Mécanique & Industries 4 (2003) 125–132
Modélisation du comportement dynamique de clapets de compresseurs en état flexible J.-L. Dion, J.-B. Casimir LISMMA, groupe vibroacoustique, ISMCM-CESTI, 3, rue Fernand Hainaut, 93407 Saint Ouen cedex, France Reçu le 4 juin 2002 ; accepté le 10 décembre 2002
Résumé L’étude des rebonds et comportements oscillants de clapets flottants est conduite en assimilant chaque clapet à une poutre flexible non linéaire, excitée par l’écoulement d’un fluide compressible agissant sur la structure constituée par le clapet. Après une formulation originale des modèles couplés, l’étude s’attache à décrire la sensibilité des comportements dynamiques des clapets en fonction des caractéristiques du système identifié. 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Abstract Chock and vibrations of valves are described as nonlinear beams excited by the gas flow coupled with the valve behaviour. After describing the model associations, the study shows the effects of model parameters on the dynamic behaviour of valves. 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots-clés : Clapet ; Compresseurs à pistons ; Choc ; Dynamique non linéaire Keywords: Valve; Reciprocating compressor; Chock; Nonlinear dynamic behaviour
1. Introduction Les clapets flottants déclinés sous différentes solutions technologiques sont classiquement utilisés sur les compresseurs pneumatiques et frigorifiques. Ces clapets assurent les fonctions d’admission et de refoulement des compresseurs. En fonctionnement normal, les clapets subissent des ouvertures et fermetures plusieurs dizaines de fois par seconde. Ces mouvements sont provoqués par les différences de pression appliquées entre les deux faces d’un même clapet. La dynamique (souhaitable ou non) des clapets flottants agit notablement sur le comportement global du compresseur. Les rendements mécaniques, volumétriques et thermodynamiques y sont étroitement liés. Les clapets jouent également un rôle déterminant dans le comportement acoustique du compresseur et sont des composants dont la durée de vie implique immédiatement celle du compresseur. Pour toutes ces raisons la compréhension et la prédiction du comportement dynamique des clapets présente un intérêt aussi bien scientifique qu’industriel. Adresses e-mail :
[email protected] (J.-L. Dion),
[email protected] (J.-B. Casimir).
Le travail présenté s’attache à décrire la dynamique des clapets flottants en les considérant individuellement comme des poutres flexibles non linéaires. Cette approche permet de décrire le comportement du clapet mais aussi celui du fluide et celui du compresseur dans sa globalité.
2. Modélisation 2.1. Comportement flexible des clapets Les clapets sont modélisés par des éléments poutre possédant deux types de non-linéarités. La première source de non linéarités est de type géométrique. Dans certaines configurations industrielles les déformées des clapets se situent dans le domaine des grands déplacements : pour ces applications, les modélisations éléments finis linéaires classiques ne peuvent être retenues, les non linéarités de type géométrique modifient alors fortement le comportement dynamique du clapet. L’autre type de non linéarités provient des impacts du clapet sur son siège et sa butée.
1296-2139/03/$ – see front matter 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. doi:10.1016/S1296-2139(03)00030-7
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Deux approches de la modélisation de l’état flexible ont été conduites en parallèle : la première s’inspire de la méthode des multicorps, la deuxième de la méthode des éléments finis. De nombreuses études numériques et expérimentales ont permis de mettre en évidence la nature des comportements flexibles des clapets : pour l’ensemble des configurations technologiques recensées le comportement vibroacoustique, la tenue en fatigue et les performances globales du clapet peuvent être simulés en limitant le domaine d’étude fréquentiel à la plage correspondant aux trois premiers modes propres du clapet. Dans la plupart des cas, seul le premier mode propre de flexion du clapet interagit avec les comportements dynamiques. Cette observation a conduit au choix d’éléments poutre pour la modélisation du comportement flexible des clapets : les cas présentant des comportements particulièrement flexibles sont potentiellement sollicités sur leur deux premiers modes de flexion et sur leur premier mode de torsion. La modélisation du comportement flexible des clapets peut donc se décrire par des éléments poutres possédant une rigidité de flexion (sur une seule direction) et une rigidité de torsion (sur une seule direction). Le système flexible complet est sollicité par une différence de pression appliquée sur une surface équivalente, ellemême fonction de la position du clapet lors de son mouvement. Les surfaces sur lesquelles s’exercent les pressions pour un clapet fermé ne sont pas nécessairement les mêmes lors de son ouverture.
entre le clapet et le siège ou entre le clapet et la butée. Lorsque le clapet est en vol libre (entre son siège et sa butée) la rigidité associée aux translations devient alors nulle (ou voisine de 0 pour certaines technologie).
