Mesure de la qualité de vie des patients atteints de cancer colorectal métastatique : techniques et principaux résultats

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La revue de médecine interne 23 (2002) 703–716 www.elsevier.com/locate/revmed

Mise au point

Mesure de la qualité de vie des patients atteints de cancer colorectal métastatique : techniques et principaux résultats Measure of quality of life in patients with metastatic colorectal cancer: techniques and main results T. Conroy a,b,*, F. Guillemin b, M.C. Kaminsky a a

Département d’oncologie médicale, centre Alexis-Vautrin, 6, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France b UPRES EA 1124 « Epidémiologie clinique, prévention et qualité de vie » École de santé publique, faculté de médecine, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France Reçu le 24 juillet 2001 ; accepté le 26 février 2002

Résumé Propos. – Le but d’une chimiothérapie palliative pour cancer colorectal est d’allonger la survie et de maintenir ou améliorer la qualité de vie. L’objectif de cet article est de faire le point sur les outils de mesure de la qualité de vie, examiner les données publiées sur la qualité de vie des patients atteints de cancer colorectal métastatique et analyser les biais et limites de ces études. Actualités et points forts. – Malgré son caractère subjectif et pluridimensionnel, la qualité de vie est mesurable par des autoquestionnaires psychométriques. La mesure de la qualité de vie possède une valeur pronostique et a un intérêt descriptif, permettant de mieux connaître les conséquences de la maladie et des traitements. Sous chimiothérapie, la qualité de vie est au moins maintenue pour plus de la moitié des patients, surtout en cas de réponse ou si la chimiothérapie n’est pas trop toxique. L’appréciation de la qualité de vie pose de nombreux problèmes méthodologiques, et nécessite une bonne organisation pour éviter les biais liés aux questionnaires manquants. Perspectives et projets. – Les qualités psychométriques des questionnaires spécifiques de cancer colorectal les plus connus (EORTC QLQ-CR 38, FACT-C) devraient être vérifiées en langue française. Un consensus international sur le choix des méthodes adéquates de mesure de la qualité de vie en cancérologie paraît indispensable afin d’améliorer à la fois la compliance, la rigueur dans l’analyse des données, la précision des données publiées, et mieux interpréter les résultats. © 2002 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – Until the 1990s, the patient’s duration of life was the main measure for determining the value of palliative chemotherapy for colorectal cancer. Quality of life recently appeared as a main end point. The aim of this article is to provide an overview of the instruments used to measure quality of life in patients with metastatic colorectal cancer, to review the published data and to analyse the bias and methodological problems. Current knowledge and key points. – QoL is a multidimensional subjective concept, which can be measured using psychometric instruments. Quality of life measurement has a descriptive and prognostic value. Results from quality of life assessment in randomized trials have given useful information and help patients and physicians to choose between treatment options. More than half of the patients with palliative chemotherapy had at least stabilization of quality of life. Response to chemotherapy and side-effects influence quality of life. Quality of life assessment clearly requires methodological improvement. Missing data are a particularly difficult problem, which should be improved by a better organization.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Conroy). © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. PII: S 0 2 4 8 - 8 6 6 3 ( 0 2 ) 0 0 6 4 5 - 8

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Future prospects and projects. – Psychometric properties of EORTC QLQ-CR38 et FACT-C should be checked in French language. An international consensus on methods of measurement of quality of life in oncology is warranted to enhance compliance, to better interpret quality of life results et to optimize publications of precise quality of life data. © 2002 E´ ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Cancer colorectal ; Qualité de vie ; Chimiothérapie Keywords: Colorectal cancer; Quality of life; Chemotherapy

Pour les personnes en bonne santé, la notion de qualité de vie se réfère à des notions telles que la richesse, les loisirs, l’autonomie, la liberté… en bref tout ce qui rend une vie enviable ou agréable au quotidien. Le concept utilisé ici de « qualité de vie liée à la santé » est différent et chaque malade aura sa propre échelle de valeurs. Il est toutefois possible de repérer des éléments communs, et rendre ainsi le concept opérationnel. La qualité de vie liée à la santé connaît de nombreuses définitions ; elle peut être définie de façon fonctionnelle par les perceptions des malades de leurs possibilités dans quatre domaines principaux : bien-être physique et activités quotidiennes, bien-être psychologique, relations sociales et symptômes. La qualité de vie ne peut pas être assimilée à la seule dimension physique, approchée par des outils historiques comme l’indice de Karnofsky ou l’échelle OMS [1-3]. La qualité de vie est un concept à la fois pluridimensionnel, individuel et subjectif. Chez une personne malade, la qualité de vie est une notion relative, qui se réfère au niveau de satisfaction vis-à-vis de ses possibilités actuelles, comparées à celles qu’il estime possibles ou idéales. Dans certaines situations, « je me sens bien » signifie en fait « cela va bien tant que la situation n’est pas pire ». La qualité de vie est donc aussi un concept évolutif au cours de la maladie. En situation palliative, les buts d’une chimiothérapie pour cancer colorectal métastatique sont de prolonger la survie, de contrôler les symptômes et de maintenir ou d’améliorer la qualité de vie [4]. L’intégration de la qualité de vie en tant qu’objectif prioritaire résulte d’un consensus récent. La mise à disposition d’instruments de qualité de vie simples et fiables a contribué à populariser sa mesure, en particulier au cours des essais thérapeutiques. Dès 1993, le Medical Research Council a conclu à la nécessité d’intégrer la mesure de la qualité de vie dans les essais cliniques [5]. De même, la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO) et la « Food and Drug administration » ont recommandé de privilégier les critères liés aux malades (survie et qualité de vie) plutôt que ceux liés au cancer, taux et durée de réponse [6,7]. Depuis, la plupart des groupes de recherche internationaux utilisent la qualité de vie comme critère de jugement secondaire des essais thérapeutiques contrôlés menés en maladie métastatique. Cependant, introduire un questionnaire de qualité de vie en recherche clinique néces-

site une organisation adéquate et représente un coût supplémentaire. Sa mesure n’est donc pas systématique ; elle est surtout pratiquée lorsque l’un des traitements proposés est complètement nouveau ou coûteux, lorsque les traitements sont toxiques ou susceptibles de laisser des séquelles, ou encore lorsque la survie sera médiocre en dépit des traitements [8].

