Nécrose musculaire diabétique : à propos d’un cas

Nécrose musculaire diabétique : à propos d’un cas

J Radiol 2010;91:1284-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés lettre ostéoarticulaire...

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J Radiol 2010;91:1284-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lettre

ostéoarticulaire

Nécrose musculaire diabétique : à propos d’un cas PX Daffaud, A Roche et JL Michel

Key words: Diabetes. Myonecrosis. Infarct, muscle. MRI.

a nécrose musculaire chez le diabétique est une entité rare mais qui peut, par sa présentation clinique et radiologique souvent mal connue, poser des problèmes de diagnostic. Nous rapportons un cas de nécrose musculaire diabétique, survenu chez une patiente de 26 ans, diabétique depuis l’âge de deux ans.

L

Observation Cette patiente s’est initialement présentée à la consultation de rhumatologie du CHU pour masse de la face interne de la cuisse gauche, située immédiatement audessus du genou, apparue récemment, ayant rapidement augmenté de taille, et douloureuse. Aucun antécédent personnel ou familial n’a été noté, hormis un diabète de type 1 depuis l’âge de deux ans, mal équilibré depuis huit mois environ. Aucune complication chronique du diabète, notamment néphrologique ou ophtalmologique, n’avait été diagnostiquée sur le bilan réalisé 18 mois avant. Les radiographies initiales ont montré une tuméfaction avec surdensité modérée des parties molles de la face inférointerne de la cuisse gauche, sans atteinte du fémur. Le dossier a été présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire et, devant la crainte d’une lésion tumorale des tissus mous, un complément d’exploration IRM a été effectué. Cette dernière a permis de mettre en évidence un infiltrat œdémateux du muscle vaste médial gauche, en hypersignal T2, isosignal T1, avec augmentation de volume du chef musculaire, et prise de contraste intense sur les séquences T1 FAT SAT après injection de

Service de Radiologie A, CHU Montpied, BP 69, 63001 Clermont-Ferrand cedex. Correspondance : PX Daffaud E-mail : [email protected]

Mots-clés : Diabète. Infarctus musculaire. Nécrose musculaire. IRM.

gadolinium, avec zones restant en hyposignal, plutôt centrales, évocatrices de nécrose (fig. 1). Aucune atteinte osseuse n’a été mise en évidence. Devant ces images, le diagnostic de lésion tumorale a été envisagé à nouveau, et la patiente adressée au centre anti-cancéreux pour prise en charge. Une échographie musculaire a alors été réalisée, montrant un muscle vaste médial gauche augmenté de volume par rapport à son homologue controlatéral, d’échostructure hétérogène, plutôt hypoéchogène par rapport aux chefs musculaires adjacents, sans syndrome de masse identifié. Trois microbiopsies ont été effectuées à l’aide d’une aiguille 18G, sous contrôle échographique, et se sont révélées particulièrement douloureuses. L’étude anatomopathologique des prélèvements a montré un tissu musculaire strié nécrosé, avec images de leucocytoclasie entre les fibres, et présence de structures vasculaires de petite taille thrombosées, sans agent pathogène ni élément en faveur d’un processus tumoral. Devant l’ensemble des données, le diagnostic de nécrose musculaire diabétique a été retenu. La patiente a été traitée par repos au lit, antalgiques, et insulinothérapie, permettant une régression de la tuméfaction et une disparition du syndrome douloureux. Un contrôle IRM à deux mois a mis en évidence un vaste médial gauche de volume normal, sans anomalie de signal en pondération T1 ou T2, avec persistance d’un hypersignal modéré en T1 FAT SAT après injection de gadolinium (fig. 2).

Discussion La nécrose musculaire chez les patients diabétiques est une pathologie rarement rapportée, avec 115 cas publiés jusqu’en 2003 (1), dont la description initiale remonte à 1965, par Stener (2). La plupart des publications rapportent des cas isolés,

