Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2010) 96, 679—686
MÉMOIRE ORIGINAL
Mesure de l’usure des prothèses totales de hanche à double mobilité : étude expérimentale de la précision de l’analyse radiostéréométrique (RSA)夽 Dual mobility hip arthroplasty wear measurement: Experimental accuracy assessment using radiostereometric analysis (RSA) V. Pineau a,∗,b, B. Lebel a,b, S. Gouzy a,b, J.-J. Dutheil b,c, C. Vielpeau a,b a
Département de chirurgie orthopédique et traumatologique, CHU Côte-de-Nacre, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France b Centre de recherche clinique orthopédique (CROC), 14033 Caen, France c Unité de recherche clinique et biostatistique, CHU Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France Acceptation définitive le : 7 juin 2010
MOTS CLÉS Analyse radiostéréométrique (RSA) ; Prothèse totale de hanche ; Usure ; Double mobilité
Résumé Introduction. — L’usage des cupules à double mobilité est un moyen efficace pour éviter les luxations. Cependant, le dessin spécifique de ces implants peut faire craindre une augmentation de l’usure et ainsi de l’ostéolyse périprothétique. Hypothèse. — Il est possible grâce à l’analyse radiostéréométrique (RSA) de définir la migration de la tête fémorale dans la cupule d’un implant à double mobilité, afin d’appréhender l’usure du polyéthylène. Objectifs de l’étude. — Le but de cette étude était d’établir la précision de la mesure radiostéréométrique de la migration de la tête fémorale dans la cupule d’un implant à double mobilité, ainsi que sa variabilité intra- et inter-observateurs. Matériels et méthodes. — Un modèle de prothèse totale de hanche a été implanté et mis en charge dans un simulateur. La mesure de la pénétration des implants par model-based RSA a concerné des inserts en polyéthylène spécialement usinés avec une usure concentrique croissante (usure nulle puis de 0,25 ; 0,5 et 0,75 mm). Trois examinateurs ont analysé (dix fois), en insu du degré d’usure, les clichés radiostéréométriques de ces quatre inserts. Il s’agissait d’un examinateur confirmé, un entraîné et un novice. L’analyse statistique a mesuré l’exactitude,
DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2010.04.007. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (V. Pineau). 夽
1877-0517/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rcot.2010.06.008
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V. Pineau et al. la précision ainsi que la variabilité intra- et inter-observateurs grâce au calcul du root mean square error (RMSE), ou racine de l’erreur quadratique moyenne, du coéfficient de concordance (concordance correlation coefficient [CCC]), du coefficient de corrélation interclasse (intraclass correlation coefficient [ICC]) et aux analyses de Bland et Altman. Résultats. — Notre protocole, utilisant un modèle géométrique simple et non les fichiers CAD constructeur, a montré une précision de 0,072 mm et une exactitude de 0,034 mm, comparables aux tolérances d’usinage avec une variabilité faible. La corrélation de la mesure de l’usure à la vraie valeur était excellente, avec un CCC à 0,9772. La reproductibilité intra-observateur était très bonne avec un ICC respectivement de 0,9856 ; 0,9883 et 0,9842 pour les examinateurs 1, 2 et 3. La reproductibilité inter-observateurs était excellente avec un CCC à 0,9818 entre les examinateurs 2 et 1, et 0,9713 entre les examinateurs 3 et 1. Discussion. — La quantification de l’usure est indispensable pour le suivi des implants à double mobilité. Cette étude in vitro valide notre méthode de mesure. Nos résultats, ainsi que la comparaison aux autres études avec différentes technologies de mesure (RSA, radiographies standard, méthode de Martell) font de la model-based RSA la méthode de référence pour la mesure de l’usure des prothèses totales de hanche in vivo. Niveau de preuve. — III. Étude diagnostique prospective. