Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable

Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable

en ligne sur/ on line on www.masson.fr/revues/pm Article original Presse Med. 2006; 35: 1131-7 © 2006, Masson, Paris Mesure de l’hémoglobine capil...

154KB Sizes 7 Downloads 162 Views

en ligne sur/ on line on

www.masson.fr/revues/pm

Article original

Presse Med. 2006; 35: 1131-7 © 2006, Masson, Paris

Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable Intérêt pour la surveillance au lit des patients en phase aiguë d’une hémorragie digestive Éric Nguyen-Khac1,2, Nathalie Gournay3, Catherine Tiry4, Thierry Thevenot1, Charles-Édouard Skaf5, Maurice-Henry Leroy6

1. Service d’hépato-gastroentérologie, Centre hospitalier de Cambrai (59) 2. Service d’hépato-gastroentérologie, Centre hospitalier universitaire d’Amiens (80) 3. Service de soins de suite, 4. Laboratoire polyvalent, 5. Service de chirurgie viscérale, 6. Service des urgences, Centre hospitalier de Cambrai (59)

Correspondance :

■ Summary

■ Résumé

Portable hemoglobinometer for bedside monitoring of capillary blood hemoglobin in patients with acute gastrointestinal hemorrhage

Introduction > Lors d’une hémorragie digestive, l’hémoglobine est un paramètre à surveiller. Son dosage au laboratoire par un automate est la méthode de référence. Un dosage au lit par un lecteur d’hémoglobine portable est possible. Méthodes > Nous avons évalué la corrélation entre l’hémoglobine capillaire dosée par un lecteur d’hémoglobine portable Hémocue® au lit du patient, et l’hémoglobine veineuse dosée par automate Coulter STKS® au laboratoire, pour tous les patients pris en charge de novembre 2001 à juillet 2002 pour une hémorragie digestive. L’analyse statistique a utilisé le test de Student apparié et le calcul du coefficient de corrélation r. Résultats > Quatorze hommes et 8 femmes âgés de 61 ± 17 ans ont eu 204 prises de sang veineuses et 204 prélèvements capillaires au doigt concomitant. Les causes d’hémorragie digestive étaient une rupture de varices œsophagiennes (n = 11), un ulcère duodénal (n = 6), une œsophagite peptique (n = 1), une diverticulose sigmoïdienne (n = 2), un cancer gastrique (n = 1), et une colite ischémique (n = 1).

Introduction > Monitoring of hemoglobin is necessary in patients with gastrointestinal haemorrhage. Take blood sample and analysis at laboratory with automatum is the gold standard. A fast determination of hemoglobin at the bedside is possible with a portable haemoglobinometer Hemocue®. Aims and Methods > To assesse correlation of capillary hemoglobin by Hemocue® at the bedside, with venous hemoglobin by Coulter STKS® in laboratory, for the monitoring of patients with a gastrointestinal haemorrhage hospitalized at november 2001 to july 2002. Statistical analysis used t test student apparied, and the determination of correlation coefficient r. Results > Forteen males and 8 females 61±17 aged had taking 204 venous blood samples and 204 capillaries blood simultaneously. tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

1131

Reçu le 27 septembre 2005 Accepté le 2 mars 2006

Éric Nguyen-Khac, Service d’hépato-gastroentérologie, Centre hospitalier Universitaire d’Amiens, Place Victor Pauchet, 80054 Amiens Cedex. Tél. : 03 22 66 79 60 Fax : 03 22 66 82 16 [email protected]

Nguyen-Khac É, Gournay N, Tiry C, Thevenot T, Skaf CÉ, Leroy MH

Gastrointestinal haemorrhage was related with variceal bleeding (n = 11), a duodenal ulcer (n = 6), an esophagitis peptic ulcer (n = 1), a diverticulous colitis (n = 2), a gastric cancer (n = 1), and an ischemic colitis (n = 1). Initial hemoglobin was at 7.6±2,4 g/dL. Transfusion of 3±3 blood unit were realised in 17 patients. Means of hemoglobin were 9.15±1,62 g/dL on venous blood analyzed in laboratory, and 9.43 ± 1,72 g/dL on blood capillary by Hemocue® at the bedside. Correlation coefficient r was 0.87 (p < 0.001). Variceal or others bleeding, fluid infusion for hypovolaemia, red cell transfusion and widespread of low level hemoglobin do not disturbed the validity of results. Conclusion > In acute period of a gastrointestinal hemorrhage, monitoring of hemoglobin by Hemocue® with capillary blood at the bedside is a reliable method.