2.1.1. Modélisation par la méthode des multicorps Les clapets sont assimilés à des poutres sollicitées en flexion et en torsion. La discrétisation spatiale du clapet conduit à assembler des solides élémentaires indéformables reliés entre eux par des liaisons de type pivot ou rotule. Chacun des degrés de liberté en rotation est associé à une rigidité de torsion. La flexion du clapet est donc vue comme une succession de rotation des sections droites. Cette technique permet d’accorder la description de comportement flexible avec la résolution du système par des méthodes multicorps. Plus classiquement, la torsion du clapet est décrite comme une succession de rotation des sections droites. La flexion est décrite par la rigidité de torsion de la section droite reliant l’élément i à l’élément i + 1. Cette rigidité est de la forme Kfi = EIi /Li suivant l’axe normal au plan de flexion. La torsion est décrite par la rigidité de torsion de la section droite reliant l’élément i à l’élément i + 1. Cette rigidité est de la forme Kti = GJi /Li suivant l’axe principal de la poutre. La dynamique du clapet (par sollicitation externe) provient d’une part des forces aérodynamiques du gaz mais aussi des impacts du clapet sur son siège et sa butée. La modélisation retenue pour les fonctions d’impact est représentée par des rigidités numériquement très importantes (contact solide–solide) pour les phases de contact
2.2. Chocs
2.1.2. Méthode des éléments finis Le comportement élastodynamique du clapet est approché par une modélisation « éléments finis » basée sur n éléments de poutre à 2 nœuds et 4 ddl de type Euler–Bernoulli. Les hypothèses sous-jacentes, valides dans le domaine fréquentiel d’intérêt, sont donc : • absence de déformation de cisaillement transverse, • inertie de rotation de sections négligée. Les degrés de liberté en chaque nœud i de la discrétisation sont : la flèche wi et la pente de la ligne moyenne −wi,x . La continuité C 1 de la flèche est assurée par une interpolation cubique de type Hermite. Les matrices de raideur (1a) et de masse (1b) de l’élément i sont, selon cette formulation proposée dans [1] : 12 −6Li −12 −6Li EI 4L2i 6Li 2L2i (1a) [K]i = 12 6Li Li sym. 4L2i 156 −22Li 54 13Li 2 2 ρSLi 4Li −13Li −3Li (1b) [M]i = 156 22Li 420 sym. 4L2i
Indépendamment des aspects destructifs des chocs mécaniques et des comportements plastiques des matériaux constitutifs des solides en collision, la modélisation proposée pour décrire le comportement dynamique du choc s’attache avant tout à décrire et prédire les comportements dynamiques et cinématiques des solides pendant et après le chocs. Cette démarche conduit à la connaissance des forces d’impact et de la cinématique des rebonds. Le choc est abordé sous deux aspects : élastique et dissipatif. 2.2.1. Le comportement élastique Le comportement élastique présente une très forte non linéarité : la rigidité élémentaire locale perçue par le clapet subit une forte évolution sur un intervalle de déplacement très faible (de l’ordre de quelques micromètres). Hors zone d’impact la rigidité de l’élément reste numériquement faible (rigidité équivalente de quelques N·mm−1 ) ; elle provient de la rigidité même du clapet en état flexible pour les clapets type finger ou lamelle ou du ressort de clapet pour les clapets annulaires. Pour un contact solidien, la rigidité observée lors d’un contact parfait (les deux surfaces de contacts des solides sont idéalement confondues) croit linéairement avec la charge et peut aisément être prédite par des calculs de structures
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classiques [2] : c’est l’élasticité des matériaux des deux solides qui définit l’évolution de la rigidité du système. La rigidité est alors simplement définie comme le rapport entre la charge appliquée et l’écrasement observé. Les deux zones décrites précédemment possèdent des valeurs numériques de rigidité très différentes qui sont reliées entre elles sur un intervalle de quelques micromètres voir quelques dixièmes de micromètres. En tribologie, cet intervalle trouve souvent sa justification dans la rugosité des surfaces en contact, dans le cas de clapets, la qualité des états de surfaces conduit à des grandeurs de rugosités sensiblement plus faibles que la largeur de transition de la rigidité lors de l’établissement du contact : les états de surfaces ne justifient donc pas à eux seuls la relative progressivité de la rigidité. À titre d’exemple, entre le début de l’établissement du contact et le contact solidien parfait l’intervalle est dans certains cas de l’ordre de quelques dizaines de micromètres alors que la rugosité des deux pièces en contact reste inférieure au micromètre. Cette courte distance pendant laquelle s’établit le contact possède deux origines principales : en premier lieu, les défauts géométriques de premier et deuxième ordre (planéité, défaut de forme) sont dans certaines réalisations industrielles très sensiblement supérieurs à la rugosité. En deuxième lieu, le comportement dynamique et flexible du clapet en fonctionnement peut conduire à des déformées dynamiques qui localement peuvent s’éloigner de la déformée statique de quelques centièmes de millimètres. Lors d’un impact du clapet sur son siège ou sur sa butée, le contact ne s’établit pas simultanément en tout point du clapet. Dans certains cas de figure, la géométrie du siège ou de la butée du clapet ne correspond ni à la position repos ni à la déformée statique du clapet. Pour ce type de clapet, la localisation des fonctions d’impact joue un rôle déterminant dans la progressivité de la fonction de rigidité. Les simulations numériques effectuées après recalage sur des expériences réalisées au LISMMA ont permis de mettre en évidence les ordres de grandeur des forces d’impact. Il ressort de ces simulations que la zone de contact solidien idéal n’est jamais atteinte : la modélisation de la fonction de rigidité dans le domaine de déformation volumique des solides présente donc un intérêt limité (voir Fig. 1). Le modèle élémentaire simplifié retenu est construit à partir de trois niveaux de rigidités (rigidité du siège, rigidité en vol libre, rigidité de la butée) reliés entre eux par des fonctions trigonométriques qui assurent la continuité de la fonction de rigidité et de sa dérivée première. Ces deux conditions de continuité de fonction sont nécessaires pour assurer la convergence et donc la stabilité des méthodes numériques retenues. La fonction de rigidité d’impact d’un élément de clapet est schématisée Fig. 1. Elle est alors décrite selon le système d’Éqs. (3). La différence de pression initiale nécessaire au soulèvement du clapet dépend de la précharge du ressort de clapet et du phénomène de stiction de l’huile présente entre le siège
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de clapet et le clapet. La précharge du clapet se traduit par une force permanente qui doit être équilibrée par la différence de pression du fluide aussi bien au moment de l’ouverture du clapet que lors de son fonctionnement dynamique en position ouverte. Contrairement à la précharge du ressort de clapet, le phénomène de stiction n’est pas un phénomène linéaire : lorsque le clapet quitte son siège, cette force devient nulle, elle est non nulle uniquement en position quasi obturée du clapet. Sa modélisation est associée à la précharge du clapet qui n’est plus une constante mais une fonction non linéaire construite avec des fonctions échelon de type Step afin de prendre en compte la progressivité de la rupture du film d’huile et satisfaire les conditions de stabilités des équations différentielles. 2.2.2. Le comportement dissipatif Le comportement dissipatif de la dynamique du clapet possède 4 origines : • l’amortissement structural du clapet, • l’énergie dissipée lors des chocs du clapet sur sa butée ou sur son siège, • les forces aérodynamiques appliquées sur le clapet lors des phases d’admission ou d’échappement, • les forces de stiction. L’énergie dissipée par l’amortissement structural du clapet reste numériquement faible devant l’énergie dissipée par choc et le travail produit par les forces aérodynamiques. L’amortissement dû au choc est modélisé sur le même principe que les fonctions de rigidités d’impact : des fonctions à seuils sont reliées entre elles par des fonctions d’interpolation de type trigonométrique. Le phénomène de stiction est inclus dans ce modèle pour son effet dissipatif (de type visqueux et discontinu). L’énergie dissipée par les forces aérodynamiques lors de l’écoulement n’est pas modélisée comme une caractéristique propre du clapet mais intervient comme une sollicitation externe. Ce modèle est alors représenté dans le second membre du système d’équations différentielles. 2.3. Thermodynamique Les études de sensibilité paramétrique des modèles thermodynamiques ont montré tout l’intérêt de l’utilisation de modèles réalistes et recalés pour leur emploi à des fins prédictives. Le cycle complet d’un compresseur comprend quatre phases principales : admission, compression, échappement, détente. En régime « établi », la température des éléments constitutifs de la chambre de compression subissent des évolutions de température relativement faibles et lentes devant celles du gaz qui subit le cycle précédemment décrit. Ainsi, lorsque le gaz est admis, il possède une température inférieure à celle des parois qui le confinent. Le cycle de compression provoque un échauffement important du gaz qui en fin de compression et durant la phase d’échappement
