Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs

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ARTICLE IN PRESS

CND-281; No. of Pages 8

Cahiers de nutrition et de diététique (2015) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

SANTÉ PUBLIQUE

Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs夽 Nutrition and health: Business communication aimed to consumers Patricia Gurviez a,b,∗ a b

UMR 1145 ingénierie procédés aliments, AgroParisTech, INRA, CNAM, 91300 Massy, France AgroParisTech, 1, avenue des Olympiades, 91740 Massy, France

Rec ¸u le 10 mars 2015 ; accepté le 15 avril 2015

MOTS CLÉS Communication ; Comportement du consommateur ; Information nutritionnelle ; PNNS

KEYWORDS Communication; Consumer behaviour; Nutritional information; PNNS

夽 ∗

Résumé Depuis 2001, le Programme national nutrition santé (PNNS) a pour objectif l’amélioration de l’alimentation de la population franc ¸aise, en mettant en œuvre à la fois une politique d’éducation et d’information auprès du grand public, mais aussi des interventions ou des incitations directement à l’égard des entreprises. Ces dernières ont fait évoluer leur communication et leur stratégie de produits pour tenir compte de cette politique publique. Cependant, elles bâtissent leur stratégie d’offre avant tout par rapport à l’évolution de la demande. L’analyse de ces mouvements permet de pointer les apports mais aussi les limites du dispositif actuel. Une recommandation pourrait être de s’appuyer sur le marketing social pour gagner en efficacité par une meilleure compréhension des déterminants des comportements des entreprises et des consommateurs. © 2015 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Since 2001, the National Health and Nutrition Programme (PNNS) aims to improve the diet of the French population, by implementing both a policy of education and information to the general public but also by interventions directly towards companies. These have evolved their communication and product strategy to take account of French public policy. However, they are building their supply strategy primarily in relation to the changing demand of consumers. The analysis of all these movements can show contributions but also the limitations of the current system. A recommendation could be to rely on social marketing to increase efficiency through a better understanding of the determinants of the behaviour of companies and consumers. © 2015 Société franc ¸aise de nutrition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Texte issu d’une conférence de l’auteur dans le cadre des JFN de Bruxelles, décembre 2014. Correspondance. Adresse e-mail : [email protected]

http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005 0007-9960/© 2015 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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P. Gurviez

Introduction Depuis deux décennies, les pouvoirs publics ont pris conscience des risques sanitaires qui pouvaient être induits par des dysfonctionnements dans l’alimentation de la population. Pendant la même période, des crises alimentaires liées à des problèmes sanitaires telles que l’ESB, la dioxine ou à des problèmes de trac ¸abilité et de duperie (le « horsegate ») ont aussi contribué à une progression de la préoccupation de santé dans le grand public. Quant aux entreprises, pendant le même temps, elles ont élaboré des stratégies d’innovation nutritionnelle, en prenant soin de rester dans une démarche d’offre compatible avec les attentes formulées ou sous-jacentes des consommateurs. Dans ce contexte qui comprend des interventions publiques, des initiatives privées et des demandes des consommateurs, il n’est pas toujours aisé de repérer quelle place la nutrition et la santé occupent dans la stratégie et la communication des entreprises agroalimentaires, ni de caractériser dans quelle mesure ces entreprises cherchent à créer de la valeur dans ce domaine pour les consommateurs. Alors que les Cahiers de nutrition et de diététique ont publié en 2011 un bilan des études et résultats observés des PNNS successifs [1], cet article propose en complément d’aborder la question de l’amélioration de l’offre alimentaire en se consacrant à la communication des entreprises en matière de nutrition et de santé auprès des consommateurs. Ces actions sont influencées par deux sources majeures : d’une part, les injonctions et incitations provenant des pouvoirs publics, mais aussi et de manière impérative les informations recueillies par les entreprises quant aux tendances d’achat et de consommation et aux motivations des consommateurs envers leurs choix alimentaires. Une contrainte importante reste, en outre, les verrous technologiques qui peuvent peser sur la mise en œuvre des décisions prises en fonction de ces deux sources d’influence. En conséquence, cet article va rappeler dans une première partie les principales dispositions publiques visant à améliorer l’information des consommateurs, puis observera et analysera les réactions des entreprises à ces dispositions. Dans une deuxième partie, nous présenterons les modes de décision et d’action des entreprises en matière de communication, en insistant sur leur stratégie marketing pour tenir compte de la prééminence de celle-ci dans les industries agroalimentaires. Nous observerons et analyserons ensuite l’évolution de la place de la nutrition santé dans la communication des entreprises en particulier depuis 2001.

Le PNNS et l’amélioration de l’information En 2001, prenant en compte les enjeux de santé publique représentés par les pathologies qui pouvaient impliquer des facteurs nutritionnels (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, etc.), les autorités ont mis en place un dispositif ambitieux et innovant, le premier Programme national nutrition santé (PNNS). Il s’agissait de se doter d’une politique nutritionnelle de santé publique qui perdure à ce jour avec PNNS1, PNNS2 et PNNS3. Ce programme, renouvelé tous les 5 ans, prévoit et met en œuvre des actions favorisant l’éducation et l’information de la population, l’accent sur le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels par le système de santé, un système de surveillance de l’état nutritionnel de la population, le développement de la recherche en nutrition humaine [2].