avec cependant une série de 21 cas étudiés en IRM et présentés par James en 1999 (3). La discordance entre la taille de cette série et celle des autres publications était expliquée, selon ses auteurs, par la méconnaissance de cette pathologie. Notre observation va également dans ce sens puisque, tout au long de la prise en charge, aucune équipe n’a évoqué le diagnostic. La présentation était pourtant typique, et totalement en accord avec les données retrouvées dans la littérature. Tout d’abord, le contexte clinique, de douleur brutale, avec ou sans masse palpable, chez un patient diabétique de type 1 mal équilibré de longue date, est la présentation classique de l’affection. Généralement, ces patients présentent des complications associées : neuropathie, néphropathie, rétinopathie diabétique. Un seul cas a été décrit chez une femme enceinte, diabétique de type 1 depuis peu (cinq ans), sans complication associée (4). La cuisse est le site atteint dans plus de 80 % des cas, suivie par le mollet, l’atteinte pouvant être bilatérale dans 43 % des cas (3). Quelques localisations plus rares sont rapportées, comme le muscle grand pectoral, ou le grand droit de l’abdomen (5). Histologiquement, l’aspect retrouvé est celui d’une nécrose des fibres musculaires striées, avec rétrécissement des lumières des petites artérioles, possible infiltration graisseuse et fibrose interstitielle (6). En IRM, la présentation est elle aussi assez uniforme, avec augmentation de volume du chef musculaire, en isosignal T1, hypersignal T2, rehaussement hétérogène en pondération T1 FAT SAT après injection de gadolinium, montrant des zones de nécrose en hyposignal (3). Les diagnostics différentiels regroupent myosites, abcès des tissus mous, fasciites nécrosantes, tumeurs et, rarement, lymphome musculaire. Cependant, le contexte clinique et l’imagerie doivent permettre de poser le diagnostic, généralement sans avoir recours aux prélèvements. L’étiopathogénie n’est pas clairement établie :

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Fig. 1 : a b c d

un état d’hypercoagulabilité a été évoqué, avec élévation de certains facteurs de la coagulation, activation de la thrombine, et anomalies de la fibrinolyse (6). D’autres hypothèses telles que les modifications des parois artérielles (7), ou des emboles d’origine cardiaque, ont été avancées, mais aucune d’entre elle n’a pu être vérifiée. Le traitement, qui consistait initialement en une exérèse des zones nécrosées (2), repose à présent sur le repos au lit, l’immobilisation du membre, les antalgi-

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Augmentation de volume du muscle vaste médial gauche, en isosignal T1 et hypersignal T2, avec prise de contraste étendue et zones de nécrose en hyposignal relatif. Coupe axiale en pondération T2. Coupe axiale en pondération T1. Coupe coronale en pondération T2. Coupe axiale en pondération T1 après injection de gadolinium et saturation de graisse.

ques, le traitement anti-coagulant, et le contrôle de la glycémie (6). La récidive est possible, survenant chez plus de 50 % des patients, homolatérale ou controlatérale (8).

Conclusion La nécrose musculaire diabétique est une entité pathologique peu connue, survenant chez des patients diabétiques

de type 1 de longue date, mal équilibrés, et pour laquelle le diagnostic doit être évoqué devant la présentation clinique et radiologique. La biopsie doit être réservée aux cas douteux ou atypiques. Le traitement associe repos, immobilisation, contrôle de la glycémie, et anti-coagulation.

Conflit d’intérêt Aucun.

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Fig. 2 : a b c d

Références 1.

2.

Trujillo-Santos AJ. Diabetes muscle infarction. An underdiagnosed complication of long-standings diabetes. Diabetes Care 2003;26:211-5. Angervall L, Stener B. Tumoriform focal muscle degeneration in two diabetic patients. Diabetologia 1965;1:39-42.

3.

4.

5.

Contrôle à deux mois, disparition des anomalies de signal en T1 et T2, persistance d’une petite prise de contraste à la partie postérieure du muscle vaste médial. Coupe axiale en pondération T2. Coupe axiale en pondération T1. Coupe coronale en pondération T1 après injection de gadolinium et saturation de graisse. Coupe axiale en pondération T1 après injection de gadolinium et saturation de graisse.

James S. Jelinek et al. Muscle infarction in patients with diabetes mellitus: MR imaging findings. Radiology 1999;211: 241-7. Virally M et al. Muscle infarction in a young woman with brittle type 1 diabetes. Diabetes Metab 2007;33:466-8. Ran X, Wang C, Wang H, Zhao T, Tong N, Song B, et al. Muscle infarction involving muscles of abdominal and thoracic walls in diabetes. Diabet med 2005;22: 1757-60.

6.

7.

8.

Bjornskov EK, Carry MR, Katz FH, Lefkowitz J, Ringel SP. Diabetic muscle infarction: a new perspective on pathogenesis and management. Neuromuscul Disord 1995;5:39-45. Banker BQ and Chester S. Infarction of thigh muscle in the diabetic patient. Neurology 1973;23:667-77. Guillermo E et al. Diabetic muscle infarction. Am J Med 1996;101:245-50.

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