Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 508—513
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ARTICLE ORIGINAL
Néovascularisation choroïdienne sur un ostéome choroïdien : traitement par bévacizumab et suivi par OCT Spectral-Domain Intravitreal injection of bevacizumab for CNV secondary to choroidal osteoma and follow-up by Spectral-Domain OCT E. Mercé a,∗, J.-F. Korobelnik b, M.-N. Delyfer b, M.-B. Rougier b a
Service d’ophtalmologie, CHU Dupuytren, 4, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges, France b Unité rétine, uvéites, neuro-ophtalmologie, service d’ophtalmologie, hôpital Pellegrin, université de Bordeaux, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, 33000 Bordeaux, France Rec ¸u le 27 juillet 2011 ; accepté le 4 novembre 2011 Disponible sur Internet le 12 juin 2012
MOTS CLÉS Ostéome choroïdien ; Néovascularisation choroïdienne ; Bévacizumab ; Injection intravitréenne ; OCT Spectral-Domain ; Enhanced Depth Imaging
∗
Résumé Introduction. — L’ostéome choroïdien est une tumeur rare, bénigne mais qui peut se compliquer de néovascularisation. Patients et méthodes. — Un patient âgé de 11 ans s’est présenté à la consultation pour flou visuel de l’œil droit. Le fond d’œil a permis de mettre en évidence une volumineuse tumeur choroïdienne aux contours géographiques et aux teintes caractéristiques d’un ostéome mais de localisation peu habituelle, dans le pôle postérieur, maculaire. On notait en son sein la présence d’une hémorragie sous-rétinienne. Le patient fut traité par trois injections intravitréennes (IVT) successives sous anesthésie générale de bévacizumab 1,25 mg/0,05 mL en raison de récidives de l’activité néovasculaire. Un examen en SD-OCT et en mode EDI fut réalisé avant chaque IVT. Résultats. — Les examens en SD-OCT réalisés avant et après l’IVT de bévacizumab ont confirmé la régression du DSR de part et d’autre de la lésion et notamment en regard de l’hémorragie. Ils nous ont également permis d’individualiser les zones décalcifiées actives des zones calcifiées inactives et d’en suivre l’évolution après traitement. Discussion. — Le traitement des néovaisseaux choroïdiens (NVC) secondaires à un ostéome choroïdien n’est pas bien codifié. Comme dans d’autres étiologies, les anti-VEGF (ici le bévacizumab) semblent efficaces pour faire régresser le néovaisseau et améliorer la fonction visuelle. Chez notre jeune patient, une anesthésie générale a été nécessaire pour réaliser chaque IVT. Le SD-OCT permet de confirmer le diagnostic et de suivre l’évolution du NVC. Le mode EDI est ici intéressant pour étudier la réflectivité de la choroïde.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (E. Mercé).
0181-5512/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2011.11.009
IVT de bévacizumab pour néovascularisation d’un ostéome choroïdien
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Conclusion. — Nous présentons un cas rare d’ostéome choroïdien maculaire, examiné en SDOCT. La survenue de NVC a nécessité la réalisation de plusieurs IVT d’anti-VEGF, avec un bon résultat anatomique et fonctionnel. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Choroidal osteoma; Choroidal neovascularization; Bevacizumab; Intravitreal injection; Spectral-Domain Optical Coherence Tomography; Enhanced Depth Imaging
Summary Background. — Choroidal osteoma is a rare, ossifying tumor, which, while benign, may be complicated by choroidal neovascularization. Methods. — An 11-year-old boy presented with blurred vision in the right eye for few days. Fundus examination showed bulky lesion in the posterior pole containing a sub-retinal hemorrhage. The geographic borders and color of the mass were typical of choroidal osteoma despite the unusual macular location. The diagnosis was confirmed by ultrasonography. The patient was treated with three successive intravitreal injections of 1.25 mg/0.05 mL bevacizumab (IVB) under general anesthesia, due to recurrences of neovascular activity. SD-OCT in EDI mode was carried out prior to each injection. Results. — SD-OCT before and after each bevacizumab injection confirmed regression of serous retinal detachment (SRD) at various locations throughout the lesion, especially in the hemorrhagic zone. It also allowed us to differentiate the active decalcified zones from the inactive calcified zones and to follow treatment response. Discussion. — The treatment of choroidal neovascularization (CNV) secondary to choroidal osteoma is not well defined. As for other etiologies of CNV, anti-VEGF agents (such as bevacizumab) appear to be effective in regressing CNV and improving visual function. In our young patient, general anesthesia was necessary to administer each injection. SD-OCT allows diagnostic confirmation and follow-up of treatment. EDI mode is helpful in studying the choroid and the osteoma. Conclusion. — We report a rare case of macular choroidal osteoma, examined by SD-OCT. CNV required several anti-VEGF injections, with good anatomical and functional results. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Abréviations IVT DSR EDI ICG
injection intravitréenne décollement séreux rétinien Enhanced Depth Imaging Indocyanine Green
Introduction L’ostéome choroïdien est une tumeur rare, d’étiologie inconnue et classiquement décrite chez la femme jeune. Ses aspects cliniques et histopathologiques ont été pour la première fois décrits par Gass et al. [1]. Elle est unilatérale dans 75 % des cas et souvent de localisation péripapillaire. Sa croissance est en général lente sauf cas exceptionnel [2]. D’un point de vue histologique, elle est constituée d’os structuré lamellaire. Bien que bénigne, l’évolution de cette tumeur choroïdienne peut être marquée par l’apparition d’une néovascularisation choroïdienne qui en est la complication non spécifique principale (47 % des cas à dix ans) [3]. Le cas que nous présentons est un nouvel exemple de bonne réponse aux IVT de bévacizumab. L’OCT Spectral Domain (SD-OCT) apporte des images de haute résolution de ces tumeurs et fait désormais partie de l’arsenal diagnostique [4].