L’hémoglobinémie initiale était à 7,6 ± 2,4 g/dL. Dix-sept patients ont été transfusés recevant en moyenne 3 ± 3 culots globulaires. Les taux moyens d’hémoglobine étaient à 9,15 ± 1,62 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 9,43 ± 1,72 g/dL sur sang capillaire par lecteur d’hémoglobine portable au lit. Le coefficient de corrélation r était à 0,87 (p < 0,001). L’origine de l’hémorragie digestive, la perfusion de macromolécules, les transfusions et l’importance de la déglobulisation n’influençaient pas la validité des résultats. Conclusion > Lors d’une hémorragie digestive, la surveillance au lit de l’hémoglobinémie par lecteur d’hémoglobine portable avec du sang capillaire est une technique fiable.

Nguyen-Khac É, Gournay N, Tiry C, Thevenot T, Skaf CÉ, Leroy MH. Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable. Intérêt pour la surveillance au lit des patients en phase aiguë d’une hémorragie digestive. Presse Med. 2006; 35: 1131-7 © 2006, Masson, Paris

E

n Europe, l’incidence des hémorragies digestives (HD) hautes varie de 145 à 175/100 000 habitants par an [1]. En France, il y a 65 000 HD par an, avec une mortalité de 10,3 à

Ce qui était connu • L’hémoglobinémie est un paramètre à déterminer et à surveiller régulièrement lors d’une hémorragie digestive aiguë. • Le dosage au laboratoire par un automate est la technique de référence pour la détermination du taux d’hémoglobine. • L’appréciation au lit du taux d’hémoglobine ne peut être approchée que par la technique du micro-hématocrite.

Ce qu’apporte l’article

14,3 % [2,3]. Le pronostic et l’appréciation des risques de récidive précoce sont en partie liés à l’importance de la déglobulisation. Le traitement initial nécessite le rétablissement de l’hémodynamique par des perfusions de macromolécules et des transfusions globulaires selon le niveau de l’hémoglobine. Une connaissance rapide et fiable de l’hémoglobinémie suivie d’une surveillance régulière sont essentielles. La mesure du taux d’hémoglobine à partir d’un prélèvement sanguin et analyse au laboratoire par un automate est la méthode de référence [4]. Une appréciation très rapide de l’hémoglobinémie au lit du patient est possible avec un lecteur d’hémoglobine portable [5]. Nous avons évalué de manière prospective sur des patients en phase aiguë d’une HD la corrélation du taux d’hémoglobine sur des prélèvements sanguins concomitants veineux et capillaires, dosés respectivement au laboratoire par un automate et au lit du patient par un lecteur d’hémoglobine portable.

• La corrélation entre le taux d’hémoglobine veineuse mesuré au laboratoire par une technique de référence avec un automate et l’hémoglobine capillaire mesurée au lit du patient par un lecteur d’hémoglobine portable est élevée (r = 0,87, p < 0,001), dans le contexte d’une hémorragie digestive aiguë. • Cette corrélation est préservée pour des taux bas d’hémoglobine dans les zones d’indication transfusionnelle. • La surveillance au lit de l’hémoglobinémie capillaire chez les patients en phase aiguë d’une hémorragie digestive peut être réalisée par un lecteur d’hémoglobine portable. • Le respect d’une procédure stricte d’utilisation du lecteur d’hémoglobine portable ainsi que le contrôle régulier de l’appareil par le biologiste sont des

1132

conditions indispensables pour la sécurité d’utilisation.

Méthodes De novembre 2001 à juillet 2002, tous les patients hospitalisés pour une HD haute ou basse ont été inclus dans un protocole de surveillance clinique et biologique. La tension artérielle était rétablie si nécessaire par une perfusion de macromolécules et des transfusions de culots globulaires lorsque l’hémoglobinémie était < 7 g/dL ou à 10 g/dL s’il existait des comorbidités cardiovasculaires associées [6]. Pour les hémorragies d’origine haute, la fibroscopie gastrique était réalisée dans les 6 heures sur un patient avec une pression artérielle stable. Pour les hémorragies d’origine colique, la coloscopie était réalisée dans les 5 jours au plus tard.