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atteint alors une température supérieure à celle de son environnement. Lors de la phase de détente (comme dans la phase de compression) le gaz aura des températures minima et maxima qui encadrent la température des éléments environnants. Les échanges de chaleur par conduction et convection vont de la chambre de compression vers le gaz durant la phase d’admission, du gaz vers la chambre durant la phase d’échappement. La complexité des formes géométriques des composants et la diversité des matériaux impliqués restent souvent un obstacle important à la quantification précise de ces échanges de chaleurs. Le choix du modèle retenu (Éqs. (2a) et (2b)) se justifie principalement par son aptitude à décrire de façon réaliste les évolutions de température du gaz au cours des différentes phases du cycle. Le recalage de ce modèle sur des expériences a permis de montrer pour les exemples traités que la phase de compression tend à se rapprocher du comportement adiabatique alors que celle de détente s’apparente plus à une évolution isotherme. Dans le cas d’un gaz supposé parfait les températures, le nombre de moles, la pression et le volume à tout instant t sont définis par les Éqs. (2a) et (2b). Le volume est une fonction définie par la position du système bielle-manivelle en fonction du temps. La variable de volume « motorise » le système d’équations différentielles, indépendamment des conditions initiales du système, c’est elle qui régit son comportement dynamique. 2.4. Écoulement Le fonctionnement dynamique du clapet est étroitement lié à la nature des écoulements du gaz : c’est la différence de pression entre les deux surfaces du clapet qui provoque son ouverture. Plus le clapet s’ouvre, plus cette différence de pression tend à se réduire. Lorsque la différence de pression devient faible, le clapet retourne en position fermée sous l’action de son ressort de rappel (rigidité propre pour les clapets de type finger et lamelle). Le coefficient de perte de charge du clapet dépend donc de son ouverture. Il est infini en position fermée et évolue en proportion inverse de la hauteur d’ouverture du clapet. Ce coefficient de perte de charge est une fonction de la hauteur d’ouverture du clapet dont l’évolution est particulièrement sensible à la géométrie et à la nature du clapet. Un exemple de fonction du coefficient de perte de charge proposé [3] est donnée en paragraphe 3.
3. Stabilité du système d’équations différentielles – équations couplées Le choix de la formulation des équations couplées conditionne fortement la stabilité du système différentiel et la rapidité de convergence de la méthode numérique. Une première solution qui satisfait ces conditions est proposée grâce à une
approche multi-corps. Une solution alternative est proposée dans la suite de l’article : la formulation retenue est adaptée à une résolution par des méthodes numériques « pas à pas » sous des logiciels de mathématiques. Le choix de la formulation du problème couplé doit satisfaire cinq conditions : (1) Le système d’équations doit être de type différentiel non linéaire. L’introduction d’équations temporelles aux différences finis doit être exclue : à titre d’exemple, si l’état thermodynamique du gaz dans la chambre de compression était modélisé par une équation aux différences finies entre deux états consécutifs séparés par un faible intervalle de temps, alors le modèle conduirait à des erreurs, voir des instabilités numériques importantes. (2) La modélisation de l’impact doit conduire à la connaissance des forces d’impact pour une meilleure compréhension des sollicitations mécaniques du clapet. (3) Le système doit permettre la connaissance des débits instantanés à l’admission et à l’échappement. (4) La formulation des pertes de charge doit assurer la stabilité du système lorsque le clapet tend vers sa position fermée : indépendamment du modèle retenu, le coefficient de perte de charge tend alors vers l’infini. Par ailleurs la loi de comportement doit permettre la prise en compte de certains dysfonctionnement tel que les phénomènes de flux inversés. (5) Toutes les fonctions non linéaires doivent être continues, et posséder une dérivée première continue afin d’assurer la stabilité de la résolution numérique. Ces pré-requis conduisent aux choix suivant : (1) Pour des raisons de choix de méthode numérique une formulation en équations aux différences finies est fortement déconseillée : le couplage des Éqs. (2a) et (2b) ne peut s’appuyer sur une différence de leurs états entre l’instant t et t + t. Alors la solution retenue consiste à coupler les équations à partir de l’état du système au point mort bas du piston : ce point particulier possède une température, un volume, une pression et un nombre de moles connus ou facilement accessibles. (2) La fonction d’impact est intégrée aux fonctions de rigidité et d’amortissement des clapets sous formes de fonctions (fortement) non linéaires paramétrées. Les méthodes de localisation temporelle d’impact avec inversion du signe de la vitesse ne permettent pas d’accéder aux forces d’impacts et conduisent souvent à des identifications paramétriques difficilement justifiables et donc à des rebonds peu réalistes au regard des relevés expérimentaux. (3) Le débit instantané d’un clapet résulte du couplage entre sa dynamique propre et la différence de pression à laquelle ses deux faces sont soumises. La pression dans la chambre dépend elle-même des conditions thermo-