Figure 1. Rétinophoto de l’œil droit mettant en évidence l’ostéome choroïdien et l’hémorragie sous-rétinienne venant le compliquer. On note la présence de zones hétérogènes jaunes et grises (flèches bleues) et de zones plus homogènes et orangées (flèche jaune). Les premières correspondent aux zones décalcifiées avec altérations de l’épithélium pigmentaire et les secondes aux zones calcifiées. L’hémorragie sous-rétinienne est bordée d’une zone grisâtre qui correspond probablement à la membrane néovasculaire (flèche blanche).
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Cas clinique Nous décrivons le cas clinique d’un jeune patient âgé de 11 ans, sans antécédents, qui se plaint d’un flou visuel de l’œil droit. Il ne présente toutefois pas de baisse d’acuité visuelle (10/10e P2). De ce côté, le fond d’œil met en évidence une lésion choroïdienne jaunâtre, surélevée, aux contours géographiques et jusque-là méconnue. L’aspect biomicroscopique de la lésion est caractéristique d’un ostéome choroïdien avec comme aspect global une zone centrale plutôt blanche-jaunâtre alors que la périphérie est plus orangée (Fig. 1). Nous notons en son sein la présence d’une hémorragie sous-rétinienne. Celle-ci est un signe indirect de la néovascularisation choroïdienne venant compliquer la tumeur et ayant conduit à sa découverte.
E. Mercé et al. Deux examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic : une échographie en mode B (Fig. 2) et un OCT Spectral Domain (Fig. 3). L’analyse de cet examen nous a permis de confirmer l’activité néovasculaire par la présence d’un DSR. Il nous a également donné la possibilité de réaliser une analyse fine, d’une part, de la structure rétinienne en regard des différentes régions individualisées à l’ophtalmoscopie en fonction de leurs teintes et, d’autre part, d’étudier la réflectivité choroïdienne (mode EDI). Avec l’accord des parents, le patient a initialement été traité sous anesthésie générale par une première IVT de bévazicumab 1,25 mg (0,05 mL). Les résultats de cette dernière se sont avérés favorables à l’examen biomicroscopique et en OCT avec une amélioration perceptible
Figure 2. Les images échographiques mettent en évidence la présence d’une lésion hyperéchogène à la surface avec masquage postérieur total ou cône d’ombre postérieur.
Figure 3. Examen SD-OCT par Spectralis (Heidelberg Engineering, Heidelberg, Allemagne) en mode Enhanced Depth Imaging (EDI). La coupe horizontale passant par les deux zones fléchées sur la Fig. 1 et la zone fovéolaire mettent en évidence une rétine de structure normale quelles que soient les zones et une altération de la paroi du globe avec désorganisation dans les zones décalcifiées : hyporéflectivité de la choroïde à ce niveau en mode EDI (flèches bleues). Les décollements séreux rétiniens (DSR) sont retrouvés de part et d’autre de la zone 1 et semblent correspondre à la zone grisâtre du fond d’œil correspondant à la très probable membrane néovasculaire. Celui de droite (nasal) est situé dans le même plan que l’hémorragie (flèche rouge) et la déborde. L’hyper-réflectivité est retrouvée dans les zones calcifiées où la rétine externe conserve son anatomie en image OCT (flèche jaune).
IVT de bévacizumab pour néovascularisation d’un ostéome choroïdien
Figure 4. Rétinophoto de l’œil droit cinq jours après l’injection intravitréenne (IVT) de bévacizumab. L’hémorragie commence à diminuer. L’aspect grisâtre (flèche blanche de la Fig. 1) s’est déjà bien estompé : extinction de l’activité néovasculaire.
dès le cinquième jour (Fig. 4 et 5). Une deuxième IVT de bévacizumab a été nécessaire, puis une troisième, en raison d’une nouvelle hémorragie dans une seconde zone néovasculaire active, cette fois plus proche de la zone centro-fovéolaire expliquant la baisse d’acuité visuelle. Quatre semaines après cette troisième IVT, l’hémorragie s’est résorbée (Fig. 6 et 7) et l’acuité visuelle est remontée à 9/10e .