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

lipides ou à l’hyperprotidémie. Dans la pratique du test, 10 μL de sang total capillaire étaient aspirés par capillarité dans une micro-cuvette recouverte des réactifs biochimiques. Les réactions et la lecture se faisaient en 45 secondes donnant un taux d’hémoglobine quasiment instantanément. L’appareil était disponible dans le service clinique. L’analyse statistique a été réalisée sur le logiciel Statview 4.5. Les taux d’hémoglobine, exprimés en moyennes et écarts types, ont été comparés entre le sang veineux (Coulter STKS®) et le sang capillaire (Hémocue®) par le test de Student apparié. La corrélation entre les valeurs sanguines et capillaires a été testée par le calcul du coefficient de corrélation r. Une valeur de p < 0,05 a été retenue comme significative.

Résultats Vingt-deux patients ont été inclus (tableau I). Il s’agissait de 14 hommes et de 8 femmes d’âge moyen 61 ± 17 ans. Ils avaient une rupture de varices œsophagiennes (n = 11), un ulcère gastroduodénal (n = 6), une œsophagite peptique ulcérée (n = 1), une diverticulose sigmoïdienne (n = 2), un cancer gastrique (n = 1), et une colite ischémique (n = 1). Il n’y a eu aucun décès ni aucune indication chirurgicale. Ce groupe de patients a eu 204 dosages de l’hémoglobine sur sang veineux au laboratoire par l’automate et 204 prélèvements concomitants de sang capillaire pour une analyse de l’hémoglobine par le lecteur d’hémoglobine portable au lit. Chaque patient avait en moyenne 9,1 ± 4,9 déterminations capillaires et 9,1 ± 4,9 déterminations veineuses. L’hémoglobinémie initiale était en moyenne à 7,6 ± 2,4 g/dL. Dix-sept patients ont été transfusés, recevant 3 ± 3 culots globulaires.

Ta b l e a u I Caractéristiques cliniques des patients Caractéristiques

n = 22

Âge (ans)

61 ± 17

Sexe M/F Étiologie de l’hémorragie Ulcère gastroduodénal Rupture de varices œsophagiennes Œsophagite ulcérée Diverticulose colique Cancer gastrique Colite ischémique Taux d’hémoglobine initial (g/dL) Culots globulaires transfusés (n)

14/8 n 6 11 1 2 1 1 7,6 ± 2,4 3±3

Dosages d’hémoglobine par patient avec le lecteur portable

9,1 ± 4,9

Dosages d’hémoglobine par patient avec l’automate

9,1 ± 4,9

1133

Le protocole de surveillance comportait le relevé de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle toutes les 4 heures. Un lavage gastrique de 200 mL d’eau était réalisé avec recueil du liquide pour noter son aspect normal, noir, rosé ou rouge. L’aspect des selles était noté au même rythme en cas de méléna ou de rectorragies. Parallèlement un prélèvement sanguin était réalisé sur un tube EDTA et envoyé au laboratoire pour une détermination de l’hémoglobinémie par l’automate Coulter STKS®. En même temps, du sang capillaire était obtenu à l’aide d’une lancette sur le bout d’un doigt du patient, en recueillant la deuxième goutte de sang par capillarité sur une cupule, insérée ensuite dans le lecteur d’hémoglobine portable Hémocue® au lit du patient. Le taux d’hémoglobine était obtenu en 45 secondes. Toutes les infirmières utilisant le lecteur d’hémoglobine portable avaient été formées initialement à la manipulation de l’appareil, respectant un protocole précis : désinfection puis massage du doigt, application de la lancette, recueil de la deuxième goutte de sang sur la cupule, insertion de la cupule dans le lecteur portable, puis lecture de l’hémoglobine donnée par l’appareil, maintien de la propreté du lecteur. La sonde nasogastrique était enlevée et le protocole de surveillance allégé après 24 heures de stabilité, définie par des lavages gastriques clairs répétés, une tension artérielle systolique stable > 10 mmHg et des taux d’hémoglobine > 10 g/dL. La surveillance était alors espacée toutes les 6 heures puis toutes les 8 heures selon l’évolution clinique. Cette procédure de surveillance très étroite était appliquée depuis plusieurs années par notre équipe, les patients ayant une HD n’étant hospitalisés en unité de réanimation que si une ventilation assistée était nécessaire. Le lecteur d’hémoglobine portable faisait l’objet d’un étalonnage et d’une vérification régulière par le service de biologie polyvalente de l’hôpital. Le dosage de l’hémoglobine au laboratoire a été retenu comme la technique de référence. L’hémoglobine était analysée en routine par l’automate Coulter STKS® [4]. Le principe est une hémolyse des globules rouges, obtenant une suspension. La mesure est réalisée par absorbance, qui est proportionnelle à la concentration de l’hémoglobine. L’appareil utilise une longueur d’onde de 525 nm. Le sang total était prélevé par ponction veineuse sur un tube EDTA. La procédure de dosage de l’hémoglobine par l’automate était ensuite automatisée. Les tubes de sang étaient disposés sur une rampe assurant une agitation continue. L’automate prélevait du sang dans le tube pour l’analyse. Le taux d’hémoglobine disponible était validé par le laboratoire. Le dosage de l’hémoglobine par le lecteur d’hémoglobine portable Hémocue® reposait sur plusieurs étapes. Le globule rouge était hémolysé par la déoxycholate libérant l’hémoglobine. Celle-ci était oxydée en méthémoglobine qui, en présence d’azide de sodium, se transformait en azide de méthémoglobine facilement mesurée par colorimétrie [5]. L’appareil utilisait une méthode à double longueur d’onde, 570 nm pour la mesure de l’hémoglobine et 880 nm pour pallier la turbidité liée aux

