Mise en place d’une grille de critères de tri dans un service d’urgences pédiatriques

Mise en place d’une grille de critères de tri dans un service d’urgences pédiatriques

Table ronde Gestion maîtrisée des risques aux urgences pédiatriques Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Mots clés : Urgences, Échelle de t...

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Table ronde Gestion maîtrisée des risques aux urgences pédiatriques

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com Mots clés : Urgences, Échelle de tri

Mise en place d’une grille de critères de tri dans un service d’urgences pédiatriques Trial scale implementation in a pediatric emergency department M. Portas*, V. Brémond, P. Giraud, M.-E. Coste, J.-L. Jouve Service des urgences pédiatriques, CHRU de Marseille, Hôpital d’enfants de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex, France

L

a fréquentation des urgences a explosé ces 20 dernières années avec une augmentation de 5 % par an en moyenne. Ce phénomène touche aussi bien les urgences adultes que les urgences pédiatriques, en particulier les samedis, dimanches et jours fériés. Cette augmentation pose un réel problème de santé publique tant au niveau du coût que de la prise en charge médicale des patients. En effet, plus la fréquentation augmente, plus le risque de faire attendre un patient, qui nécessite des soins urgents, devient important. De multiples voies ont été explorées dans le but de fournir la meilleure prise en charge possible aux patients. Parmi celles-ci, la mise en place de critères de tri est préconisée. Ces critères de tri permettent à l’infirmière d’accueil et d’orientation (IAO) d’établir un ordre de gravité parmi les patients afin que les plus graves puissent être vus en priorité.

1. Élaboration de l’outil pédiatrique de tri Jusqu’en 2003, les urgences pédiatriques de l’hôpital de la Timone à Marseille, dont le nombre de passages a évolué de 14 000 entrées par an au début des années 80 à 33 000 actuellement, ne possédaient pas un tel outil. Le tri se faisait de manière subjective par l’IAO selon son expérience et ses connaissances. La crainte permanente, tant pour les médecins que pour les infirmières, était d’ignorer une urgence réelle, en particulier les jours de grande affluence, et de faire attendre de façon anormale et délétère des enfants atteints de pathologie grave ou nécessitant un traitement rapide. L’IAO par sa position et sa fonction se trouve la première confrontée à l’accueil des patients et doit faire face à des parents parfois agressifs et angoissés. Son devoir est d’accomplir cet accueil avec efficacité et empathie. En cas d’affluence, sa tâche est difficile car elle est constamment sollicitée par les médecins du service dont elle est l’interlocutrice principale quand les autres infirmières sont occupées par des soins, mais également par les parents ou les autres intervenants du service. Elle a en charge de prévenir le médecin lors de la réception d’enfants amenés par le SMUR ou le SAMU. Elle

oriente les autres en salle d’attente après avoir noté sur la fiche infirmière le motif d’entrée ainsi que toutes les informations administratives utiles. Son rôle est donc essentiel. Afin d’améliorer la prise en charge des enfants et d’éviter au maximum les erreurs, deux médecins des urgences et une dizaine d’infirmières ont réfléchi ensemble sur l’élaboration de critères objectifs de tri en s’inspirant de travaux faits par d’autres services d’urgence et en particulier par des équipes canadiennes. Après avoir étudié les différentes grilles de tri déjà existantes [1-7], le groupe a préféré élaborer sa propre grille en ne retenant, pour plus de facilité, que trois niveaux de gravité contrairement à la majorité des grilles qui en comptent cinq. Cette grille permet au moyen d’un interrogatoire simple et rapide de définir des stades de gravité allant de l’urgence vitale à la simple consultation afin d’aboutir à une prise en charge médicale immédiate ou très rapide des vraies urgences. Une codification de gravité décroissante a été définie en fonction des symptômes les plus fréquemment rencontrés dans les urgences pédiatriques. Les stades sont les suivants : – stade I : prise en charge immédiate, directement par un médecin senior ou un interne ; – stade II : prise en charge dans la 1/2 heure après l’arrivée ; – stade III : prise en charge si possible dans les 2 heures. Les enfants classés en stade II et III sont le plus souvent pris en charge par un étudiant hospitalier avant d’être réexaminés par un interne ou un médecin senior. Tous les symptômes ont été classés par stades et par appareils en séparant la médecine de la chirurgie et ont été regroupés sous forme d’un tableau qui se trouve au niveau du bureau d’accueil (tableau I).