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dynamiques (volume, nombre de moles et température) mais elle est aussi reliée au coefficient de perte de charge qui est lui-même fonction de la dynamique du clapet. Le choix de la formulation de ces couplages est déterminant dans la précision, la stabilité et la rapidité de convergence des simulations numériques. La solution retenue consiste à introduire une variable différentielle supplémentaire dans le système d’équations différentielles. Cette variable est la dérivée (par rapport au temps) du nombre de moles présentes dans la chambre, c’est donc un débit molaire. Ce débit molaire résulte de la différence entre les débits entrant (par les clapets d’admission mais aussi par les clapets d’échappement) et les débits sortant (clapets d’échappement et clapets d’admission). Chaque clapet peut en effet laisser passer un flux inverse à sa fonction lors de retard à la fermeture ou lors de rebonds intempestifs. La quantité de moles présentes dans la chambre n’introduit pas véritablement de degré de liberté supplémentaire au sens des systèmes oscillants puisque cette variable n’apparaît que par sa dérivée première, sa dérivée seconde (inertie du fluide) n’étant pas prise en compte. (4) L’assemblage des équations couplées décrit par la suite permet d’éviter la singularité numérique du coefficient de perte de charge qui tend vers l’infini lorsque la hauteur d’ouverture du clapet tend vers 0. (5) Les fonctions d’impact introduisent de fortes nonlinéarités dans le système différentiel. Ces fonctions, bien qu’apparemment source de discontinuité, sont modélisées par des fonctions continues décrites en 2.1. Cette continuité permet d’une part de décrire la (relative) progressivité de l’impact réel et d’autre part d’assurer la stabilité de la méthode numérique. Pour une chambre de compression, le comportement thermodynamique est décrit par : P (t)V (t) = n(t)RT (t)
(2a)
P (t)V (t)γ = const pour n(t) constant
(2b)
En considérant l’état du système au point mort bas, avec une pression d’admission Pa à une température Ta , le système précédant permet d’établir : P (t) =
n(t)RTa V (t)
γ
1−γ
Pa
(2c)
Où le volume instantané V (t) est défini par la cinématique et la géométrie du système Bielle–Manivelle–Piston. La fonction de rigidité associée à chaque élément de contact du clapet possède une ouverture maximale h et des défauts géométriques ε (clapet, butée et siège). Pour un
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Fig. 1. Fonction de rigidité d’impact d’un élément de clapet.
élément de contact, elle est décrite par le système suivant : Ks + Kc x(t) ≤ −ε (3a) 1 − cos(πx/ε) Ks + Kc −ε ≤ x(t) ≤ 0 (3b) 2 0 ≤ x(t) ≤ h (3c) Kr K(x) = 1 − cos((πx − πh)/ε) Kb + Kc 2 h ≤ x(t) ≤ h + ε (3d) h + ε ≤ x(t) (3e) Kb + Kc Chaque type de clapet (admission et échappement) est considéré comme un système mécanique décrit par des matrices de masse et de rigidité (voir 2.1.2) ainsi que des fonctions non linéaires pour les rigidités et amortissements de chaque élément en impact. Les débits molaires sont reliés aux débits volumiques par : ρe qe (t) (4a) n˙ e (t) = Mm ρa n˙ a (t) = qa (t) (4b) Mm Le débit instantané vu par la chambre est : n˙ = n˙ a − n˙ e
(5)
La différence de pression de part et d’autre des clapets s’exprime
Pe (t) = ψe (xe ) qe (t) qe (t) (6a)
Pa (t) = ψa (xa ) qa (t) qa (t) (6b) mais aussi : Pe (t) = P (t) − Pe
(7a)
Pa (t) = P (t) − Pa
(7b)
Les coefficients de perte de charge aux clapets sont identifiés par : αe ψe (xc ) = (8a) xe (t)2 αa ψa (xa ) = (8b) xa (t)2
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Les débits molaires de chaque clapet sont définis par : Pa (t) ρa xa (t) + |xa (t)| (9a) n˙ a = sgn Pa (t) Mm 2 αa Pe (t) ρe xe (t) + |xe (t)| sgn Pe (t) (9b) n˙ e = Mm 2 αe Remarque. Les formulations retenues permettent : • d’obtenir un débit nul lorsque le clapet est fermé, • de conduire à un débit dont le sens est défini par le signe de la différence de pression ; l’inertie du fluide est supposée négligeable, • d’éviter la singularité numérique lorsque l’ouverture du clapet tend vers 0 (position fermée).