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction L’usage des cupules à double mobilité est efficace pour éviter les luxations, comme en témoignent les publications récentes [1—6]. Cependant, l’augmentation des surfaces de frottement due à ce dessin spécifique peut faire craindre une augmentation de l’usure et de l’ostéolyse périprothétique. L’usure habituelle d’une prothèse totale de hanche (PTH) avec un couple de frottement métal-polyéthylène est comprise entre 0,1 et 0,2 mm par an [7]. Dumbleton et al. [8] ont démontré que les taux d’ostéolyse étaient corrélés aux taux d’usure et à la taille des débris, mais également qu’une ostéolyse était rarement observée en dec ¸à d’une usure de 0,1 mm par an. L’usure des cupules à double mobilité n’a été à ce jour que très peu évaluée in vivo [4,9]. La tête fémorale est en effet le plus souvent invisible sur les clichés standard de face, en raison du métal-back, ce qui rend les mesures difficiles. L’analyse radiostéréométrique (RSA), développée par Selvik au début des années 1970 [10], permet une mesure précise de la pénétration de la tête fémorale dans le composant acétabulaire (ce qui représente le rodage, l’usure et le fluage) [11,12]. C’est actuellement une méthode de référence pour la quantification de l’usure des PTH [13]. Le but de cette étude était d’établir la précision de la mesure radiostéréométrique de la migration de la tête fémorale dans la cupule d’un implant à double mobilité, ainsi que sa variabilité intra- et inter-observateurs.
Matériels et méthode
(X18M25W), recouvert d’une bicouche d’alumine (Al2 O3 ) et d’hydroxyapatite (CA10 (PO4 )6 (OH)2 ), de 57 mm de diamètre type Novae ETM (SERF, Décines, France), positionné à 45◦ d’abduction et 15◦ d’antéversion, pour reproduire l’implantation habituelle in vivo. Il s’agit d’une cupule à double mobilité dans laquelle les deux articulations sont concentriques. La surface externe possède une zone équatoriale de reliefs et une zone polaire légèrement aplatie (de 0,5 mm) pour annuler les contraintes d’expulsion (Fig. 2). Quatre inserts mobiles différents en polyéthylène (PEUHMW) ont été utilisés. Tous avaient un diamètre extérieur de 50,6 ± 0,1 mm. Le composant fémoral était une tige DédicaceTM taille 11-3 (Stryker, Pusignan, France), associée à une tête modulaire type V40TM , de 22,2 mm de diamètre, col standard, en alliage d’acier inoxydable (OrthinoxTM , Pusignan, France). Afin de simuler l’usure de l’insert en polyéthylène, des inserts spécialement usinés ont été utilisés, avec différentes usures concentriques de la petite articulation. Directement commandés au manufacturier (SERF, Décines, France) et usinés avec les mêmes tolérances que les inserts classiques, ces quatre inserts avaient soit 0 mm, soit 0,5 mm, soit 1 mm, soit 1,5 mm de plus en diamètre intérieur par rapport à l’insert standard de 22,4 mm. En termes de mesures, cela correspondait à une pénétration de la tête fémorale respectivement de 0 mm, 0,25 mm, 0,5 mm et 0,75 mm. Les quatre inserts ayant tous 50,6 ± 0,1 mm de diamètre extérieur, ils avaient donc une épaisseur de polyéthylène respectivement de 14,01 mm, 13,76 mm, 13,51 mm et 13,26 mm. L’ensemble du montage supportait une charge de 200N afin de simuler la station debout.
Modèle expérimental Un modèle expérimental de PTH à double mobilité implantée sur os synthétiques (SawbonesTM , Pacific Research Laboratories, États-Unis) a été construit pour cette étude (Fig. 1). Une réplique de bassin dans laquelle était impactée une cupule correspondait à la partie mobile du montage, tandis que la réplique d’un fémur gauche, dans laquelle était implanté le composant fémoral, était fixe. Le composant acétabulaire était un métal-back en acier inoxydable
Protocole de répétition des clichés radiostéréométriques Des séries de clichés radiostéréométriques ont été réalisées : une série correspondait aux clichés des quatre implants différents (avec 0 mm, 0,5 mm, 1 mm et 1,5 mm d’usure). Sept séries différentes ont été réalisées, effectuées à des jours différents, dans des conditions de
Validation de la mesure par RSA de l’usure d’une PTH à double mobilité
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Figure 1 Modèle expérimental avec l’ensemble des pièces en place. A. Le bassin est relevé grâce aux glissières pour permettre le changement de l’insert en polyéthylène. B. Modèle en charge (200N).