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Figure 6. Rétinophoto réalisée quatre semaines après la troisième injection intravitréenne (IVT) de bévacizumab. L’hémorragie de la zone 1 est presque totalement résorbée et l’aspect grisâtre de cette zone décalcifiée s’est accentué. Dans la zone 2 qui accentue aussi son aspect grisâtre, on note une petite hémorragie résiduelle en cours de résorption.
Discussion Si le terrain et la localisation sont souvent des éléments orientant le diagnostic d’ostéome choroïdien, ces derniers peuvent manquer. Souvent asymptomatiques, les signes fonctionnels lorsqu’ils apparaissent sont très variés et aspécifiques. Dans notre cas, l’examen SD-OCT initial
Figure 5. Modifications précoces de l’image SD-OCT en mode Enhanced Depth Imaging (EDI), dès j5 de l’injection intravitréenne (IVT). Le décollement séreux rétinien (DSR) temporal s’est complètement résorbé, celui en nasal commence à diminuer, la lésion décalcifiée commence à s’affaisser, l’hyporéflectivité en regard diminue et semble devenir isoréflective (flèche bleue 1). L’hyper-réflectivité de la zone calcifiée est inchangée (flèche jaune).
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Figure 7.
E. Mercé et al.
Fig. 6 zoomée pour mieux visualiser les détails.
explique l’absence de baisse d’acuité visuelle objective mais confirme l’urgence d’un traitement : respect de la zone fovéolaire mais le néovaisseau est très proche. Aujourd’hui, l’examen en SD-OCT nous semble indispensable dans l’étape de confirmation du diagnostic et du suivi, d’autant que l’angiographie à la fluorescéine et l’ICG ne sont pas toujours contributives dans cette pathologie pour mettre en évidence une néovascularisation choroïdienne [5,6]. Au niveau de l’ostéome choroïdien, l’ICG peut retrouver aux temps précoces, une hypofluorescence relativement homogène alors qu’en bordure de la tumeur est mis en évidence un halo d’hyperfluorescence [7]. Pour ce qui est du traitement, une hémorragie sousrétinienne et un DSR suffisent à porter le diagnostic de néovaisseaux choroïdiens et l’indication d’une prise en charge spécifique. Dans ces conditions, il nous semble capital de reconnaître les zones décalcifiées avec aspect en relief, désorganisation de la rétine externe et hyporéflectivité de la choroïde en regard en mode EDI. Elles correspondent aux zones actives de la tumeur pouvant conduire à des phénomènes néovasculaires et exsudatifs et sont associées à une mauvaise acuité visuelle [8,9]. Leur localisation par rapport à la fovéa est majeure dans la décision thérapeutique. Il est également primordial de suivre leur évolution en zones calcifiées et inactives. Concernant notre jeune patient, deux IVT de bévacizumab ont été nécessaires à l’extinction de l’activité de la première membrane néovasculaire mise en évidence. Un cas similaire a été publié dans la littérature : une jeune fille de 12 ans ayant bénéficié de deux injections de bévacizumab à quatre mois d’intervalle avec une bonne réponse et un recul de quatre ans [10]. Dans notre cas, une nouvelle membrane néovasculaire est apparue dans une autre zone active de l’ostéome, nécessitant un nouveau traitement.
Conclusion Si l’angiographie à la fluorescéine et l’ICG ne sont pas indispensables au diagnostic car peu spécifiques et parfois difficilement interprétables, l’ICG reste cependant fondamentale pour le diagnostic différentiel avec l’hémangiome choroïdien (lacis vasculaire fluorescent aux temps précoces, hyperfluorescence progressive de la tumeur puis wash-out
caractéristique) [11]. Un scanner peut être réalisé dans les cas difficiles pour mettre en évidence une hyperdensité de tonalité osseuse caractéristique. Cependant, un nouvel examen complémentaire fait aujourd’hui partie de l’arsenal diagnostique : le SD-OCT [12]. Il permet aussi d’étudier la réflectivité choroïdienne. Une rétinophoto de qualité et un SD-OCT doivent être analysés parallèlement. L’intérêt du mode EDI dans les petites tumeurs choroïdiennes non détectables en échographie a récemment été publié [13]. Concernant la prise en charge spécifique de cette complication, après de mauvais résultats obtenus avec les traitements par laser [3,14], la photothérapie dynamique était encore il y a quelques années le traitement recommandé [15,16]. Toutefois, ses résultats étaient controversés [17,18] et plusieurs auteurs s’accordent aujourd’hui à dire que les IVT de bévazicumab constituent le traitement de référence, une seule injection étant souvent suffisante [19—21]. Certains rapportent toutefois des effets bénéfiques de la thermothérapie transpupillaire [22,23] ou encore de traitements combinés (PDT + anti-VEGF) [24].
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet article.
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