Article original

Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable

Hémoglobinémie veineuse par Coulter STKS® (g/dL)

Nguyen-Khac É, Gournay N, Tiry C, Thevenot T, Skaf CÉ, Leroy MH

16 14 12 10 8 6 4 y = 0,8162x + 1,4585 2 0 0

5

10

15

® Hémoglobinémie capillaire par Hémocue (g/dL)

Les résultats ont été exprimés en moyennes et écarts types. En ne considérant que les premiers prélèvements pour chaque patient (n = 22 x 2), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 8,8 ± 2,7 g/dL sur sang veineux au laboratoire, et à 9,1 ± 2,7 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable au lit du patient. Le coefficient de corrélation était à r = 0,97, p = 0,01. Sur l’ensemble des prélèvements (n = 204 x 2), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 9,2 ± 1,6 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 9,4 ± 1,7 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable au lit du patient. Le coefficient de corrélation r était significatif à 0,87, p < 0,001 (figure 1). Parmi les patients ayant saigné d’une rupture de varices œsophagiennes (11 patients, 115 x 2 prélèvements), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 9,1 ± 1,4 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 9,4 ± 1,6 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable au lit du patient (r = 0,84, p < 0,001). Parmi les patients ayant saigné d’une maladie non cirrhotique (11 patients,

Ta b l e a u I I Mesures de l’hémoglobinémie par les deux techniques Résultats

n

Lecteur portable Automate (Hémocue®) (g/dL) (Coulter STKS®) (g/dL)

204 x 2

9,43 ± 1,72

Hémoglobine < 10 g/dL

165 x 2

8,9 ± 1,4

8,6 ± 1,2

Hémoglobine < 8 g/dL

52 x 2

7,46 ± 1,15

7,41 ± 1,20

Hémoglobine < 7 g/dL

19 x 2

6,55 ± 1,43

6,03 ± 1,12

1134

Hémoglobine

9,15 ± 1,62

20

Figure 1 Droite de régression entre l’hémoglobinémie veineuse et capillaire

89x2 prélèvements), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 9,2 ± 1,9 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 9,4 ± 1,9 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable au lit du patient (r = 0,89, p = 0,01). Pour les patients transfusés (17 patients, 155 x 2 prélèvements), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 8,9 ± 1,4 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 9,1 ± 1,5 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable (r = 0,83, p < 0,001). Pour les patients non transfusés (5 patients, 49 x 2 prélèvements), les taux moyens d’hémoglobine étaient à 10,1 ± 1,8 g/dL sur sang veineux au laboratoire et à 10,4 ± 1,9 g/dL sur sang capillaire avec le lecteur d’hémoglobine portable (r = 0,90, p = 0,01). Enfin, 165 x 2, 52 x 2 et 19 x 2 prélèvements concernaient respectivement des taux d’hémoglobine inférieurs à 10, 8 et 7 g/dL (tableau II).

Discussion Notre étude a montré une corrélation significative entre le taux d’hémoglobine mesuré au laboratoire par une technique de référence avec un automate et le taux d’hémoglobine mesuré au lit du patient par un lecteur d’hémoglobine portable. L’origine de l’HD secondaire à une hypertension portale ou à une autre cause n’a pas influencé la corrélation. La stratification entre les patients ayant été transfusés et ceux non transfusés n’a pas changé les résultats. La plupart des patients transfusés avaient reçu une perfusion de macromolécules au préalable. Pour les taux d’hémoglobine bas < 8 g/dL (n = 52 x 2), le lecteur d’hémoglobine portable avait trouvé un taux à 7,46 ± 1,15 g/dL d’Hb contre 7,41 ± 1,20 g/dL d’Hb avec le dosage au laboratoire par