1. Comment mesurer la qualité de vie ? Il peut apparaître surprenant qu’un concept aussi subjectif puisse faire l’objet d’une mesure. Pourtant, de nombreux instruments ont été établis pour attribuer à cette donnée qualitative une valeur quantitative. Ces outils ont fait l’objet d’un long développement ayant prouvé leur validité et leur reproductibilité. Dans les essais thérapeutiques, la qualité de vie est appréciée par des instruments psychométriques, c’est-à-dire des autoquestionnaires à réponses fermées qui sont remplis par les malades. En effet, une étude [9] a permis de comparer les opinions des médecins et de leurs patients atteints de cancers colorectaux : les scores de qualité de vie estimés par les médecins ont été de 12 % inférieurs à ceux donnés par les patients (p < 0,0001). D’autres études ont confirmé des discordances d’appréciation entre patients et soignants [10,11]. Seul le malade lui-même est donc apte à apprécier sa qualité de vie. Les possibilités de réponse aux questionnaires sont soit dichotomiques (oui/non), soit ordonnées en intensité (un peu, assez, beaucoup, énormément) ou en fréquence. Les questions portent sur une période donnée, généralement la semaine qui vient de s’écouler. On distingue les questionnaires génériques et spécifiques. Les questionnaires génériques sont applicables aux personnes en bonne santé et pour toutes les pathologies. Les plus connus sont le SF-36 [12], le Nottingham Health Profile [13], le Sickness Impact Profile [14], et l’EuroQol [15]. On leur oppose les questionnaires spécifiques qui ne s’appliquent qu’aux patients atteints de cancers. Les plus utilisés sont l’indice de Spitzer, initialement conçu pour être rempli par les soignants [16], le Rotterdam Symptom Checklist (RSCL [17]), le Functional Living Index–Cancer (FLIC [18]), le Functional Assessment of Cancer Therapy-General (FACT-G [19]) et le

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Tableau 1 Principales caractéristiques des échelles spécifiques de cancer les plus utilisées Nom du questionnaire référence

Indice de Spitzer [16]

FLIC [18]

FACT-G [19]

EORTC QLQ-C30 [20]

Juge Période étudiée Nombre d’items Syntaxe Contenu

Médecin Dernière semaine 5 Propositions Vie quotidienne

Possibilités de réponse Sous-scores Score global Origine .

3 Aucun Oui Canada

Malade 2 dernières semaines 22 Questions Problèmes existentiels et symptômes 7 Aucun Oui Canada

Malade 8 derniers jours 26 Propositions Vie quotidienne et problèmes existentiels 5 5 Oui USA

Malade Semaine passée 30 Questions Vie quotidienne et symptômes 4à7 15 Non Europe

QLQ-C30 de l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (EORTC [20]). Leurs principales caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1. Le FACT-G et le QLQ-C30 sont des outils généraux (« core questionnaire »), applicables à toute forme de cancer, auxquels s’adjoignent des modules destinés à explorer des domaines spécifiques (fatigue, spiritualité, par exemple) ou liés à l’organe. La sensibilité aux changements pourrait peut-être être améliorée en posant des questions plus orientées vers le cancer colorectal. C’est le cas des questions du module colorectal de l’EORTC, le QLQ-CR38, comprenant 38 items [21], du module côlon du FACT (FACT-C) comportant 9 questions [22], ou du module de conservation sphinctérienne ASCT (Anal Sphincter Conservative Treatment), construit et validé au CHU de Besançon [23]. Malheureusement, le FACT-C et le CR-38 de l’EORTC ont été traduits, mais les qualités psychométriques de ces modules en version française ne sont pas connues. De plus, à notre connaissance, aucune utilisation de ces questionnaires en maladie métastatique n’a été publiée sauf dans une courte série ayant utilisé le FACT-C [24]. Enfin, la période des soins purement symptomatiques, des questionnaires plus courts et/ou plus spécifiques peuvent être utilisés pour apprécier la qualité de vie des patients ou les besoins de leur famille [25]. Parmi ceux-ci, le questionnaire McGill de qualité de vie [26] et le SEIQoL [27] sont disponibles en français.

2. Quel questionnaire choisir ? La plupart des questionnaires ayant été mis au point en langue anglaise, il est indispensable de choisir un questionnaire de qualité de vie validé et adapté à la culture française [28]. Ce choix prendra en compte l’objectif de l’étude, le contenu de l’instrument, et surtout sa sensibilité au changement. Le choix d’un instrument de qualité est aussi la meilleure garantie de l’acceptabilité. Celle-ci dépend entre autres de la durée de remplissage, de la clarté des instruc-

tions, de la présentation du questionnaire, du nombre d’items et du caractère non intrusif et simple des questions. Peu d’études spécifiques des cancers colorectaux permettent d’orienter le choix. Une étude [9] a comparé chez 128 malades atteints de cancer colorectal, en phase de soins palliatifs, quatre instruments : une échelle visuelle analogique (EVA) de qualité de vie globale, le FLIC, l’indice de Spitzer et un pictogramme comportant sept dessins de visages de « très triste » à « très heureux ». Les scores des différents instruments ont été fortement corrélés entre eux. Le pictogramme n’a pas apporté d’information utile. La corrélation entre EVA et indice de Spitzer a été médiocre, l’indice de Spitzer cotant dans l’ensemble plus haut (p < 0,001) et présentant un effet plafond, c’est-à-dire que le score de qualité de vie est souvent très élevé. Enfin, l’EVA s’est montré plus sensible aux changements que le FLIC. Les auteurs concluent à l’intérêt d’une EVA de qualité de vie globale dans un contexte de soins palliatifs, en particulier comme test de débrouillage : si l’EVA est dans les normes, il n’est pas nécessaire de remettre un questionnaire complexe ; au contraire, si l’exploration par l’EVA détecte une anomalie, un questionnaire pluridimensionnel permettra de préciser l’origine et la nature du problème [29]. Une autre étude a évalué l’acceptabilité de trois questionnaires spécifiques : FACT-G, EORTC QLQ-C30 et FLIC [30]. Soixante patients atteints de cancer colorectal ont rempli le questionnaire FACT-G (version 3), puis dans un ordre aléatoire le QLQ-C30 (version 3.0) et le FLIC. Le taux de questions jugées confuses par les patients, a été respectivement de 1,9, 0,56, et 1,1 %. Les questions ont été considérées comme dérangeantes dans respectivement 1, 0,05 et 0,22 %. Le QLQ-C30 a donc présenté la meilleure acceptabilité. Il a été également le plus rapide à remplir (7 min 52 s versus 10 min 14 s pour le FACT-G). Les patients ayant exprimé leurs préférences, le QLQ-C30 a été choisi par 47 % des patients versus 20 % pour le FACT-G et 12 % pour le FLIC (p < 0,02). Il est possible qu’une des raisons de cette préférence soit que le QLQ-C30 pose des questions au lieu de proposer des affirmations.