Figure 2 Schémas de la cupule de type Novae E® , avec en rouge la surface sphérique. A. Vue de profil strict. B. Vue antérieure en position « anatomique » gauche.
positionnement du modèle par rapport à la cage de calibration à chaque fois différentes. Le montage RSA (placement des tubes à rayons X et de la cage de calibration) était nouveau pour chaque série. Toutes les séries ont été analysées dix fois par chaque examinateur. Les résultats représentaient la migration du centre de la tête fémorale par rapport au centre de la cupule. Comme l’ont préconisé les précédentes études [14], la migration a été exprimée en millimètres (mm), tout comme la migration globale (qui correspond au maximum total point motion [MTPM] des auteurs anglo-saxons), équivalente à la somme des migrations : migration globale est égale à (xi × xi ) + (yi × yi ) + (zi × zi ). Trois examinateurs ont traité les images : un examinateur confirmé (Ex. 1) spécialement formé à la technologie MBRSA à l’université de Leiden, Pays-Bas ; un examinateur entraîné (Ex. 2) et un novice (Ex. 3). Tous ont effectué les mesures de manière aveugle, indépendante et non consécutive.
Mesure radiostéréométrique Ce modèle a été placé au centre du montage RSA, qui consistait en deux tubes à rayons X synchronisés, placés à environ 1,5 m des cassettes numériques. Le montage comprenait un tube intégré à la salle d’examen (Siemens Iconos R200) et un appareil mobile (Siemens Mobilett XP). Chaque faisceau de rayons X était dirigé vers un film différent, avec un angle par rapport à la perpendiculaire de 20◦ environ [15]. Une cage de calibration carbone était positionnée entre le fantôme et les films. Cette cage de calibration permettait de définir l’espace tridimensionnel avec ses coordonnées, qui permettait de calculer les points de focus. Dans cette étude, les
axes x, y et z correspondaient respectivement aux directions mediolatérale, craniocaudale et antéropostérieure. Toutes les images étaient traitées sur la console en salle de radiographie, afin d’ajuster leurs propriétés et pouvoir ainsi obtenir une visualisation correcte de la tête fémorale, puis transmises par réseau intrahospitalier au centre de recherche clinique orthopédique de Caen. Toutes les images étaient traitées à l’aide d’un logiciel basé sur la détection des contours (MBRSA v3.2, Medisspecial, Pays-Bas) validé par Garling et al. [16]. Cette technique est basée sur la capacité à minimiser la différence entre la projection virtuelle d’un modèle surfacique en trois dimensions d’un implant et la projection effective de cet implant sur les radiographies. Les contours effectifs de l’implant sur les radiographies étaient détectés à l’aide de l’algorithme de Canny [17]. Le modèle 3D était projeté sur l’image planaire et le contour virtuel projeté était calculé [15]. Le contour effectif ainsi que le contour virtuel étaient définis comme une chaîne de nœuds. La différence entre les deux contours était définie comme la distance moyenne entre les nœuds des deux chaînes [18]. Pour minimiser ces différences, le premier positionnement de l’implant était réalisé manuellement par l’opérateur. Secondairement, un algorithme informatique était utilisé (iterative inverse perspective matching [IIPM]). Cet algorithme est basé sur les travaux de Wunsch et Hitzinger [19] et de Besl et Mckay [20]. Enfin, pour finaliser l’optimisation du contour, l’algorithme de Valstar optimisé par Kaptein et al. [18] a été utilisé. Cette procédure a été effectuée pour les deux composants : tête fémorale et cupule (Fig. 3). Chaque implant était représenté par un modèle géométrique élémentaire : la cupule correspondait à une sphère de 57 mm de diamètre, tandis que la tête fémorale corres-
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Figure 3 Visualisation des contours détectés. Encadré : zoom sur la représentation exponentielle de la différence entre projection virtuelle et projection effective (lignes bleues).
pondait à une sphère de 22,2 mm de diamètre. Lors de la détection manuelle des contours de la cupule, les parties non sphériques de l’implant n’ont pas été prises en compte (pôle et zone équatoriale de reliefs).
