Myxome odontogène des maxillaires

Myxome odontogène des maxillaires

Cas clinique Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:389-392  2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Myxome odontogène des maxillaires El H. ...

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Cas clinique Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006;107:389-392  2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Myxome odontogène des maxillaires El H. Bayi1, K. El Harti1, S. Chbicheb1, W. El Wady1, A. Oujilal2, M. Kzadri2 Correspondance : El H. Bayi, Service d’Odontologie Chirurgicale, Faculté de médecine dentaire de Rabat, BP 6212, Rabat Instituts, Rabat, Maroc.

1 Service d’Odontologie Chirurgicale, Faculté de médecine dentaire de Rabat, Maroc. 2

Service d’ORL, Hôpital des spécialités, Rabat, Maroc.

Summary

Résumé

Introduction. Odontogenic myxoma is a rare benign tumor that arises from the mesenchymal portion of the tooth germ. It has a variable non-specific clinical and radiological appearance, and may be confused with other lesions such as ameloblastoma. Case report. We describe the case of a young, African male patient with a large odontogenic myxoma of the maxillary. The patient presented a painless firm swelling of the left maxillary. The radiograph showed a radiolucent lesion that was compatible with several diagnoses. Discussion. The diagnosis was based on clinical, radiographic and histopathologic features. This tumor is locally aggressive, inducing important facial deformation and tooth displacement. Radical treatment with surgery or prosthesis is needed due to the high rate of recurrence.

Introduction. Le myxome odontogène est une tumeur bénigne, rare, dont l’origine serait le mésenchyme embryonnaire du follicule dentaire. Les manifestations cliniques et radiologiques sont variables et non spécifiques et peuvent prêter à confusion avec d’autres lésions telles que l’améloblastome. Observation. Nous décrivons un cas de myxome odontogène du maxillaire très envahissant, observé de manière fortuite chez un jeune patient de race noire. Cliniquement, le patient présentait une tuméfaction maxillaire gauche, indolore et ferme à la palpation. L’examen radiologique montrait une lésion radioclaire évoquant plusieurs diagnostics. Discussion. Le diagnostic s’est basé sur des arguments cliniques, radiologiques et histologiques. Cette tumeur est localement agressive, pouvant entraîner d’importantes déformations faciales et des perturbations dentaires. Le caractère récidivant du myxome impose un traitement radical large dépassant les limites de la lésion. La perte de substance importante impose une réparation chirurgicale ou prothétique.

Keywords: Myxoma, Odontogenic tumor. Bayi El H, El Harti K, Chbicheb S, El Wady W, Oujilal A, Kzadri M. Odontogenic myxoma of the maxillary. Rev Stomatol Chir Maxillofac 2006; 107:389-392.

Mots-clés : Myxome, Tumeur odontogène.

Introduction Le myxome des maxillaires est une tumeur bénigne, rare, à fort potentiel d’infiltration et de destruction. Cette tumeur peut naître aussi bien de l’os que des tissus mous. Le myxome des maxillaires survient le plus souvent chez le jeune adulte et ne représente que 3 % des tumeurs odontogéniques ou 0,41 % des tumeurs osseuses [1]. D’après la nouvelle classification de l’organisation mondiale de la santé (1992), les myxomes sont des tumeurs odontogènes bénignes, d’origine mésodermique, se développant à partir de la composante mésenchymateuse du germe dentaire au niveau de la papille dentaire, du follicule ou du ligament desmodontal [2]. Le diagnostic de myxome odontogène peut être évoqué sur les données cliniques et radiologiques, mais il est souvent con-

fondu avec d’autres lésions dont certaines sont malignes, d’où l’importance du diagnostic histologique. Le but de notre travail était de montrer un cas de myxome du maxillaire regroupant les éléments cliniques, radiologiques et histologiques spécifiques susceptibles de différencier cette lésion d’autres entités pathologiques parfois graves.

Observation Un homme âgé de 23 ans, de race noire, en bon état général, nous a été adressé en décembre 2004 par son chirurgien dentiste pour une tuméfaction maxillaire gauche. La symptomatologie évoluait depuis un an. L’examen exobuccal révélait une asymétrie faciale en rapport avec une tuméfaction génienne 389

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gauche (fig. 1). L’examen endobuccal mettait en évidence une mauvaise hygiène buccodentaire et une tumeur de la région prémolo-molaire supérieure gauche mesurant 4 cm de grand axe. Elle s’étendait de la face mésiale de la 24 jusqu’à la tubérosité maxillaire. La tuméfaction comblait le vestibule et s’étendait du côté palatin. L’aspect de la muqueuse de recouvrement était normal. Le site d’avulsion de la deuxième molaire supérieure gauche – survenue deux mois auparavant – était enflammé avec absence de cicatrisation de l’alvéole (fig. 2). À la palpation, la lésion était indolore et de consistance ferme. L’examen des aires lymphatiques ne montrait pas d’adénopathies. L’orthopantomogramme révélait une image radioclaire,