2. Tableau de tri Le tableau se situe sur le bureau de l’infirmière d’accueil, sous verre. L’IAO peut facilement le consulter afin de l’aider à déterminer le stade de gravité de l’enfant en fonction de l’interrogatoire des parents et des constantes prises à l’arrivée (température, saturation en O2, etc.).

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected]

739 © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2009;16:739-741

M. Portas et al.

Archives de Pédiatrie 2009;16:739-741

Tableau I Grille de tri pédiatrique CRITÈRES MÉDECINE FIÈVRE STADE 1 Âge < 3 mois Purpura (éruption ne s’effaçant pas à la vitropression) Signes méningés : raideur de la nuque, photophobie Vomissements.

STADE 2 Température > 40°C 3 mois < âge < 2 ans Antécédents de convulsion fébrile Symptômes associés : troubles respiratoires, troubles digestifs Troubles hémodynamiques : pâleur, cyanose, altération Asthénie intense. de l’état général, marbrures Hypothermie. Frissons. Hypotonie. SYMPTOMATOLOGIE RESPIRATOIRE STADE 1 STADE 2 Âge < 3 mois Dyspnée expiratoire : bronchiolite, asthme, antécédents d’asthme grave Détresse respiratoire : apnée, arrêt respiratoire, Dyspnée inspiratoire : laryngite étouffement et salivation, battement des ailes du nez Difficultés d’élocution Signes respiratoires et/ou – fièvre, – antécédents cardiaques Saturation < 92 % Notion de corps étranger + signes respiratoires Allergie + signes respiratoires et œdème SYMPTOMATOLOGIE NEUROLOGIQUE STADE 1 STADE 2 Coma Céphalées et/ou température Autre signe neurologique Vomissements en jet. Convulsions en cours Paralysie faciale Mouvements anormaux Malaise Troubles de la conscience Convulsions avec retour à l’état normal Raideur méningée Troubles moteurs Syndrome extra pyramidal (Primpéran®) Troubles de l’équilibre SYMPTOMATOLOGIE DIGESTIVE STADE 1 STADE 2 Enfant < 3 mois Vomissements ou diarrhée et/ou : – Âge inférieur à 2 ans, – Température, – Symptôme > 48 heures

Signes de DHA : – Altération du teint, – Soif, – Yeux cernés, – Fontanelle déprimée, – Enfant geignard Vomissements fécaloïdes ou bilieux Vomissements en jet Intolérance alimentaire absolue STADE 1 Otalgie hyperalgique

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STADE 3 Grands enfants Fièvre bien tolérée Fièvre prolongée

STADE 3 Toux prolongée bien supportée Toux nocturne Nez qui coule sans signe associé

Douleurs thoraciques isolées Toux simple.

STADE 3 Céphalées banales

Spasmophilie Épileptique connu ne convulsant plus Vertiges

STADE 3 Vomissement isolé. Diarrhée isolée > 2 ans Autre douleur abdominale Constipation Régurgitation Ictère

Avis chirurgical = douleurs abdominales et/ou : – Malaise, – Changement de teint, – Douleurs paroxystiques, – Altération de l’état général, – Fièvre

O.R.L STADE 2 Epistaxis en cours otorragie Suspicion ethmoïdite (œdème orbitaire + douleur + fièvre)

STADE 3 Otalgie sans fièvre « rhume » Odynophagie Epistaxis ne saignant plus Otorrhée simple

Mise en place d’une grille de critères de tri dans un service d’urgences pédiatriques

Tableau I Grille de tri pédiatrique (suite) STOMATOLOGIE/OPHTALMOLOGIE STADE 1

STADE 2

STADE 3

Corps étranger intra oculaire

Stomatite

Conjonctivite

Projection de liquide caustique intra oculaire

Abcès dentaire

Orgelet

Traumatisme oculaire

Traumatisme dentaire

Chalazion

Suspicion ethmoïdite (œdème orbitaire + douleur + fièvre) DERMATOLOGIE STADE 1

STADE 2

STADE 3

Purpura

Éruption prurigineuse

Eczéma nourrisson

Ecchymoses multiples non traumatiques

Éruption fébrile

Éruption nourrisson non fébrile

Urticaire + signes respiratoires et/ou œdème

Varicelle

Herpès labial (« bouton de fièvre »)

