Médecine & Longévité (2010) 2, 87—104
MISE AU POINT
Nouvelles imageries en neurologie et applications cliniques New imaging in neurology: Clinical applications D. Buthiau a,∗, C. de Jaeger b a b
Institut de radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris, France Centre médical européen santé et longévité, 7, rue de l’Yvette, 75016 Paris, France
Disponible sur Internet le 27 mai 2010
MOTS CLÉS Neurologie ; Neuroradiologie ; Scanner ; IRM ; IRM de diffusion ; Spectroscopie ; Tractographie ; Angio-IRM
KEYWORDS Neurology; Neuro-radiology; CT Scanner; MRI; MR diffusion; Spectroscopy; Fiber track; Angio MR ∗
Résumé Les techniques d’imagerie en neurologie connaissent un progrès récent considérable. Nous présentons dans cet article les principales techniques, leur évolution et leurs applications cliniques : le scanner hélicoïdal pour les mesures de volume (critères Recist) et l’étude de la microvascularisation ; l’IRM de diffusion et l’angio-IRM pour l’étude cellulaire et vasculaire ; la spectroscopie pour la composition moléculaire ; le Pet-scanner pour le métabolisme cellulaire. L’imagerie actuelle anatomique et fonctionnelle améliore le diagnostic précoce et spécifique, aide à anticiper l’avènement des maladies neurodégénératives, à cibler les traitements pour les optimiser et à les personnaliser et à mieux comprendre la physiopathologie des maladies neurologiques. Les techniques présentées sont pour certaines d’entre elles encore en cours d’évaluation et constituent des voies de recherche. Leur étude est multicentrique. Le domaine de la neuro-imagerie en est le plus prometteur. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.
Summary New-Imaging technics in Neurology is actually in a constant and important progress. We present in this article the new essential techniques, their evolution and clinical applications: helical CT for volume measurement (Recist criteria) and microvascularisation study; diffusion MRI and Angio-MR for cellular and vascular study; spectroscopy for molecular composition; TepScanner for cellular metabolism. This actual anatomical and functional Imaging increases the specific and precocious diagnosis, helps to anticipate the appearance of neuro-degenerative disease, targets the treatments for their optimization and personalisation for each patient and helps also to better understanding neurological diseases physiopathology. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS.
Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (D. Buthiau),
[email protected] (C. de Jaeger).
1875-7170/$ — see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.mlong.2010.04.001
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D. Buthiau, C. de Jaeger
Introduction
Matériels et méthodes
La neuro-imagerie fonctionnelle, dynamique, structurelle et chimique connaît un essor considérable (Fig. 1—4) et les nouvelles techniques d’étude du système nerveux central ne sont plus aujourd’hui du domaine exclusif de la recherche. L’exercice de la neuro-imagerie s’est modifié et les médecins praticiens, neurologues et neurochirurgiens ont besoin d’informations de plus en plus précises pour notamment évaluer le pronostic d’une affection et guider le choix thérapeutique et non de la seule confirmation d’un diagnostic clinique [1,2].
Imagerie de diffusion [3] Les séquences d’IRM de diffusion (Fig. 5—7) apportent des informations non disponibles avec les séquences d’IRM conventionnelles ou morphologiques. Elles évaluent le mouvement des molécules d’eau qui peut se trouver modifié lors d’un processus pathologique. La séquence de diffusion fait partie intégrante du bilan de base d’exploration de l’encéphale. Elle permet d’apporter des informations diagnostiques :
Figure 1. A et B. Reconstructions par scanner tridimensionnel (3D) de tumeurs cérébrales (métastases, en rouge) pour repérage avant traitement (radiochirurgie) ; C-1, C-2 et C-3 : représentation du traitement radiochirurgical stéréotaxique.
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Figure 2. Intérêt de l’injection du produit de contraste paramagnétique en IRM pour démontrer une tumeur cérébrale, primitive ou secondaire (en blanc).
• diagnostic précoce des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (inférieurs à une heure) permettant de distinguer les accidents aigus et subaigus (Fig. 5 et 6) ; • diagnostic différentiel entre tumeur nécrosée et abcès cérébral (à pyogènes) qui ont respectivement un coefficient de diffusion apparent augmenté pour le premier, diminué pour le second ; • diagnostic complémentaire du lymphome cérébral (coefficient de diffusion apparent abaissé) (Fig. 7) ; • diagnostic positif des cholestéatomes et des kystes épidermoïdes (hypersignal en diffusion) ; • diagnostic précoce de l’encéphalite herpétique et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (en hypersignal) ; • d’une manière générale, aide au diagnostic des différentes catégories de pathologie cérébrale : ischémiques, tumorales, infectieuses. Elle permet également d’apporter des informations pronostiques ;
• la chute du coefficient de diffusion apparent traduit un œdème cytotoxique de mauvais pronostic, généralement non réversible ; • l’augmentation du coefficient de diffusion apparent traduit un œdème vasogénique, de meilleur pronostic, généralement réversible.
Imagerie de perfusion [4] Il est aujourd’hui possible d’apprécier le fonctionnement métabolique cérébral par différentes techniques d’imagerie, ayant chacune leurs avantages et limites : • l’étude de la perfusion cérébrale par IRM (Fig. 8) est la technique de référence en pratique courante, mais la TDM de perfusion est une alternative fiable, proposée notamment dans le cadre de l’urgence ainsi que dans la stratégie thérapeutique et le suivi ;
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Figure 3. A et B. Nouvelles séquences et nouveaux paramètres d’acquisition en IRM permettant une meilleure définition et démonstration des lésions et de ses composants (A : tumeur primitive nécrosée avec œdème et gliose périlésionnelle ; B : image normale, avec bonne démonstration de l’anatomie parenchymateuse cérébrale).