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Conçu pour les essais thérapeutiques, le QLQ-C30 comprend cinq domaines fonctionnels (physique, social, psychologique, cognitif, activités quotidiennes), trois échelles de symptômes (fatigue, douleur, nausées/vomissements) et une échelle de qualité de vie globale [20]. Cinq autres questions explorent d’autres symptômes tels que l’anorexie et la diarrhée. Les propriétés psychométriques du QLQ-C30 dans les cancers colorectaux ont été vérifiées dans une étude ayant inclus 351 patients [31]. En revanche, pour l’utilisateur, son interprétation est complexe puisqu’il comporte 15 scores à analyser séparément. Un score global peut être calculé à partir des deux dernières questions, portant sur l’état de santé et la qualité de vie globale. Osoba et al. [32] ont pris l’avis de patients sur l’importance des changements qu’ils avaient observés entre deux QLQ-C30. Selon eux, une différence de 5 à 10 points traduit un léger changement, une différence de 10 à 20 points marque un changement moyen et une différence de plus de 20 points est le signe d’un grand changement. Cette étude permet d’avoir une idée de la signification clinique d’une variation de score de ce questionnaire.

3. Intérêt de la mesure de la qualité de vie Il y a plusieurs raisons de mesurer la qualité de vie. Il s’agit d’une démarche appréciée des patients qui améliore significativement la satisfaction des soins [33]. Le seul fait de remettre un questionnaire pourrait améliorer la qualité de vie des malades (effet Hawthorne), et de ce fait, à la fois apporter un bénéfice et poser des problèmes d’interprétation [34]. Le remplissage d’un questionnaire de qualité de vie par des malades permet une meilleure description des symptômes de cancer colorectal métastatique et des conséquences des traitements effectués. Ceci permet de faire contrepoids aux insuffisances du jugement clinique. C’est ainsi par exemple, que dans l’étude randomisée ayant comparé le raltitrexed à une chimiothérapie associant 5 fluorouracile (5-FU) et acide folinique (association FUFOL), il est apparu, au travers du questionnaire QLQ-C30, une fréquence deux fois plus élevée de nausées et vomissements en cas de chimiothérapie par raltitrexed (p = 0,001) alors que, pour les investigateurs, il n’y avait pas de différence significative entre les deux chimiothérapies dans la survenue des nausées et vomissements de grade 3 ou 4 [35]. De même, dans une autre étude, une incidence élevée de symptômes a été relevée dans les questionnaires de qualité de vie remplis par des patients considérés par leurs médecins comme asymptomatiques [11]. En fait, 44 % avaient des symptômes liés à la maladie. Les symptômes les plus souvent négligés par les médecins étaient la fatigue, la dépression, l’irritabilité, les douleurs et les troubles du

sommeil. Les auteurs se posent la question de savoir si les médecins sont insensibles à des symptômes considérés comme mineurs ou si ce sont les patients qui n’en font part que lorsque ces manifestations sont sévères. Cette dernière hypothèse est la plus vraisemblable, d’après une étude comparative entre la fréquence des symptômes déclarés spontanément par les malades et ceux signalés sur des questionnaires de qualité de vie [36]. Ces données pouvaient laisser espérer un bénéfice individuel pour un patient remplissant un questionnaire de qualité de vie, la lecture des réponses pouvant conduire l’équipe soignante à modifier les traitements et mieux répondre aux attentes du patient. Une étude randomisée a été entreprise pour prouver l’existence de ce bénéfice chez des patients ambulatoires. Quatre cent cinquante patients atteints surtout de cancers pulmonaires, ORL et gynécologiques (dont 43 % en phase de rémission) ont été inclus. Les questionnaires (EORTC QLQ-C30, Cancer Needs Questionnaire, Beck Depression Inventory) ont été remplis sur écran tactile. L’acceptabilité a été excellente. Pour 300 patients, les résultats ont été rendus à l’oncologue et à l’infirmière (groupe intervention) et 150 patients formaient le groupe témoin où les résultats n’étaient pas transmis. Les mêmes questionnaires ont été remis à deux mois et six mois plus tard. Il n’y a aucune différence en termes de qualité de vie entre les deux groupes, peut-être parce que l’étude s’adressait à des patients en bon état général (OMS 0 ou 1 : 89 %). Cependant, dans le sous-groupe de patients ayant une dépression modérée ou sévère, une amélioration significative de la dépression a été observée à deux et six mois dans le groupe intervention. Ces questionnaires peuvent donc identifier et traiter efficacement des patients présentant des dépressions modérées ou sévères [37]. D’autres études de ce type sont en cours. La qualité de vie a un intérêt pronostique : le pronostic à l’inclusion d’un essai thérapeutique pour cancer colorectal métastatique est corrélé à la qualité de vie. En analyse unifactorielle, sept études [9,38-43], ont montré que la qualité de vie (en particulier domaines physique et social, activités quotidiennes, qualité de vie globale) était pronostique de survie. Dans cinq études [39-43], la qualité de vie (ou certains domaines de celle-ci) constitue un facteur pronostique indépendant de survie en analyse multifactorielle. Sa valeur pronostique est supérieure à celle du volume tumoral [40]. Pour le QLQ-C30, la valeur pronostique des scores a été étudiée en analyse multifactorielle dans trois études et l’anorexie y est apparue comme le facteur pronostique majeur [41-43]. Les scores des domaines physique, social, d’activités et de qualité de vie globale ont été corrélés à la survie dans l’une des études [41]. Les nausées ou vomissements, la fatigue, les douleurs, et les troubles du sommeil ont été également associés à une survie réduite. Une autre série a montré que la qualité de vie