Analyse statistique Le but de cette étude était d’établir la précision de la mesure radiostéréométrique de la migration de la tête fémorale dans la cupule d’un implant à double mobilité, ainsi que sa variabilité intra- et inter-observateurs. De nombreuses publications utilisent ces termes, avec des significations différentes [21,22]. Dans cette étude, les définitions suivantes ont été utilisées : la précision d’une méthode de mesure est définie comme l’étroitesse de l’accord entre la répétition des résultats de tests indépendants (précision = ±1,96 × déviation standard) ; l’exactitude est définie comme l’étroitesse d’une mesure à la valeur réelle ; la différence entre le résultat obtenu et la valeur réelle correspond à l’erreur systématique. Le root mean square error (RMSE) correspond à l’exactitude. L’analyse statistique a été effectuée à l’aide du logiciel Medcalc® , version 10.4 (Medcalc Software, Mariakerke, Belgique). L’erreur moyenne des mesures a été calculée en effectuant la différence de la mesure par rapport à la vraie valeur. L’exactitude du protocole était évaluée à l’aide du RMSE. Ces résultats ont été présentés sous forme d’histogrammes de répartition en fréquence. Le coefficient de corrélation (CCC : concordance correlation coefficient) a été utilisé, ainsi que les graphiques de régression, pour analyser les corrélations entre les différents résultats. Le CCC évalue la tendance qu’ont des paires d’observations à se trouver sur une droite à 45◦ passant par l’origine [23]. La reproductibilité inter-observateur a également été appréciée par les diagrammes de Bland et Altman. Dans ce type d’analyse, la différence entre deux observateurs est rapportée de fac ¸on graphique en fonction de l’évolution du paramètre étudié [24]. Pour étudier la reproductibilité intra-observateur, la première interprétation de chaque série a servi de référence pour les autres interprétations de la même série. Le coefficient de corrélation intraclasse (ICC) était calculé pour chaque examinateur afin d’estimer
V. Pineau et al.
Figure 4 Répartition en fréquence de la valeur de l’erreur de l’ensemble des mesures (n = 630).
la concordance intra-observateur [25]. De même, la différence des RMSE (calculés pour l’étude de reproductibilité intra-observateur) entre les différents examinateurs a été analysée, afin d’évaluer une éventuelle disparité, pouvant témoigner d’une courbe d’apprentissage importante. Dans tous les cas, une différence était jugée significative si p < 0,05.
Résultats Précision et exactitude L’erreur moyenne de l’ensemble des mesures (n = 630), tous examinateurs confondus, était de 0,023 mm, IC 95 % [0,019—0,026]. Parmi les 630 mesures, la valeur la plus forte d’erreur de mesure était de 0,16 mm. La précision était de 0,072 mm. Pour évaluer l’exactitude de notre protocole de mesure, le RMSE de l’ensemble des mesures par rapport aux vraies valeurs était de 0,034 mm, IC 95 % [0,032—0,036] (Fig. 4). L’étude du RMSE en fonction de l’usure (i.e. en fonction des différents inserts) retrouvait une moins bonne exactitude lorsque l’usure était de 0,5 mm, et ce de manière significative (Tableau 1). Cependant, la mesure de l’usure était fortement corrélée à la vraie valeur, quel que soit l’insert étudié, avec un CCC de 0,9772 (Fig. 5).
