Néphropathie induite par les produits de contraste iodés, l’épuration extrarénale est-elle efficace en prevention ?

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Presse Med 2005; 34: 803-8 M © 2005, Masson, Paris I S E A U P O I N T Néphrologie Svetlana Karie Vincent Launay-Vacher Hassan Izzedine Gilbert...

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Presse Med 2005; 34: 803-8

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© 2005, Masson, Paris

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Néphrologie

Svetlana Karie Vincent Launay-Vacher Hassan Izzedine Gilbert Deray

Correspondance: Svetlana Karie, service de néphrologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 83, boulevard de l’hôpital, 75013 Paris-France Tel : +33 (0)1 42 17 72 30 Fax : +33 (0)1 42 17 72 12 E-mail : svetlana.karie@psl. aphp.fr

Néphropathie induite par les produits de contraste iodés, l’épuration extrarénale est-elle efficace en prévention ?

Key points

Points essentiels

Is dialysis efficient in the prevention of ionic contrast agent-induced nephropathy?

• Un problème fréquent et coûteux. Quatre-vingt-dix pour cent des néphropathies aux produits de contraste iodés (NPCI) surviennent chez des patients ayant une insuffisance rénale préexistante. L’aggravation de cette insuffisance rénale préexistante peut être responsable d’une mise en route précoce d’un traitement par épuration extrarénale de façon chronique. • Des mesures préventives. La prophylaxie des NPCI est importante chez ces patients. Une pré- et post-hydratation avec une perfusion de sérum salé isotonique ou de bicarbonate de sodium et la réduction du volume de PCI au strict nécessaire sont les mesures essentielles pour prévenir une insuffisance rénale induite par PCI. • L’intérêt de l’hémodialyse et de l’hémofiltration prophylactiques. Une approche intéressante pour prévenir la NPCI est l’élimination précoce du PCI par des techniques d’épuration extrarénale. L’hémodialyse préventive ne permet pas de réduire le risque de NPCI alors que l’hémofiltration a montré une efficacité significative dans une population de malades insuffisants rénaux. • L’intérêt de l’hémodialyse immédiate chez le patient hémodialysé chronique. Bien que la toxicité rénale ne soit plus un problème chez le patient hémodialysé chronique, les PCI peuvent toutefois être responsables, en particulier en cas d’injection de fortes doses, d’anomalies hydroélectrolytiques et/ou d’une expansion volémique. Il n’existe pas de données permettant de conclure sur le bénéfice de la réalisation d’une séance d’hémodialyse juste après l’injection du PCI chez le patient hémodialysé chronique.

• A frequent and expensive problem. Ninety percent of contrast media nephrotoxicity (CMN) occur in patients with pre-existing kidney failure. Its aggravation may require early chronic dialysis. • Preventive measures. CMN prophylaxis is important in these patients. Pre- and post-hydration, with infusion of isotonic saline solution or sodium bicarbonate, and reduction of contrast medium (CM) volume to the strict minimum are essential for preventing CMinduced kidney failure. • The interest of prophylactic hemodialysis and hemofiltration. An interesting approach in preventing CMN is the early elimination of the CM with dialysis techniques. Preventive hemodialysis does not reduce the risk of CMN, but hemofiltration has shown significant efficacy in a population of patients with kidney failure. • The interest of immediate hemodialysis in chronic hemodialysis patients. Although nephrotoxicity is no longer a problem in patients undergoing chronic hemodialysis, CM, especially in highdose injections, may be responsible for fluid and electrolyte abnormalities and/or volemic expansion. No data yet justify a conclusion that a hemodialysis session immediately after injection of a CM in chronic dialysis patients might be helpful. S. Karie, V. Launay-Vacher, H. Izzedine, G. Deray Presse Med 2005; 34: 803-8 © 2005, Masson, Paris

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e nombre de patients subissant des interventions radiologiques avec injection de produits de contraste iodés (PCI) est croissant. La prophylaxie des néphropathies aux produits de contraste iodés (NPCI) est Glossaire donc importante. Plusieurs traAUC aire sous la courbe vaux ont étudié l’intérêt des CMSC contrast media safety committee méthodes d’épuration extraréDFG débit de filtration glomérulaire nale pour prévenir la NPCI chez ESUR European Society of urogenital les patients ayant une fonction radiology FSR flux sanguin rénal rénale réduite. Parmi celles-ci, cerIRA insuffisance rénale aiguë taines ont démontré une utilité NPCI néphropathie aux produits de (hémofiltration), alors que contraste iodés d’autres se révélaient peu ou pas PCI produit de contraste iodé efficaces (hémodialyse). 18 juin 2005 • tome 34 • n°11

