fiche pharmacothérapeutique pratique
Médicaments du psoriasis (2/2) La prise en charge du psoriasis fait appel à de nombreuses thérapeutiques dont le choix dépend de la nature des lésions, de leur localisation et de leur importance. Certains de ces traitements, à base d’immunosuppresseur comme la ciclosporine ou le méthotrexate, requièrent une grande attention lors de la délivrance, notamment du fait d’interactions médicamenteuses importantes. Le pharmacien peut aider le patient à prendre conscience de sa maladie, à l’accepter et à utiliser au mieux les traitements prescrits. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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a prise en charge médicamenteuse du psoriasis peut se satisfaire de traitements locaux tels que des kératolytiques, des dermocorticoïdes, des dérivés de la vitamine D, des rétinoïdes, des rayons ultraviolets (UVA ou UVB), mais bien souvent le recours à des médicaments administrés par voie générale s’avère nécessaire. Évidemment, ces derniers sont généralement pourvoyeurs d’effets secondaires ou d’interactions avec d’autres traitements.
Interactions médicamenteuses De nombreuses associations contre-indiquées sont retrouvées avec les traitements du psoriasis. Certaines sont communes à tous les médicaments cytotoxiques ou immunosuppresseurs comme les vaccins vivants atténués (en particulier le vaccin anti-amarile) ou spécifiques à chaque classe. F Les rétinoïdes sont contre-indiqués en association avec : • les cyclines (risque d’hypertension intracrânienne) ; • le méthotrexate (risque d’hépatite) ; • la vitamine A (risque d’hypervitaminose). F Le méthotrexate ne doit pas être associé : • à l’acide acétylsalicylique à dose antalgique, aux antipyrétiques et anti-inflammatoires (pour des doses de méthotrexate supérieures à 20 mg par semaine), ainsi qu’aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ; • à la phénytoïne (risque de convulsions) ; • à la triméthoprime, aux pénicillines, au probénécide (majoration de la toxicité hématologique). F La ciclosporine est contre-indiquée en association avec : • les médicaments néphrotoxiques (méthotrexate, aminosides, organoplatines, produits de contraste iodés, inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC], antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II [ARA II]) ; • les inducteurs et les inhibiteurs enzymatiques du CYP 3A4 ; • les cibles de la P-gp (rosuvastatine).
Actualités pharmaceutiques • n° 540 • novembre 2014 •
Série non classées Médicaments du psoriasis (1/2) Médicaments du psoriasis (2/2) Médicaments antiépileptiques (1/2) Sébastien FAURE Professeur des Universités Faculté de pharmacie, Université d’Angers, 16 boulevard Daviers, 49045 Angers, France
Associations Il est possible d’associer vitamine D et dermocorticoïdes. Cela permet de diminuer les doses de corticoïdes et donc leurs effets secondaires. Des spécialités à usage local contenant cette association sont commercialisées : Daivobet® gel ou pommade, ou Xamiol® gel.
Modalités de prescription F Lors de la première prescription de rétinoïdes généraux chez une femme en âge de procréer, un dermatologue doit lui remettre un carnet de suivi et lui faire signer un accord de soins et de contraception. La patiente y certifie avoir été informée du risque de malformation chez l’enfant en cas de grossesse pendant le traitement et les deux ans qui suivent son arrêt. Elle s’engage à utiliser une contraception efficace au minimum un mois avant le début du traitement, pendant toute sa durée et durant les deux ans suivant son arrêt. Un test de grossesse (dosage plasmatique de bêtaHCG) doit être réalisé durant les trois jours précédant la prescription initiale. Les résultats doivent être inscrits dans le carnet de suivi. Si le test de grossesse est positif, le pharmacien ne peut pas délivrer le médicament. F Afin d’éviter que la contraception soit inefficace, la patiente ne devra pas consommer d’alcool pendant le traitement et durant les deux mois qui suivront son arrêt. F Tout médecin peut renouveler la prescription initiale annuelle du dermatologue sur la base d’un test de grossesse négatif datant de moins de trois jours. Chaque prescription est valable pour un mois et la dispensation doit avoir lieu dans les sept jours suivants. Le pharmacien doit alors systématiquement vérifier le résultat des tests de grossesse et noter la date de délivrance du médicament sur le carnet de suivi. F Les anti-TNF (étanercept, adalimumab) et l’ustékinumab sont des médicaments d’exception à prescription initiale hospitalière (PIH) annuelle, réservée à certains spécialistes, et dont le renouvellement est restreint aux mêmes spécialistes en ville. Dans tous les cas, la prescription s’effectue sur une ordonnance à quatre
Adresse e-mail :
[email protected] (S. Faure).
