Modèles animaux et maladies auto-immunes

Modèles animaux et maladies auto-immunes

Rev MCd lnterne 1999 0 Eisev~er, Paris ; 20 : 2X3-6 Lexique ModSles animaux et maladies auto-immunes A.S. Korganow I, J.C. Weber2, T. Martin ’ I Sr...

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Rev MCd lnterne 1999 0 Eisev~er, Paris

; 20 : 2X3-6

Lexique

ModSles animaux et maladies auto-immunes A.S. Korganow I, J.C. Weber2, T. Martin ’ I Srn?cr d’inmunologie

clinique, (Rap

xsrrvicr

de wvkiecine intemr,

le 3 novembre

1998

hGpifa/ Civil, BP, 426. 67091 Stmshourg,

; accept6 le 19 dtcembre

France

1998)

modi?les animaux / maladies auto-immunes / diabhte / lupus / scl&ose en plaques / polyarthrite, immunothkrapie aninral models I auto-immune diseases / diabetes, lupus / multiple sclerosis / polyarthritis / immunotherapy

Quelques gthuhlh%

sur les modi?les animaux [11 Les modbles spontanh sont thdoriquement les plus intCressants pour l’analyse des m&anismes 1Csionnels dans leur ensemble ; malheureusement ils sont Bgalement t&s peu nombreux. L..esmod2les de transferts: le meileur exemple de ce type de mod&le est la reproductibilit6 de certaines pathologies auto-immunes 21l’animal par l’injection d’autoanticorps humains. Les mode)Zes transgeiziques: des populations T autorkactives ou des autoanticorps peuvent btre mises en Cvidence et isol$es chez l’homme ou chez I'animal ; les g&es codant pour les rkepteurs T ou les immunoglobulines correspondantes peuvent Qtre skquencds et introduits par tmnsgen&se dans le g6nome des animaux. Ces animaux peuvent, spontanCment ou secondairement aprtss injection des antigbnes, d&elopper des ph$nom&es auto-immuns. Les modt?les huh&s: l’injection d’un autoanti-

gkne, normalement non ou peu vu par les lymphocytes autotiactifs, peut provoquer une activation et une prolif&ation de ces lymphocytes avec une reaction auto-immune au site anatomique de I’antigtine. Le syst&me des croisements: les souris knockout sont c&es d&kientes pour un gbne. 11 existe des sow-is knock-out dklkientes en lymphocytes I3 (pmt knock-our), dkficientes en lymphocytes CD4 ou CD8, dkficientes pour une cytokine. Leur croisement avec des souris dbveloppant une pathologie auto-immune peut permettre d’approcher le r6le des genes knocked-out.

La recherche humaine en mat&e de maladies autoimmunes touche souvent ses limites : limites d’obtention de matCrie1, limites des essais thCrapeutiques, difficult& d’analyse des mCcanismes inducteurs au stade du diagnostic. Nous nous proposons, dans cet article, non pas de faire une prksentation exhaustive des modkles animaux de pathologies auto-immunes, mais d’en poser les principaux intCr&ts 2 partir de quelques exemples. Deux groupes de maladies auto-immunes peuvent &re SchCmatiquement individualis6es : - les l&ions tissulaires peuvent Ctre secondaires 21la production d’autoanticorps : ceux-ci peuvent &tre mis en Cvidence dans le s&urn des patients ou dans les tissus Es&; les l&ions sont likes ?I la fixation des anticorps sur l’antigkne; les autoanticorps sont Cventuellement transf&-6s de la m&e & l’enfant pendant la pCriode nkonatale, ils sont &ventuellement transfCrables de l’homme 2 I’animal par le serum; les l&ions sont Cventuellement amCliorCs par les plasmapht&ses. Un certain nombre de pathologies dCcoulent ainsi d’une rCponse auto-immune humorale inadaptCe. Nous avons choisi de p&enter quelques moditles de transferts de s&urns de l’homme B l’animal, et deux modkles de lupus CrythCmateux diss6mid ; - les l&ions tissulaires sont suspectCes Ctre d’origine T auto-immune : il n’existe pas d’arguments en faveur d’un mCcanisme humoral nCcessaire et suffisant; les l&ions sont le sii?ge d’un infiltrat de cellules mononuclCCes avec lymphocytes T CD4+ ou CD8+, et de macrophages ; une hyperproduction de cytokines impliquCes dans la rCponse immunitaire cellulaire est mise en evidence; les l&ions sont Cventuellement