Aspects cliniques ❚ Une néphrotoxicité iatrogène, en particulier secondaire aux PCI, existe malgré l’utilisation de produits moins toxiques. L’insuffisance rénale aiguë (IRA) secondaire à l’administration de PCI apparaît comme la troi1 sième cause d’IRA acquise durant l’hospitalisation . L’IRA, dans le cadre de la NPCI est définie par une augmentation de 25 % ou de plus de 44 µmol/L des concentrations plasmatiques de créatinine par rapport aux valeurs initiales et survient classiquement dans les 3 jours après l’injection de produit iodé en l’absence 2 d’autre étiologie . ❚ Le syndrome clinique va de l’élévation modérée de la créatinine à l’IRA oligo-anurique nécessitant l’épuraLa Presse Médicale - 803

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tion extrarénale. La fréquence de la NPCI est de 11 % 1 des IRA médicamenteuses . Elle est plus importante parmi les patients ayant des facteurs de risque : insuffi3 4 sance rénale préexistante , diabète , déplétion sodée, hypovolémie réelle ou efficace (insuffisance cardiaque, cirrhose décompensée, syndrome néphrotique), médicament néphrotoxique associé, hypotension artérielle. Les risques sont d’autant plus grands que le PCI est hyperosmolaire, qu’il est administré par voie artérielle, 3 que la dose est élevée et que l’administration est répétée à intervalles rapprochés. Les PCI doivent donc être utilisés à la dose la plus faible possible. L’utilisation des PCI de faible osmolalité et des PCI iso-osmolaires étant associée à une moindre néphrotoxicité, celle-ci doit être privilégiée chez les patients ayant une insuffisance rénale chronique préexistante ou un (des) autre(s) facteur(s) de risque. ❚ La recherche d’une insuffisance rénale est donc importante. Un dosage de la créatininémie doit être fait avant chaque injection de PCI et, la valeur de celle-ci étant souvent trompeuse, il faut estimer le débit de filtration glomérulaire (volume de sang filtré par les reins chaque minute) à l’aide de la formule de Cockcroft et Gault (encadré 1)

Encadré 1

Calcul du débit de filtration glomérulaire, formule de Cockcroft et Gault • ClCr = k*[(140-Âge) x Poids]/Créatininémie (µmol/L) • k = 1,23 chez l'homme, 1,04 chez la femme ClCr : clairance de la créatinine

Mécanisme de la néphrotoxicité des produits de contraste iodés Le mécanisme de la néphrotoxicité des PCI associe des modifications de l’hémodynamique intrarénale et des altérations tubulaires (figure 1). ❚ L’osmolalité du PCI provoque,sur l’artère rénale,après une brève vasodilatation,une vasoconstriction,une diminution du flux sanguin rénal (FSR) et du débit de filtra5 tion glomérulaire (DFG) . ❚ Plusieurs substances vasoactives participent à cette vasoconstriction : prostaglandines, facteur natriurétique, adénosine, endothéline, vasopressine,

Produit de contraste iodé

Vasoconstriction

Modifications

Altérations

hémodynamiques

tubulaires

Œdème médullaire

Agrégation érythrocytaire dans la circulation médullaire hémodynamique

ATP tissulaire

Réabsorption

Obstruction

tubulaire du NaCl

tubulaire

NaCl dans la macula densa

Hypoxie dans la médullaire externe

Adénosine

Activation du rétrocontrôle tubuloglomérulaire

Réduction du débit de filtration glomérulaire Figure 1 Mécanisme de la néphropathie induite par les produits de contraste iodés

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noradrénaline, angiotensine et radicaux libres. Sur la zone médullaire, particulièrement sensible à l’ischémie, la baisse du FSR est responsable d’une baisse du débit sanguin local et d’une diminution de l’oxygénation tissulaire, qui est à l’origine d’une réduction 7 du DFG , médiée par une augmentation de la concen8 tration d’adénosine .