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globale, la fatigue et le niveau de dépression étaient pronostiques de survie [43]. Si ces notions sont confirmées, certains scores de qualité de vie pourraient donc être utilisés comme variables de stratification dans les essais thérapeutiques. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision, ce que nous allons développer à travers la présentation des résultats d’essais randomisés de chimiothérapie palliative.

4. Mesure de la qualité de vie chez des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique 4.1. Chimiothérapie ou traitement symptomatique Sept études (Tableau 2) ont comparé les effets sur la qualité de vie, d’une chimiothérapie palliative et ceux d’un traitement purement symptomatique (avec ou non une

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chimiothérapie différée lors de l’apparition des symptômes). Àpartir d’une analyse de ces essais « historiques » [4], la Cochrane collaboration a conclu que les données sur l’effet palliatif d’une chimiothérapie en cas de cancer colorectal métastatique étaient insuffisantes pour tirer des conclusions fermes sur un bénéfice de qualité de vie. Les raisons de ce constat sévère tiennent à la diversité des outils utilisés dans les années 1980–1990, à l’utilisation d’outils non validés, aux faibles effectifs de certaines études, ou à l’utilisation d’une chimiothérapie inefficace comme la tauromustine [39]. Deux études effectuées en première ligne sont cependant régulièrement citées comme preuve de l’effet bénéfique d’une chimiothérapie palliative intraveineuse. Leurs limitations sont toutefois nombreuses. C’est le cas de celle qui a comparé l’association FUFOL-cisplatine à un traitement symptomatique [44]. Sur 50 patients inclus, seulement 26 ont rempli au moins deux questionnaires. La qualité de vie

Tableau 2 Mesure de la qualité de vie dans les essais ayant comparé une chimiothérapie palliative à des traitements symptomatiques dans les cancers colorectaux métastatiques Type de comparaison

Nbre de patients dans l’essai

TCNU vs traitement symptomatique MFL au diagnostic vs lors des symptômes

170

FUFOL-Cisplatine vs traitement symptomatique

FUFOL vs traitement symptomatique

Nbre de patients × 2q

Questionnaire

Résultats de qualité de vie

Référence

1%

Non précisé

Indice de Spitzer

TCNU délétère

[39]

183

9%

26 (14 %)

Spécifique à l’étude, non validé

[11]

50

33 %

26 (52 %)

FLIC

61 (100 %)

Spécifique à l’étude, non validé

91 (91 %)

RSCL HADS

Amélioration physique et psychologique si chimiothérapie d’emblée, mais nombre de symptômes accru 7/10 patients avec scores perturbés au diagnostic améliorés vs 2/5 avec un traitement symptomatique 58 % d’amélioration ou stabilisation si chimiothérapie vs 29 % si traitement symptomatique (p < 0,05) Scores plus fréquemment normaux pour symptômes, anxiété et dépression (p = 0,04) Pas de différence

61 Non précisé Cancer colorectal : 21

5 FUDR intra artériel 100 hépatique vs traitement symptomatique

FUFOL au diagnostic vs lors des symptômes Irinotecan en 2e ligne vs traitement symptomatique

.

Taux de réponse à la CT

168 279

Non précisé

6% Non précisé

105 (62 %)

EORTC QLQ-C30+3

197 (71 %)

EORTC QLQ-C30

[44]

[45]

[46]

[47]

Scores des domaines [48] physique, fonctionnel, cognitif, social, symptômes et de qualité de vie globale meilleurs si irinotecan

2q : ayant rempli au moins 2 questionnaires ; vs : versus ; CT : chimiothérapie ; HADS : Hospital Anxiety Depression Score.

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globale et les scores des différentes dimensions n’ont pas différé entre les deux groupes. Sept patients sur dix qui avaient des scores perturbés lors de l’inclusion dans l’étude ont été améliorés par la chimiothérapie contre deux sur cinq par un traitement purement symptomatique. Les auteurs n’ont pas précisé si cette différence était significative. Une seconde étude a inclus 183 malades asymptomatiques et en bon état général. Ceux-ci ont reçu une association de méthotrexate et FUFOL (MFL), soit lors du diagnostic de métastases, soit plus tard, lors de l’apparition de symptômes. L’étude a montré un allongement de la survie en cas de chimiothérapie d’emblée. La qualité de vie n’a été mesurée que dans un seul centre, soit 14 % des malades, et avec un outil spécifique à l’étude. Les patients recevant une chimiothérapie d’emblée présentèrent une amélioration des domaines physique et psychologique, mais un nombre accru de symptômes [11]. Plus récemment, l’analyse conjointe de deux essais randomisés comparant, chez des patients asymptomatiques, une chimiothérapie immédiate à une chimiothérapie différée lors des symptômes, a abouti à des résultats différents. Sur 168 patients inclus, seulement 105 reçurent le QLQ-C30 et, bizarrement, seule sa dernière question a été analysée. La proportion de bons scores (5 à 7) n’a pas différé entre les deux groupes [47]. 4.2. Rôle d’une réponse à la chimiothérapie Chez des patients symptomatiques, une chimiothérapie palliative permet d’améliorer la qualité de vie dans un quart à un tiers des cas et de la stabiliser pour au moins quatre mois, dans un quart des cas [38,49,50]. Les malades répondeurs à la chimiothérapie présentent moins de symptômes et une amélioration de leurs possibilités physiques [41,50-51]. Une stabilisation tumorale de plus de 4 mois est également associée à une bonne qualité de vie [50]. À l’inverse, une chimiothérapie inefficace nuit à la qualité de vie [39]. Pour d’autres auteurs, la réponse au traitement n’influence pas significativement la qualité de vie des patients [51-52], mais il faut remarquer que leurs études ont inclus des patients pour la plupart asymptomatiques. 4.3. Effets des toxicités Les résultats de qualité de vie dépendent aussi de la toxicité des traitements [53]. Cela a été démontré en particulier pour les associations 5-FU et interféron α ; la fatigue induite par l’interféron α diminue la forme physique, les possibilités d’activités et la qualité de vie globale [54-55]. Une étude allemande [56] a comparé le 5-FU à hautes doses hebdomadaire utilisé soit avec de l’acide folinique (bras A), de l’interféron α (bras B), ou les deux modulateurs (bras C). Par rapport à l’inclusion, il a été constaté deux mois plus tard, une détérioration des domai-