Reproductibilité intra-observateur Le RMSE a été calculé pour chaque examinateur (appelé RMSE intra). Concernant les examinateurs 1, 2 et 3, le RMSE intra était respectivement de 0,039 mm, IC 95 % [0,035—0,044], 0,036, IC 95 % [0,033—0,040] et 0,038, IC 95 % [0,033—0,044]. Ces différences de RMSE intra entre les observateurs n’étaient toutefois pas significatives (Tableau 2). L’ICC entre les mesures et les vraies valeurs a été calculé pour les trois examinateurs. Il était respectivement de 0,9856 ; 0,9883 et 0,9842 pour l’examinateur 1, 2 et 3.
Validation de la mesure par RSA de l’usure d’une PTH à double mobilité Tableau 1
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Moyenne du RMSE en fonction de l’usure étudiée.
Usure
n
Moyenne RMSE
Différence (S si p < 0,05)
A (0,25 mm) B (0,5 mm) C (0,75 mm)
210 210 210
0,0314 0,0391 0,0320
A < B (S) A < C (NS) B > C (S)
S : significatif ; NS : non significatif ; RMSE : root mean square error ou racine de l’erreur quadratique moyenne.
Figure 5
Tableau 2
Droite de régression figurant l’excellente corrélation entre l’usure mesurée et la vraie valeur.
Comparaison des RMSE intra [IC à 95 %], en fonction des examinateurs.
Examinateur
RMSE intra
Différence non significative
Ex 1 Ex 2 Ex 3
0,039 [0,035—0,044] 0,036 [0,033—0,040] 0,038 [0,033—0,044]
Ex 1 vs Ex 2 : p = 0,34 Ex 1 vs Ex 3 : p = 0,82 Ex 2 vs Ex 3 : p = 0,53
RMSE : root mean square error ou racine de l’erreur quadratique moyenne.
Reproductibilité inter-observateurs L’analyse des résultats des trois examinateurs a permis l’évaluation de la reproductibilité inter-observateurs de notre protocole de mesure. En comparant les résultats
de l’examinateur 2 (entraîné) à ceux de l’examinateur 1 (expert), on retrouvait une excellente corrélation, avec un CCC à 0,9818. La moyenne de la différence entre les mesures de l’examinateur 2 et ceux de l’examinateur 1 était très faible : −0,0034 mm, IC 95 % [−0,0088—0,0019] (Fig. 6). De
Figure 6 Reproductibilité inter-observateurs. A. Droite de régression figurant l’excellente corrélation entre l’examinateur 2 et l’examinateur 1. B. Diagramme de Bland et Altman figurant la dispersion des différences des mesures entre l’examinateur 2 et l’examinateur 1.
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Tableau 3 Comparatif de différents résultats publiés dans la littérature concernant l’exactitude et la précision de la mesure de l’usure des prothèses de hanche.
Kang et al. (2003) [34] Ilchmann et al. (2006) [35] Martell et Berdia (1997) [36] Bragdon (2002) [28] Digas et al. (2003) [37] Börlin et al. (2006) [29] Cette étude (2010)
Méthode
Exactitude (mm) (RMSE)
Précision (mm) (selon l’ASTM)
Radio simple EBRA Martell RSA RSA RSA RSA
1,64 0,11a 0,033 0,065 np 0,053 0,034
0,62 np 0,48 0,067 0,1—0,22a 0,125 0,072
np : non précisé ; RMSE : root mean square error ou racine de l’erreur quadratique moyenne ; ASTM : American Society for Testing Materials ; RSA : analyse radiostéréométrique. a Résultats présentés par l’auteur et calculés selon une autre méthode que celle de l’ASTM.
même, une excellente corrélation a été retrouvée entre les résultats de l’examinateur 3 et ceux de l’examinateur 1, avec un CCC à 0,9713, et la moyenne de la différence entre les mesures de l’examinateur 3 et ceux de l’examinateur 1 était de −0,0075 mm, IC 95 % [−0,01426—−0,00075]. On retrouvait une moindre différence entre les examinateurs 2 et 1 qu’entre les examinateurs 3 et 1, mais cela n’était pas significatif.