❚ Une diminution de la réabsorption du sodium dans le tubule proximal et dans l’anse de Henlé conduit à une augmentation de la charge de sodium delivrée à la macula densa et par conséquent à une activation du rétrocontrôle (feedback) tubuloglomérulaire entraînant également une réduction du DFG. Il s’ajoute à ce mécanisme vasculaire une toxicité directe sur les cellules tubulaires, ainsi qu’une toxicité érythrocytaire (une rigidification et des modifications de l’agrégabilité). ❚ Cette toxicité érythrocytaire peut avoir une répercussion clinique dans des situations de réduction du débit sanguin local et au niveau de la circulation capillaire,par 9 effet “sludge” . De plus, une obstruction tubulaire peut également participer au développement d’une insuffisance rénale, le produit de contraste favorisant la précipitation de la protéine de Tamm Horsfall (glycoprotéine isolée à partir d’urines normales),des chaînes légères du 10 myélome, et de l’acide urique .

Prévention de la néphropathie induite par les produits de contraste iodés DÉVELOPPEMENT DE COMPLICATIONS NON RÉNALES La néphropathie induite par les produits de contraste iodés (NPCI) peut être à l’origine du développement de complications non rénales (encadré 2), de la prolongation du séjour à l’hôpital à l’augmentation de la mortalité.Les taux de mortalité parmi des patients hospitalisés ayant eu un examen avec injection de PCI et ayant eu (n = 183) ou non (n = 174) une IRA ont été comparés. Les mêmes procédures radiologiques ont été appliquées aux patients des deux groupes et étaient comparables pour l’âge et le taux de la créatinine avant l’injection du PCI. Dans le groupe des patients ayant eu une NPCI, la mortalité était de 34 % par rapport à 7 % dans le groupe 11 sans cette complication .

PRÉVENTION DE LA TOXICITÉ RÉNALE DES PCI En particulier chez les patients à risque, cette prévention est un objectif important. Plusieurs stratégies thérapeutiques ont été préconisées (furosémide, dopamine, mannitol, inhibiteurs calciques, facteur atrial natriurétique, théophylline, N-acétylcystéine), mais leur efficacité reste discutée même si la N-acétylcystéine pourrait avoir un 12 intérêt .Outre l’élimination des facteurs de risque,la pré18 juin 2005 • tome 34 • n°11

vention repose essentiellement sur l’hydratation à l’aide de sérum salé isotonique (1mL/kg/heure,4 heures avant et 13 12 heures après l’injection du PCI) ou de bicarbonate de sodium (bolus 3 mL/kg en une heure avant l’examen et 14 perfusion de 1 mL/kg pendant 6 heures après) .

Intérêt de l’hémodialyse dans la prévention de la NPCI chez le patient insuffisant rénal Quatre-vingt-dix pour cent des NPCI surviennent chez 15 des patients ayant une insuffisance rénale antérieure . Chez ces patients, l’administration de PCI peut aggraver la fonction rénale et être responsable d’une accélération de la mise du patient en hémodialyse chronique. 16,17 , la réalisaLes PCI étant épurés par l’hémodialyse tion d’une séance après l’injection des PCI a été proposée pour minimiser les effets néphrotoxiques. Cependant, cette mesure de prévention n’a pas montré d’efficacité. ❚ Dans une étude randomisée réalisée chez 30 patients insuffisants rénaux ayant une créatininémie moyenne de 212 ± 14 µmol/L, le groupe “dialyse” a eu une séance d’hémodialyse d’une durée de 3 heures le plus tôt possible (63 ± 6 min) après l’injection de PCI. Tous les patients ont reçu une hydratation à base de sérum physiologique (83 mL/h) 12 heures avant l’injection du PCI administré à la posologie moyenne de 3 mL/kg. Dans le groupe contrôle, la perfusion de sérum salé a été continuée pendant 12 heures après l’injection du PCI. La fréquence d’une élévation de la créatininémie supérieure à 44 µmol/L dans les 48 heures suivant l’injection de PCI était de 53 % dans le groupe “dialyse” par rapport à 40 % dans le groupe 18 contrôle . Dans une autre étude randomisée réalisée chez 113 patients ayant une insuffisance rénale définie par une créatininémie moyenne de 300 µmol/L, l’inci-

Encadré 2

Facteurs de risque de la néphropathie aux produits de contraste iodés • Insuffisance rénale préexistante • Diabète • Déplétion sodée • Hypovolémie réelle ou efficace • Médicament néphrotoxique associé • Hypotension artérielle • Produits de contraste iodés hyperosmolaires • Dose élevée du produit de contraste iodé • Administration du produit de contraste iodé à intervalles rapprochés.