• l’approche thérapeutique de l’accident vasculaire cérébral a été considérablement modifiée par l’étude de la perfusion cérébrale : la TDM de perfusion est particulièrement prometteuse pour la précocité du diagnostic et le traitement du vasospasme compliquant l’hémorragie sousarachnoïdienne ; • IRM et TDM aident aussi au diagnostic et suivi après traitement des tumeurs cérébrales primitives ou secondaires, hématologiques ou infectieuses ou des tumeurs bénignes (méningiomes) ; • en IRM comme en TDM le protocole consiste à suivre, par acquisition dynamique, le devenir après injection de produits de contraste, en étude rapide et multicoupes ; • l’IRM est d’interprétation facile et rapide dans l’accident vasculaire cérébral, avec un champ d’exploration large, mais fournit des données relatives ; • le scanner est d’acquisition rapide, facilement disponible et réalisable en urgence (intérêt dans la pathologie traumatique) et fournit des données quantitatives absolues.
En revanche, le champ d’exploration est plus restreint. L’irradiation demeure limitée et superposable à celle d’un examen scanner standard.
Imagerie vasculaire encéphalique, médullaire et supra-aortique Les progrès ont permis d’élargir le champ d’exploration de l’imagerie vasculaire non invasive à l’étude des vaisseaux cervicoencéphaliques (Fig. 8) et médullaires.
L’angio-IRM (ARM) dynamique Séquence volumique non invasive répétée toutes les secondes, elle présente deux principales applications : les malformations artérioveineuses cérébrales et les fistules durales. L’ARM dynamique montre de manière sélective les différents compartiments vasculaires de la malformation. Elle permet une étude hémodynamique en 3D, réalisée dans le même temps que l’IRM. La résolution spatiale et l’analyse des flux très lents constituent ses principales limites. Deux séquences d’ARM injectées sont nécessaires pour explorer les malformations vasculaires médullaires (par exemple, une seule séquence d’ARM 3D TOF est insuffisante pour repérer l’artère d’Adamkiewicz).
L’angio-scanner
Figure 4. IRM (à haut champ) montrant une discrimination fine des structures composant la substance blanche et la substance grise.
Il détecte et localise les anévrismes intracrâniens et en constitue la meilleure méthode diagnostique et morphologique (Fig. 9 et 10) ; grâce aux reconstructions, il analyse la morphologie de la dilatation sacculaire ainsi que ses mesures et celles du collet et l’aspect des branches adjacentes.
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Figures 5 et 6. IRM de diffusion : accident vasculaire (en blanc) dans les premières heures (Fig. 5) et 4 jours après (Figure 6), montrant la récupération partielle de la zone ischémiée.
Figure 7. IRM de diffusion lors d’un lymphome cérébral primitif : la lésion périventriculaire apparaît en blanc, à fort signal sur les deux images de gauche, du fait de la cellularité élevée et de la compacité, avec mouvement limité des molécules d’eau (coefficient de diffusion—ADC—faible).
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Figure 8. A et B. Imagerie de diffusion et de perfusion et angio-IRM (ARM) pour AVC : à quatre heures (A), il existe une thrombose nette sur l’ARM, avec une hypoperfusion du territoire ischémié (perfusion) et une lésion capsulolenticulaire en imagerie de diffusion. Après traitement thrombolytique instauré en urgence (B), l’IRM de perfusion montre à 20 heures que ce traitement a protégé les territoires vulnérables. La lésion des noyaux gris centraux est définitive (diffusion) ; l’ARM montre la disparition de l’obstruction.
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Figures 9 et 10. Angio-scanner avec reconstructions en 3D de la crosse aortique, des troncs supra-aortiques et des TSA et vaisseaux du cou jusqu’à leur terminaison, chez un sujet normal.
L’IRM (ou le scanner) en haute résolution des plaques carotidiennes (Fig. 11) Elle est recommandée dans le bilan préopératoire des sténoses de la carotide asymptomatique au-delà de 60 % et des sténoses symptomatiques entre 50 et 70 %.
Figure 11. Réseau carotidien représenté en scanner 3D : noter une plaque calcifiée peu sténosante sur le bulbe carotidien.
La spectroscopie cérébrale par résonance magnétique [5] La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) permet une exploration complémentaire non invasive du métabolisme cérébral, au cours d’un examen IRM.
Figure 12. Imagerie fonctionnelle d’activation : bilan préthérapeutique pour évaluer les zones sensibles à risque, à proximité d’une lésion neuroépithéliale (tumorale).
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Figures 13—17. Tractographies préthérapeutiques montrant les rapports en 3D des tumeurs et des faisceaux de connexion de la substance blanche, permettant d’évaluer les zones à risque (tumeur représentée en rouge sur la Fig. 13 et en blanc sur les Fig. 14—17).