nes physique, cognitif, d’activités, et de la qualité de vie globale, associés à une augmentation des symptômes : anorexie, nausées/vomissements, diarrhée, dyspnée, fatigue. Les patients mirent six mois à récupérer leur qualité de vie initiale [41]. Les auteurs l’expliquent par la toxicité de la chimiothérapie, nausées et vomissements en particulier. D’autres explications peuvent être avancées : il est probable que le retentissement de la toxicité de la chimiothérapie sur la qualité de vie soit plus important chez des patients ne présentant pas de symptôme de leurs métastases. Dans cette étude, 95 % des patients avaient un indice de Karnofsky entre 80 et 100 à l’inclusion. Enfin le questionnaire utilisé, le QLQ-C30, interroge sur le vécu de la dernière semaine, et les patients recevant un traitement hebdomadaire ont peutêtre une probabilité plus élevée de rapporter une dégradation de la qualité de vie [57]. 4.4. Influence du mode d’administration Elle est mal connue. Une étude espagnole [58] portant sur 87 patients ne montre pas de différence de qualité de vie pour une chimiothérapie de type FUFOL effectuée soit en hospitalisation de jour, soit à domicile. Les symptômes les plus fréquents ont été l’insomnie, puis la fatigue, la douleur et l’anorexie. Sous l’effet du traitement, les possibilités d’activités au quotidien ont augmenté dans les deux groupes. La satisfaction des soins a été supérieure pour le groupe traité à domicile, mais sans différence significative. Deux autres études n’ont pas montré de différences de qualité de vie entre des chimiothérapies nécessitant un nombre très différent de jours en hospitalisation [53,59]. 4.5. Quelle monochimiothérapie confère la meilleure qualité de vie ? La chimiothérapie du cancer colorectal métastatique a longtemps reposé sur l’association FUFOL. Le raltitrexed, administré une fois toutes les trois semaines, a une efficacité égale, en termes de réponse antitumorale, à un schéma de cinq jours de FUFOL [35,59]. Dans l’étude comparant le raltitrexed à un FUFOL « Mayo Clinic » [35], il n’y eut aucune différence de qualité de vie (appréciée par le QLQ-C30) entre les deux traitements malgré des spectres de toxicité différents. Des améliorations du domaine psychologique, du sommeil et du degré de constipation ont été observées dans les deux bras. À l’inverse, la comparaison entre le raltitrexed et le FUFOL dit « Machover » a montré à la deuxième semaine de traitement une supériorité du raltitrexed en termes d’activités, de mobilité, de symptômes physiques, de qualité de vie globale [59]. Cette différence paraît liée à la meilleure tolérance du raltitrexed au premier cycle (moins de mucites). Cependant, le raltitrexed induit une qualité de vie moindre que celle obtenue par du 5-FU en

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Tableau 3 Mesure de la qualité de vie par le questionnaire EORTC QLQ-C30 dans les essais ayant comparé différentes chimiothérapies dans les cancers colorectaux métastatiques : monochimiothérapies et modulateurs du 5-FU Type de comparaison

Nbre de patients dans l’essai

Taux de réponse à la CT

Nbre de patients × 2q

Résultats de qualité de vie

Référence(s)

91

44 %

Non précisé

Aucune amélioration.

[41,56]

90

17 %

5-FU hautes doses hebdomadaire + AF 5-FU hautes doses hebdomadaire + IFNα 5-FU + AF + IFNα Raltitrexed

49 223

26 % 19,3 %

99 %

FUFOL Mayo Clinic

216

16,7 %

95 %

5-FU continu

78

33 %

Non précisé

5-FU continu + IFNα

77

22 %

5-FU + AF hebdomadaire

71

8%

5-FU hebdomadaire + IFNα Raltitrexed

71

8%

301

20 %

5-FU continu

301

26 %

LV5FU2

303

24 %

92 %

Non précisé

.

Détérioration à 2 mois et récupération à 6 mois. Amélioration du domaine psychologique, de la douleur, de l’insomnie, de la constipation globale et de la qualité de vie. Amélioration de 10 points du score global à 6 mois sous 5-FU continu sans IFNα. Amélioration si 5FU + AF. Fatigue accrue si 5FU + IFNα. 5-FU continu = LV5FU2 Raltitrexed < LV5FU2 pour effet palliatif, domaine social, activités et qualité de vie globale.