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dence de la néphropathie au PCI était de 24 % dans le groupe “dialyse” par rapport à 16 % dans le groupe contrôle.Tous les patients ont été hydratés selon le même protocole que dans l’étude précédente. La séance d’hémodialyse a été réalisée 30 à 280 minutes après l’examen radiologique. L’incidence plus élevée de la néphrotoxicité dans le groupe “dialyse” peut être attribuée à une quantité plus importante de PCI injec19 tée lors de la procédure (210 vs 143 mL) . 20 ❚ Dans une autre étude prospective , randomisée et contrôlée, les auteurs ont comparé l’effet de l’hémodialyse débutée simultanément avec l’injection des PCI lors d’une angiographie coronarienne chez des patients ayant une insuffisance rénale sévère. Dans cette étude, la clairance de la créatinine (respectivement 19 ± 10 et 17 ± 7 mL/min), le pourcentage des patients diabétiques (respectivement 57 et 70 %) et la dose injectée des PCI (respectivement 77 ± 27 et 86 ± 21 mL) ont été comparables entre les 7 patients du groupe “dialyse”et les 10 patients du groupe contrôle. Tous les patients ont reçu une hydratation à l’aide de sérum salé avant et après l’injection du PCI. La clairance du PCI a été significativement augmentée et l’exposition systémique (AUC) a été significativement diminuée dans le groupe “dialyse” par rapport au groupe de contrôle. Cependant, la concentration maximale du PCI dans le sang 15 minutes après l’injection était similaire dans les 2 groupes (3,0 ± 1,1 vs 4,2 ± 1,7 mmol/L). De même, aucune différence de la clairance de la créatinine n’a été observée entre les deux groupes 1 et 8 semaines après la réalisation de l’angiographie. De plus, deux patients dans chaque groupe ont eu une insuffisance rénale terminale nécessitant la mise en hémodialyse chronique. La réalisation d’une séance d’hémodialyse “on line” ne présente pas d’avantage en terme de prévention de la 20 néphrotoxicité des PCI .

❚ L’absence d’efficacité de la dialyse en prévention de la NPCI est peut-être secondaire à une contraction volémique intravasculaire liée aux déplacements liquidiens provoqués par le gradient osmotique durant la dialyse. L’ensemble de ces processus serait responsable d’une ischémie rénale. Les données citées ci-dessus rejoignent les bonnes pratiques de l’ESUR (European Society of Urogenital Radiology) et en particulier du Comité sur les complications secondaires aux produits de contraste (Contrast Media Safety Committee ou CMSC). Selon la recommandation de l’ESUR, la réalisation d’une séance d’hémodialyse immédiatement après et/ou pendant l’injection de PCI ne présente pas d’intérêt pour la prévention de la néphrotoxicité chez les patients insuffi21 sants rénaux sévères . 806 - La Presse Médicale