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mal limitée, intéressant l’hémi-maxillaire gauche de la région prémolaire à la tubérosité. La 28 était incluse, les apex de la 26 étaient résorbés et les 26, 25, 24, 23 et 22 étaient déplacées mésialement (fig. 3). Le scanner précisait bien la topographie d’un processus ostéolytique soufflant le maxillaire(fig. 4a et b). L’extension latérale détruisait les corticales maxillaires et une partie du palais dur. En haut, le processus s’étendait dans le sinus maxillaire et la fosse nasale homolatérale, la portion supérieure atteignait le plancher orbitaire. Plusieurs diagnostics avaient été évoqués, dont celui d’améloblastome, de kyste osseux anévrismal et de myxome odontogène. Deux biopsies étaient en faveur d’un myxome odontogène éliminant un processus néoplasique. L’exérèse chirurgicale, sous anesthésie générale, par voie endobuccale, fut réalisée en décembre 2004. L’extension de la tumeur nous a obligés à étendre l’exérèse à l’incisive latérale, à la canine et aux prémolaires homolatérales. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire révélait une prolifération mésenchymateuse faite de cellules étoilées disposées sur un fond myxoïde : confirmant le diagnostic de myxome odontogène (fig. 5). Les suites opératoires ont été simples, sans récidive à un an. Une prothèse adjointe partielle a compensé les pertes dentaires.

Discussion

Figure 1. Vue exobuccale : asymétrie faciale en rapport avec la tuméfaction maxillaire gauche.

Le myxome odontogène des maxillaires est une tumeur bénigne à agressivité locale observée chez le sujet jeune. Kaffe, sur 164 cas, a rapporté 7 % de découvertes dans la première

Figure 2. Vue endobuccale : tuméfaction maxillaire recouverte d’une muqueuse d’aspect normal avec absence de cicatrisation du site d’avulsion de la 26.

Figure 3. Orthopantomogramme : processus maxillaire ostéolytique à limites imprécises, entraînant le déplacement des dents adjacentes et la résorption radiculaire de la 26.

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a

b

Figure 4. a Coupe axiale en fenêtre parachymateuse : destruction des corticales osseuses vestibulaire et palatine du maxillaire gauche. b. Coupe coronale en fenêtre parachymateuse : envahissement du sinus maxillaire gauche et du plancher de l’orbite.

Figure 5. Coupe histologique de la pièce opératoire (service d’anatomopathologie de l’Hôpital des Spécialités de Rabat). Prolifération mésenchymateuse de cellules étoilées disposées sur un fond myxoïde lâche. (Fort grossissement).

décennie. Keszler en a trouvé 8,4 % entre 4 à 16 ans, sur 367 cas. Maksoud a noté que cette tumeur touchait plus les femmes avec une moyenne d’âge de 32,7 ans. Le myxome est une tumeur rare qui se développe à partir de la composante mésenchymateuse du germe dentaire [1-4]. Les arguments en faveur d’une origine odontogène sont la localisation uniquement dans les os du squelette facial, le siège dans la région dentée, essentiellement molaire et l’association fréquente à certaines anomalies dentaires (malposition, agénésie…) [5]. Cette lésion intéresse plus fréquemment la mandibule que le maxillaire et exceptionnellement les parties molles (gencive, ligament alvéolodentaire) [3, 6]. De rares cas ont été rapportés dans les zones non dentées [2]. Des facteurs

de risque ont été évoqués, mais ils sont inconstants comme le complexe de Garney, d’identification récente. Ce syndrome héréditaire à transmission autosomique dominante, associe une hyperactivité endocrine, des lésions cutanées lentigineuses et des myxomes multiples. Cliniquement, la tumeur a une topographie centrale et une croissance lente [1, 2]. Le plus souvent asymptomatique, le myxome odontogène se manifeste localement, comme dans notre cas par une tuméfaction isolée. Elle augmente régulièrement de volume et refoule les corticales [1, 2, 6]. Elle peut envahir le sinus maxillaire [1-3], comme c’est le cas de notre observation. Lorsqu’il existe des symptômes, ce sont surtout des mobilités et des anomalies d’évolution dentaire [2, 6]. Des expulsions dentaires peuvent marquer l’évolution [1]. Quand les corticales osseuses sont détruites, l’envahissement des tissus mous est possible. Les troubles sensitifs sont rares [2]. L’aspect radiologique classique du myxome est celui d’une image radioclaire, polygéodique à bords polycycliques relativement nets et distincts, avec des cloisons se coupant à angles vifs [5]. Le myxome peut prendre aussi l’aspect de lésions kystiques monogéodiques ou polygéodiques, séparées par des lamelles osseuses. Ces lésions ostéolytiques sont souvent entourées par une zone marginale de haute densité radiologique [1, 2]. La limite de l’image est fréquemment estompée, comme dans notre observation. Ceci ne doit pas faire évoquer d’emblée un processus malin mais il coïncide avec des phénomènes inflammatoires. La lésion peut enfin envahir les corticales, aboutissant à leur destruction totale avec envahissement des tissus mous avoisinants, cet aspect imposera un diagnostic différentiel avec un processus malin. Cependant, la fonte progressive des corticales peut être 391