[35]

[62]

[42]

[60,61]

2q : ayant rempli au moins 2 questionnaires ; AF : acide folinique ; IFNα : interféron α.

perfusion continue ou une association de 5-FU en continu, 5-FU en bolus et acide folinique appelée LV5FU2 [60]. L’effet du raltitrexed sur l’amélioration des symptômes est également inférieur à celui du LV5FU2 [61]. Les autres études comparatives disponibles sont présentées dans les Tableaux 3 et 4. 4.6. Polychimiothérapie de première ligne Les résultats des études comparant une chimiothérapie par 5-FU seul à une polychimiothérapie sont résumés dans le Tableau 5. Une étude randomisée a testé le 5-FU en perfusion prolongée à l’aide d’une pompe portable avec ou sans mitomycine C. Malgré une amélioration du taux de réponse, il n’y eut pas de différence majeure de qualité de vie [65]. Toutefois, la qualité de vie globale mesurée à 24 semaines a été meilleure pour les patients recevant la mitomycine C. Renforcer une chimiothérapie palliative à base de 5-FU par l’irinotecan ou l’oxaliplatine augmente l’efficacité antitumorale sans réduire la qualité de vie appréciée par le

QLQ-C30 [31,52,66-67]. Dans l’essai randomisé comparant un LV5FU2 avec ou sans oxaliplatine [52], la qualité de vie a été similaire malgré une amélioration significative du taux de réponse et une toxicité accrue dans le bras oxaliplatine. Les auteurs suggèrent que le QLQ-C30 a une faible sensibilité pour des effets secondaires comme la diarrhée, la mucite ou les paresthésies, qui différaient significativement entre les deux bras. Cependant, le QLQ-C30 ne contient pas de questions sur les mucites ou sur la toxicité neurologique. Enfin, si la compliance (c’est-à-dire la proportion de questionnaires récupérés par rapport aux questionnaires attendus) était de 84 % à l’inclusion, elle s’est rapidement dégradée : 66 % à 2 mois, 56 % à 4 mois, 45 % à 6 mois et 38 % à 8 mois [31]. De même, entre une chimiothérapie à base de 5-FU continu avec ou sans irinotecan, aucune différence de qualité de vie n’a pu être mise en évidence malgré un taux de réponse doublé et une amélioration de 3 mois de la médiane de survie [66]. Dans une autre étude, l’adjonction d’irinotecan à une association 5-FU/acide folinique a permis de limiter l’aggravation des douleurs de 7 %, de la fatigue

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Tableau 4 Mesure de la qualité de vie par des questionnaires autres que celui de l’EORTC dans les essais ayant comparé différentes chimiothérapies dans les cancers colorectaux métastatiques : monochimiothérapies et modulateurs du 5-FU Type de comparaison

Nbre de patients dans l’essai

Taux de réponse à la CT

5-FU bolus

125

3%

Méthotrexate/5FU + AF 5-FU bolus

119

24 %

102

23 %

96

32 %

FUFOL

Raltitrexed

Nbre de patients × 2q 36 (14 %)

132 (63 %)

Questionnaire

Résultats de qualité de vie

Référence

Spécifique à l’étude

32 % d’amélioration à 2 mois. Réduction des douleurs. 27 % d’amélioration à 4 mois. 62 % de stabilisation. 11 % de dégradation. Raltitrexed mieux à la 2e semaine (activités, mobilité, santé globale de l’EuroQoL et symptômes physiques, activités, qualité de vie globale du RSCL). 36 % d’amélioration, 23 % de stabilité, régression des douleurs (41). Moindres fatigue et anorexie. Moitié moins de patients anxieux ou déprimés A 2 mois : 39 % (FUFOL) vs 56 % (FU continu) d’amélioration. Altération des domaines physique et psychologique pour les patients dont les données ont été ultérieurement manquantes.

[10]

FLIC

247

18,6 %

60 %

EuroQoL

FUFOL « Machover » 248

18,1 %

85 %

RSCL

FUFOL

101

21 %

70 (35 %)

Spécifique à l’étude

Méthotrexate/5FU + AF

101

17 %

LV5FU2

132

27 %

LV5FU2 + IFNα

128

28 %

FUFOL

52

25 %

5-FU continu

48

46 %

5-FU bolus FUFOL Mayo Clinic FUFOL hautes doses d’AF 5-FU continu 5-FU continu + AF 5-FU hautes doses hebdomadaire 5-FU hebdomadaire + PALA .

60 61 60

29 % 27 % 21 %

61 58 63

29 % 26 % 25 %

63

15 %

131 (50 %)

RSCL HADS

85 (82 %)

230 (85 %)

6 EVA

Symptom Distress Scale, questionnaire du SWOG

[38]

[59]

[49]

[54]

[63]

[64]

2q : ayant rempli au moins 2 questionnaires ; AF : acide folinique ; IFNα : interféron α ; HADS : hospital anxiety depression score ; EVA : échelle visuelle analogique ; PALA : acide N-phosphoacétyl L-aspartique ; RSCL : Rotterdam symptom checklist ; SWOG : Southwest Oncology Group.

de 12 % et de l’anorexie de 7 % [67]. De même, la réduction des activités a été moindre (6 % versus 13 %). Il n’y eut pas d’autre différence de qualité de vie. Ces résultats peuvent être considérés comme décevants car en doublant le taux de réponse du 5-FU par l’irinotecan ou par l’oxaliplatine, on pouvait espérer un effet favorable sur la qualité de vie.

Plusieurs hypothèses peuvent être soulevées pour expliquer l’absence de corrélation entre taux de réponse accru et qualité de vie améliorée : • la compliance dans ces études était loin d’être idéale, et ce, dès l’inclusion (59–84 %), d’où une perte de sensibilité et un doute sur la représentativité de l’échantillon,

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Tableau 5 Mesure de la qualité de vie par le questionnaire EORTC QLQ-C30 dans les essais randomisés de polychimiothérapie de première ligne ou de chimiothérapie de deuxième ligne ayant comparé différentes chimiothérapies dans les cancers colorectaux métastatiques Type de comparaison

Nbre de patients dans l’essai

Taux de réponse à la CT

Nbre de patients × 2q

Résultats de qualité de vie

97

38 %

Non précisé

98

54 %

Etat psychologique (à 12 [65] semaines) et QdV globale (à 24 semaines) meilleurs si mitomycine C. Pas de différences [31,52] significatives. Etat psychologique amélioré dans les deux bras. Pas de différences [66] significatives.

En première ligne : 5-FU continu 5-FU continu + mitomycine C LV5FU2

210

22,3 %

Oxaliplatine – LV5FU2

210

50,7 %

LV5FU2 ou 5-FU hautes doses Idem + irinotecan FUFOL Mayo Clinic

187

21,9 %

59 %

198 226

34,8 % 21 %

62 % 77–91 %

Irinotecan + 5-FU + AF hebdomadaire

231

39 %

76–82 %

En deuxième ligne : 5-FU continu

134

0,8 %

70 %

Irinotecan

83,6 % à l’inclusion

133

4,5 %

67 %

Irinotecan – LV5FU2

35

12,1 %

Non précisé

Oxaliplatine – LV5FU2

33

22,6 %

Oxaliplatine – Irinotecan .