Intérêt de l’hémofiltration dans la prévention de la néphrotoxicité des produits de contraste iodés Contrairement à l’hémodialyse, la réalisation d’une hémofiltration a un intérêt pour prévenir les effets néphrotoxiques des PCI utilisés à fortes posologies chez les patients ayant une insuffisance rénale préexistante. Un essai randomisé a inclus 114 patients d’âge moyen 69 ans, ayant eu une angiographie coronarienne nécessitant l’injection d’un produit de contraste iodé non ionique de basse osmolalité (iopentol) à la dose moyenne de 247 mL. La créatininémie, à l’état basal, était supérieure à 176,8 µmol/L, soit une clairance de la créatinine moyenne de 26 mL/min. Les patients ont été répartis en 2 groupes : groupe “hémofiltration” (n = 58) et groupe “hydratation” par sérum isotonique (n = 56). ❚ L’hémofiltration a été débutée 4 à 6 heures avant la procédure,interrompue pendant celle-ci et reprise pour 18 à 24 heures après la fin de l’artériographie. ❚ L’hydratation, quant à elle, était réalisée par perfusion IV de sérum salé isotonique à raison de 1mL/kg/heure (0,5 mL/kg/heure si la fraction d’éjection était inférieure à 40 %) 6 à 8 heures avant et pendant 24 heures après l’angiographie. Les 2 groupes se sont avérés comparables à l’état basal, en particulier la clairance de la créatinine dans le groupe “hémofiltration” et celui de contrôle était respectivement de 26 ± 9 mL/min et 26 ± 8 mL/min. ❚ L’éventualité d’une NPCI a été évoquée devant une élévation d’au moins 25 % de la créatininémie par rapport à la valeur de base. L’épuration extrarénale (hémodialyse ou hémofiltration) a été réalisée chez des patients oligo-anuriques depuis 48 heures malgré l’administration de furosémide à la posologie de 1g en IV.Dans le groupe hémofiltration, la fréquence de la NPCI a été évaluée à 5 % (3/58) pour 50 % (28/56) dans le groupe hydratation. Une hémodialyse a été nécessaire chez 18 % (10/56) des patients du groupe “hydratation” et chez aucun patient dans le groupe “hémofiltration”. Enfin, la mortalité pendant l’hospitalisation était de 2 % dans le groupe “hémofiltration”comparativement à 14 % dans le 22 groupe contrôle .L’efficacité de l’hémofiltration dans le prévention de la NPCI démontrée dans cette étude se fonde sur 3 composants. • Tout d’abord, la technique d’hémofiltration assure une stabilité hémodynamique permettant de protéger les reins contre l’hypoperfusion. • Ensuite, l’important volume du liquide (1000 mL/ heure) administré pendant la procédure permet de diluer le PCI, diminuant ainsi sa concentration dans le sang et donc l’exposition au niveau des reins. 18 juin 2005 • tome 34 • n°11

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• Enfin, le PCI est éliminé significativement par hémofiltration.Cela participe également à la réduction de l’exposition du rein à l’agent néphrotoxique.

❚ Cette étude a été faite chez des patients ayant plusieurs facteurs de risque d’IRA : une insuffisance rénale sévère préexistante, une insuffisance cardiaque (fraction d’éjection < 40 % chez respectivement 24 et 25 % des patients dans les groupes “hémofiltration” et “contrôle”), une multiplication des interventions radiologiques (la plupart des patients ayant eu une coronarographie et une angioplastie coronaire en même temps, chez environ 30 % des patients elles étaient en plus associées à une artériographie aortique et/ou rénale et/ou des membres inférieurs) expliquant la quantité importante de PCI utilisée. Ces facteurs pourraient expliquer l’incidence importante de la NPCI dans le groupe contrôle. ❚ L’utilisation de l’hémofiltration chez les patients ayant une insuffisance rénale préexistante peut représenter un moyen efficace pour prévenir l’aggravation de la fonction rénale. Cependant, sa large utilisation est limitée par son coût élevé et son caractère invasif. Toutefois, chez les patients à haut risque de néphrotoxicité et/ou chez les patients recevant plusieurs injections de PCI en même temps, le recours à l’hémofiltration peut être justifié. De plus, ce surcoût doit être pondéré par le fait que la NPCI entraîne une augmentation de la morbi-mortalité, des durées et des coûts d’hospitalisation.

Intérêt d’une séance d’hémodialyse après l’injection de produit de contraste iodé chez le patient hémodialysé chronique Chez les patients en hémodialyse chronique, l’approche du problème est différente. D’une part, chez ces patients, le problème de la néphrotoxicité n’est plus d’actualité (sauf pour le maintien d’une diurèse résiduelle) du fait du stade terminal de l’insuffisance rénale. D’autre part, les PCI étant des agents osmo-actifs, ils peuvent entraîner des anomalies hydroélectrolytiques et/ou une expansion volémique. Cela est d’autant plus vrai pour les patients hémodialysés oligo-/anuriques et/ou souffrant d’insuffisance cardiaque, chez qui une surcharge volémique par le PCI provoque facilement un œdème aigu des poumons. Les données sur l’intérêt de la réalisation d’une séance d’hémodialyse après l’injection des PCI chez les patients hémodialysés chroniques sont discordantes. ❚ Dans une étude, les auteurs ont précisé les modifications cliniques et biologiques chez 10 patients hémodialysés chroniques qui ont reçu de 40 à 225 mL de 18 juin 2005 • tome 34 • n°11