Le PNNS a ainsi été un outil de diffusion d’un paradigme qui relie causalement l’alimentation, les nutriments et la santé, comme l’indique son intitulé même. De manière additionnelle, il a été néanmoins reconnu que l’information ou même l’éducation du consommateur ne pouvaient seules conduire à une amélioration des comportements alimentaires [3]. Les PNNS successifs ont ainsi également compris un volet d’action sur l’offre alimentaire qui a pu être plus difficile à mettre en œuvre de par ses conséquences pour les opérateurs économiques que sont les entreprises. Au final, le dispositif du PNNS établit un lien direct entre l’offre alimentaire et l’amélioration de la santé. Il cherche à influencer les choix alimentaires par la mesure réglementant la publicité pour les produits alimentaires afin d’améliorer l’information des consommateurs et de diminuer la pression publicitaire sur la cible enfants. Il vise également à encourager l’initiative privée en élaborant les chartes d’engagements volontaires de progrès nutritionnel mais en encadrant les entreprises qui voudraient communiquer sur leur engagement.

Les mesures qui s’imposent aux entreprises agroalimentaires Partant du constat que les choix alimentaires dépendent de facteurs individuels mais aussi de facteurs environnementaux dans lesquels la publicité peut jouer un rôle important, les pouvoirs publics ont décidé en 2004 d’instaurer une mesure réglementant la diffusion des communications publicitaires en faveur de certaines boissons et des produits alimentaires manufacturés [3]. Cette disposition réglementaire vient en complément des dispositifs européens relatifs à l’étiquetage des denrées alimentaires préemballées applicable à partir du 1er janvier 2015 et aux allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires depuis 2008. La loi de 2004 a prévu, à partir du 27 février 2007, l’obligation pour les produits alimentaires manufacturés et les boissons avec ajouts de sucres, sel, édulcorants de synthèse, de porter dans leur communication média (TV, radio, presse, cinéma, affichage) et hors média (dépliants distribution et Internet) un bandeau sanitaire. Les mentions qui doivent être apposées sont de plusieurs ordres, ce qui a donné lieu à 4 contenus différents qui doivent être présents de manière égale : • « Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour » ; • « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ; • « Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas » ; • « Pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière ».

Les mesures incitatives pour promouvoir une amélioration de l’offre alimentaire Dès le premier PNNS, il est apparu que les actions pour une meilleure information nutritionnelle du consommateur ne pouvaient suffire à améliorer les comportements alimentaires. En conséquence, un autre axe important a été d’agir sur l’amélioration de l’offre alimentaire, en mettant en place dans le PNNS2 le dispositif des chartes d’engagement volontaires de progrès nutritionnel afin d’agir sur la qualité générale des aliments mis sur le marché. La « philosophie » de ce dispositif peut être illustrée par l’exemple indiqué par

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs Martin et al. [3, p. 530] : « quand un individu, informé par ailleurs sur les questions de nutrition, décide d’acheter et consommer un aliment particulier (par exemple des chips), il est préférable, du point de vue de la santé, que la composition nutritionnelle du produit soit la plus satisfaisante possible. . . pour reprendre l’exemple, que les chips choisies par l’acheteur soient les moins grasses et les moins salées possible tout en demeurant des chips satisfaisant l’exigence gustative du consommateur ». Un référentieltype a été établi, qui permet à l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire (entreprises individuelles de la production, de la transformation, de la distribution et de la restauration aussi bien que syndicats interprofessionnels) de se positionner quant aux critères requis pour proposer leur candidature à un collège multidisciplinaire d’experts publics qui l’examine avant de statuer. Ces critères portent sur des améliorations nutritionnelles significatives et quantitatives d’au moins 2/3 en volume ou en chiffre d’affaires des produits « engagés » (seuil ramené à la moitié pour les PME), avec la possibilité de présenter des engagements complémentaires tels que les actions auprès des employés, l’aide à la recherche, le parrainage. En matière de communication, l’acteur économique dont le dossier est validé et signé bénéficie ensuite du droit d’utiliser la phrase type « entreprise engagée dans une démarche nutritionnelle encouragée par l’État (PNNS) ».