Sa présence est de plus en plus courante sur les IRM cliniques, favorisant son utilisation en routine. Pour être informative et qualitative, des règles simples doivent être respectées dans le choix des séquences et le positionnement des voxels. Il convient de distinguer deux situations :
• les applications de recherche de la SRM où l’examen a principalement pour but de mieux connaître la physiopathologie d’une maladie ; • les indications cliniques où cette exploration sera directement utile à la prise en charge du malade. On citera, par exemple, le diagnostic étiologique et différentiel
Nouvelles imageries en neurologie et applications cliniques des tumeurs cérébrales, leur bilan d’extension et suivi thérapeutique, les encéphalopathies liées au VIH ou hépatiques, la souffrance cérébrale diffuse, le diagnostic des maladies métaboliques.
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IRM fonctionnelle cérébrale [6] L’IRM fonctionnelle fournit une imagerie indirecte de l’activité du cerveau, fondée sur la détection des varia-
Figures 18—22. Tractographies normales : cartographie in vivo des faisceaux de fibres de substance blanche au niveau de l’encéphale normal (étude par contre de rapports tumoraux au niveau des noyaux gris centraux sur la Fig. 20).
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Figures 18—22.
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(Suite ).
tions locales de flux et d’oxygénation du sang, secondaire à l’activité des neurones. Les travaux de recherche en neurosciences se sont largement développés mais les applications cliniques restent limitées, principalement à la cartographie fonctionnelle préopératoire. La cartographie des zones fonctionnelles à risque (Fig. 12) permet d’améliorer l’exérèse et le pronostic fonctionnel post-opératoire. L’imagerie échoplanar, technique de choix, étudie l’organisation fonctionnelle du cerveau normal et pathologique en toute innocuité et en explorant le cerveau entier à une cadence rapide. Les cartes d’activation sont établies à partir de l’analyse statistique des changements locaux de signal. De nombreuses voies de recherche sont en cours de développement : localisation de foyer épileptogène, imagerie de la réactivité cérébrovasculaire, étude de la plasticité cérébrale. . .
Imagerie en tenseur de diffusion et tractographie de l’encéphale (Fig. 13—23) et de la moelle [7] Elle permet la cartographie in vivo de la microstructure et de l’organisation des tissus. Elle détecte et quantifie les anomalies de la substance blanche, non visibles en imagerie conventionnelle. Elle est le seul moyen actuel de visualiser les faisceaux de fibres de substance blanche dans l’encéphale et dans la moelle. Elle visualise les connections anatomiques entre les différentes régions du cerveau de chaque individu. Cette étude des voies de connexion est fondamentale pour interpréter les résultats de l’imagerie fonctionnelle. Ses applications émergentes sont la maladie d’Alzheimer, les affections psychiatriques, les pathologies inflammatoires, dégénératives, tumorales (Fig. 13, 17 et 20),
l’ischémie cérébrale (Fig. 23), les épilepsies résistantes, la pathologie médullaire.
Résultats, exemples d’applications cliniques potentielles et discussion [8—10] Vieillissement normal [8] Atrophie modérée Il est impossible d’estimer visuellement, de fac ¸on directe, le volume de parenchyme encéphalique. On utilise donc des signes indirects fondés sur une impression visuelle subjective qui sont plus facilement évalués sur une IRM que sur le scanner. Ces signes indirects sont : • l’élargissement des sillons de la convexité ; • l’élargissement des ventricules, particulièrement des ventricules latéraux ; • l’élargissement des citernes de la base. Ces signes n’étant actuellement pas quantifiables dans les interprétations de routine, leur fiabilité n’est pas absolue. Lorsqu’ils sont absents ou, à l’inverse, très marqués, l’interprétation du caractère pathologique ou non de l’atrophie est facile. Cependant, dans les situations intermédiaires, qui sont fréquentes dans la population âgée, l’interprétation peut être plus difficile et varier considérablement d’un observateur à l’autre. Dans un avenir proche, nous aurons probablement à notre disposition des outils de quantification automatique ou semi-automatique des volumes de la totalité ou de certaines parties de l’encéphale, travaillant de manière directe (volumétrie du parenchyme cérébral) ou indirecte (volumétrie des espaces liquides péricérébraux et ventriculaires). Ces outils rendront l’interprétation de l’atrophie éventuelle moins subjective et soumise à des normes quantitatives.
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Figure 23. Accident vasculaire droit (par dissection carotidienne), en blanc sur la figure IRM de gauche. Représentation des lésions irréversibles sur les faisceaux de fibre de connexion (figure de droite) : aspect très « aminci » des faisceaux de fibre à droite en tractographie (documents Siemens).
L’atrophie est inéluctable lors du vieillissement. Dans la situation idéale de « vieillissement gagnant », les signes indirects d’atrophie fondés sur l’impression subjective sont souvent pris en défaut et seules des méthodes de volumétrie permettraient de la mettre en évidence. Outre la subjectivité de l’interprétation du volume parenchymateux, la définition de la « normalité » de ce volume est rendue difficile par le fait que les capacités cognitives du patient ne sont pas systématiquement en rapport avec son volume cérébral. Ainsi, un patient ayant une atrophie radiologique certaine peut n’avoir aucun symptôme, notamment cognitif, probablement du fait des capacités de plasticité cérébrale. Cette situation est notamment rencontrée chez les sujets ayant un bon niveau socioculturel. Sachant que l’interprétation est subjective, que le fait d’avoir une atrophie n’est pas synonyme de déclin cognitif et que l’utilisation de ce terme peut entraîner une réaction négative du patient et de son entourage, il convient de garder une certaine prudence dans l’emploi du mot « atrophie » dans les compte rendus.