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Pour en savoir plus • Paul C, Gallini A, Maza A et al. Evidence-based recommendations on conventional systemic treatments in psoriasis: Systematic review and expert opinion of a panel of dermatologists. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2011;25(suppl 2):2-11. • Papoutsaki M, Costanzo A. Treatment of psoriasis and psoriatic arthritis. BioDrugs. 2013;27(suppl 1):3-12.
volets. À chaque renouvellement, le patient doit présenter la PIH datée de moins d’un an. Un exemplaire de l’ordonnance doit être conservé pendant trois ans à l’officine. F Rémicade® est réservé à l’usage hospitalier. Le patient doit rester en observation pendant une heure après la perfusion, en raison de possibles réactions d’hypersensibilité pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique. Il doit toujours détenir sur lui sa carte de signalement remise à l’instauration du traitement.
gels et crèmes de douche hypoallergéniques (Lipikar®, pain dermatologique au lait d’avoine, Exomega® gel moussant, Ictyane® crème de douche). Pour le visage, il peut être préconisé d’utiliser la Gelée Micellaire® cristalline ou encore l’Eau Nettoyante Sensiphase®, qui peuvent également servir au démaquillage.
Stratégie thérapeutique
Protection solaire
Avant tout traitement, il est nécessaire d’informer le patient sur la maladie et son évolution, et de lui préciser que les traitements ne la guériront pas, mais permettront une disparition transitoire des lésions. Le choix de la thérapeutique est fonction de la sévérité du psoriasis, évaluée au regard de l’étendue des plaques ainsi que de son retentissement sur la qualité de vie.
Le soleil possède des effets positifs sur les lésions psoriasiques. Cependant, certains traitements comme les rétinoïdes étant fortement photosensibilisants, il est nécessaire que le patient se protège des effets nocifs des UVA et UVB en utilisant une protection solaire adaptée, c’est-à-dire des produits à haute protection (SPF 50). Les soins solaires doivent être appliqués toutes les deux heures. Lors de la dispensation du médicament administré avant la puvathérapie, le pharmacien doit informer le patient du risque de photosensibilisation des psoralènes et lui conseiller de se méfier du soleil durant le reste de la journée : protéger les parties du corps découvertes, porter des lunettes de soleil efficaces contre les UVA pendant au moins huit à dix heures, appliquer de la crème solaire.
Conseils associés Les conseils au patient sur le soin de sa peau au quotidien complètent le traitement médicamenteux. Ces deux aspects de la prise en charge sont complémentaires et indispensables pour une bonne efficacité thérapeutique.
Hydratation Une hydratation quotidienne est nécessaire afin de limiter les démangeaisons et les tiraillements de la peau, en particulier après les séances de puvathérapie (UVB). F Les soins hydratants classiques sont des formes galéniques plus ou moins grasses. Le baume, constitué uniquement d’une phase huileuse, est utilisé sur les parties particulièrement sèches telles que les genoux, les coudes et les lèvres (Baume Lipikar®). Les crèmes et laits pénètrent plus rapidement et ne laissent pas de film gras sur la peau, pouvant ainsi être utilisés sur tout le corps : Crème Ictyane®, Triéxérat®, lait Supléance corps®, Psoriane Saint Gervais® lait hydratant. F Les crèmes kératolytiques sans acide salicylique, enrichies en alpha hydroxy-acides (AHA), au pouvoir kératolytique, sont le plus couramment utilisées (Ikériane® crème émolliente). F Certains soins kératolytiques contiennent de l’acide salicylique : Akérat 30® émulsion contient de l’acide lactique (AHA) et de l’urée à 30 %, possédant un effet kératolytique. L’acide salicylique stabilise l’urée et potentialise ainsi son action.
Hygiène Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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Pour la toilette, il est conseillé de ne pas utiliser de produits irritants afin d’éviter le risque d’apparition du syndrome de Kœbner (plaques de psoriasis sur la peau saine). Il convient d’utiliser des pains dermatologiques,
Maquillage Il est possible d’utiliser du maquillage (hypoallergénique, non comédogène) pour atténuer les rougeurs du visage.
Choix de la forme galénique des dermocorticoïdes F Les pommades lipophiles sont plutôt utilisées sur des lésions épaisses, sèches et chroniques (jamais au niveau des plis car il existe un effet occlusif macérateur). F Les crèmes (comportant une phase hydrophile et une phase lipophile) sont indiquées sur des lésions aiguës suintantes, au niveau des plis et des muqueuses. F Les lotions et gels peuvent être utilisés au niveau des régions pileuses.
Surveillance du risque infectieux La ciclosporine, le méthotrexate et les biothérapies fragilisent les défenses immunitaires et exposent ainsi les patients à des risques d’infections pouvant être graves. Il est donc important d’apprendre à identifier ces derniers (fièvre, infection urinaire ou dentaire, perte de poids, diarrhée) afin de pouvoir être pris en charge dans les meilleures conditions.
Conseils spécifiques pour la dispensation des rétinoïdes Les rétinoïdes doivent être appliqués uniquement sur les lésions psoriasiques car ces produits peuvent entraîner des irritations au niveau de la peau saine. w
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