Quel bilan dresser des actions menées par les entreprises au regard de ces dispositions ? Efficacité des bandeaux sanitaires Concernant l’obligation d’apposer un bandeau INPES sur tout type de communication publicitaire, les entreprises avaient le choix entre apposer ces bandeaux ou à défaut verser 1,5 % de leurs investissements bruts annuels pour la promotion des produits. Dans la plupart des cas, elles ont choisi le bandeau et l’ont appliqué en respectant le dispositif formel prévu (texte, durée, format, etc.). Plus largement, en ce qui concerne les diffuseurs et les annonceurs, la charte « visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision », dite charte alimentaire, a été signée le 18 février 2009, pour une durée de cinq ans, par les grands acteurs du secteur audiovisuel (dont 17 chaînes regroupant l’audience la plus significative), le ministre de la Santé et des Sports, le ministre de la Culture et de la Communication et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). En novembre 2013, les professionnels signaient à nouveau avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel une charte pour promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé, prolongeant ainsi les engagements précédents. En 2014, la Recommandation ARPP « Comportements alimentaires » a été complétée. Conformément à l’engagement repris dans la nouvelle charte pour la publicité des produits alimentaires diffusée à la télévision, 8 mois de publicités diffusées en 2013 ont été examinés. Parmi les 186 700 publicités sélectionnées, 5600 présentaient des comportements alimentaires. Treize manquements ont été relevés, la majeure partie étant diffusée sur internet : • neuf concernent des scènes de consommation excessive (taille de la portion démesurée, consommation qui se répète à l’excès, incitation à consommer le plus possible pour augmenter ses chances de gain) ;

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• quatre visent des scènes où les individus consomment des produits alimentaires en regardant la télévision [4]. On constate donc, du côté de la plupart des acteurs économiques, une volonté de faire figurer les bandeaux dans les communications publicitaires et de mettre en place des codes d’autorégulation qui visent à promouvoir des règles de bonne conduite. Ceci peut caractériser une politique défensive de l’industrie agroalimentaire : un respect affiché des règles de bonne conduite pour inciter les pouvoirs publics à ne pas durcir la réglementation en vigueur. Globalement, les annonceurs et les diffuseurs ont cependant accepté les règles imposées. Cependant, l’efficacité des messages commence à être remise en question. Au bout de sept années de diffusion, sont-ils encore vus et lus par les consommateurs ? On sait que l’efficacité des campagnes publicitaires augmente dans un premier temps avec la répétition, puis diminue dans le temps (phénomènes d’habituation, voire de lassitude, qui peuvent entraîner une indifférence, voire une résistance). Des enquêtes menées juste après le début de la campagne avaient montré une bonne reconnaissance ainsi qu’une bonne mémorisation pour les bandeaux les plus simples, mais un impact plus nuancé sur les décisions d’achat et de consommation. Faut-il, comme certains le demandent [5], désormais durcir le dispositif et limiter l’accès à la télévision en fonction des profils nutritionnels ? La question épineuse de la diffusion des spots TV à l’attention des enfants n’a pas encore été réglée : si la plupart des annonceurs et diffuseurs respectent l’interdiction des spots au moment des émissions qui ciblent les enfants, il est pour l’instant tout-à-fait possible de diffuser des spots portant sur des produits destinés aux enfants à des heures de grande écoute, pendant lesquelles toutes les tranches d’âge sont susceptibles de regarder l’écran. Faut-il aller plus loin dans l’interdiction, comme l’ont fait certains pays européens, Royaume-Uni notamment, ou bien continuer à favoriser l’autorégulation des professionnels ? Le débat est toujours en cours, car les causes de l’obésité infantile sont multifactorielles. Si des corrélations peuvent être établies entre publicité et consommation alimentaire, entre publicité et IMC, le niveau de preuves d’un effet direct reste discuté [6]. Il existe néanmoins un consensus, en ce qui concerne l’obésité infantile, sur un effet modeste de la publicité alimentaire sur les préférences, les connaissances nutritionnelles et les comportements alimentaires, mais d’autres facteurs d’influence comme le comportement alimentaire des parents, la pression des pairs ou le niveau d’activité physique jouent un rôle important dans le développement de cette obésité [7].

Bilan des incitations à signer les chartes d’engagement Le dispositif mis en place pour inciter les entreprises à participer activement à l’amélioration de l’offre alimentaire a réussi, dans une certaine mesure, à mobiliser les entreprises en faveur d’une amélioration globale de la qualité nutritionnelle de l’offre. En témoigne le nombre de chartes signées depuis 2008, qui représentent chacune un travail en amont important des entreprises pour monter le dossier d’évaluation (Tableau 1). Sur les trois premières années, 23 chartes ont été signées. Cependant, à partir de 2011, le nombre de chartes signées diminue sur la durée, puisqu’en 2014, les 2 chartes signées correspondent à un nouvel entrant et à un renouvellement.

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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P. Gurviez Tableau 1 Évolution d’engagements.

des

signatures

de

chartes

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

T

9

3

11

5

3

6

2

39

Ministère de la Santé.