Leucoaraïse modérée La leucoaraïose n’est pas une maladie mais un signe radiologique par définition. Selon Hachinski, elle se caractérise par des plages d’hypodensités de la substance blanche périventriculaire au scanner ou des plages d’hypersignaux en séquence Flair ou T2 à l’IRM (Fig. 24). La sévérité de cette leucoaraïose est variable, allant d’anomalies très peu étendues confinées aux régions immédiatement contigües aux ventricules à des anomalies plus extensives s’étendant à la substance blanche profonde (principalement les centres ovales). Dans certains cas, la leucoaraïose peut intéresser le tronc cérébral : elle se localise plus volontiers à la partie centrale de la protubérance, où elle se traduit par des hypersignaux Flair peu intenses et mal limités.
La signification pathologique de la leucoaraïose est très débattue. Sa fréquence augmente régulièrement à partir de l’âge de 50 ans et devient élevée (68 %) à partir de 60 ans et très élevée après 80 ans (95 %). Sa traduction clinique est variable en termes de fonction cognitives : l’atteinte est inconstante, exception faite de certains texts neurologique très fins. Une leucoaraïose très minime, consistant en de fins liserés d’hypersignaux Flair périventriculaires, sans autre anomalie de signal ni atrophie, peut être considérée comme normale. Une leucoaraïose étendue et/ou associée à des séquelles vasculaires ou des microhémorragies (voir « démences vasculaires ») doit être considérée comme pathologique. Entre les deux, il existe une zone de « recouvrement » pour laquelle il est difficile de trancher sur la normalité des images. Dans ce cas, le compte rendu doit être descriptif, peut mentionner le terme de « leucoaraïose » et précise l’absence de signes associés en faveur d’une démence vasculaire. La plupart des hypothèses physiopathologiques sur la leucoaraïose considèrent qu’il s’agit de modifications de signal de la substance blanche liées à des modifications de la vascularisation secondaires au vieillissement vasculaire. Il faut remarquer que, à l’heure actuelle, ce terme a tendance à être de moins en moins utilisé dans la littérature internationale. Il lui est préféré : age related with matter changes (modifications de la substance blanche liées à l’âge).
Élargissement des espaces de Virchow-Robin Les élargissements des espaces de Virchow-Robin (ou espaces périvasculaires) sont des formations ovales ou arrondies, à contours nets ou réguliers, liquidiennes pures, c’est-à-dire de densité et signal équivalents au LCS sur toutes les modalités d’imagerie : • au scanner, hypodensité, proche de 0 UH ;
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Figure 24. A et B. Vieillissement normal cérébral montrant l’aspect à 50 ans (A, avec des zones claires de micro-accidents vasculaires localisés périventriculaires) et à 75 ans (B, avec des micro-AVC multiples confluents périventriculaires).
• en IRM, hypersignal T2 et hyposignal T1, mais surtout absence de signal sur la séquence Flair (dans laquelle le signal du liquide pur est supprimé). La topographie correspond à celle des artères perforantes et prédomine aux noyaux lenticulaires. La taille est variable, en règle de quelques millimètres, mais pouvant plus rarement dépasser 1 cm. Ils sont souvent multiples, mais de répartition parfois asymétrique. Sur des images de résolution élevée en Flair ou T1, on visualise parfois un petit isosignal punctiforme au centre de la dilation, correspondant au vaisseau circulant au sein de cet espace. Les espaces de Virchow-Robin peuvent également être très visibles dans les topographies plus distales (substance blanche profonde sous-corticale) où ils sont millimétriques et ont un aspect radiaire. Dans l’immense majorité des cas, les élargissements des espaces Virchow-Robin ne doivent pas être considérés comme pathologiques. Cependant, leur quantité a tendance à augmenter avec la perte de parenchyme cérébral et ils sont donc, lorsque leur nombre est exagéré, témoins indirects d’une atrophie. À l’extrême, lorsqu’ils sont très nombreux notamment au sein des noyaux gris, on considère
qu’ils sont pathologiques, constituant un « état criblé », vraisemblablement secondaire à une pathologie des artères perforantes. Enfin, beaucoup plus rarement, des dilations très asymétriques, intéressant plusieurs espaces et prenant éventuellement le contraste, peuvent témoigner d’une pathologie locale méningée, intra-axiale ou des artérioles (associée à un processus expansif extra-axial, un lymphome primitif du SNC, une méningite tuberculeuse, une sarcoïdose. . .).