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expliquée par la lenteur de croissance de la tumeur. Le périoste suit la déformation osseuse et contient l’extension tumorale [1, 2, 5-6]. Le nerf alvéolaire inférieur peut être refoulé vers le bord basilaire. L’examen tomodensitométrique est peu spécifique, mais il présente un grand intérêt topographique, il évalue l’étendue de la lésion et détermine la conduite chirurgicale [2, 3]. En IRM, le myxome est généralement représenté par une image bien définie, aux contours osseux nets, avec un hyposignal à charge T1 et un hypersignal en T2 et une amplification homogène au produit de contraste (Gadolinium). Dans ce cadre, l’intérêt potentiel de l’IRM a été souligné [7]. Macroscopiquement, le myxome est d’aspect blanchâtre, de consistance molle gélatineuse [1, 6, 8]. L’étude histologique révèle la présence de cellules fusiformes, triangulaires ou étoilées dont les longs prolongements d’aspect fibrillaire ont tendance à s’entrecroiser [2]. Les cellules sont enchâssées dans un stroma lâche d’aspect mucoïde. Les vaisseaux sont absents. Des îlots d’épithélium dentaire apparemment inactifs peuvent être observés, ce qui prouve l’origine odontogène [2, 3, 6]. Les fibres de collagène sont rares, sauf dans le cas de variétés myxofibromateuses. L’étude histochimique et ultrastructurale révèle que le tissu tumoral est riche en mucopolysaccharides acides (80 % d’acide hyaluronique et 20 % de sulfate chondroïtine) [6]. Le diagnostic différentiel de myxome odontogène des maxillaires fait essentiellement discuter : - l’améloblastome qui laisse apparaître une distinction qui repose sur la qualité du cloisonnement d’une image polygéodique au niveau radiologique. Des angles vifs ou droits évoquent plutôt un myxome ou un fibromyxome, alors que les cloisonnements arrondis de type bulles de savon sont plus en faveur d’un améloblastome, mais cette distinction reste fragile [2, 3, 8] ; - le kyste osseux anévrysmal siège rarement au niveau des maxillaires [2, 8, 9] ; - les sarcomes osseux peuvent être évoqués devant la rapidité d’évolution, les aspects lytiques avec des coupes en feu d’herbe. Histologiquement, la présence de certaines atypies nucléaires dans la composante myxoïde peut faire évoquer un sarcome osseux (ostéosarcome ou chondrosarcome) et rendre le diagnostic difficile [3, 6] ; - le chondrome survient plus chez l’homme que chez la femme. Son siège préférentiel reste la région incisive supérieure, puis la symphyse mentonnière et le corps mandibulaire [2, 9] ; - les fibromes dont la présence de fibres de collagène caractérise les variétés de fibromyxome ou myxofibrome, qui peuvent être confondues avec certains fibromes [2, 3] ; 392

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Le diagnostic différentiel doit aussi être établi avec les tumeurs à cellules géantes, l’hémangiome intra-osseux, la dysplasie fibreuse, le granulome central à cellules géantes… [2, 3]. Le traitement est l’exérèse chirurgicale, qui peut être rendue difficile par le caractère mou et gélatineux du tissu tumoral [3]. Le risque de récidive domine le problème thérapeutique, bien que l’aspect histologique demeure bénin [1, 3]. L’énucléation conservatrice peut être envisagée avec prudence, éventuellement pour une lésion non extensive. Selon Cherrick, les récidives après un traitement conservateur sont deux fois plus fréquentes pour les lésions maxillaires que mandibulaires avec un pourcentage respectif de 80,9 % et 31,2 % [1]. Ces récidives seraient liées à un geste incomplet, en plus du caractère évolutif de la tumeur. Le traitement radical consiste en une résection large à distance des limites de la lésion, il entraîne une perte de substance osseuse et des tissus mous importante, éventuellement suivie d’une chirurgie réparatrice ou d’une restauration prothétique [1]. La radiothérapie et la chimiothérapie n’ont pas prouvé leur efficacité. Une surveillance postopératoire clinique et radiologique est indispensable d’une manière régulière pendant dix ans.

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