Même si le bilan est au final limité dans sa portée au regard du nombre d’entreprises alimentaires en France, le dispositif des chartes permet de mettre en œuvre une amélioration nutritionnelle, complémentaire à celle qui est supposée procéder d’une demande induite par une meilleure information (objectif des mesures relatives à la publicité). Cette complémentarité élargit le champ d’action pour une amélioration générale de l’offre alimentaire. En particulier, elle permet de contourner des effets contre-productifs constatés dans certains travaux entre l’information sur une meilleure composition nutritionnelle et les choix des consommateurs [8]. En effet, dans le domaine alimentaire, le critère goût est tellement prépondérant qu’il peut rendre inopérante l’information nutritionnelle si celle-ci est perc ¸ue comme entraînant une baisse de goût (par exemple, pour les charcuteries et les fromages). Les engagements volontaires ont offert l’opportunité, pour des entreprises engagées dans une démarche de progrès, d’une prise en compte accrue des intérêts de leurs parties prenantes (démarche RSE), ainsi que d’une formalisation de leurs efforts par la signature d’une charte. Cette signature a pu être valorisée en interne, auprès des salariés, ainsi qu’auprès des partenaires fournisseurs ou clients. Elle n’a pas forcément entraîné une communication vers les consommateurs, d’une part, pour éviter les effets contre-productifs cités plus haut et éviter un risque commercial en cas de désaffection, d’autre part, en raison des restrictions imposées par le dispositif quant à la communication : seule la mention d’une phrase « entreprise (ou marque) engagée dans une démarche de progrès nutritionnel encouragé par l’État (PNNS) » est autorisée sur les supports de communication institutionnelle, interne, grand public, supports commerciaux en lien direct avec les produits concernés. En effet, l’État ne souhaite pas intervenir dans le jeu concurrentiel en laissant les entreprises signataires se prévaloir de manière exagérée de leur engagement, ce qui pourrait conduire à une distorsion de la concurrence entre les entreprises signataires et les autres. D’autre part, la communication de cet engagement pourrait induire des consommateurs en erreur par le biais d’un effet de halo, comme l’ont montré certains travaux américains [9]. La phrase autorisée est donc volontairement assez neutre, ce qui n’incite pas forcément les entreprises à valoriser leur action en l’incluant dans leur communication auprès du grand public. La contribution des chartes d’engagements volontaires de progrès nutritionnel à l’atteinte des objectifs PNNS2 a été montrée par les travaux de l’OQALI, dont le suivi des observations permet d’indiquer que les engagements sont souvent significatifs, même si les effets sur la consommation totale restent modérés, du fait du faible taux de couverture du marché par le nombre d’entreprises engagées dans la démarche [10]. Des avancées significatives sur la réduction en teneur de sodium ont ainsi été observées, d’abord sur les marques nationales, puis sur les références des marques distributeurs et hard-discount, même si elles sont encore insuffisantes pour atteindre les objectifs en

termes de reformulation de l’offre. Il faut aussi souligner, sur la base de ces travaux, deux avancées positives : la baisse d’apports affecte les populations les plus à risque (forts consommateurs) et touche globalement toute la population, y compris les tranches les plus défavorisées. Il existe donc bien un effet, même s’il est modeste. Il reste cependant crucial d’élargir le nombre d’entreprises signataires, alors que la tendance semble être plutôt à la baisse ou au maintien d’un nombre finalement assez faible des candidatures à la signature de chartes. L’ensemble des incitations ont donc en partie eu un effet sur l’amélioration de l’alimentation en France, en jouant à la fois sur l’offre et sur la demande. Mais pour comprendre les freins à ce que les entreprises s’engagent plus massivement dans cette démarche, il faut sans doute se pencher sur les mécanismes à la base de leurs stratégies de marché et de communication. La partie suivante va donc s’intéresser au mode de décision et d’action des entreprises concernant leur offre et sa valorisation par la communication aux consommateurs.

La stratégie des entreprises pour une amélioration de l’offre alimentaire L’importance de l’avantage concurrentiel La connaissance des déterminants des choix d’achat et de consommation constitue le fondement même de la stratégie marketing des entreprises agroalimentaires. La prise en compte des tendances et des mutations de la consommation ainsi que les attentes des parties prenantes aboutissent à la mise au point d’une stratégie d’offre et des éléments de communication de cette offre auprès du public cible. La stratégie d’offre s’appuie sur la collaboration entre la R&D et le marketing, en tenant compte des autres variables financières et réglementaires. Dans le cas des produits alimentaires, c’est bien souvent le marketing qui, à partir de l’étude des insatisfactions, des besoins, de l’évolution de la demande des consommateurs et de celle de l’offre globale sur le marché, détermine un positionnement et une cible. Le positionnement décrit ce qu’est l’offre, quelle est sa promesse pour la cible et en quoi cette offre est distinctive par rapport à la concurrence. C’est le positionnement qui permet d’identifier l’offre, de l’ancrer dans une catégorie de produits, de bénéfices et qui décrit en quoi l’offre se distingue des produits concurrents de par ses éléments tangibles et intangibles. Le positionnement est fondamentalement un travail sur la définition de l’offre ; on l’évalue souvent suivant trois critères : son attractivité pour la cible, correspondant aux attentes exprimées ou latentes que l’on a analysées préalablement ; sa crédibilité quant à l’ensemble des promesses portées par la communication ; sa différenciation, autrement dit l’avantage concurrentiel qu’il procure à l’entreprise par la valeur supérieure perc ¸ue par la cible, cette valeur pouvant s’exprimer par des éléments tangibles (moins de sel, par exemple) ou intangibles (contributeur du bien-être). Cet avantage concurrentiel est le facteur clé des décisions prises par les entreprises : dans un univers aussi concurrentiel que celui de l’offre alimentaire dans les pays développés, cet avantage doit offrir des chances de réussir sur le marché, alors que le contexte des marchés de grande consommation conduit à retirer en moyenne un nouveau produit sur deux au bout de deux ans, faute d’avoir convaincu un segment rentable.

