Nouveautés thérapeutiques dans la sclérose en plaques de l’enfant

Nouveautés thérapeutiques dans la sclérose en plaques de l’enfant

Table ronde Les nouveaux traitements en neurologie Nouveautés thérapeutiques dans la sclérose en plaques de l’enfant K. Deiva Centre de référence nat...

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Table ronde Les nouveaux traitements en neurologie

Nouveautés thérapeutiques dans la sclérose en plaques de l’enfant K. Deiva Centre de référence national des maladies neuro-inflammatoires de l’enfant (NIE), AP-HP, Hôpitaux Universitaires Paris-Sud, Hôpital Bicêtre, service de neurologie pédiatrique, 94275 Le Kremlin Bicêtre, France

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a sclérose en plaques (SEP), une pathologie neurologique chronique bien connue chez les adultes, est une maladie rare chez l’enfant avec une fréquence estimée à 20/an en France. Les traitements proposés actuellement sont sous forme injectable et utilisés hors AMM particulièrement chez les enfants de moins de 12 ans. Le développement de nouvelles molécules, l’obligation des industries pharmaceutiques de réaliser des études chez l’enfant (Pediatric Investigation Plan) et la mise sur le marché de traitements oraux pour les adultes sont de nouveaux espoirs thérapeutiques. Nous aborderons dans une première partie les traitements actuellement disponibles, puis nous aborderons les nouvelles molécules qui pourraient être utilisées chez les enfants.

1. Les traitements actuels Parmi les thérapeutiques actuelles, 2  types de traitements au long cours sont disponibles : les interferons (IFN) et le glatiramer acétate qui sont appelés des immunomodulateurs.

1.1. Les interferons (IFN) Les IFN sont des cytokines sécrétées de façon endogène par les cellules immunes lors des réactions inflammatoires. Dans la SEP, les IFN β sont utilisés et leur mécanisme d’action n’est qu’incomplètement élucidé. Une de leur fonction est la modulation de la réponse immune puisque, in vitro, il a été montré que l’IFN  β transforme les lymphocytes T (LT) ayant un profil Th1 (inflammatoire) en LT ayant un profil Th2 (anti-inflammatoire). D’autre part, il bloquerait aussi la pénétration des cellules inflammatoires dans le système nerveux central en protégeant la barrière hémato-encéphalique (BHE). Il existe 3 types d’IFN β disponibles sur le marché et qui se différencient par leur mode et fréquence d’administration : Avonex® 30 μg en intramusculaire 1 fois par semaine, Rebif® 22 ou 44 μg en sous-cutané 3 fois par semaine et Betaféron® 250 μg tous les 2 jours en sous-cutané. Les effets indésirables les plus caractéristiques sont les syndromes pseudogrippaux (fièvre, céphalées, frissons, douleurs articulaires, douleurs musculaires) et les réactions aux sites d’injections. Des Correspondance. e-mail : [email protected]

104 © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2013;20:104-105

effets indésirables biologiques ont été aussi notés chez 20-40 % des enfants se traduisant par des leuco-neutropénies, une augmentation des ASAT et/ ou ALAT, une thyroïdopathie ou l’apparition d’auto-anticorps anti IFN β. Ces effets indésirables sont dans la majorité des cas transitoires et peuvent être contrôlés par la mise en place d’une titration et des changements réguliers des sites d’injections.

1.2. Le glatiramer acetate (Copaxone®) Le glatiramer acétate est un copolymère associant de façon aléatoire des acides aminés de type l-alanine, l-lysine, acide l-glutamique and l-tyrosine. Son mécanisme d’action est encore mal élucidé, mais une des actions de cette molécule est d’altérer la fonction des cellules présentatrices d’antigènes en se liant sur leurs complexes majeurs d’histocompatiblité de type  II empêchant ainsi l’activation des  LT. Il a été aussi suggéré, de façon similaire aux IFN, que ces molécules sont capables de transformer des LT  inflammatoires en cellules anti-inflammatoires. De même, une action neuroprotectrice du système nerveux central a été décrite par le biais de sécrétion de facteurs neurotrophiques de type BDNF, NT-3 et NT-4. La Copaxone® est en injection journalière en sous-cutané. Les effets indésirables les plus rapportés de cette molécule sont les réactions au site d’injection (rougeurs, indurations, lipodystrophies) et les impressions d’oppression thoracique qui peuvent survenir quelques minutes ou heures après l’injection. Tout comme les IFN, une augmentation des ASAT/ALAT peut être notée. Ces immunomodulateurs ont montré chez l’adulte une efficacité clinique avec une baisse d’environ 30  % du taux de survenue de nouvelle poussée dans l’année, avec une tolérance clinique satisfaisante au long cours. Chez l’enfant, la majorité des études sont rétrospectives et ont montré une efficacité et une tolérance identique à celles de l’adulte. En ce qui concerne la dose de ces médicaments, il n’y a pas de véritable consensus devant le très faible nombre d’études sur ce sujet. Actuellement, pour les IFN, la dose recommandée est la dose pleine quel que soit l’âge de l’enfant, en fonction de la tolérance obtenue lors de la titration recommandée selon le schéma habituel de chaque IFN. De même, pour la Copaxone®, la dose pleine sera utilisée chez l’enfant quel que soit son âge et cela sans titration.