33

16,7 %

Moindre réduction d’activités, moins de fatigue, douleurs et anorexie si irinotecan. Pas de différences sauf plus de diarrhée, nausées et vomissements si irinotecan. Activités, domaines social et psychologique améliorés sous irinotecan – LV5FU2.

Référence (s)

[67]

[68]

[69]

2q : ayant rempli au moins 2 questionnaires ; AF : acide folinique ; CT : chimiothérapie.

car il est habituel que les questionnaires ne soient pas remis aux patients ayant la qualité de vie la plus dégradée [64,70] ; • nombre de patients étaient asymptomatiques à l’inclusion et présentaient probablement des scores élevés de qualité de vie. Cet argument ne peut-être étayé car les scores des différents domaines n’ont pas été présentés dans les publications. D’une manière générale, il est peut-être optimiste d’espérer d’une chimiothérapie palliative une amélioration de la qualité de vie globale, une stabilité de celle-ci étant déjà un objectif honorable [64] ; • le QLQ-C30 utilisé seul n’est peut-être pas assez sensible aux changements et un module spécifique de cancer colorectal aurait peut-être permis de mieux mettre en évidence des différences ; • il est probable que bon nombre de patients ont été sortis d’étude pour progression tumorale découverte par imagerie alors qu’ils étaient encore asymptomatiques. La poursuite de la mesure de la qualité de vie au-delà de la première ligne pourrait faire constater des différences de qualité de vie liées à une progression tumorale plus rapide avec l’un des traitements ; • une adaptation à la maladie a peut-être gommé les différences potentielles de qualité de vie. Cette adapta-

tion peut être mise en évidence par une mesure rétrospective de la qualité de vie, le then-test [71-72]. 4.7. Durée optimale du traitement de première ligne La durée optimale d’une chimiothérapie pour cancer colorectal métastatique a été précisée par une étude randomisée du Medical Research Council portant sur 354 patients [73]. Elle a montré qu’il était possible d’arrêter une chimiothérapie palliative (LV5FU2, 5-FU en continu ou raltitrexed) après 12 semaines. Il n’y a eu aucune différence de survie que la chimiothérapie soit poursuivie ou interrompue après obtention d’une stabilité de la maladie ou d’une réponse. La qualité de vie a été significativement meilleure pour les patients ayant arrêté la chimiothérapie. 4.8. Traitements de deuxième ligne En deuxième ligne de traitement palliatif, quatre études randomisées comportant une mesure de la qualité de vie sont disponibles. La première, en double insu, a comparé un placebo au sulfate d’hydrazine [74]. Ce médicament alternatif était supposé avoir un effet stimulant sur l’état général et l’appétit en inhibant la néoglycogenèse tumorale. Mais au contraire, les patients recevant l’hydrazine présentèrent une

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survie réduite et une dégradation plus rapide de la qualité de vie. Une seconde étude [48] a montré qu’une chimiothérapie par irinotecan, potentiellement toxique, permettait d’améliorer la qualité de vie (par rapport à un traitement symptomatique) dans presque toutes les composantes du QLQ-C30 (Tableau 2). Seule l’échelle de diarrhée a été plus fréquemment perturbée en cas de chimiothérapie. Il n’y eut en revanche pas de différence ni dans le vécu psychologique, ni dans la qualité de vie globale. D’autres études randomisées comparant différentes chimiothérapies sont présentées dans le Tableau 5. Deux études non randomisées ont également comporté une analyse de la qualité de vie : sous oxaliplatine avec du 5-FU en chronomodulation comme chimiothérapie de deuxième ligne, la qualité de vie évaluée pendant 6 cures est restée stable en dehors d’une fatigue accrue à la troisième cure mais pas à la sixième [75]. Une autre étude portant sur divers schémas de chimiothérapie a montré que les patients stabilisés sous traitement se situaient, par leur profil de qualité de vie, très près des répondeurs, au contraire des patients en progression tumorale [76]. Malheureusement, du fait de l’évolution tumorale, la qualité de vie se dégrade inéluctablement avec la progression de la maladie [51]. La qualité de vie, les symptômes, besoins et attentes des patients atteints de cancers colorectaux et en fin de vie n’ont fait l’objet à notre connaissance d’aucune étude spécifique. 4.9. Gestion et analyse des données Elles reposent sur cinq notions de base : • l’analyse est plus simple et les résultats plus convaincants si les hypothèses ont été posées a priori. Celles-ci doivent être spécifiées dans le protocole, de même que les domaines correspondants à analyser. Est-on à la recherche d’une amélioration de la forme physique, du vécu psychologique, de la qualité de vie globale ? Il est en effet préférable d’énoncer une hypothèse sur un domaine particulier de la qualité de vie, plutôt que d’effectuer en fin d’étude des tests multiples, nécessitant alors d’appliquer une méthode de correction statistique appropriée ; • la notion de « différence minimale d’importance clinique » doit être spécifiée dans le protocole. Elle dépend de l’instrument utilisé, varie avec les situations, et permet le calcul du nombre de sujets nécessaires. Elle n’est aujourd’hui connue que pour certains questionnaires génériques et celui de l’EORTC [32] ; • compte tenu des biais que représentent les données manquantes, une organisation spécifique dans chaque centre est indispensable pour assurer la meilleure compliance possible [77]. Le plan d’analyse doit expliquer comment seront traitées les données manquantes ;