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ameliorees par des traitements immunosuppresseurs des cellules T (ciclosporine, traitement par anticorps anti-CD3); il existe dans les populations malades une augmentation de frequence de certains genes codant pour les molecules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilite (CMH) en faveur d’une implication des lymphocytes CD4, ou de certains genes de classe I, en faveur d’une implication des CD8. Ces arguments ne sont que des arguments indirects. 11 n’est pas possible, actuellement, d’affirmer le cat-act&e autoimmun T dependant d’une maladie chez l’homme. Par ailleurs, le transfert de populations T presumees autoreactives de l’homme a I’animal n’est pas realisable pour des raisons d’histocompatibilite. L’analyse des modeles animaux peut permettre d’approcher l’autoimmunite T dans certaines pathologies et d’avancer, par analogies, dans la comprehension des mecanismes humains. Nous avons choisi le diabete insulinodependant pour illustrer la demonstration d’un caractere autoimmun medic! par les lymphocytes T chez l’animal. MODRLES DE PATHOLOGIES AUTO-IMMUNES PRINCIPALEMENT LIRES A UNE PRODUCTION D’AUTOANTICORPS PATHOGRNES [2-41 Modtiles de transferts

de &rums

La demonstration du caractere pathogene des anticorps dans une maladie auto-immune experimentale repose sur des experiences de transfert passif de serum, sous reserve que l’autoantigene implique soit relativement bien conserve entre l’homme et l’animal. Ainsi, des immunoglobulines humaines de patients atteints de maladie de Basedow (anticorps stimulant le recepteur de la TSH), de myasthenie (anticorps antirecepteurs d’acetylcholine), de pemphigoi’de bulleuse provoquent chez l’animal, respectivement, une augmentation de la T4, une myasthtnie ou une dermatose bulleuse. Mod&les de lupus CrythCmateux dissCmin6 11 existe, dans le lupus Crythemateux, diskmine une hyperproduction de plusieurs types d’autoanticorps. Certains d’entre eux sont clairement pathogenes chez l’homme : des autoanticorps anti-SSA sont a l’origine de blocs auriculoventriculaires fcetaux, des anticorps antiplaquettes entrainent des thrombopenies neonatales. D’autres ne peuvent pas, a l’heure actuelle, etre impliques dans les lesions tissulaires observees. L’analyse des modeles animaux permet quelques constatations

(severe combined immunodeficient, c’est-a-dire deficientes en lymphocytes T et B) provoque, dans certains cas, une proteinurie et des depots glomerulaires d’immunoglobulines ; - les souris NZB/NZW (croisement de deux lignees spontanees, c’est-a-dire non mutees par transgenese) developpent une glomerulonephrite severe de type lupique avec des depots de complexes immuns et de complement, parallblement a l’apparition d’anticorps anti-ADN seriques de type IgG. Des etudes de transferts passifs d’animaux malades dans des animaux sains indiquent qu’un sous-groupe d’anticorps antiADN, dont les caracteristiques sont encore ma1 Ctablies, sont directement pathogenes ; - la participation des lymphocytes T dans les lesions lupiques est tres discutee. 11 n’existe malheureusement pas de modele spontane tres proche du lupus Crythemateux dissemine permettant d’approfondir precisement ce point. Cependant, le modele des souris MRL-lpr/Lpr apporte un Cclairage interessant sur un role Cventuel des lymphocytes T dans une maladie auto-immune qui est, in fine, anticorps dependante. Les souris MRL-lpr/Lpr sont des souris issues d’une lignee spontanbe, homozygotes pour la mutation lpr. Ces souris developpent une pathologie auto-immune apparentte au lupus ainsi qu’un syndrome lymphoproliferatif (hyperplasie lymphoi’de polyclonale). 11 existe en fait, chez ces souris, des lymphocytes T autoreactifs en grande quantite, ayant Cchappe a une destruction intrathymique en raison d’un defaut d’apoptose lie a la mutation lpr. Des lymphocytes T des souris MRL-lpr/Lpr sont par ailleurs susceptibles d’activer des lymphocytes B producteurs d’anticorps anti-ADN, et une thymectomie neonatale previent le developpement de la maladie. MODRLE DE PATHOLOGIE AUTO-IMMUNE MRDIRE PAR LES LYMPHOCYTES T: LE DIABRTE DES SOURIS NOD [3] La souris non obese diabetic (NOD) a CtC decouverte au Japon dans les an&s 1970 dans une lignte de souris appelee ICR, a partir de laquelle on voulait isoler une souche developpant une cataracte. Le diabbte developpt par la souris NOD ressemble au diabete humain, car il est spontane et les symptbmes sont similaires. La souris NOD developpe Cgalement une thyroi’dite, un syndrome set, une anernie hemolytique. Le diabete developpe par la souris NOD resulte, comme pour la forme humaine, de l’infiltration des ilots de Langerhans du pancreas par des lymphocytes T CD4, CD8, des lymphocytes B, des macrophages et de la destruction des cellules p. Comme chez l’homme, un certain nombre de composants genetiques et environnementaux favorise ou empeche le developpement du diabete de la souris NOD. Plus de 15 loci appeles Idd, disperses