Les grandeurs telles que la température, forces d’impact,. . . sont calculées en post-traitement. Les traitements numériques ont été réalisés sous Matlab ou sous Adams. Le choix de la mise en équation du système et le choix de la méthode retenue pour la résolution conditionnent fortement la précision des résultats numériques. La différence entre la quantité de gaz admis et la quantité de gaz refoulé sur plusieurs cycles est une grandeur physique particulièrement sensible aux choix précédents. En toute rigueur, la différence entre les flux matière entrant et sortant doit être nulle en régime établi. Remarque. La résolution du problème par des méthodes aux différences finies ou encore par des équations différentielles construites avec des débits volumiques et non massique conduit à une précision numérique souvent insuffisante : des erreurs de plusieurs % peuvent être commises sur les débits.
4. Simulations numériques 4.1. Méthodes numériques La résolution numérique du système d’équations est réalisée par des méthodes pas à pas à pas variables. Plusieurs méthodes ont été testées (Runge–Kutta ordre 2 et 4, Newmark. . .) ; quelque soit la méthode retenue, une intégration à pas variable est indispensable pour une bonne description du comportement des clapets au choc. Pour la plupart des simulations réalisées, à chaque pas de calcul, les déplacements nodaux ut +t à l’instant t + t sont évalués par un schéma implicite de type Newmark à partir des équations d’équilibre à l’instant t + t : t 2 t 2 ut +t = ut + u˙ t t + u¨ t + u¨ t +t 4 4 t t u˙ t +t = u˙ t + u¨ t + u¨ t +t 2 2 [M]u¨ t +t + [K]ut +t = F t +t soit : 4 [M] + [K] ut +t t 2 4 4 = F t +t + [M] ut + u˙ t + u¨ t t t 2 La mise à jour des chargements extérieurs exercés par les fluides environnants est assurée par une prise en compte de l’orientation à l’instant t des éléments de l’assemblage. Lors de la résolution, le système d’équations initial peut être réduit à un système central d’équations différentielles de 8n + 1 équations du premier ordre pour un ensemble de clapets flexibles discrétisés en n éléments. Les autres équations sont traitées comme des fonctions auxquelles le système principal fait appel pendant la résolution (rigidités et amortissements non linéaires, cinématique piston, pression instantanée. . .).
La méthode retenue conduit à des écarts entre les débits admis et refoulés inférieurs à 1 pour 10 000. L’identification paramétrique du modèle conduit donc à des simulations numériques qui permettent une très bonne prévision du rendement volumétrique global du compresseur. 4.2. Étude de sensibilité du système par rapport aux fonctions d’impact Les fonctions d’impact retenues ont été identifiées avec des valeurs de rigidités réalistes au regard des clapets, des sièges et butées de clapets classiquement réalisés industriellement. La rigidité de contact et la distance sur laquelle cette rigidité s’établit sont des paramètres dont l’identification numérique par des méthodes expérimentales s’avère délicate. Cependant, l’influence de ces deux grandeurs sur la cinématique des clapets et sur le comportement global du compresseur reste relativement faible : c’est l’ordre de grandeur de ces paramètres qui importe et non la valeur numérique exact. Des simulations numériques ont été réalisées en multipliant ou en divisant par 10 les valeurs numériques de ces paramètres : les résultats peuvent être jugés identiques au regard du comportement cinématique des clapets. Seules les forces d’impact subissent des évolutions importantes. La prévision des comportements volumétriques, thermodynamiques, mécaniques et acoustiques reste peu sensible à ces paramètres. La tenue mécanique du clapet (niveaux de sollicitations) reste quant à elle sensible aux paramètres des fonctions d’impact. Pour cette raison, le dimensionnement en comportement dynamique des clapets ne peut être envisagé lorsque les fonctions d’impact employées ne font intervenir que des grandeurs cinématiques. La Fig. 2 montre le comportement cinématique à l’extrémité libre du clapet d’admission et du clapet d’échap-
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Fig. 2. Évolution de la position de l’extrémité des clapets en fonction du temps – deux configuration de rigidité de butée.