Calcifications et dépôts Noyaux lenticulaires Les noyaux lenticulaires peuvent être le siège de plusieurs types de modifications de densité et de signal. Toutes ces modifications sont d’autant plus fréquentes que l’âge est avancé. La localisation préférentielle mais non exclusive de ces remaniements se trouve à la partie interne des noyaux lenticulaires (pallidums). Les dépôts sont le plus souvent bilatéraux et symétriques. Les calcifications sont très banales et apparaissent en hyperdensité spontanée au scanner, disséminées en semis punctiformes ou plus rarement occupant en plage
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l’ensemble du pallidum. En IRM, elles apparaissent le plus fréquemment en hyposignal ou sans signal sur toutes les séquences. Parfois, elles apparaissent en hypersignal T1. Les dépôts ferriques sont également fréquents. Ils sont en règle peu visibles au scanner s’ils ne sont pas associés à des calcifications. En IRM, ils sont responsables d’un hyposignal T2 et d’une franche absence de signal en séquence T2 écho de gradient (T2*), séquence sensible à l’effet de susceptibilité magnétique. Dans les séquences dérivées du T2, telles que le Flair et la séquence de diffusion, l’hyposignal est également la règle. Le signal T2 peut considérablement varier chez le même paient en fonction du type de séquence et d’appareillage utilisé ; en particulier, sur les imageries réalisées avec un appareil 3T, ces hyposignaux sont fréquemment visibles chez le sujet jeune du fait de la présence normale de fer en leur sein. Les calcifications peuvent être en trop grand nombre et trop disséminées (par exemple avec des dépôts dans les thalamus, les noyaux dentelés du cervelet, voire de la substance blanche), dans le cadre de maladie de Fahr. Des hypersignaux T1 des noyaux lenticulaires peuvent correspondre à des dépôts pathologiques, notamment dans les encéphalopathies hépatiques et les patients sous nutrition parentérale (accumulation de manganèse). En séquence pondérée en T2, il est normal d’observer un aspect hypointense du pallidum par rapport au putamen. En revanche, un aspect hypointense du putamen est plus rare et peut s’observer au cours de certaines maladies neurodégénératives ou chez les patients très âgés.
plus souvent en hyposignal sur toutes les séquences, mais peuvent aussi être le siège d’hétérogénéités ou d’hypersignaux en séquence T1.
Autres noyaux gris Ils peuvent être de la même manière sièges de dépôts ferriques en hyposignal T2.
Ventricules et citernes Les plexus choroïdes, situés dans les carrefours des ventricules latéraux et dans les trous de Lushka, peuvent présenter de fac ¸on normale des calcifications.
Faux du cerveau Elle peut contenir de fac ¸on très banale des calcifications voire des ossifications, ne posant pas de problème diagnostic au scanner. À l’IRM, ces calcifications apparaissent le
Noyaux lenticulaires et noyaux gris Les calcifications peuvent être en trop grand nombre et trop disséminées (par exemple avec des dépôts dans les thalamus, les noyaux dentelés du cervelet, voire de la substance blanche), dans le cadre du syndrome de Fahr. Des hypersignaux T1 des noyaux lenticulaires peuvent correspondre à des dépôts pathologiques, notamment dans les encéphalopathies hépatiques et les patients sous nutrition parentérale (accumulation de manganèse). En séquence pondérée en T2, il est normal d’observer un aspect hypointense du pallidum par rapport au putamen. En revanche, un aspect hypointense du putamen est plus rare et peut s’observer au cours de certaines maladies neurodégénératives ou chez les patients très âgés. En cas de calcification associée à un épaississement ou un processus extra-axial contigu non calcifié, le caractère normal de la calcification doit être remis en cause et un méningiome calcifié est recherché, en s’aidant généralement d’une injection de produit de contraste.
Pathologies dégénératives [8] Démence type Alzheimer [8] Clinique Le patient ou son entourage se plaint de troubles de la mémoire associés à une ou plusieurs autres altérations des fonctions supérieures (langage, praxies, gnosies) retentissant sur les activités de la vie quotidienne. Il s’y associe parfois des troubles du comportement (agressivité, fugue. . .). Ces troubles s’installent de manière progressive. Leur installation est parfois précédée par la constatation de troubles mnésiques isolés, définissant le mild cognitive impairment.
Diagnostic positif La Haute Autorité de santé recommande la réalisation d’une imagerie cérébrale dans le bilan des syndromes
Figure 25. A et B. Maladie d’Alzheimer en IRM. Coupe coronale (A) ; coupe axiale (B) : atrophie cérébrale avec élargissements marqués des sillons de la convexité et des ventricules.
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Figure 26. A et B. Maladie d’Alzheimer en imagerie IRM fonctionnelle d’activation : les zones réactives au niveau hippocampal (zones rouges) sont très limitées (B) par rapport au témoin normal (A) (dû à l’obligeance du Dr. F. Brami, neuroradiologie, hôpital Sainte-Anne, Paris, ainsi que les Figs. 5—8,12).
démentiels essentiellement pour éliminer une cause de pseudosyndrome démentiel (hématome sous-dural chronique, volumineuse tumeur frontale, hydrocéphalie à pression normale). Cette imagerie est au mieux une IRM (Fig. 25—29). Dans les suspicions de démence de type Alzheimer, l’imagerie peut non seulement rechercher des arguments en faveur d’un diagnostic différentiel, mais aussi donner des arguments en faveur du diagnostic. Ce rôle dans le diagnostic positif de la maladie est de plus en plus souligné, en particulier par certains auteurs qui proposent de l’inclure dans les nouveaux critères diagnostiques.
Le scanner, bien que moins performant, peut toutefois apporter des renseignements utiles chez les patients ne pouvant pas passer d’IRM (contre-indications ou agitation importante). Dans ce cas, il est possible de le réaliser en mode spiralé et en résolution millimétrique, afin de pouvoir faire des reconstructions coronales centrées sur les hippocampes. Le scanner sans injection. Il permet de mettre en évidence une atrophie cortico-sous-corticale avec élargissement des sillons et des ventricules, prédominant dans les régions temporales et pariétales. Le volume hippocampique ne peut être qu’indirectement estimé par l’appréciation de
Figure 27. Maladie d’Alzheimer : différents exemples de coupes de l’hippocampe normal en anatomie (figure centrale) et en IRM (figures du haut à gauche et à droite) et de l’atrophie hippocampale mesurale par la « volumétrie hippocampale » lors de maladie d’Alzheimer (en bas à gauche et à droite).