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sur I 1 chromosomes ont CtC associCs au diabkte. Le principal locus gtnCtique, Idd 1, est le CMH et l’expression de molecules de classe II propres aux souris NOD. L,‘anslyse du modkle de diabkte prCsentC par les souris NOD a permis les constations suivantes : -- les lymphocytes T sont essentiels au developpement dc la maladie : tout comme chez l’homme, ils sont prtsents dans l’infiltrat pancrkatique, m?me aux stades tres precoces ; des traitements par anticorps dirigCs contre les cellules T (anti-CD3, anti-CD4 et anti-CD8) bloquent le d&eloppement de la maladie; I’introduction d’une dCficience en lymphocytes T, soit par une dcldtion d’un fragment de la chaine a du rCcepteur T ((‘cl kmck-out) soit par la mutation nude (absence de thymuc) empeche l’insulite et le diabgte; -- 11: diab&e des sourix NOD est une maladie autoimmune. Certains clones T autorCactifs a l’encontre de cellules d’ilots et de cellules prksentatrices d’antigkne exprimant les molCcules de classe II de NOD sont diwctement pathogknes : leur introduction par transfert 2 dcs wuris saines induit un diab&e; leur introduction par transgenkse dans des souris NOD provoque un diabi:tc encore plus sCvCre avec une incidence augmende. ILLUSTRATION DE Ml?CANISMES D’&HAPPEMENT A LA TOLhRANCE La description du diabkte des souris NOD interroge sur les stimuli susceptibles de conduire une population T potcntiellement autorkactive, mais normalement tolCrisee. 2 un processus pathogkne. Nous avons choisi de p&enter dans ce cadre deux modkles : celui de I’encCphalite expirimentale auto-immune et un modele d’uvt5t.e. Modtile d’endphalite expCrimentale auto-immune (EAE, experimental autoimmune encephulomyelitis)

[3]

Lcs deux protCines majeures de la myCline du systkme nervcux central sont la prottine basique de la mykline (Ml3P. m,bdin basic protein) et la protCine prot&olipidiquc. L’immunisation de souris avec l’une ou l’autre de ws prot&nes inject&s dans de l’adjuvant de Freund entraine une affection dCmytlinisante, apparentCe & la sclProse en plaques. Des souris transgeniques pour un r&pteur T spCcifique d’un peptide de la mykline ont un I.l&eloppement quasi normal. Si on injecte le peptide spCcifique & ces souris transgkniques, elles d&eloppcnt une maladie fulgurante dCmyClinisante, alors que les souris non transgkniques sont peu touchCes. Ces deux modbles illustrent les faits suivants : - des lymphocytes T autorkactifs peuvent Ctre prCsen1.s sans &re pathogknes ; le cerveau est un site antigenique dit privilCgiC: du fait de la barriitre hCmato-

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enckphalique, les lymphocytes T en dehors de toute activation n’y p&&rent pas ; - l’administration de l’autoantigkne en pCriphCrie peut activer les lymphocytes T autorCactifs, cette activation conduisant B une pathologie auto-immune. Modgle de kCratite auto-immune & une infection herpCtique

secondaire

La kkratite herpktique chez l’homme est secondaire 2 une infection par le virus herpks simplex de type I (HSV-1) et correspond B une destruction cornCenne dependante des lymphocytes T. Certaines souches murines dkveloppent Cgalement une ktratite stromale nCcrosante apr&s infection par HSV-1. Les l&ions cornCennes sent likes B la prCsence de lymphocytes T activCs, reactifs j l’encontre d’une sCquence peptidique prCsente dans des extraits cornkens et dans HSV-1. L’injection d’un virus herpes sauvage pour cette sCquence provoque la maladie ; l’administration d’un virus mud n’entraine pas de l&ions oculaires [5]. Ce modele objective la possibilitC d’activer des lymphocytes T autorCactifs avec des agents infectieux par rCactivitC croide. DE L’ANIMAL A L’HOMME. ESSAIS THBRAPEUTIQUES DANS UN MODtiLE DE POLYARTHRITE: MODtiLE D’ARTHRITE INDUITE PAR L’INJECTION DE COLLAGtiNE L’induction d’une arthrite animale par injections rkpCtCes de dkterminants antigkniques spkcifiques articulaires est possible. Le modgle le plus CtudiC est l’arthrite induite par le collag&ne de type II [6]. Chez la souris, l’administration de collagitne hkt&ologue entraine une seule poussCe t&s destructrice, alors que l’administration de collag&e autologue provoque une atteinte articulaire moins importante, mais chronique avec possibilitC de poussCes. Les l&ions articulaires ont les m&mes caractkristiques histologiques que la polyarthrite rhumato’ide. Cette polyarthrite ne survient que sur un terrain gCnCtique particulier (chaine Ab des molCcules de classe II exprimCes par les souris susceptibles). Le dCveloppement des l&ions arthritiques dipend des lymphocytes T, des lymphocytes B et de certaines cytokines: la maladie est transfkrable & des souris SCID par les lymphocytes T CD4+ avec du &rum; les traitements par anticorps anti-CD4, antiTNFa et anti-IL- 1 diminuent l’intensitk des l&ions, surtout lorsqu’ils sont administrks prCcocement. Ces donnCes, l’existence d’un infiltrat lymphocytaire CD4+, la constatation d’un profil de cytokines synoviales essentiellement macrophagique (IL- 1, IL-6, TNFa) dans la maladie humaine sent 2 l’origine