Discussion Deux questions principales restent en suspens concernant les PTH à double mobilité. La première concerne l’usure d’un tel implant, soumis à des forces de frictions et de compression, et la seconde concerne l’ostéolyse de voisinage entraînée par le relargage des particules de polyéthylène dues à l’usure. À ce jour, peu d’études ont réussi à quantifier précisément l’usure de ce type d’implant, et dans tous les cas, l’étude a porté sur des polyéthylènes explantés lors de la reprise, et l’usure des cupules à double mobilité n’a été à ce jour que très peu évaluée in vivo [4,9,26]. Le but de cette étude était d’établir la précision de la mesure radiostéréométrique de la migration de la tête fémorale dans la cupule d’un implant à double mobilité, ainsi que sa variabilité intra- et inter-observateurs. La précision et l’exactitude de la mesure RSA, dans le cadre de ce protocole expérimental, étaient respectivement de 0,072 mm et 0,034 mm, (IC 95 %). L’erreur était toujours aléatoire, comme le montre l’analyse de Bland et Altman. La corrélation de la mesure de l’usure à la vraie valeur était excellente, quelle que soit celle-ci, avec un CCC à 0,9772. Parmi les 630 mesures effectuées dans ce protocole, la valeur la plus forte d’erreur de mesure était de 0,16 mm. C’est une donnée importante à prendre en compte pour les études cliniques ultérieures. L’IC de nos résultats étant très étroit, cela correspond probablement à une mesure aberrante. Nous recommandons en pratique d’effectuer une double interprétation systématique, afin de s’affranchir au mieux des mesures aberrantes. Les résultats de reproductibilité inter- et intraobservateurs sont excellents. La différence entre l’utilisateur expérimenté et les autres est très faible, avec un IC à 95 % très étroit. On retrouve dans tous les cas une très bonne corrélation entre les résultats des
différents examinateurs. Cela s’explique par l’efficacité de l’assistance logicielle, pour la calibration et la détection des contours. Seuls Börlin et al. [27], dans une étude expérimentale sur la précision de la mesure RSA du positionnement d’un implant fémoral, ont évalué leur reproductibilité inter- et intra-observateurs. L’erreur moyenne entre deux examinateurs était de 0,056 mm. Cependant, nos résultats ne sont pas comparables, car nous avons étudié la migration relative d’un implant par rapport à un autre, alors que Börlin et al. [27] ont mesuré la position d’un implant sur deux mesures répétées. Nous avions pour but de nous approcher au mieux des conditions in vivo. Néanmoins, le système ne reproduisait pas l’atténuation des parties molles, qui peut gêner la qualité de l’image radiographique, et donc perturber la détection des marqueurs de tantale de la cage et des contours prothétiques. De même, le contour de la tête fémorale était toujours visible, malgré la cupule en métal de 3 mm d’épaisseur. En pratique quotidienne, nous recommandons un ajustement minutieux des constantes des tubes à rayons X, adapté à la morphologie de chaque patient, afin d’obtenir les mêmes images. De même, l’étape de préparation et de placement du patient doit être précis, reproductible et effectué par des personnels expérimentés. Nous présentons des résultats proches de ceux des autres études de mesure RSA de l’usure des PTH. Bragdon et al. [28] ont effectué des mesures de précision et d’exactitude sur un modèle expérimental avec la RSA basée sur la détection de marqueurs. Ils montrent de très bons résultats, avec 0,065 mm et 0,067 mm pour l’exactitude et la précision. Börlin et al. [29], dans une étude sur modèle expérimental plus proche de la nôtre, basée sur des modèles géométriques simples (hémisphère et sphère), ont retrouvé une précision à 0,053 mm et une exactitude à 0,125 mm. Un résumé des différentes études sur la mesure radiographique de l’usure des PTH est présenté dans le Tableau 3. Toutefois, les résultats ne sont pas tous comparables, en raison des différentes méthodes utilisées et des différents modèles de prothèses étudiés. De nombreux chiffres sur la précision et l’exactitude de la RSA ont été publiés, mais on ne peut les comparer en raison de la variété importante des méthodes de calcul. Pour remédier à ces disparités, il paraît nécessaire d’uniformiser les protocoles d’étude RSA [14]. La précision d’une mesure dépend pour beaucoup de la technologie utilisée. Le type de méthode RSA, parmi