PCI non ionique. Aucune modification significative n’a été observée pour les paramètres suivants : - tension artérielle ; - électrocardiogramme ; - taux de protéines sanguines ; - osmolalité ; - volume extracellulaire ; - poids du patient. Aucun patient n’a eu de signes cliniques ou biologiques nécessitant la réalisation d’une séance d’hémodialyse en urgence.Les PCI non ioniques sont bien tolérés chez les patients hémodialysés chroniques et la réalisation d’une séance d’hémodialyse immédiatement après l’injection 23 de PCI n’est pas nécessaire . ❚ Cependant, dans une autre étude portant sur 4 patients dont 3 en hémodialyse chronique et 1 en dialyse péritonéale, des modifications hydro-électrolytiques ont été observées après l’injection d’un PCI ® non ionique (Ioversol ).Tous les patients ont eu une hyponatrémie (122,6 vs 138,6 mmol/L avant l’injection) et une hyperkaliémie. Une diminution de la réserve alcaline a été mise en évidence. Ue corrélation (r2 = 0,91) a été observée entre la dose injectée du PCI et les modifications du niveau de sodium sanguin. Les doses de PCI utilisées dans cette étude étaient assez importantes (350 à 975 mL) et le PCI choisi était hyperosmolaire. De plus, les patients ont reçu une hydratation injustifiée, par un soluté de glucose 5 % durant 4 heures avant et 4 heures après l’intervention radiologique. ❚ Les mesures de prévention suivantes ont été proposées chez le patient hémodialysé chronique : • minimiser la quantité de PCI injecté et le volume des perfusions IV; • utiliser des PCI iso-osmolaires ; • réaliser un ionogramme de contrôle 1 à 4 heures après la procédure afin de contrôler la natrémie et la kaliémie et 24 réaliser une séance d’hémodialyse le plus tôt possible . Les deux dernières recommandations semblent être justifiées, au vu des données de cette étude, en cas d’utilisation de très fortes doses de PCI et/ou chez des patients à haut risque d’expansion volémique, notamment chez ceux ayant reçu une hydratation IV parallèlement à l’injection de PCI, ainsi que chez les patients ayant une insuffisance cardiaque.

Conclusion ❚ Chez les insuffisants rénaux chroniques, les PCI peuvent être responsables d’une aggravation de la fonction rénale. La NPCI serait due à une vasoconstriction, une ischémie rénale et une toxicité cellulaire directe de PCI. La pré- et post-hydratation, l’utilisation La Presse Médicale - 807

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des PCI de basse osmolalité en quantité la plus limitée possible sont les mesures les plus importantes et les mieux documentées pour prévenir les NPCI chez les patients ayant une fonction rénale de base altérée. Dans la mesure du possible, il est nécessaire d’espacer les examens de quelques jours, ce qui permet de limiter le volume injecté par séance, donc le risque de NPCI. ❚ Des études cliniques contrôlées ont montré que la réalisation d’une séance d’hémodialyse pendant et/ou après l’injection du PCI ne permettait pas de prévenir une dégradation de la fonction rénale provoquée par les PCI chez les patients ayant une insuffisance rénale sévère. En revanche, l’hémofiltration permettrait (à ce jour nous ne disposons que d’une 22 seule étude ) de diminuer significativement le risque de survenue d’une NPCI, ainsi que la mortalité pendant l’hospitalisation, chez les patients insuffisants rénaux ayant de multiples injections de PCI sur une

courte période de temps. Ce moyen de prévention pourrait donc être recommandé dans des circonstances exceptionnelles, chez des patients à très haut risque de NPCI. ❚ Chez les patients hémodialysés chroniques, des anomalies hydroélectrolytiques (hyponatrémie, hyperkaliémie) et/ou une surcharge volémique peuvent être observées après l’injection de PCI. La survenue de ces anomalies semble liée au type et la quantité de PCI administré. Cependant, à ce jour il n’existe pas de données en faveur de l’efficacité d’une séance d’hémodialyse le plus tôt possible après l’injection du PCI chez le patient hémodialysé chronique. Il est donc recommandé de préférer le PCI iso-osmolaire et en quantité la plus faible possible (dans le but d’éviter l’expansion volémique et des troubles hydroélectrolytiques). Cette recommandation est surtout valable chez les patients sans diurèse résiduelle et chez les patients insuffisants cardiaques. ■

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18 juin 2005 • tome 34 • n°11