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d’essais therapeutiques dont les resultats actuels sont heterogenes. Les traitements par anticorps anti-CD4 montrent, pour l’instant, des resultats discordants peu encourageants dans les etudes en double aveugle. Les traitements par antagonistes de I’IL- 1 n’entrainent pas de reelle amelioration clinique. En revanche, plusieurs etudes confirment l’efficacite des traitements par antiTNFar ou par recepteur soluble du TNF. Le modele d’arthrite induite par le collagene permet de decrire plusieurs possibilites therapeutiques dans les pathologies auto-immunes [6-81: - la reaction immunitaire cellulaire T peut theoriquement Ctre bloquee de faGon non specifique en <> par des anticorps monoclonaux anti-CD4, en <>par des anticorps monoclonaux anticytokines produites ; - l’activation lymphocytaire T fait intervenir des signaux dits de costimulations issus de l’interaction de molecules exprimees a la surface des cellules presentatrices d’antigene avec des molecules exprimees a la surface lymphocytaire T. Ces molecules constituent une cible therapeutique potentielle. Ainsi, l’arthrite a collagene peut Ctre prevenue ou diminuee par l’administration d’anti-CD40-ligand exprime par les cellules T, d’une forme soluble de CTLA-4, ou par l’administration conjointe d’anticorps anti-B7-1 et B7-2, exprimees par les cellules presentatrices d’antigene ; _ l’administration d’antigenes par voie orale peut induire une tolerance peripherique a l’antigene, soit par immunosuppression active (antigene a faible dose) soit par anergie (antigene a forte dose). La tolerance orale met en jeu le systeme immunitaire du tube digestif. L’administration orale de faibles doses de collagene de type II previent le developpement des lesions articulaires chez les animaux ulterieurement immunids. Deux essais contre placebo d’administration de collagene par voie orale chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoi’de ont CtC recemment publits et suggbrent une amelioration pour certains criteres d’evolutivite sans Btre pour l’instant significativement convaincants ; - des clones T specifiques de certains Cpitopes immunogeniques du collagene de type II peuvent etre isoles a partir d’animaux arthritiques, les recepteurs T de ces clones peuvent Ctre sequences. Des souris ont CtC vaccinees avec une partie de la chaine a d’un recepteur de cellule T specifique du collagene de type II; ces souris, ulterieurement immunistes, ont une incidence d’arthrite diminute. CONCLUSIONS Certaines bases sont communes dans l’exploration d’un modele animal de maladie auto-immune : analyse du role du fond genetique en le modifiant par croise-

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ments ou par transgenese; isolement des populations lymphocytaires T autoreactives ou d’autoanticorps ; mise en evidence de leur caractere pathogbne par des systemes de transferts ou par deletion (traitements par anticorps anti-lymphocytes T, croisement avec des souris deficientes en lymphocytes T ou en lymphocytes B). L’antigene peut Ctre recherche en testant in vitro la reactivite des lymphocytes T autoreactifs, des anticorps produits ou a l’aide de modeles induits. L’intervention de facteurs exterieurs peut &tre testee en Clevant les souris dans des conditions sanitaires ou alimentaires particulieres, en injectant des agents infectieux ou certains antigenes. Les cytokines impliquees et les mecanismes finaux lesionnels peuvent Ctre Cgalement dttermines par croisements avec des souris deficientes pour certaines cytokines ou par traitements avec des anticorps monoclonaux. Les modbles spontanes sont les plus instructifs en termes d’analogie avec la pathologie humaine, mais les reponses apportees par des modeles plus <