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs Avant les années 2000, la nutrition restait surtout une préoccupation pour les spécialistes de la santé. La communication nutritionnelle des industries agroalimentaires concernait principalement la communication vis-à-vis des prescripteurs. Mais l’observation des insatisfactions et de la montée de la préoccupation liant la santé et l’alimentation dans la population a ensuite amené les entreprises à s’intéresser de manière accrue à l’aspect nutritionnel de leur offre et à communiquer directement vers le grand public. Dans un article de 2008, Gomez citait le PDG de Nestlé de l’époque, Peter Brabeck, indiquant que la division nutrition de Nestlé serait l’un des moteurs essentiels de la croissance future de Nestlé. « Elle transforme de simples denrées vulnérables à la concurrence des distributeurs sous marque privée (les MDD) en produits élaborés qui se vendent à bon prix » [11]. Cette approche marketing a ainsi conduit, au cours des années 1990 et surtout 2000, à une prolifération d’innovations dans le domaine de la nutrition et en particulier à une croissance exponentielle du marché des aliments dits fonctionnels, ayant un effet bénéfique, au-delà des effets nutritionnels habituels, sur une ou plusieurs fonctions-cibles dans l’organisme et participant à l’amélioration de la santé et du bien-être ou réduisant le risque de maladie [11]. En France, l’exemple d’Actimel, lancé en 1997, est symptomatique de ce phénomène et reste à ce jour le prototype d’un aliment avec une promesse fonctionnelle ayant réussi sur son marché, quelles que soient les réserves qui ont été émises sur les fondements scientifiques de cette promesse. Dans l’optique d’accroître leur avantage concurrentiel, les entreprises vont chercher à communiquer une promesse unique à travers tous les moyens de communication à leur disposition : le packaging, les différentes formes de publicité, leur site internet, etc. pour parvenir à se distinguer de leurs concurrents dans l’esprit des consommateurs. Contrairement à la vision des économistes classiques d’une concurrence idéale pure et parfaite, l’objectif des entreprises est en permanence de communiquer aux consommateurs des raisons de préférer leur offre, parce qu’elle est plus saine, de meilleure qualité, ou encore moins chère, en se centrant donc sur les bénéfices exprimés ou latents qui vont déterminer les choix de consommation. Il s’agit de gagner un avantage sur la concurrence. L’objectif de toute communication commerciale est de promettre une valeur perc ¸ue supérieure de l’expérience de consommation que son offre va procurer au consommateur. En effet, selon l’approche du marketing expérientiel, ce n’est ni le produit ni la marque qui génèrent de la valeur mais, dans le cas de l’offre alimentaire, l’expérience de consommation, autrement dit l’interaction entre un individu et un aliment. Dans cette perspective, la recherche en marketing a cherché à construire une typologie des valeurs de consommation [12]. Un certain consensus s’établit sur l’importance de deux dimensions. La première dimension renvoie à l’orientation vers soi ou vers autrui. Par exemple, le refus d’acheter des gâteaux avec un emballage individuel source de déchets polluants renvoie à une orientation vers autrui. En revanche, manger une pomme au gouter correspond à une orientation vers soi. La deuxième dimension est liée au caractère intrinsèque ou extrinsèque de la valeur de consommation. Là-encore, savourer un fruit qu’on aime procure une valeur intrinsèque. À l’inverse, la valeur est extrinsèque lorsque l’expérience de consommation est un moyen pour atteindre une finalité, par exemple manger un produit light pour maigrir. Ces dimensions permettent

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Tableau 2 Typologie de la valeur perc ¸ue pour le consommateur. Caractère intrinsèque

Caractère extrinsèque

Orientation vers soi

Valeur hédonique Exemple : la fraise, archétype du dessert de saison

Orientation vers autrui

Valeur éthique, spirituelle Exemple : ne pas consommer de viande pour des raisons éthiques ou religieuses

Valeur fonctionnelle Exemple : cuisiner des brocolis pour leur apport en fibres Valeur liée au social Exemple : acheter local pour sauvegarder les emplois de sa région

de construire quatre grands types de valeur perc ¸ue par le consommateur au travers de son expérience de consommation : valeur fonctionnelle, valeur hédonique, valeur éthique, spirituelle et valeur liée au social (Tableau 2). La consommation alimentaire dépasse donc largement le cadre d’une consommation qui ne serait que de nature fonctionnelle (répondre à un besoin primaire). En plus d’être fonctionnelles, les activités de consommation (ou expériences) peuvent être de nature symbolique, sociale, hédonique. Le choix d’un aliment ne peut se résumer à son aspect nutritionnel dont le bénéfice serait fonctionnel : il va comprendre des notions de plaisir, d’esthétique, voire de jeu (le plaisir de manger un hamburger avec les doigts), des attentes éthiques (revendiquées lors de l’achat de produits issus du commerce équitable), etc. Bien que chaque consommateur traduise individuellement son expérience personnelle en valeur perc ¸ue, la connaissance agrégée des cibles permet aux entreprises de décider quelle valeur leur communication va toucher principalement, parce qu’elle paraît pertinente, pour croiser le positionnement de l’offre avec les attentes des consommateurs. Les entreprises vont déterminer comment leur cible construit la valeur de sa consommation et comment elles peuvent y contribuer. Ce sont ces éléments qui vont être communiqués pour persuader. Pour analyser la place que tient la nutrition dans la communication des entreprises agroalimentaires, il est important de connaître ces approches qui éclairent la recherche de l’adéquation avec les attentes de la cible en termes d’expérience de consommation.