Validation de la mesure par RSA de l’usure d’une PTH à double mobilité les deux disponibles actuellement, est primordial avec des avantages et des inconvénients dans les deux cas. La méthode de détection des contours (model-based RSA) est de plus en plus plébiscitée en pratique clinique. En comparaison avec la technique RSA de référence, basée sur la détection de marqueurs (marker-based RSA), elle présente plusieurs avantages. En effet, la marker-based RSA nécessite des modifications des implants prothétiques : des marqueurs en tantale doivent être apposés sur l’implant, ou bien directement insérés dans l’implant. De nombreuses études ont démontré la bonne précision de la model-based RSA, bien que légèrement inférieure à la marker-based RSA [15,18,30,31]. Nous avons choisi d’utiliser des modèles géométriques simples pour figurer la cupule et la tête fémorale. Valstar et al. [32], en 1997, avaient déjà proposé l’utilisation d’un modèle géométrique simple (hémisphère + un cercle), mais uniquement pour étudier la position et l’orientation de la cupule. Ils retrouvaient une erreur moyenne de positionnement du centre de la cupule de 0,04 mm. Börlin et al. [29] ont repris également un modèle hémisphérique dans leur étude de mesure de l’usure en 2006. Dans une étude expérimentale concernant la détection des contours d’un implant tibial d’une prothèse de genou par model-based RSA, Hurschler et al. [30] ont démontré que la réduction de la proportion de contour détectée n’affectait que très peu les mesures. Nous avons donc choisi de représenter la cupule par une sphère, ce qui simplifie considérablement les modèles. Malgré le pôle aplati de 0,5 mm et la zone équatoriale de reliefs de la cupule Novae ETM , la partie sphérique est suffisamment étendue et détectable lors des clichés RSA pour obtenir la précision escomptée. Par cette méthode, on s’affranchit de la nécessité d’utiliser des fichiers computerassisted design (CAD) ou bien reverse engineered (RE) [15,18]. Nous proposons un protocole de mesure permettant de quantifier la pénétration de la tête fémorale dans la cupule. Mais cette mesure n’est qu’une approximation de l’usure du polyéthylène. En effet, à l’usure se rajoute les phénomènes de rodage (précoce) et de fluage (déformation du matériau soumis à une contrainte constante). Dans la littérature rapportant les mesures radiographiques de l’usure, le fluage est souvent décrit [13,33]. Il n’existe pas à ce jour de standardisation des méthodes pour estimer la part du fluage par rapport à l’usure vraie du polyéthylène, tant les facteurs impliqués sont nombreux et variés (design de la cupule, qualité de fabrication du polyéthylène, population de patients étudiée, etc.). De plus, la mesure de la pénétration de la tête fémorale ne peut différencier une usure de la petite ou de la grande articulation. Par ailleurs, lorsqu’on étudie l’usure du polyéthylène des inserts mobiles des implants à double mobilité, il faut prendre en compte l’usure potentielle due au contact entre le col fémoral et le pourtour rétentif de l’insert (troisième articulation). Il s’agit d’une usure non mesurable par les techniques radiographiques, mais qui peut être responsable de la libération de particules de polyéthylène, à l’origine d’une ostéolyse. Cette étude rapporte la validation d’un protocole de mesure radiostéréométrique d’une cupule à double mobilité. Il s’agissait du pré-requis indispensable à la mise en place d’une étude in vivo de l’usure d’un tel implant
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comparé à un insert fixe. Les caractéristiques d’exactitude, de précision, de reproductibilité, ainsi que les faibles doses d’irradiation font de la model-based RSA la technique de choix dans l’analyse de nos arthroplasties. Une standardisation internationale actuellement en cours pourrait en faire un outil indispensable avant la mise sur le marché ou bien après modification d’implants orthopédiques.
Conflit d’intérêt Les sociétés SERF, Stryker Europe et Mathys participent au financement partiel d’études académiques utilisant la RSA sur un compte de recherche institutionnel.
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