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2. Les nouvelles thérapeutiques L’apparition de nombreuses nouvelles molécules fait que les choix thérapeutiques sont plus étoffés aujourd’hui. Ces molécules peuvent avoir un intérêt dans la SEP de l’enfant en 2e ligne, particulièrement quand les immunomodulateurs sont en échec. Parmi elles, 2 molécules sont à prendre compte : le natalizumab et le fingolimod.

2.1. Natalizumab (Tysabri®) Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé anti VLA4, qui se fixe sur les sous unités alpha 4 des intégrines exprimées sur les LT empêchant la liaison de ces derniers sur les cellules endothéliales de la barrière hémato-encéphalique. Ainsi, le passage de ces cellules inflammatoires dans le système nerveux central est bloqué. Dans l’étude AFFIRM, il a été montré que le natalizumab entraîne une réduction de 68 % du taux annualisé de poussées et de 42  % la progression du score d’handicap par rapport au placebo. Sur l’imagerie, l’apparition de nouvelles lésions en hypersignal T2 et des lésions prenant le contraste a été réduite de 83 % et 92 %, respectivement. Mais ce traitement présente des effets indésirables communs aux anticorps monoclonaux (infections, vertiges, fièvre, réaction d’hypersensibilité, apparition d’auto-anticorps anti-natalizumab…). Un des effets indésirables justifie une utilisation prudente et contrôlée : il s’agit de la leucoencéphalite multifocale progressive (LEMP) secondaire à la réactivation du virus JC. Quand le sujet est séropositif, ce risque augmente avec la durée du traitement (au-delà de 18  mois) et si le sujet a déjà reçu un traitement immunosuppresseur auparavant. Ce dernier est administré mensuellement en milieu hospitalier en intraveineuse. Des études observationnelles rétrospectives chez l’enfant ayant une forme sévère de SEP et ayant déjà eu un traitement immunomodulateur, ont montré que l’administration de natalizumab est bien tolérée et a une efficacité identique à celle chez l’adulte.

2.2. Le fingolimod (Gynelia®) Le fingolimod est un analogue de la sphingosine-1-phosphate (S1P) et agit comme un antagoniste sur les récepteurs de S1P. Ce dernier est exprimé sur les LT et son interaction avec le fingolimod entraîne une séquestration rapide et réversible des LT activés dans les ganglions lymphatiques bloquant ainsi le passage des LT auto activés dans le système nerveux central. De plus, il a été montré que le fingolimod peut passer la BHE et

avoir des propriétés neuroprotectrices. Les études contre placébo ont montré une réduction du taux annualisé de poussée de 54 % et de la progression du handicap de 30 %. Sur l’imagerie cérébrale, une réduction de 74  % sur l’apparition de nouvelles lésions en hypersignal T2 et 82  % sur la survenue des lésions prenant le contraste a été notée. Parmi les effets indésirables de ce traitement, les infections grippales, à herpes virus, particulièrement du Virus Varicelle Zona, et des voies respiratoires basses sont les plus fréquentes. Une attention doit être portée sur les bradycardies et les troubles du rythme cardiaque que ce traitement peut induire (1 %-3 %). En effet, les récepteurs de S1P sont aussi exprimés dans le cœur et le traitement peut entraîner une baisse de la fréquence cardiaque (entre 8 à 10 battements par minute) dès la 2e heure, avec un nadir dans les 4-5 heures. Le retour à la normale a été observé dans les 24 premières heures. Un œdème maculaire réversible à l’arrêt du traitement, une baisse importante des LT (75 % par rapport au niveau de base) ont été rapportés, de même qu’une augmentation asymptomatique et transitoire des enzymes hépatiques. Une diminution du volume expiratoire a été décrite, ainsi que des cancers cutanés (mélanome ou carcinome baso-cellulaire) ou des cancers du sein. Ce traitement est en administration orale 1 fois par jour et est disponible en France chez l’adulte depuis début 2012. À l’heure actuelle, il n’y pas d’étude chez l’enfant concernant l’utilisation de cette molécule.

3. Conclusion Depuis l’obtention de l’AMM pour le fingolimod en  France en janvier  2012, 2  autres molécules en administration orale (BG12 et le teriflunomide) vont bientôt être disponibles. Bien que les offres soient plus importantes aujourd’hui, le choix pour les pédiatres ou les neuropédiatres reste limité du fait que la SEP est une maladie rare chez les moins de 18 ans et des études randomisées et contrôlées ne pourront être réalisées pour chacune des molécules disponibles. Le groupe d’étude internationale sur la SEP pédiatrique (International Pediatric Multiple Sclerosis Study Group) est actuellement en train de réfléchir à la réalisation d’une étude internationale avec l’une des molécules par voie orale.

Références Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

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