Évolution de la valeur communiquée en fonction des attentes des consommateurs En tenant compte de ces modes de décisions et d’actions des entreprises, on peut analyser l’évolution de la communication du secteur. En 2000, pour 43 % des Franc ¸ais interrogés, les deux priorités de recherche et d’innovation pour l’alimentation devaient correspondre à « des produits plus sains, de meilleure qualité nutritionnelle » (INCA 2000). Cette tendance de fond s’appuyait sur la prise de conscience des liens entre l’alimentation et la santé et était favorisée par la perception d’un lien distendu entre le mangeur et les produits alimentaires industrialisés, caractérisés par Fischler comme les Objets comestibles non identifiés [13]. Face à cette

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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tendance, et avec la montée en puissance de la politique informationnelle mise en place dans PNNS1, les entreprises agroalimentaires ont alors considéré que l’axe stratégique « alimentation/nutrition/santé » allait représenter un fort potentiel de croissance et ont en conséquence réalisé de forts investissements en R&D et en communication sur ces sujets. Au niveau mondial, en 2008, plus de 39 % des innovations alimentaires (vs 28,4 % en moyenne entre 1998—2002) ont été positionnées et valorisées sur cet axe, comprenant des offres « santé » et « forme » [14]. Le seul axe de la santé est passé de 16,2 % des innovations en 2004 à 25,8 % des innovations en 2008 (celui de la forme était de 13,3 % en 2008). Dans la même période 2004/2008, l’axe « plaisir », qui reste de manière pérenne le premier axe d’innovation alimentaire passait de 46,6 % à 42 %. Jusqu’en 2008, les entreprises ont considérablement innové et communiqué sur la santé, privilégiant l’axe « nutrition/santé » par rapport à l’axe « plaisir » (souvent associé à des produits gourmands). Les années 2000 ont ainsi connu un développement important de produits « avec », revendiquant leur richesse en nutriments actifs positifs, notamment dans l’ultra-frais, les corps gras, les boissons et les produits céréaliers. Cet accent mis sur l’alimentation-santé s’est accompagné d’une valorisation communicationnelle par le biais d’allégations mettant en avant des bénéfices, sans qu’il y ait nécessairement une adéquation scientifique reconnue entre les propriétés des nutriments et les bénéfices promis. Ces allégations ont bénéficié d’une forte pression publicitaire et d’une mise en avant sur les packagings des produits, dans le but de communiquer un avantage concurrentiel en rapport avec les investissements R&D et marketing des entreprises. De nombreuses critiques se sont alors élevées de la part des associations de consommateurs et des spécialistes de la nutrition et de la santé, concernant le bien-fondé de ces allégations et des interrogations sur les preuves scientifiques de leur efficacité. Dans ce contexte, l’Union européenne a adopté en 2006 le règlement concernant l’utilisation des allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, avec des règles fondées sur les profils nutritionnels et l’exigence de preuves scientifiques. L’objectif du règlement était de protéger la santé et les droits des consommateurs en évitant les informations fausses, trompeuses ou non avérées scientifiquement. Le règlement est entré en vigueur progressivement en 2008 et 2009 avec les dispositions d’exécution relatives aux demandes d’autorisation d’allégations. Pour beaucoup d’entreprises, ces dispositions ont été jugées très complexes, très lourdes, très longues et surtout très hasardeuses. Beaucoup de dossiers ont été rejetés, du coup, certaines entreprises ont abandonné leurs démarches d’autorisation. Au final, le boom de l’alimentation-santé adossée à des allégations a été considérablement réduit en Europe. D’autant plus que dans le même temps, de nombreuses sources se sont émues de la montée de la cacophonie produite dans l’esprit des consommateurs par la multiplicité des intervenants sur la nutrition [15]. Face à de multiples discours parfois contradictoires, perc ¸us comme trop complexes, confus et difficiles à comprendre, certains consommateurs ont sans doute eu tendance à décrédibiliser le discours nutritionnel, surtout s’il venait des marques. En effet, le non-traitement de l’information est l’une des manières, consciente ou inconsciente, de faire face à un ensemble informationnel trop complexe [16]. Ce mécanisme psychologique est à replacer dans le contexte culturel franc ¸ais où l’alimentation reste une source de plaisir et de