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Figure 28. Tractographie par IRM lors d’une maladie d’Alzheimer ; aspect d’atrophie précoce des faisceaux de communication (image de droite), comparé au normal (image de gauche).
la taille des cornes temporales. Cette estimation visuelle peut être facilitée par la réalisation d’une acquisition millimétrique en mode hélicoïdal avec reconstructions coronales dans un plan perpendiculaire aux hippocampes. Dans les formes débutantes de la maladie avec atrophie minime, il est généralement normal. L’IRM. Sur les coupes axiales, on recherche l’atrophie cortico-sous-corticale prédominant aux régions temporales et pariétales. Sur des coupes coronales fines jointives (de 2 à 4 mm) centrées sur les hippocampes et perpendiculaires à leur axe, on met en évidence une diminution de volume des hippocampes en appréciant visuellement l’augmentation secondaire de taille des coronaires temporales. Cette atrophie hippocampale peut être unilatérale ou bilatérale asymétrique, prédominant alors plus volontiers à gauche. Elle est en règle isolée dans les formes débutantes de la maladie.
L’appréciation visuelle est limitée par sa subjectivité et présente l’inconvénient d’une reproductibilité interobservateur médiocre. On peut substituer cette acquisition 2D en haute résolution par une acquisition tridimensionnelle en résolution millimétrique. Cette acquisition est souvent plus longue (entre cinq et dix minutes) et peut parfois être de réalisation difficile chez les patients âgés. Son avantage est de permettre l’utilisation complémentaire de logiciels de volumétrie, réalisant une estimation quantitative, objective et reproductible du volume hippocampale. Dans le mild cognitive impairment, l’IRM ne permet généralement pas de mettre en évidence d’anomalie morphologique, notamment des hippocampes, par la seule interprétation visuelle. La réalisation d’une volumétrie hippocampique pourrait mettre en évidence une atrophie débutante, distinguant les sujets atteints et donc susceptibles d’évoluer vers une maladie d’Alzheimer, des sujets normaux présentant des plaintes mnésiques banales. Cette distinction pourrait, dans l’avenir, s’avérer importante pour la mise en route précoce de traitements médicamenteux visant à ralentir la progression vers le déclin cognitif. À l’heure actuelle, cependant, il n’existe aucun médicament ayant une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des démences au stade de mild cognitive impairment.
L’imagerie a un double rôle
Figure 29. Tractographie normale (à gauche) chez un patient de 65 ans et Alzheimer débutant (à droite) chez un malade du même âge, montrant la modification précoce de la densité des fibres de connexion.
L’imagerie a un double rôle : • éliminer les diagnostics différentiels bénéficiant éventuellement d’un traitement spécifique, par exemple neurochirurgical ; • conforter le diagnostic positif afin de valider la mise en route de traitements anti-cholinestérasiques (médicament efficace dans les formes légères à modérées de la maladie d’Alzheimer) ; • dans l’avenir, rôle potentiel du diagnostic précoce d’un état pré-Alzheimer chez les patients ayant des troubles mnésiques isolés, ce qui permettrait la mise en route d’un traitement ralentissant l’évolution vers la maladie d’Alzheimer.
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Démences vasculaires [8] Clinique Le syndrome démentiel associe les mêmes anomalies des fonctions supérieures que la maladie d’Alzheimer. Toutefois, l’évolution vers une aggravation progressive peut se faire par paliers avec possibles troubles cognitifs soudains. De nombreuses démences vasculaires seraient dues à une maladie des petits vaisseaux cérébraux. Des événements d’épisodes déficitaires focaux peuvent survenir lors d’un épisode vasculaire (hématome, accident ischémique) compliquant l’évolution de cette maladie des petites artères.
Diagnostic positif L’imagerie permet avec une bonne fiabilité de porter le diagnostic positif et d’éliminer les diagnostics différentiels. À condition d’être correctement réalisée, elle donne également des informations sur la gravité de la maladie et par conséquent des éléments pronostic. Les examens sont parfois répétés chez les patients atteints de démence vasculaire, à l’occasion de la survenue d’une aggravation cognitive soudaine ou d’un autre événement neurologique vasculaire. L’IRM est, de loin, la modalité la plus informative tant pour le bilan initial que lors des épisodes neurologiques intercurrents. Elle doit donc être réalisée en première intention s’il n’y a pas de contre-indication. Pour un bilan à froid, le scanner est réservé aux patients ayant une contre-indication à l’IRM, car il est moins sensible dans la détection des différents types de lésions. Le scanner sans injection. On recherche des hypodensités de la substance blanche périventriculaire et profonde (leucoaraïose), pouvant être peu nombreuses ou au contraire disséminées, voire confluentes, en plage. Certaines hypodensités sont parfois difficiles à caractériser au scanner qui ne permet pas la distinction entre les anomalies non spécifiques de la substance blanche et les séquelles de lacune ; des problèmes de diagnostic différentiel avec un simple espace de Virchow-Robin peuvent parfois se poser. Il existe fréquemment en association une atrophie diffuse, parfois à prédominance sous-corticale (élargissement ventriculaire plus marqué que l’élargissement des sillons). Il n’est pas rare de retrouver des séquelles d’événements aigus (accidents ischémiques lacunaires ou plus étendus, hématomes), sous forme d’hypodensités, de zone d’atrophie focalisée ou d’une cavité porencéphalique. En revanche, le scanner est incapable de détecter les microsaignements. L’IRM. Elle permet de distinguer plusieurs types d’anomalies attribuables à la maladie des petites artères, associées entre elles. Les hypersignaux T2 de type vasculaire (anomalie constante). Ce sont des anomalies de signal focales, de petite taille situées dans les régions sous-corticales (mais épargnant souvent le liséré de substance blanche immédiatement collé au cortex) et la substance blanche profonde. Ces hypersignaux peuvent être observés plus rarement au niveau de la fosse postérieure. En séquence Flair, l’hypersignal occupe l’ensemble de la lésion, sans zone centrale d’hyposignal associée. Leur nombre est variable mais souvent élevé.