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

automate. Cette corrélation étroite dans les taux bas d’Hb conforte la technique du lecteur d’hémoglobine portable pour la décision transfusionnelle. Il est possible de surveiller le taux d’hémoglobine au lit du patient par une technique rapide et portable sans qu’il y ait de recours à une prise de sang et de dosage avec la méthode de référence au laboratoire. Il n’y a pas de donnée semblable, dans une population de patients en phase aiguë d’une HD, avec un nombre important de prélèvement et d’analyse de sang capillaire. Des résultats ont été observés en milieu chirurgical et anesthésique [7-10], en médecine générale [11], en hématologie chez les donneurs de sang [12], en dialyse [13, 14] et en gynécologie obstétrique sur l’hémoglobine fœtale [15]. Ces études avaient comparé les résultats du lecteur d’hémoglobine portable avec ceux d’un automate en laboratoire représentant le gold standard. Les comparaisons étaient réalisées majoritairement avec soit du sang veineux partagé pour les 2 mesures, soit du sang artériel également partagé. Seules 2 études avaient comparé l’hémoglobinémie capillaire obtenue par lecteur d’hémoglobine portable avec l’hémoglobinémie veineuse [7] ou l’hémoglobinémie artérielle [9] obtenues par un automate. Globalement les corrélations étaient très élevées, de 0,73 à 0,99 (tableau III) ; les taux d’hémoglobine obtenus par le lecteur d’hémoglobine portable étaient en général légèrement supérieurs à ceux donnés par un automate, de 0,1 à 0,2 g/dL en moyenne, comme cela était le cas avec nos résultats, quels que soient les sous-groupes considérés. Cette très faible différence n’affecte pas la prise de décision transfusionnelle. Elle n’est pas spécifique à l’utilisation du lecteur d’hémoglobine portable,

puisque même avec une méthode de référence au laboratoire, une différence minime entre l’hémoglobinémie capillaire et l’hémoglobinémie veineuse avait déjà été observée [16, 17]. L’étude de Krenzischek et al. était la seule comportant une méthodologie semblable à notre travail, mais avec des patients de chirurgie et seulement 20 dosages [7]. Les auteurs avaient observé une corrélation à 0,83 entre l’hémoglobinémie sur sang capillaire avec lecteur d’hémoglobine portable et l’hémoglobinémie sur sang veineux par un automate, semblable à notre série (0,87). Par ailleurs, notre travail a la particularité de comporter un taux moyen d’hémoglobine constaté à l’arrivée des patients de 7,6 ± 2,4 g/dL, plus faible que dans la littérature où les taux moyens étaient entre 10 à 13 g/dL (tableau III). La situation clinique d’une HD explique ce taux plus bas d’hémoglobine, sans que cela affecte le coefficient de corrélation. Ainsi, les résultats de corrélation dans notre étude sont globalement comparables à ceux de la littérature, réalisés sur des groupes de patients différents. Ceci rend compte de la fiabilité du lecteur d’hémoglobine portable. L’utilisation de cette technique pour la surveillance des patients en phase aiguë d’une HD suppose la discussion préalable de la place de l’hémoglobinémie dans cette pathologie. Le cadre des hémorragies gastroduodénales a été le plus étudié. Sa valeur prédictive sur le risque de récidive hémorragique et le risque de décès n’est pas consensuelle. Dans certaines études le taux d’hémoglobine avait une valeur pronostique lorsqu’il était < 8 g/dL [18, 19]. Deux autres études n’avaient pas confirmé cette donnée [3, 20]. De même sa place pour discriminer les HD sévères nécessitant une hospitalisation de celles pouvant être

Article original

Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable

Ta b l e a u I I I Résultats du lecteur d’hémoglobine portable Hémocue dans la littérature Patients (n)

Prélèvements (n)

Krenzischek DA et al. [7]

62

187

Lardi AM et al. [8]

13

Jaeger H et al. [9]

Comparaison

HbH/HbR

r

Patients de l’étude

c/v v/v a/a vc/vc

12,34/11,74 11,93/11,74 10,94/10,87 10,04/10,77

0,83 0,99 0,93 0,74

chirurgie générale

52

a/a

10,94/10,90

nd

chirurgie aortique

10

100

v/v a/a c/a

nd nd nd

1 0,99 0,93

chirurgie cardiaque

Be et al. [10]

29

130

a/a

13,7/13,5

0,96

chirurgie cardiaque

Neville et al. [11]