convivialité, décrit par de nombreux observateurs comme très différent du contexte anglosaxon de culture nutritionnelle, beaucoup plus favorable à une vision de l’alimentation définie comme individualiste et responsable de sa santé [17]. La crise du pouvoir d’achat qui a marqué les années récentes a également modifié les attentes. Les Franc ¸ais, touchés par la crise, doivent restreindre leurs achats et vont pour certains compenser les contraintes financières quotidiennes par des « achats-plaisir » accessibles financièrement, portant sur des produits gourmands de marque [18]. Le durcissement des dispositions réglementaire quant à la communication des allégations, la montée de la méfiance des consommateurs (seulement 76 % des Franc ¸ais se déclarent confiants dans la qualité des produits alimentaires en 2014, —8 points par rapport à 2012 [19]) et la pression économique sur les dépenses des ménages engendrée par la crise à partir de 2008 ont eu pour conséquences d’amener les entreprises à reconsidérer leur stratégie d’offre. Dès 2012, la santé ne représentait plus que 22,1 % des innovations mondiales alors que 52,5 % d’entre elles s’affichaient sur l’axe plaisir. En outre, dans l’axe santé, on assiste à une forte croissance des innovations portant sur la naturalité, en lien avec la montée des attentes sur cette dimension qui n’est pas définie réglementairement. Lors de la dernière vague d’enquête XTC/TNS Sofres à l’occasion du SIAL 2014, la santé ne représente plus qu’un lancement sur 5, la forme (dans ses composantes de minceur et d’allégés) a diminué de moitié en 10 ans (6,7 %) et l’axe plaisir correspond à plus d’une innovation sur 2 (55,4 %). La logique de communication des entreprises, au-delà des incitations publiques, reste bien avant tout de s’appuyer sur les tendances de consommation pour développer et communiquer un avantage concurrentiel qui se traduise par un gain de parts de marché ou de marge. Au final, si on observe aujourd’hui les communications publicitaires du secteur, plusieurs axes stratégiques peuvent être distingués en référence à la nutrition et à la santé. L’axe 1 est celui de la segmentation avec allégation nutritionnelle liée à la marque. C’est le seul axe clairement porteur d’une valeur fonctionnelle pour le consommateur. Bien souvent, il s’agit d’une offre correspondant à une niche qui répond à une cible précise en demande d’une solution à un problème de santé. Le prix souvent élevé par rapport à un produit standard est accepté par la cible, ce qui rentabilise le budget et le temps nécessaires pour obtenir l’allégation. C’est, par exemple, le cas des margarines avec allégations qui participent à la réduction du taux du mauvais cholestérol. Le bénéfice recherché par le consommateur au travers de sa consommation est clairement orienté vers une valeur fonctionnelle, dans un contexte de maladie chronique. L’axe 2 regroupe les produits destinés à une cible large et qui sont naturellement riches en certains nutriments qu’on retrouve dans les listes positives. Cela permet de communiquer de manière positive sur la santé (et non plus sur la réduction du risque) et d’adopter une approche facilitatrice d’un équilibre alimentaire amélioré (les fibres pour les céréales, les oméga 3 pour certains corps gras). Bien que proposant un bénéfice nutritionnel, la communication va plutôt mettre l’accent sur l’aspect hédonique de l’expérience de la consommation, qui procure du bien-être. Les deux axes suivants sont des stratégies qui tiennent compte de la difficulté désormais à alléguer et qui développent des stratégies qu’on pourrait qualifier « d’opportunistes ».

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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L’axe 3 est apparu à la suite du durcissement des conditions d’allégation. Il se manifeste par un mécanisme « à rebours » qui part de la liste positive et amène à enrichir des produits avec le nutriment qui permet l’allégation. Ainsi, les oméga 3 ou le calcium sont souvent ajoutés dans des produits afin d’obtenir une caution nutritionnelle. Malgré l’intérêt nutritionnel qu’ils peuvent avoir, ces produits contribuent en définitive à la banalisation des nutriments et à la cacophonie nutritionnelle. Certains consommateurs auront beaucoup de mal à donner un sens à ces produits dans lesquels se juxtaposent des nutriments qui ne correspondent pas avec la représentation traditionnelle qu’ils en ont, l’exemple le plus frappant étant la supplémentation en calcium des jus d’orange. L’axe 4 pourrait être appelé l’axe « post-allégation ». Pour certaines marques qui ont acquis précédemment un statut de marque offrant un avantage santé par leur pression publicitaire forte, il n’est plus nécessaire de porter d’allégation. Ces marques vont chercher à s’adresser à un mode de décision plus heuristique qu’analytique ou informationnel chez le consommateur et jouer de leur proximité avec la santé acquise plus tôt pour véhiculer un bénéfice santé de manière implicite au sein d’une communication plutôt hédonique. Ainsi, telle eau minérale communique sur sa richesse naturelle en magnésium dans sa publicité et sur son packaging mais utilise son site internet pour parler de la facilitation du transit. De nouveau, la valeur fonctionnelle vient plutôt en réassurance, mais n’est pas au cœur de la proposition de valeur. Enfin, l’axe 5 concerne principalement les marques critiquées pour leur mauvaise composition nutritionnelle, des produits qui peuvent être trop gras, trop sucrés ou trop salés. Avec la demande pour une alimentation plaisir revenue en force, elles répondent aux critiques en communiquant avant tout sur le plaisir décomplexé qu’éprouve le consommateur à les consommer, en valorisant la dimension hédonique de l’expérience de consommation. Une autre variante observée est celle de produits qui mettent en avant la valeur sociale et environnementale que leur consommation peut apporter aux consommateurs, même si leur apport nutritionnel n’est pas équilibré. En définitive, on voit que la communication sur la santé n’est plus l’axe majeur pour les entreprises. Elles prennent ainsi en compte l’évolution de la demande. Pour certaines cibles très particulières, la nutrition reste un axe majeur de leur alimentation. Mais pour une large part des consommateurs, les études montrent un renouvellement des attentes [19]. Ces nouvelles tendances orientent la communication et l’innovation alimentaires. Proposer un produit sain est presque devenu un prérequis et ne justifie pas qu’on mette l’accent là-dessus dans la communication, car cela ne représente un avantage concurrentiel que pour certaines cibles très mobilisées sur la santé. Les consommateurs attendent de plus en plus des produits leur apportant du plaisir (valeur hédonique) et la fonctionnalité se traduit désormais beaucoup par des attentes de praticité [18]. La valeur sociale s’exprime aussi par des attentes en termes de respect de l’environnement, des ressources, des individus. Ainsi, 83,6 % des foyers interrogés en 2014 déclarent acheter souvent ou de temps en temps un produit alimentaire de consommation courante parce qu’il est fabriqué en France.