D. Buthiau, C. de Jaeger Il ne faut pas confondre ces hypersignaux T2 de type vasculaire avec des élargissements des espaces périvasculaires, qui apparaissent en hypersignal T2 mais sans signal en Flair. La leucoaraïose est une anomalie constante. Il s’agit d’hypersignaux T2 de la substance blanche, de topographie périventriculaire et dans la substance blanche profonde (centres ovales, capsules internes). À l’étage de la fosse postérieure, la protubérance peut être atteinte, sous forme d’une plage floue avec parfois un aspect peigné. La taille et le nombre des zones d’hypersignal T2 sont très variables en fonction de la sévérité de la maladie. Lorsque ces hypersignaux sont nombreux, ils se constituent en plages confluentes bilatérales. Les séquelles de lacune sont des anomalies inconstantes. Les localisations sont similaires à celles des hypersignaux de type vasculaire. La différence porte sur les caractéristiques du signal en Flair car la lésion comporte une portion centrale liquidienne pure sans signal, entourée d’une couronne d’hypersignal. Ces anomalies sont en règle peu nombreuses. Elles traduisent d’authentiques séquelles d’accident ischémique constitué lacunaire, dont l’épisode aigu est souvent passé inaperc ¸u. Les lacunes les plus typiques sont situées dans les noyaux gris centraux (thalamus ou noyaux lenticulaires). Elles sont secondaires à l’occlusion d’une artère perforante. Les microsaignements ou microbleeds sont des anomalies inconstantes. Ils ne sont visibles que sur la séquence T2* (écho de gradient), ce qui justifie sa réalisation systématique dans les bilans de syndromes démentiels ou lorsque l’on découvre une maladie des petites artères sur la séquence Flair. Ces microsaignements sont des anomalies punctiformes sans signal T2*, siégeant indifféremment dans la substance blanche ou les noyaux gris centraux. Leur nombre est variable, de l’anomalie unique à la dizaine. Leur présence est un facteur pronostic défavorable, prédisant notamment un risque accru de survenue d’hématome ou d’accident ischémique. Les séquelles d’événements ischémiques ou hémorragiques sont des anomalies inconstantes. L’aspect en imagerie est variable en fonction de la nature de la lésion initiale, de sa topographie et de son étendue. Le point commun de ces séquelles est d’entraîner une perte de substance qui se traduit à l’imagerie par une atrophie localisée : • pour des événements survenus en périphérie du parenchyme, les sillons sont élargis et associés à une zone liquidienne (signal équivalent à celui de LCS, c’est-à-dire hyposignal T1, hypersignal T2, sans signal Flair) en continuité avec les espaces sous-arachnoïdiens ; • pour les événements survenus dans la substance blanche profonde et les noyaux gris centraux, cette zone liquidienne peut constituer une cavité porencéphalique, en continuité avec le liquide intraventriculaire, ou entraîne à des degrés variables un élargissement focal d’une partie des ventricules en regard de la lésion (attrition) ; • les séquelles ischémiques se reconnaissent habituellement par leur topographie, systématisée à un territoire vasculaire connu. Les séquelles hémorragiques sont suspectées lorsque cette topographie fait défaut ou qu’il existe des remaniements en hyposignal T2* en périphérie ou dans la zone pathologique.
Nouvelles imageries en neurologie et applications cliniques
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L’« état criblé » est une anomalie inconstante. Il s’agit de dilatations multiples et de petite taille des espaces de Virchow-Robin dans la région des noyaux lenticulaires apparaissant sous forme d’innombrables hypersignaux T2 inframillimétriques (sans hypersignal en Flair).
La détection de microhémorragies, qui prédisent un risque accru d’hémorragie cérébrale, peut influencer la mise en route éventuelle de traitements à risques hémorragiques donnés pour une autre pathologie en reconsidérant son rapport bénéfice/risque.
Entités clinicoradiologiques
Autres syndromes démentiels : démences fronto-temporale et démence à corps de Lewy [8] Clinique
Certaines spécificités radiologiques peuvent permettre de porter un diagnostic plus précis de forme particulière de démence vasculaire :
Angiopathie amyloïde. Le diagnostic est suspecté à l’imagerie lorsqu’il existe un nombre important de microhémorragies (microbleeds) à l’IRM, intéressant principalement la substance blanche sous-corticale à l’étage sustentoriel, mais pouvant également atteindre le cervelet et le tronc cérébral. Ces patients présentent un risque hémorragique élevé et on peut par conséquent trouver des séquelles d’hématome intraparenchymateux, volontiers de topographie périphérique « lobaire », voire découvrir la maladie à l’occasion de la survenue récente d’un hématome. Cliniquement, il s’agit en grande majorité de patients de plus de 60 ans, pouvant être normotendus alors qu’ils présentent des signes d’atteinte des petits vaisseaux à l’imagerie.