Des clayettes de couleurs différentes (blanches pour la médecine et bleues pour la chirurgie) ont été installées sur le mur derrière l’infirmière d’accueil. Ces clayettes, séparées en colonnes pour différencier les trois stades de gravité, reçoivent les dossiers dès que l’infirmière d’accueil a terminé l’interrogatoire. Ce système permet de connaître, à tout moment, le nombre d’enfants présents dans les urgences et leurs stades de gravité.

3. Évaluation de l’outil de tri Une évaluation de la grille de tri [8] a été faite durant une période d’un mois en hiver et a porté sur le délai d’attente du patient en fonction du stade attribué par l’IAO à son arrivée et sur la corrélation entre le stade attribué par les IAO en contact avec les patients, en condition de stress et celui donné a posteriori par les médecins d’après le recueil des données. L’intervalle de temps, pour chaque stade, entre l’entrée aux urgences et la prise en charge du patient est en moyenne de 20 min pour le stade I, 32 min pour le stade II et 43 min pour le stade III. La corrélation entre le stade attribué par l’infirmière et celui attribué par le médecin varie en fonction des stades. Elle est très bonne pour les stades I (91 %), et II (87,5 %) mais médiocre pour le stade III où elle n’est que de 63,6 %. La discordance est essentiellement due à une surestimation de la gravité (17,2 %) alors que la sous évaluation n’est que de 4,2 %. La corrélation entre la classification effectuée par l’infirmière et la relecture par le médecin révèle donc que la classification a été parfaitement assimilée par l’IAO avec cependant une tendance à la surévaluation des stades de gravité de l’ensemble de la cohorte. Le pourcentage de sous évaluation, notamment pour le stade I est faible. Les patients les plus graves sont donc examinés en priorité sans délai d’attente délétère ce qui reste l’objectif prioritaire.

4. Conclusion La création et l’utilisation d’une grille de critères de tri consultable à l’accueil, ont pour but d’aider les IAO à effectuer un tri sur des critères objectifs et de permettre aux enfants les plus graves d’être vus et traités en priorité sans attente délétère. La mise en place du tri infirmier a eu par ailleurs deux autres incidences bénéfiques : l’augmentation de la satisfaction et de la patience des familles, probablement du fait des explications fournies par l’IAO sur le déroulement des soins et des délais d’attente prévisibles et l’impression de tous les acteurs soignants d’une meilleure organisation et d’une meilleure gestion des flux.

Références 1. Cheung WWH, Heeney L, Pound JL. An advance triage system. Accid Emerg Nurs 2002;10:10-6. 2. Considine J, Sandra A, LeVasseur, et al. Development of physiological discriminators for the Australasian Triage Scale. Accident and Emergency Nursing 2002;10:221-34. 3. Cronin JG. The introduction of the Manchester Triage scale to an emergency department in the Republic of Ireland. Accident and Emergency Nursing 2003;11:121-5. 4. Beveridge R, CAEP issues. The Canadian Triage and Acuity Scale: a new and critical element in health care reform. Canadian Association of Emergency Physicians. J Emerg Med 1998;3:507-11. 5. Legrand A, Thys F, Vermeiren E, et al. Validation of a triage scale: first step in patient admission an emergency service models. Rech Soins Infirm 2003;72:145-9. 6. Durojaiye L, O’Meara M. A study of triage of pediatric patients in Australia. Emerg Med 2002;14:67-76. 7. Gouin S, Gravel J, Devendra K, et al. Evaluation of the Paediatric Canadian Triage and acuity Scale in a pediatric ED. Am J Emerg Med 2005;23:243-5. 8. Portas M, Firiloni JD, Bremond V et al. Etude de l’impact d’une grille de critères de tri utilisée à l’accueil d’un service d’urgence pédiatrique. Arch Pediatr 2006;13:1507-13.

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