amélioration de l’offre nutritionnelle. Les PNNS successifs ont permis une meilleure information et prise de conscience, par les messages de prévention en propre ainsi que par les bandeaux INPES accompagnant chaque publicité. Cependant, on constate que l’information nutritionnelle n’est pas forcément prise en compte par les consommateurs. Dans la culture franc ¸aise, l’alimentation reste un moment de plaisir et de partage. Elle est plus envisagée sous un angle holistique que décomposée en termes d’apports nutritionnels. Cette culture est d’ailleurs créditée comme un des éléments qui permet à l’obésité d’être moindre dans notre pays que chez certains de nos voisins. La cacophonie de l’information nutritionnelle et la crise du pouvoir d’achat ont fait évoluer la demande alimentaire. Au final, peut-être lassée d’un discours nutritionnel qui introduisait une certaine dissonance avec les représentations sociales de l’alimentation, une partie non négligeable des consommateurs a tendance à considérer que la dimension saine de l’offre alimentaire est un prérequis. Ils vont privilégier d’autres éléments constitutifs de la valeur perc ¸ue de l’alimentation, qui constituent autant d’axes de communication pour les entreprises : la gourmandise, mais aussi l’engagement social et environnemental, à travers les notions de durabilité, de terroir et de local. Les problèmes de santé liés à l’alimentation ne sont pas pour autant résolus. Les pouvoirs publics et les entreprises doivent continuer conjointement à œuvrer pour une amélioration de l’offre alimentaire touchant toute la population. Les dispositifs sont probablement à repenser pour une plus grande efficacité. Afin de tenir compte de la pression concurrentielle qui s’impose aux entreprises, une piste pourrait être d’encourager les accords de filière, qui permettraient d’améliorer collectivement la qualité nutritionnelle de l’offre sans perturber l’équilibre économique. Par ailleurs, le marketing est encore peu utilisé en termes d’interventions publiques. Pourtant, tout un courant de marketing social s’est développé depuis les années 1970, qui vise à utiliser les méthodes du marketing pour la planification et la promotion des changements sociaux [20]. Alors que le marketing traditionnel est partie prenante des actions des entreprises, le marketing social est orienté vers les décisions publiques et la contribution au bien-être des populations. L’intégration du marketing social dans le dispositif d’aide à la décision des pouvoirs publics, à côté de la nutrition et de l’économie, est susceptible d’apporter des informations pour mieux comprendre les leviers d’action sur les consommateurs [21]. En ce qui concerne l’information, il serait opportun d’intégrer les résultats de recherches montrant l’intérêt de dispositifs interactifs favorisant l’engagement des individus [22]. Concernant la participation active des entreprises, le dispositif des chartes d’engagements volontaires du PNNS a obtenu des résultats relatifs mais semble marquer le pas. Les modalités incitatives ont été jusqu’à présent faibles, avec des possibilités de communication de cet engagement auprès du public très restreintes. Cette communication ne doit en effet pas inciter les consommateurs à faire des choix erronés. Mais il est temps de réfléchir à des dispositifs plus coopératifs de toutes les parties prenantes pour améliorer l’offre alimentaire. Ils passent sans doute par une compréhension accrue des mécanismes de décision de l’ensemble des parties prenantes, depuis la production jusqu’à la consommation.

Conclusion

Déclaration d’intérêts

L’appropriation par les consommateurs de l’importance de l’alimentation pour leur santé reste l’élément clé pour une

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005

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Pour citer cet article : Gurviez P. Nutrition et santé : la communication des entreprises auprès des consommateurs. Cahiers de nutrition et de diététique (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.cnd.2015.04.005