103

103

v/v

nd

0,99

médecine générale

Rosenblit et al. [12]

259

259

v/v

11,5/11,6

0,99

donneurs de sang

Agarwal et al. [13]

132

132

v/v

11,7/11,1

nd

hémodialyse

Berry et al. [15]

58

58

v/v in utero

12/11,7

0,94

gynécologie et obstétrique

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

1135

a/a: sang artériel/sang artériel ; c/a: sang capillaire/sang artériel ; comparaison: sang prélevé sur des sites différents ou identique mais partagé pour les 2 techniques de dosage ; c/v: sang capillaire/sang veineux ; HbH: hémoglobine dosée par Hémocue® ; HbR: Hémoglobine dosée par la méthode de référence au laboratoire ; nd: non déterminé ; vc/vc: sang veineux central/sang veineux central ; v/v: sang veineux/sang veineux.

Nguyen-Khac É, Gournay N, Tiry C, Thevenot T, Skaf CÉ, Leroy MH

prises en charge en ambulatoire est discutée. Dans la série de Lai et al. l’hémoglobinémie n’avait pas de valeur prédictive [21]. En revanche, pour Longstreth et al., les patients à faibles risques étaient définis par une hémoglobinémie > 8 g/dL, l’absence d’hypotension orthostatique, de défaillance viscérale, de trouble de la coagulation, et l’absence de signe endoscopique d’hémorragie active ou de caillot sur l’ulcère [22]. Des scores ont été établis pour prédire le risque de rechute et de mortalité, ou pour évaluer la nécessité d’une prise en charge hospitalière [23-26]. Les scores de Rockall et al. et de Baylor et al. ne faisaient appel qu’à des critères cliniques et endoscopiques [23, 25]. À l’inverse, le score de Blatchford et al. incorporait l’hémoglobinémie avec le taux d’urée, la tension artérielle, les pulsations cardiaques, les défaillances hépatiques et cardiovasculaires [26]. L’hémoglobinémie était le seul item avec une pondération maximale de 6 points lorsqu’elle était < 8 g/dL. Ce score est discuté en raison de l’absence de la prise en compte de l’âge et surtout de l’endoscopie, et d’une validation prospective à grande échelle [27, 28]. Malgré ces résultats pronostiques discordants, l’hémoglobinémie a une valeur informationnelle indispensable à la phase aiguë de l’HD, car elle permet de poser l’indication transfusionnelle en dessous de 7 g/dL, voire de 10 g/dL en cas de comorbidités cardiovasculaires associées [6]. À la phase de surveillance, l’hémoglobine participe à la définition de la récidive hémorragique, à la décision transfusionnelle, et à la décision d’une nouvelle endoscopie [3]. Ainsi l’impact d’une connaissance rapide puis régulière du taux d’hémoglobine est déterminant dans les HD. La comparaison des méthodes de dosage de l’hémoglobine au laboratoire ou au lit du patient pour la surveillance d’une HD n’a pas été étudiée. Le dosage au laboratoire par un automate est la méthode de référence. Cependant elle n’est pas disponible en médecine d’urgence au domicile du patient, ni pendant les transports médicalisés et nécessite un délai pour le résultat. Cela limite son utilisation régulière et répétée dans la journée dans un programme de surveillance. L’alternative fréquemment utilisée est la technique de micro-hématocrite. Cette méthode repose sur du sang capillaire aspiré par capillarité dans un micro-tube, centrifugé par un appareil portable. Ce n’est cependant qu’une appréciation indirecte de la capacité de transport de l’oxygène par rapport à l’hémoglobine [29], et les recommandations de transfusion globulaire ne sont pas exprimées en hématocrite mais en hémoglobine [6]. Un rapport de 3 du micro-hématocrite permet toutefois une estimation de l’hémoglobinémie [30], mais celle-ci dépend alors des limites du micro-hématocrite, liées aux erreurs potentielles lors de sa détermination [30]. Le remplissage des micro-tubes ne doit pas comporter de bulle d’air. La centrifugation doit être réalisée avec un temps suffisant sur un appareillage vérifié ; la lecture doit être immédiate à la fin de la centrifugation. Le résultat est surestimé de 3 à 4 % par rapport à un héma-