Fig. 3. Évolution de la position de la force d’impact sur la butée en fonction de la position de l’extrémité du clapet – deux configurations de rigidité de butée.
pement pour deux simulations différentes : la rigidité de butée est modifié d’un facteur 10 entre les deux simulations. Il n’apparaît aucune différence visible sur la cinématique entre les deux cas d’étude. Par contre, l’observation de l’évolution de la force d’impact en fonction du déplacement d’un nœud de clapet en impact (Fig. 3) met en évidence des sollicitations mécaniques nettement plus importantes dans le cas d’une rigidité de butée 10 fois plus grande. L’identification paramétrique précise des fonctions d’impact ne présente donc pas d’intérêt pour la prédiction des performances thermodynamiques, mécaniques et énergétiques du compresseur, par contre, elle s’avère indispensable dans l’étude de la durée de vie des clapets.
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Fig. 4. Comparaison de deux modèles thermodynamiques d’un compresseur : modèle isotherme et modèle adiabatique.
Fig. 5. Comparaison du comportement cinématique des clapets pour deux modèle thermodynamiques : isotherme et adiabatique.
4.3. Étude de sensibilité du système par rapport aux comportements thermodynamiques Le comportement thermodynamique du fluide conditionne fortement le comportement global du compresseur : les temps d’ouverture clapet, les vitesses d’écoulement, les rendements sont sensiblement modifiés. Sur les Figs. 4 et 5 sont représentées deux simulations dont seule la loi thermodynamique est modifiée : dans le premier cas, il s’agit d’une loi isotherme, dans le second c’est un comportement adiabatique. Il apparaît d’importantes différences entre les deux simulations : l’énergie du cycle thermodynamique, les temps d’ouverture des clapets, les rendements volumétriques sont fortement modifiés d’une configuration à l’autre. Le recalage paramétrique des lois de comportement thermodynamique
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est une étape importante pour la construction de modèles à des fins prédictives. Cette opération s’avère particulièrement délicate pour les compresseurs mono étages dont la vitesse de rotation instantanée évolue sensiblement au cour d’un cycle moteur. Une procédure d’identification prenant en compte les irrégularités du cycle moteur est proposée par [4]. 5. Conclusions et perspectives Les modèles proposés apportent une description précise des performances volumétrique, thermodynamique et vibratoire des compresseurs à pistons. La construction des modèles a été réalisée conjointement avec la mise au point des procédures expérimentales d’identification paramétrique ce qui a permis de simplifier et de réduire sensiblement le nombre de paramètres à identifier. Les méthodes numériques mise en œuvre se sont avérées particulièrement robustes tout en assurant une très bonne précision sur le calcul des grandeurs physiques étudiées. Les modèles exposés ont été identifiés et recalés sur des compresseurs pneumatiques de la société ERVOR-ENVE.
Leur utilisation à des fins prédictives a permis de mettre au point une nouvelle gamme de compresseurs de plus de 75 m3 ·h−1 . L’utilisation de ces modèles sur des compresseurs existants a permis d’améliorer leurs performances vibroacoustique, thermodynamique, énergétique et mécanique tout en simplifiant leur technologie. Les travaux actuellement envisagés portent principalement sur une meilleure prévision du comportement à la fatigue des clapets.
Références [1] J.L. Batoz, G. Dhatt, Modélisation des structures par éléments finis, Vol. 2, Hermès, 1990. [2] F. Robbe-Valloire, R. Progri, B. Paffoni, R. Gras, Modélisation de la topologie microgéométrique, Matériaux et Techniques 3–4 (2000). [3] I.E. Idel’cik, Mémento des pertes de charge, Édition Eyrolles, 1986. [4] J.L. Dion, S. Vialard, Problème inverse de la dynamique des clapets flottants : compresseurs à pistons, in : Actes du Colloque Analyse modale expérimentale BLOIS 2001, 2001.