastite granulomateuse. Lille Chir 1967 ; 22 : 104-9. 2 Ayeva MD, Perrotin F, Le Franc TQ. Mastite granulomateuse idiopathique. Revue de la littérature illustrée par quatre observations. J Gynécol Obstét Biol Reprod 1999 ; 28 : 800-7. 3 Cohen C. Granulomatous mastitis. A review of 5 cases. South Afr Med J 1977 ; 52 : 14-6. 4 De Hertogh DA, Rossof AH, Deborah A. Prednisone management of granulomatous mastitis. N Eng J Med 1980 ; 304 : 799-800. 5 Imotos S, Kiyata T, Kodama T. Idiopathic granulomatous mastitis. Case report and review of the literature. JPM. J Clin Oncol 1997 ; 27 : 274-7. 6 Kessler E, Wolloch Y. Granulomatous mastitis. A lesion clinically simulating carcinoma. Am J Clin Pathol 1972 ; 58 : 642-6. 7 Demade R, Pouchot J, Vinceneux P. Idiopathic granulomatous mastitis and extramammary manifestation. Arch Pathol Lab Med 1995 ; 119 : 680. 8 Paksoy N, Kaur AC, Muezzinoglu B. Idiopathic granulomatous mastitis. Report of a case diagnosed with fine needle aspiration cytology. Acta Cytol 1999 ; 43 : 481-4. 9 Sanctis DP, Maglietta R, Betta PG. Idiopathic granulomatous mastitis. Report of case clinically and mammographically simulating breast carcinoma. Pathologica 1994 ; 86 : 222-3. 10 Van Ongeval C, Schraepen T, Van Steen A. Idiopathic granulomatous mastitis. Eur Radiol 1997 ; 7 : 1010-2. 11 Foury HK, Lulu Al Bhlal. Granulomatous lobular mastitis. A clinicopathological study of 12 cases. Ann Saudi Med 1997 ; 17 : 43-6. 12 Gabor C. Granulomatous lobular mastitis drug induced galactorrhea and blunt trauma. Breast J 1999 ; 5 : 398-403. 13 Howell JD, Baker F. Granulomatous mastitis. Report of a further two cases and a comprehensive literature review. Breast 1994 ; 3 : 119-23. 14 Shyamala CB, Prasad KRK, Gajamam RAO. Chronic granulomatous mastitis. Review of 26 cases with special reference to chronic lobular mastitis. Indian J Pathol Microbiol 1992 ; 35 : 38-43. 15 Tournemaine N, Nomballais F, Weber J, Bebrand AF. Les lésions granulomateuses du sein. Leur place dans la pathologie inflammatoire mammaire. J Gynécol Obstét Biol Reprod 1987 ; 16 : 75-83. 16 Pons JY. La mastite granulomateuse péri-galactophorique. Signification nosologique dans le cadre de l’auto-immunité mammaire. Gynécologie 1982 ; 33 : 493-500. 17 Axelsen RA, Reasbeck P. Granulomatous lobular mastitis. Report of a case with previously undescribed histopathological abnormalities. Pathology 1988 ; 20 : 383-9. 18 Fletcher A, Magrath. Granulomatous mastitis. A report of seven cases. J Clin Pathol 1982 ; 35 : 941-5. 19 Plouvier B, De Conick P, Bouton Y, Wohischies E. Mastite granulomateuse associée à une dermo-hypodermite nodulaire. Ann Méd Int 1994 ; 145 : 265. 20 Yip C, Jayaram G, Swan M. The value of cytology in granulomatous mastitis. A report of 16 cases from Malaysia. Aust NZJ Surg 2000 ; 7 : 103-5. 21 Adams DH. Granulomatous mastitis. A rare cause of erythema nodosum. Postgraduate. Med J 1987 ; 63 : 581-2.
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