tocrite calculé par un automate [30]. Une déshydratation du patient surestime le micro-hématocrite, et certains médicaments comme les antivitamines K peuvent aussi altérer le résultat. Des maladies professionnelles par accident d’exposition au sang ont été rapportées lors de la manipulation de micro-tubes cassés [31]. Un cas de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine a été décrit avec le décès du professionnel infecté. La technique de mesure directe de l’hémoglobinémie par lecteur d’hémoglobine portable au lit du patient présente quant à elle certains avantages : elle est rapide, donnant un résultat en 45 secondes, contre parfois 30 à 40 voire 175 min [7] pour la technique de référence au laboratoire, compte tenu des contraintes de temps nécessaire pour le transport au laboratoire et de la disponibilité des résultats selon le niveau d’informatisation de l’établissement. Avec un résultat immédiat de l’hémoglobinémie au lit du patient, le temps de réaction médicale est réduit, améliorant la surveillance clinique. La quantité de sang capillaire prélevée à l’aide d’une lancette au bout d’un doigt est faible (10 μL) avec le lecteur d’hémoglobine portable, contre 3 à 5 mL pour un dosage au laboratoire. L’appareil est portable lors d’un transport médicalisé, en médecine d’urgence au domicile du patient, au bloc opératoire et au lit du patient hospitalisé. La tolérance des prélèvements capillaires réalisée à l’aide d’une lancette est meilleure en comparaison avec la ponction veineuse pour la technique de référence de dosage de l’hémoglobine au laboratoire, avec de surcroît la préservation du capital veineux. L’apprentissage de la manipulation est simple et rapide. Le respect d’une procédure est cependant indispensable pour obtenir un résultat fiable [13], car celui-ci ne sera pas validé par un biologiste à l’inverse d’un résultat de laboratoire. La propreté de l’appareil ainsi que l’absence de trace de toute nature sur la cupule ayant recueilli le sang capillaire sont des mesures importantes à respecter, s’agissant d’une lecture optique pour le lecteur d’hémoglobine portable. La principale limite réside dans le coût du lecteur d’hémoglobine portable plus élevé par rapport au micro-hématocrite, mais il faut y opposer l’impact de la connaissance directe et répétée de l’hémoglobinémie dans la prise en charge des patients en phase aiguë d’une HD. Par rapport à un dosage au laboratoire, le coût est sensiblement équivalent, avec 0,84 € pour la technique de référence comprenant le prix d’un tube de prélèvement sanguin et les réactifs nécessaires, contre 0,91 € pour une micro-cuvette à lecteur d’hémoglobine portable dans notre centre. En conclusion, l’utilisation de lecteur d’hémoglobine portable pour la surveillance de l’hémoglobine au lit des patients en phase aiguë d’une HD avec du sang capillaire peut être recommandée. Cette technique est fiable, simple, rapide et portable, améliorant les modalités pratiques de surveillance et préservant le capital veineux.

1136

Conflits d’intérêt : aucun

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Blatchford O, Davidson LA, Murray WR, Blatchford M, Pell J. Acute upper gastrointestinal haemorrhage in west of scotland: case ascertainment study. Br Med J. 1997; 315: 510-4. Czernichow P, Hochain P, Nousbaum JP, Raymond JM, Rudelli A, Dupas JL et al. Epidemiology and course of acute upper gastro-intestinal haemorrhage in four French geographical areas. Eur J Gastrointestinal Hepatol. 2000; 12: 175-81. Bourienne A, Pagenault M, Heresbach D, Jacquelinet C, Faroux R, Lejean-Colin I et al. Etude prospective multicentrique des facteurs pronostiques des hémorragies ulcéreuses gastroduodénales. Réévaluation des facteurs cliniques et endoscopiques à l’ère de l’hémostase endoscopique. Gastroenterol Clin Biol. 2000; 24: 193-200. Cart-Lamy P, Pernod G, Pirraud M, Drevait JM, Caillat D, Polack B et al. Comparative and simultaneous evaluation of three automated counters in hematology ; Coulter STKS, Sysmex NE 8000, Technicon H-2. Ann Biol Clin. 1993; 51: 627-35. Vanzetti G. An azide-methemoglobin method for hemoglobin determination in blood. J Lab Clin Med. 1966; 67: 116-26. Anaes. La transfusion de globules rouges en situation d’urgences hémorragiques. Indications et contres indications des transfusions de produits sanguins labiles. Paris: EDK; 1998. p. 34-9. Krenzischek DA, Tanseco FV. Comparative study of bedside and laboratory measurements of hemoglobin. Am J Crit Care. 1996; 5: 427-32. Lardi AM, Hirst C, Mortimer AJ, Mc Collum CN. Evaluation of Hemocue for measuring intraoperative haemoglobin concentrations: a comparison with the coulter Max-M. Anesthesia. 1998; 53: 349-52. Jaeger M, Ashbury T, Adams M, Duncan P. Perioperative on-site haemoglobin determination : as accurate as laboratory values ? Can J Anaesth. 1996; 43: 795-8.