Cerebral autosomal dominant arteriolopathy with subcortical infarcts and leukoencephalopathy (Cadasil). Cette pathologie génétique débute tôt dans la vie (avant 40 ans) mais peut être découverte chez le sujet âgé au stade de démence. Cliniquement, il est retrouvé des antécédents de migraine et d’attaques cérébrales. L’imagerie met en évidence les signes habituels de maladie des petites artères, avec les particularités suivantes : • les plages d’anomalies de signal de la substance blanche intéressent deux régions inhabituelles : les capsules externes et la substance blanche sous-corticale des pôles temporaux ; • les séquelles d’accidents ischémiques constitués multiples d’âge différents sont la règle. Si l’imagerie est réalisée au décours d’un épisode d’aggravation clinique, une ou plusieurs lésions peuvent avoir un signal en diffusion augmenté avec ADC diminué.
Hypertension artérielle. L’atteinte cérébrale attribuée à l’hypertension artérielle suit la sémiologie habituelle de la maladie des petites artères. En revanche, beaucoup d’auteurs s’accordent sur le fait que la terminologie de « maladie de Binswanger » devrait être abandonnée en raison de son imprécision. Dans les comptes rendus radiologiques, on peut substituer ce terme par « maladie des petites artères » qui traduit bien le caractère syndromique des observateurs de l’imagerie, pouvant entrer dans la description de diverses maladies plus spécifiques. Le premier rôle de l’imagerie est de reconnaître le diagnostic, ce qui implique l’exclusion d’une maladie d’Alzheimer, les traitements médicamenteux des deux pathologies pouvant différer. Le diagnostic positif de démence vasculaire conduit à un bilan à la recherche de facteurs de risque, en particulier d’hypertension artérielle, et leur correction. La reconnaissance de séquelles d’événements vasculaires conduit au traitement de prévention secondaire.
Le patient ou son entourage se plaint de troubles de la mémoire et du langage progressifs. Dans la démence frontotemporale, il s’y ajoute un syndrome frontal avec, au premier plan, des troubles de la personnalité et du comportement (apathie, aboulie ou à l’inverse désinhibition). Dans la démence à corps de Lewy, le syndrome démentiel est fluctuant ; il est associé à un syndrome parkinsonien et à des hallucinations visuelles.
Diagnostic positif La réalisation de l’imagerie est recommandée dans le bilan étiologique des syndromes démentiels. En l’absence de contre-indications, l’IRM est préférable en première intention du fait de sa meilleure sensibilité pour détecter les principaux diagnostics différentiels (notamment démences vasculaires) et ses meilleures capacités d’étude de la morphologie cérébrale. Le scanner peut toutefois apporter des renseignements morphologiques, suffisants pour appuyer un diagnostic suspecté cliniquement et à partir des tests neuropsychologiques, lorsque l’IRM est contre-indiquée. Les examens d’imagerie seront parfois complétés par des examens de médecine nucléaire (PET-scan et SPECT). Démence fronto-temporale. Les deux modalités mettent en évidence une atrophie cortico-sous-corticale avec élargissement de sillons et des ventricules, prédominant nettement ou touchant exclusivement les régions frontales et temporales, plus volontiers à leur partie antérieure, et parfois de manière asymétrique. Les données des examens de médecine nucléaire mettent en évidence un hypométabolisme prédominant dans les régions frontales et temporales. Démence à corps de Lewy. Il existe peu de critères formels permettant le diagnostic par l’imagerie de cette entité fréquente (troisième cause de démence). Une atrophie diffuse prédominant en fronto-temporal est notée, avec atteinte hippocampique présente mais en moyenne moins importante que dans la démence de type Alzheimer. Une atteinte mésencéphalique significative notée sur des études morphométriques aurait plus de spécificité, mais celle-ci est difficile à mettre en évidence sur les examens de routine. L’étude en SPECT du transporteur de la dopamine (DATScan) met en évidence une chute de la fixation du striatum dans les démences à corps de Lewy alors que celle-ci reste normale dans la maladie d’Alzheimer. Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement spécifique pour la démence frontotemporale. Les démences à corps de Lewy sont caractérisées par des risques importants liés à l’usage de neuroleptiques, une évolution clinique rapide et la possibilité d’une efficacité des inhibiteurs de la cholinestérase. Le suivi à l’imagerie n’est pas utile mais, en cas d’aggravation brutale, il est justifié de rechercher, par une
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D. Buthiau, C. de Jaeger une vision nouvelle de l’être humain normal (intérêt en physiologie) et pathologique, donnant une précision inégalée à l’imagerie, qui reste toujours au service de la clinique.
Conflit d’intérêt L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt pour cet article.
Références
Figure 30. Fusion scanner-IRM : la lésion du quatrième ventricule (image médiane de la fosse postérieure) est tissulaire, prend le contraste (bien démontré par l’IRM) et apparaît micro-calcifiée (bien démontré par le scanner).
nouvelle imagerie, un événement intercurrent pouvant faire l’objet d’une prise en charge spécifique.
Conclusion [9,10] Les progrès en neuro-imagerie sont spectaculaires et en évolution permanente. Toutes les techniques présentées et leurs extensions non seulement ne sont pas concurrentielles mais peuvent même s’additionner, par exemple dans la fusion d’images (Fig. 30). Ces techniques permettent
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