• il faut s’assurer qu’à l’inclusion dans l’étude, la qualité de vie des deux groupes était comparable ; • la validité psychométrique du questionnaire utilisé devrait être vérifiée dans la population étudiée, même si cette validité a été précédemment publiée. Malheureusement, la plupart des études publiées dans les cancers colorectaux ne répondent au mieux qu’à un ou deux de ces critères. L’analyse d’une série de questionnaires de qualité de vie au cours d’une période de temps (données longitudinales) s’avère particulièrement difficile. Les méthodes les plus simples utilisent des graphiques représentant les changements de qualité de vie, accompagnés d’analyses aux périodes spécifiées par le protocole. Il est également possible de réduire le nombre de scores (méthode des statistiques résumées) en présentant des données de qualité de vie moyennes, médianes, maximales, minimales pour chaque patient ou encore la qualité de vie moyenne à l’issue des traitements, la pire qualité de vie vécue pendant le traitement ou une aire sous la courbe. Des méthodes sophistiquées peuvent être utilisées : analyse de variances multivariées (Manova), des analyses de covariances [38,46,48,51,66,67], ou des équations généralisées d’estimations [36,74]. La méthode d’analyse doit avoir été prévue par le protocole, ce qui ne paraît pas avoir toujours été le cas. En pratique, lors d’un traitement palliatif, dont le but est de soulager au mieux les symptômes, il paraît logique de choisir une analyse à partir des scores de symptômes les plus bas observés à un moment quelconque du suivi. Lorsque les traitements sont supposés équivalents, mais que le traitement expérimental est espéré moins toxique, l’analyse des pires scores de symptômes paraît être appropriée. Il faut alors être sûr que les patients les plus symptomatiques ont pu remplir les questionnaires.

5. Limites de la mesure de la qualité de vie dans les cancers colorectaux métastatiques Plusieurs auteurs, en particulier ceux ayant mené des essais thérapeutiques randomisés sans mettre en évidence de différence de qualité de vie, ont mis en doute l’intérêt de la démarche. En fait, la plupart des études publiées comportent une ou plusieurs limites majeures. La compliance a souvent été médiocre. Il est pourtant possible d’atteindre des compliances élevées jusqu’à 96 % dans un exemple récent [36]. Lorsque seulement une partie des questionnaires a été récupérée, la probabilité de ne pas trouver de différences augmente. En effet, les données manquantes ne sont pas distribuées au hasard et ce sont les patients pour lesquels la qualité de vie est la plus dégradée pour lesquels les questionnaires ne sont pas récupérés ni

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même remis [64,70]. Pour limiter les données manquantes à l’inclusion, les critères d’éligibilité du protocole doivent exiger que le questionnaire de qualité de vie soit déjà rempli [8,77]. En effet, quand le suivi ultérieur est manquant, disposer du questionnaire initial permet de détecter un biais de sélection, en repérant par exemple les patients avec une qualité de vie médiocre dès l’inclusion, et auxquels on n’ose plus ensuite remettre un questionnaire lorsque la maladie s’aggrave. La compliance dépend également de la motivation de l’équipe. Le pourcentage de questionnaires récupérés est variable selon les centres. Identifier une personne responsable de la remise et de la récupération des questionnaires de qualité de vie limite la fréquence des données manquantes [8]. Une des causes d’échecs est aussi l’absence de motivation des cliniciens. Bon nombre considèrent que l’évaluation de la qualité de vie constitue des données molles ou non reproductibles [78] alors que sa mesure n’est probablement pas moins reproductible que celle de l’évaluation de la réponse tumorale [79]. L’écriture dans le protocole d’un chapitre de rationnel pour l’étude de qualité de vie peut aussi améliorer la compliance [8]. L’intervalle entre deux questionnaires peut être inapproprié. Il résulte d’un compromis fonction des reconvocations des patients, du risque de perte de données et de la charge de travail. L’hypothèse formulée doit servir de guide pour choisir la fréquence et le nombre de mesures, ce qui n’a été le cas, nous semble-t-il, dans aucune étude portant sur les cancers colorectaux. Il est préférable de choisir un intervalle qui coïncide avec l’administration du traitement. En effet, dans une étude comparative, il faut veiller à ce que les questionnaires soient remis lorsque les malades se trouvent dans une situation similaire vis-à-vis des effets secondaires potentiels des traitements. À l’inverse, dans l’étude de Cunningham et al. [36], les questionnaires de qualité de vie étaient remis lorsque les patients allaient recevoir une nouvelle cure de chimiothérapie par raltitrexed mais dans l’intercure dans le groupe FUFOL. Cela constitue bien entendu un biais, la toxicité chimio-induite pouvant réduire la qualité de vie. Les données de qualité de vie sont le plus souvent imprécises dans les publications. La compliance au cours du temps n’est pratiquement jamais précisée. Lorsque le questionnaire de l’EORTC a été utilisé, dans bien des cas, les résultats d’un seul domaine (santé globale/qualité de vie) sont rapportés. Les valeurs de chaque domaine à l’inclusion dans les 2 groupes ne sont pas précisées. La fréquence des données manquantes dans les questionnaires n’est jamais connue. La signification clinique des résultats est souvent floue. De plus, l’absence d’hypothèse initiale peut conduire au choix d’un effectif inapproprié pour pouvoir espérer montrer une différence de qualité de vie. Ce problème n’étant

713

pas spécifique aux études sur le cancer colorectal, un consensus international sur le choix des méthodes adéquates de mesure de la qualité de vie en cancérologie paraît indispensable et cette réflexion est actuellement en cours [80]. En conclusion, la qualité de vie est un concept individuel et pluridimensionnel. Seul le patient est jugé apte à donner son opinion, ce qui permet de compléter utilement l’interrogatoire médical. Au cours du cancer colorectal métastatique, la mesure de la qualité de vie a montré un intérêt descriptif et pronostique et a permis de valider la chimiothérapie — dans ses indications de première et de deuxième ligne — en maladie métastatique. Les questionnaires de qualité de vie, utilisés en recherche clinique, ne sont pas encore utilisés aujourd’hui en pratique clinique. Il est probable que leur utilisation en routine permettrait une meilleure connaissance du vécu de la maladie et des conséquences des traitements pour nos patients. Il reste à savoir si une adaptation thérapeutique individuelle guidée par les résultats de qualité de vie est susceptible ou non de ralentir la dégradation de la qualité de vie ou de l’améliorer.

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