tome 35 > n° 7/8 > juillet-août 2006

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

Be WK, Kerkkamp HE, Booij LH. Hemocue-a new haemoglobinometer in the clinic. Eur J Anaesthesiol. 1991; 8: 55-8. Neville RG. Evaluation of portable haemoglobinometer in general practice. Br Med J. 1987; 294: 1263-5. Rosenblit J, Abreu CR, Szlerling LN, Kutner JM, Hamerschlak N, Frutuoso P et al. Evaluation of three methods for hemoglobin measurement in blood donor setting. Sao Paulo Med J. 1999; 117: 108-12. Agarwal R, Heinz T. Bedside hemoglobinometry in hemodialysis patients: lessons from point-of-care testing. ASAIO J. 2001; 47: 240-3. Marooney M. Comparative analysis between centrifuged hematocrit and point of care hemoglobin: impact on erythropoietin dosing. ANNA J. 1998; 25: 479-81. Berry SM, Dombrowski MP, Blessed WB, Bichalski JA, Jones TB, Cotton DB. Fetal hemoglobin quantitations using the hemocue system are rapid and accurate. Obstet Gynecol. 1993; 81: 417-20. Daae LN, Hallerud M, Halvorsen S. A comparison between haematological parameters in capillary and venous blood samples from hospitalized children aged 3 months to 14 years. Scand J Clin Lab Invest. 1991; 51: 651-4. Daae LN, Halvorsen S, Mathisen PM, Mironska K. A comparison between haematological parameters in capillary and venous blood from healty adults. Scand J Clin Lab Invest. 1988; 48: 723-6. Clason AE, MacLeod DAD, Elton RA. Clinical factors in the prediction of further haemorrhage or mortality in acute upper gastrointestinal. Br J Surg. 1986; 73: 985-7. Choudari CP, Rajgopal C, Elton RA, Palmer KR. Failures of endoscopic therapy for bleeding peptic ulcer: an analysis of risk factors Am J Gastroenterol. 1994; 11. Laine L, Peterson WL. Bleeding peptic ulcer. N Engl J Med. 1996; 331: 717-27.

21

22

23

24

25

26

27

28

29

30

31

Lai KC, Hui WM, Wong BC, Ching CK, Lam SK. A retrospective and prospective study on the safety of discharging selected patients with duodenal ulcer bleeding on the same day as endoscopy. Gastrointest Endosc. 1997; 45: 26-30. Longstreth GF, Feitelberg SP. Outpatient care of selected patients with acute non-varicael upper gastrointestinal haemorrhage. Lancet. 1995; 345: 108-11. Rockall TA, logan RFA, Devlin HB, Northfield TC for the national audit of acute upper gastrointestinal haemorrhage. Selection of patients for early discharge or outpatient care after acute upper gastrointestinal haemorrhage. Lancet. 1996; 347: 1138-40. Rockall TA, Logan RF, Devlin HB, Northfield TC. Risk assessment after acute upper gastrointestinal haemorrhage. Gut. 1996; 38: 316-21. Saeed ZA, Ramirez FC, Hepps KS, Cole RA, Graham DY. Prospective validation of the Baylor bleeding score for predicting the likelihood of rebleeding after endoscopic hemostasis of peptic ulcers. Gastrointest Endosc. 1995; 41: 561-5. Blatchford O, Murray WR, Blatchford M. A risk score to predict need for treatment for uppergastrointestinal haemorrhage. Lancet. 2000; 356: 1318-21. Farell RJ, Alsahli M, Lamont JT. Is successful triage of patients with upper gastrointestinal bleeding possible without endoscopy. Lancet. 2000: 356: 1289-10. Trewby P. Upper gastrointestinal haemorrhage managed without endoscopy. Lancet. 2000; 356: 2101. Keen ML. Hemoglobin and hematocrit: an analysis of clinical accuracy. Case study of anemic patient. ANNA J. 1998; 25: 83-6. Jagger J, Deitchman S. Hazards of glass capillary tubes to health care workers. JAMA. 1998; 280: 31. Aoun H. When a house officer gets AIDS. N Engl J Med. 1989; 321: 693-6.

1137

Références

Article original

Mesure de l’hémoglobine capillaire par un lecteur d’hémoglobine portable